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6 février 2017 1 06 /02 /février /2017 20:57

Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante,c'est que nous ne les avons pas compris."

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 11 février 2017).

En bas de page, vous avez désormais les versions vidéo des commentaires, trouvées sur KTO TV.

LECTURE DU LIVRE DE BEN SIRA LE SAGE   15, 15-20

 

15          Si tu le veux, tu peux obs­er­ver les com­man­de­ments,                
              il dé­pend de ton choix de res­ter fi­dè­le.
16          Le Sei­gneur a mis de­vant toi l'eau et le feu :                 
              étends la main vers ce que tu pré­fè­res.
17          La vie et la mort sont pro­po­sées aux hom­mes,  
              l'une ou l'autre leur est don­née se­lon leur choix.
18          Car la sa­ges­se du Sei­gneur est gran­de,              
              fort est son pouvoir, et il voit tout.
19          Ses re­gards sont tour­nés vers ceux qui le crai­gnent,                 
              il connaît tou­tes les ac­tions des hom­mes.
20          Il n'a com­man­dé à per­son­ne d'être im­pie,                     
              il n'a donné à per­son­ne la per­mission de pé­cher.

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                Ben Si­ra le Sa­ge nous pro­po­se ici une ré­flexion sur la li­ber­té de l’homme ; el­le tient en trois points : premiè­re­ment, le mal est ex­té­rieur à l’homme ; deuxiè­me­ment l’homme est li­bre, li­bre de choi­sir de fai­re le mal ou le bien ; troi­siè­me­ment, choi­sir le bien, c’est aus­si choi­sir le bon­heur.

            Pre­miè­re­ment, le mal est ex­té­rieur à l’homme ; ce­la re­vient à di­re que le mal ne fait pas par­tie de no­tre na­ture, ce qui est dé­jà une gran­de nou­vel­le ; car si le mal fai­sait par­tie de no­tre na­ture, il n’y au­rait au­cun es­poir de sa­lut, nous ne pour­rions ja­mais nous en dé­bar­ras­ser. C’était la concep­tion des Ba­by­lo­niens par exem­ple ; au contrai­re la Bi­ble est beau­coup plus op­ti­mis­te, el­le af­fir­me que le mal est ex­té­rieur à l’homme ; Dieu n’a pas fait le mal et ce n’est pas lui qui nous y pous­se. Il n’est donc pas res­pon­sa­ble du mal que nous com­met­tons ; c’est le sens du der­nier ver­set que nous ve­nons d’entendre : « Dieu n’a com­man­dé à per­son­ne d’être im­pie, il n’a per­mis à per­son­ne de pé­cher ». Et quel­ques ver­sets avant ceux d’aujourd’hui, Ben Si­ra é­crit : « Ne dis pas, c’est à cau­se du Sei­gneur que je me suis écar­té... Ne dis pas le Sei­gneur m’a éga­ré ».

            Si Dieu avait fait d’Adam un être mé­lan­gé, en par­tie bon en par­tie mau­vais, com­me l’imaginaient les Babylo­niens, le mal fe­rait par­tie de no­tre na­ture. Mais Dieu n’est qu’amour, et le mal lui est to­ta­le­ment étran­ger. Et le ré­cit de la chu­te d’Adam et Eve, au li­vre de la Ge­nè­se, a été écrit jus­te­ment pour fai­re com­pren­dre que le mal est ex­té­rieur à l’homme puisqu’il est in­tro­duit par le ser­pent ; et il se ré­pand dans le mon­de à par­tir du mo­ment où l’homme a com­men­cé à se mé­fier de Dieu.

            On re­tro­u­ve la mê­me af­fir­ma­tion dans la let­tre de saint Jac­ques : « Que nul, quand il est ten­té, ne dise ‘Ma ten­ta­tion vient de Dieu’. Car Dieu ne peut être ten­té de fai­re le mal et il ne ten­te per­son­ne. » Au­tre­ment dit, le mal est to­ta­le­ment étran­ger à Dieu, il ne peut pous­ser à le com­met­tre. Et saint Jac­ques conti­nue : « Cha­cun est ten­té par sa pro­pre convoi­ti­se, qui l’entraîne et le sé­duit. » (Jc 1, 13-17).

            Deuxiè­me af­fir­ma­tion de ce tex­te : l’homme est li­bre, li­bre de choi­sir le mal ou le bien : cet­te certitude n’a été ac­qui­se que len­te­ment par le peu­ple d’Israël, et pour­tant, là en­co­re, la Bi­ble est for­mel­le. Dieu a fait l’homme libre. Pour que cet­te cer­ti­tu­de se dé­ve­lop­pe en Is­raël, il a fal­lu que le peu­ple ex­pé­ri­men­te l’action li­bé­ra­tri­ce de Dieu à cha­que éta­pe de son his­toi­re, à com­men­cer par l’expérience de la li­bé­ra­tion d’Égypte. Tou­te la foi d’Israël est née de son ex­pé­rien­ce his­to­ri­que : Dieu est son li­bé­ra­teur ; et pe­tit à pe­tit on a com­pris que ce qui est vrai aujourd’hui l’était dé­jà lors de la créa­tion, donc on en a dé­duit que Dieu a créé l’homme libre.

            Et il fau­dra bien que nous ap­pre­nions à conci­lier ces deux cer­ti­tu­des bi­bli­ques : à sa­voir que Dieu est tout-puis­sant et que, pour­tant, fa­ce à lui l’homme est li­bre. Et c’est par­ce que l’homme est li­bre de choi­sir, qu’on peut par­ler de pé­ché : la no­tion mê­me de pé­ché sup­po­se la li­ber­té ; si nous n’étions pas li­bres, nos er­reurs ne pour­raient pas s’appeler des pé­chés.

            Peut-être, pour pé­né­trer un peu dans ce mys­tè­re, faut-il nous rap­pe­ler que la tou­te-puis­san­ce de Dieu est cel­le de l’amour : nous le sa­vons bien, seul l’amour vrai veut l’autre li­bre.

          Pour gui­der l’homme dans ses choix, Dieu lui a don­né sa Loi ; ce­la de­vrait donc être sim­ple. Et le li­vre du Deu­té­ro­no­me y in­sis­te : « Oui, ce com­man­de­ment que je te don­ne aujourd’hui n’est pas trop dif­fi­ci­le pour toi, il n’est pas hors d’atteinte. Il n’est pas au ciel : on di­rait alors ‘Qui va, pour nous, mon­ter au ciel nous le cher­cher, et nous le fai­re en­ten­dre pour que nous le met­tions en pra­ti­que ?’ Il n’est pas non plus au-de­là des mers ; on di­rait alors : ‘Qui va, pour nous, pas­ser ou­tre-mer nous le cher­cher, et nous le fai­re en­ten­dre pour que nous le met­tions en pra­ti­que ?’ Oui, la pa­ro­le est tou­te pro­che de toi, el­le est dans ta bou­che et dans ton cœur, pour que tu la met­tes en pra­ti­que. » (Dt 30, 11-14).

          Troi­siè­me affirmation de Ben Si­ra aujourd’hui : choi­sir le bien, c’est choi­sir le bon­heur. Je re­prends le tex­te : « La vie et la mort sont pro­po­sées aux hom­mes, l’une ou l’autre leur est don­née se­lon leur choix... Le Sei­gneur a mis de­vant toi l’eau et le feu, étends la main vers ce que tu pré­fè­res ». Pour le di­re au­tre­ment, c’est dans la fi­dé­li­té à Dieu que l’homme trou­ve le vrai bon­heur. S’éloigner de lui, c’est, tôt ou tard, fai­re no­tre pro­pre mal­heur. On dit de ma­niè­re ima­gée que l’homme se trou­ve en per­ma­nen­ce à un car­re­four : deux che­mins s’ouvrent de­vant lui (dans la Bi­ble, on dit deux « voies »). Une voie mè­ne à la lu­miè­re, à la joie, à la vie ; bien­heu­reux ceux qui l’empruntent. L’autre est une voie de nuit, de té­nè­bres et, en dé­fi­ni­ti­ve n’apporte que tri­stes­se et mort. Bien mal­heu­reux sont ceux qui s’y four­voient. Là en­co­re on ne peut pas s’empêcher de pen­ser au ré­cit de la chu­te d’Adam et Eve. Leur mau­vais choix les a en­traî­nés sur la mau­vai­se voie.

          Ce thè­me des deux voies est très sou­vent dé­ve­lop­pé dans la Bi­ble : dans le li­vre du Deu­té­ro­no­me, particuliè­re­ment ; « Vois, je mets aujourd’hui de­vant toi la vie et le bon­heur, la mort et le mal­heur, moi qui te com­man­de aujourd’hui d’aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de sui­vre ses che­mins, de gar­der ses com­man­de­ments, ses Lois et ses cou­tu­mes... Tu choi­si­ras la vie pour que tu vi­ves, toi et ta des­cen­dan­ce, en ai­mant le SEIGNEUR ton Dieu, en écou­tant sa voix et en t’attachant à lui. » (Dt 30, 15...20).

           D’après le thème des deux voies, nous ne som­mes ja­mais dé­fi­ni­ti­ve­ment pri­son­niers, mê­me après des mau­vais choix, puisqu’il est toujours possible de rebrousser chemin. Par le Bap­tê­me, nous avons été gref­fés sur Jé­sus-Christ, qui, à cha­que in­stant, nous don­ne la for­ce de choi­sir à nou­veau la bon­ne voie : c’est bien pour ce­la qu’on l’appelle le Ré­demp­teur, ce qui veut di­re le « Li­bé­ra­teur ». Ben Sira dis­ait « Il dé­pend de ton choix de res­ter fi­dè­le ». Bap­ti­sés, nous pouvons ajou­ter « avec la for­ce de Jé­sus-Christ ».

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PSAU­ME  118 (119)

 

1          Heu­reux les  hommes in­tè­gres dans leurs voies       
         qui mar­chent sui­vant la Loi du SEI­GNEUR !
2       Heu­reux ceux qui gar­dent ses exi­gen­ces,     
         ils le cher­chent de tout cœur !

 4       Toi, tu pro­mul­gues des pré­cep­tes     
         à obs­er­ver en­tiè­re­ment.
5       Puis­sent mes voies s'affermir
         à obs­er­ver tes com­man­de­ments !

17     Sois bon pour ton ser­vi­teur, et je vi­vrai,       
         j'observerai ta pa­ro­le.
18     Ouvre mes yeux        
         que je contem­ple les mer­veilles de ta Loi.

33     Enseigne-moi, SEI­GNEUR, le che­min de tes or­dres :        
         à les gar­der, j'aurai ma ré­com­pen­se.
34     Montre-moi com­ment gar­der ta Loi,
         que je l'observe de tout cœur.

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               Ce psau­me fait par­fai­te­ment écho à la pre­miè­re lec­ture ti­rée de Ben Si­ra : c’est la mê­me mé­di­ta­tion qui conti­nue ; l’idée qui est dé­ve­lop­pée (de fa­çon dif­fé­ren­te, bien sûr, mais très co­hé­ren­te), dans ces deux tex­tes, c’est que l’humanité ne trou­ve son bon­heur que dans la confian­ce en Dieu et l’obéissance à ses com­man­de­ments. Le mal­heur et la mort com­men­cent pour l’homme dès qu’il s’écarte de la voie de la confian­ce tran­quille. Lais­ser en­trer en nous le soupçon sur Dieu et sur ses com­man­de­ments et du coup n’en fai­re qu’à sa tê­te, si j’ose di­re, c’est s’engager sur un mau­vais che­min, une voie sans is­sue. C’est tout le problème d’Adam et Ève dans le récit de la chu­te au Pa­ra­dis ter­res­tre.

               Et nous re­trou­vons bien i­ci en fi­li­gra­ne le thè­me des deux voies dont nous avions par­lé au su­jet de la pre­miè­re lec­ture : si on en croit Ben Sira, nous som­mes de per­pé­tuels voya­geurs obli­gés de vé­ri­fier no­tre che­min... Bien­heu­reux par­mi nous ceux qui ont trou­vé la bon­ne rou­te ! Car des deux voies, des deux rou­tes qui s’ouvrent en per­ma­nen­ce de­vant nous, l’une mè­ne au bon­heur, l’autre mè­ne au mal­heur.

               Et le bon­heur, d’après ce psau­me, c’est tout sim­ple ; la bon­ne rou­te, pour un croyant, c’est tout sim­ple­ment de sui­vre la Loi de Dieu : « Heu­reux les hom­mes in­tè­gres en leurs voies qui mar­chent sui­vant la Loi du SEIGNEUR ! » Le croyant con­naît la dou­ceur de vi­vre dans la fi­dé­li­té aux com­man­de­ments de Dieu, voi­là ce que veut nous di­re ce psau­me.

               Il est le plus long du psau­tier et les quel­ques ver­sets re­te­nus aujourd’hui, n’en sont qu’une tou­te pe­ti­te par­tie, l’équivalent d’une seu­le strophe. En ré­a­li­té, il com­por­te cent soixante-seize ver­sets, c’est-à-di­re vingt-deux strophes de huit ver­sets. Vingt-deux... huit... ces chif­fres ne sont pas dus au ha­sard.

               Pour­quoi vingt-deux strophes ? Par­ce qu’il y a vingt-deux let­tres dans l’alphabet hé­breu : cha­que ver­set de cha­que strophe com­men­ce par une mê­me let­tre et les strophes se sui­vent dans l’ordre de l’alphabet : en littérature, on par­le « d’acrostiche », mais ici, il ne s’agit pas d’une prou­es­se lit­té­rai­re, d’une per­for­man­ce ! Il s’agit d’une vé­ri­ta­ble pro­fes­sion de foi : ce psau­me est un poè­me en l’honneur de la Loi, une mé­di­ta­tion sur ce don de Dieu qu’est la Loi, les com­man­de­ments, si vous pré­fé­rez. D’ailleurs, plus que de psau­me, on fe­rait mieux de par­ler de li­ta­nie ! Une li­ta­nie en l’honneur de la Loi ! Voi­là qui nous est pas­sa­ble­ment étran­ger.

            Car une des ca­rac­té­ris­ti­ques de la Bi­ble, un peu éton­nan­te pour nous, c’est le ré­el amour de la Loi qui habite le croyant bi­bli­que. Les com­man­de­ments ne sont pas su­bis com­me une do­mi­na­tion que Dieu exer­ce­rait sur nous, mais comme des conseils, les seuls conseils va­la­bles pour me­ner une vie heu­reu­se.1 « Heu­reux les hommes in­tè­gres en leurs voies qui mar­chent sui­vant la Loi du SEI­GNEUR ! » Quand l’homme bi­bli­que dit cet­te phra­se, il la pen­se de tout son cœur.

            Ce n’est pas ma­gi­que, évi­dem­ment : des hom­mes fi­dè­les à la Loi peu­vent ren­con­trer tou­te sor­te de malheurs au cours de leur vie, mais, dans ces cas tra­gi­ques, le croyant sait que, seul le che­min de la confian­ce en Dieu peut lui don­ner la paix de l’âme.

            Et, non seu­le­ment la Loi n’est pas sub­ie com­me une do­mi­na­tion, mais elle est reçue com­me un ca­deau que Dieu fait à son peu­ple, le met­tant en gar­de contre tou­tes les faus­ses rou­tes ; el­le est l’expression de la sollicitu­de du Pè­re pour ses en­fants ; tout com­me nous, par­fois, nous met­tons en gar­de un en­fant, un ami contre ce qui nous pa­raît être dan­ge­reux pour lui. On dit que Dieu « don­ne » sa Loi et el­le est bien consi­dé­rée com­me un « cadeau ». Car Dieu ne s’est pas conten­té de li­bé­rer son peu­ple de la ser­vi­tu­de en Égyp­te ; lais­sé à lui-mê­me, Israël ris­quait de re­tom­ber dans d’autres esclavages pi­res en­co­re, peut-être. En don­nant sa Loi, Dieu don­nait en quel­que sor­te le mo­de d’emploi de la li­ber­té. La Loi est donc l’expression de l’amour de Dieu pour son peu­ple.

            Il faut di­re qu’on n’a pas at­ten­du le Nou­veau Tes­ta­ment pour dé­cou­vrir que Dieu est Amour et que finalement la Loi n’a pas d’autre but que de nous me­ner sur le che­min de l’amour. Tou­te la Bi­ble est l’histoire de l’apprentissage du peu­ple élu à l’école de l’amour et de la vie fra­ter­nel­le. Le li­vre du Deutéro­no­me dis­ait : « Écou­te Is­raël, le SEI­GNEUR ton Dieu est le SEI­GNEUR UN ; tu ai­me­ras le SEI­GNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de tou­te ta for­ce ». (Dt 6, 4). Et le li­vre du Lé­vi­ti­que enchaînait : « Tu ai­me­ras ton pro­chain com­me toi-même » (Lv 19, 18). Et, un peu plus tard, Jé­sus rap­pro­chant ces deux com­man­de­ments, a pu di­re qu’ils étaient le ré­su­mé de la Loi jui­ve.

            Je re­viens à cet­te cu­rieu­se « Béa­ti­tu­de » du pre­mier ver­set de ce psau­me : « Heu­reux l’homme qui suit la Loi du SEIGNEUR » : le mot « heu­reux », nous avons dé­jà ap­pris à le tra­dui­re par l’expression « En mar­che » ; on pour­rait par exem­ple tra­dui­re ce pre­mier ver­set : « Mar­che avec confian­ce, toi, l’homme qui obs­er­ves la Loi du SEIGNEUR ». Et l’homme bi­bli­que est tel­le­ment per­sua­dé qu’il y va de sa vie et de son bon­heur que cet­te li­ta­nie dont je par­lais tout à l’heure est en fait une priè­re. Après les trois pre­miers ver­sets qui sont des af­fir­ma­tions sur le bon­heur des hom­mes fi­dè­les à la Loi, les cent soixante-treize au­tres ver­sets s’adressent di­rec­te­ment à Dieu dans un sty­le tan­tôt con­tem­pla­tif, tan­tôt sup­pliant du gen­re : « Ou­vre mes yeux, que je contem­ple les mer­veilles de ta Loi. » Et la li­ta­nie conti­nue, ré­pé­tant sans ar­rêt les mê­mes for­mu­les ou pres­que : par exem­ple, en hé­breu, dans cha­que strophe, re­vien­nent huit mots tou­jours les mê­mes pour dé­cri­re la Loi. Seuls les amou­reux osent ain­si se répé­ter sans ris­quer de se las­ser.

            Huit mots tou­jours les mê­mes et aus­si huit ver­sets dans cha­cu­ne des vingt-deux strophes : le chif­fre huit, dans la Bi­ble, est le chif­fre de la nou­vel­le Créa­tion2 : la pre­miè­re Créa­tion a été fai­te par Dieu en sept jours, donc le hui­tiè­me jour se­ra ce­lui de la Créa­tion re­nou­ve­lée, des « cieux nou­veaux et de la ter­re nou­vel­le », se­lon une autre ex­pres­sion bi­bli­que. Cel­le-ci pour­ra sur­gir en­fin quand tou­te l’humanité vi­vra se­lon la Loi de Dieu, c’est-à-di­re dans l’amour puis­que c’est la mê­me cho­se !

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Note

1 – En hébreu, le mot traduit ici par « enseigner » est de la même racine que le mot « Loi »
2 – Voici d’autres éléments de la symbolique du chiffre huit :
          - il y avait qua­tre cou­ples hu­mains (8 per­son­nes) dans l’Arche de Noé
         - la Ré­sur­rec­tion du Christ s’est produite le di­man­che qui était à la fois le premier et le hui­tiè­me jour de la semaine.
   C’est pour cette raison que les bap­tis­tè­res des pre­miers siè­cles étaient sou­vent oc­to­go­naux ; en­co­re aujourd’hui nos rencontrons de nombreux clo­chers oc­to­go­naux.

Complément

- Voici les huit mots du vocabulaire de la Loi ; ils sont considérés comme sy­no­ny­mes : com­man­de­ments, Loi, Promes­se, Pa­ro­le, Ju­ge­ments, Dé­crets, Pré­cep­tes, Té­moi­gna­ges. Ils disent les fa­cet­tes de l’amour de Dieu qui se don­ne dans sa Loi                            
   « com­man­de­ments » : ordonner, com­man­der                      

   « Loi » : vient d’une ra­ci­ne qui ne veut pas di­re « pres­cri­re », mais « en­sei­gner » : el­le en­sei­gne la voie pour al­ler à Dieu. C’est une pé­da­go­gie, un ac­com­pa­gne­ment que Dieu nous pro­po­se, c’est un ca­deau.         
   « Pa­ro­le » : la Pa­ro­le de Dieu est tou­jours créa­tri­ce, pa­ro­le d’amour : « Il dit et ce­la fut » (Ge­nè­se 1). Nous savons bien que « je t’aime » est une pa­ro­le créa­tri­ce !                   
   « Pro­mes­se » : La Pa­ro­le de Dieu est tou­jours pro­mes­se, fi­dé­li­té               
   « Ju­ger » : trai­ter avec jus­ti­ce           
   « Dé­crets » : du ver­be « gra­ver » : les pa­ro­les gra­vées dans la pier­re (Ta­bles de la Loi)    
   « Pré­cep­tes » : ce que tu nous as confié                   
   « Té­moi­gna­ges » : de la fi­dé­li­té de Dieu.

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LECTURE DE LA PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS  2, 6 - 10

À cause du format plus réduit de l’émission sur KTO, j’ai été obligée de modifier sensiblement mon commentaire.
Ci-dessous, j’ai reproduit  le nouveau commentaire  (KTO) et laissé l’ancien commentaire à la suite


      

         Frères,
6       c’est bien de sagesse que nous parlons
         devant ceux qui sont adultes dans la foi,
         mais ce n’est pas la sagesse de ce monde,
         la sagesse de ceux qui dirigent ce monde
         et qui vont à leur destruction.
7       Au contraire, ce dont nous parlons,
         c’est de la sagesse du mystère de Dieu,
         sagesse tenue cachée,
         établie par lui dès avant les siècles,
         pour nous donner la gloire.
8       Aucun de ceux qui dirigent ce monde ne l’a connue,
         car, s’ils l’avaient connue,
         ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire.
9       Mais ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Écriture :
         « ce que l’œil n’a pas vu,
 ce que l’oreille n’a pas entendu,

         ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme,

         ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. »
10     Et c’est à nous que Dieu, par l’Esprit, en a fait la révélation.
         Car l’Esprit scrute le fond de toutes choses,
         même les profondeurs de Dieu.

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Nouveau commentaire

L’in­sis­tan­ce de Paul sur le mot « sa­ges­se » nous sur­prend peut-être, mais n’oublions pas qu’il s’adresse aux Corinthiens, c’est-à-di­re à des Grecs pour qui la sa­ges­se est la ver­tu la plus pré­cieu­se.

Et il oppose la sa­ges­se du mon­de, l’esprit du mon­de, et la sa­ges­se de Dieu. Et, d’après lui, les deux sont totalement contra­dic­toi­res ! À nous de choi­sir, donc : vi­vre no­tre vie se­lon la sa­ges­se du mon­de, l’esprit du mon­de, ou se­lon la sa­ges­se de Dieu. Nous re­tro­u­vons là le thè­me des deux voies : l’homme est pla­cé au car­re­four de deux rou­tes et il est li­bre de choi­sir son che­min ; une voie mè­ne à la vie, à la lu­miè­re, au bon­heur ; l’autre s’enfonce dans la nuit, la mort, et n’offre en dé­fi­ni­ti­ve que de faus­ses joies. Précisons tout de suite que, lorsque Paul parle de vie et de mort, il ne parle pas de la vie biologique mais de la vie spirituelle.

Mais la voie qui mène au bonheur, nous ne pouvons pas la trouver tout seuls. C’est pour cela que Paul parle de « Sa­ges­se te­nue ca­chée ».

Voi­ci ce que dit le li­vre du Deu­té­ro­no­me : « Au SEI­GNEUR no­tre Dieu sont les cho­ses ca­chées, mais les cho­ses ré­vé­lées sont pour nous et nos fils à ja­mais, afin que nous mettions en pra­ti­que tou­tes les pa­ro­les de cet­te Loi. » (Dt 29,28). Ce qui veut di­re : Dieu connaît tou­tes cho­ses, mais nous, nous ne connais­sons que ce qu’il a bien vou­lu nous ré­vé­ler, à com­men­cer par la Loi qui est la clé de tout le res­te.

Ce­la nous ren­voie en­co­re une fois au ré­cit du pa­ra­dis ter­res­tre : le li­vre de la Ge­nè­se ra­con­te que dans le jar­din d’Éden, il y avait tou­te sor­te d’arbres, et, parmi eux, deux ar­bres par­ti­cu­liers : l’un, situé au mi­lieu du jar­din était l’arbre de vie ; et l’autre à un en­droit non pré­ci­sé s’appelait l’arbre de la connais­san­ce de ce qui rend heureux ou malheureux. Adam avait le droit de pren­dre du fruit de l’arbre de vie, seul le fruit de l’arbre de la connais­san­ce était in­ter­dit. Ma­niè­re ima­gée de di­re que l’homme ne peut pas tout connaî­tre et qu’il doit ac­cep­ter cet­te li­mi­te : « Au SEI­GNEUR no­tre Dieu (sous-en­ten­du et à lui seul) sont les cho­ses ca­chées » dit le Deu­té­ro­no­me. En re­van­che, la To­rah, la Loi, qui est l’arbre de vie, est confiée à l’homme : pra­ti­quer la Loi, c’est se nour­rir jour après jour de ce qui nous fe­ra vi­vre.

Je reviens sur cette formule : « Sa­ges­se te­nue ca­chée, pré­vue par lui dès avant les siè­cles... ». Paul in­sis­te plusieurs fois dans ses let­tres sur le fait que le projet de Dieu est pré­vu de tou­te éter­ni­té : il n’y a pas eu de change­ment de pro­gram­me, si j’ose di­re. Par­fois nous nous re­pré­sen­tons le dé­rou­le­ment du pro­jet de Dieu com­me s’il avait dû chan­ger d’avis en fonc­tion de la condui­te de l’humanité. Par exem­ple, nous ima­gi­nons que, dans un pre­mier temps, ac­te 1 si vous vou­lez, Dieu a créé le mon­de et que tout était par­fait jusqu’au jour où, ac­te 2, Adam a com­mis la fau­te : et alors pour ré­pa­rer, ac­te 3, Dieu au­rait ima­gi­né d’envoyer son Fils. Contre cet­te concep­tion, Paul dé­ve­lop­pe dans plu­sieurs de ses let­tres cet­te idée que le rô­le de Jé­sus-Christ est pré­vu de tou­te éter­ni­té et que le des­sein de Dieu pré­cè­de tou­te l’histoire hu­mai­ne.

Et ce dessein de Dieu est magnifique : « Ce dont nous parlons, c’est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. »

« Pour nous don­ner la gloi­re » : la gloi­re, nor­ma­le­ment, c’est un at­tri­but de Dieu et de lui seul.  No­tre vo­ca­tion ultime, c’est donc de par­ti­ci­per à la gloi­re de Dieu. Le pro­jet de Dieu, c’est de nous ré­u­nir tous en­sem­ble en Jé­sus Christ et de nous fai­re par­ti­ci­per à la gloi­re de la Tri­ni­té.

« Ce que nous pro­cla­mons, c’est, comme dit l’Écriture, « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. »

L’expression « comme dit l’Écriture » renvoie à une phra­se du prop­hè­te Isaïe : « Ja­mais on n’a en­ten­du, ja­mais on n’a ouï-di­re, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. » (Is 64, 3). El­le dit l’émerveillement du croyant bi­bli­que gra­ti­fié de la Ré­vé­la­tion des mys­tè­res de Dieu.

Res­te la fin de la phra­se « Ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé » : y aurait-il donc des privilégiés et des exclus ? Y aurait-il des gens pour qui cela n’était pas pré­pa­ré ? Bien sûr que non : le pro­jet de Dieu, son dessein bien­veillant est évi­dem­ment pour tous ; mais ne peu­vent y par­ti­ci­per que ceux qui ont le cœur ou­vert. Et de no­tre cœur, nous som­mes seuls maî­tres. D’une cer­tai­ne ma­niè­re, c’est le saut dans la foi qui est dit là. Le mystè­re du des­sein de Dieu ne s’ouvre que pour les pe­tits. Comme le disait Jésus, « Dieu l’a ca­ché aux sa­ges et aux sa­vants, et il l’a ré­vé­lé aux tout-pe­tits ». Nous voi­là tout-à-fait ras­su­rés : tout-pe­tits, nous le som­mes, il suf­fit de le re­con­naî­tre.

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Ancien commentaire

Di­man­che der­nier, la let­tre de Paul op­po­sait dé­jà sa­ges­se hu­mai­ne et sa­ges­se de Dieu : « Vo­tre foi, disait-il, ne repo­se pas sur la sa­ges­se des hom­mes mais sur la puis­san­ce de Dieu. » Et il in­sis­tait pour di­re que le mys­tè­re du Christ n’a rien à voir avec nos rai­son­ne­ments hu­mains : aux yeux des hom­mes, l’évangile ne peut que pas­ser pour une fo­lie : et sont considérés comme insensés ceux qui mis­ent leur vie des­sus. Soit dit en pas­sant, cet­te in­sis­tan­ce sur le mot « sa­ges­se » nous sur­prend peut-être, mais Paul s’adresse aux Co­rin­thiens, c’est-à-di­re à des Grecs pour qui la sa­ges­se est la ver­tu la plus pré­cieu­se.

Aujourd’hui, Paul pour­suit dans la mê­me li­gne : oui, la pro­cla­ma­tion du mys­tè­re de Dieu est peut-être une fo­lie aux yeux du mon­de, mais il s’agit d’une sa­ges­se com­bien plus hau­te, la sa­ges­se de Dieu. « C’est bien une sa­ges­se que nous pro­cla­mons de­vant ceux qui sont adul­tes dans la foi mais ce n’est pas la sa­ges­se de ce mon­de... Au  contrai­re, nous pro­cla­mons la sa­ges­se du mys­tè­re de Dieu... »

À nous de choi­sir, donc : vi­vre no­tre vie se­lon la sa­ges­se du mon­de, l’esprit du mon­de, ou se­lon la sa­ges­se de Dieu. Les deux ont bien l’air to­ta­le­ment contra­dic­toi­res ! Nous re­tro­u­vons là le thè­me des au­tres lec­tures de ce diman­che : la pre­miè­re lec­ture ti­rée du livre de Ben Sira et le psaume 118/119 dé­ve­lop­paient tous les deux, cha­cun à sa ma­niè­re, ce qu’on ap­pel­le le thè­me des deux voies : l’homme est pla­cé au car­re­four de deux rou­tes et il est libre de choi­sir son che­min ; une voie mè­ne à la vie, à la lu­miè­re, au bon­heur ; l’autre s’enfonce dans la nuit, la mort, et n’offre en dé­fi­ni­ti­ve que de faus­ses joies.

« Sa­ges­se te­nue ca­chée » : une des gran­des af­fir­ma­tions de la Bi­ble est que l’homme ne peut pas tout comprendre du mys­tè­re de la vie et de la Créa­tion, et en­co­re moins du mys­tè­re de Dieu lui-mê­me. Cet­te li­mi­te fait par­tie de no­tre être mê­me.

Voi­ci ce que dit le li­vre du Deu­té­ro­no­me : « Au SEI­GNEUR no­tre Dieu sont les cho­ses ca­chées, et les cho­ses ré­vé­lées sont pour nous et nos fils à ja­mais, pour que soient mis­es en pra­ti­que tou­tes les pa­ro­les de cet­te Loi. » (Dt 29, 28). Ce qui veut di­re : Dieu connaît tou­tes cho­ses, mais nous, nous ne connais­sons que ce qu’il a bien vou­lu nous ré­vé­ler, à com­men­cer par la Loi qui est la clé de tout le res­te.

Ce­la nous ren­voie en­co­re une fois au ré­cit du pa­ra­dis ter­res­tre : le li­vre de la Ge­nè­se ra­con­te que dans le jar­din d’Éden, il y avait tou­te sor­te d’arbres « d’aspect at­trayant et bon à man­ger ; et il y avait aus­si deux ar­bres particuliers : l’un, situé au mi­lieu du jar­din était l’arbre de vie ; et l’autre à un en­droit non pré­ci­sé s’appelait l’arbre de la connais­san­ce de ce qui rend heureux ou malheureux. Adam avait le droit de pren­dre du fruit de l’arbre de vie, c’était mê­me re­com­man­dé puis­que Dieu avait dit « Tu pour­ras man­ger de tout ar­bre du jar­din... sauf un ». Seul le fruit de l’arbre de la connais­san­ce était in­ter­dit. Ma­niè­re ima­gée de di­re que l’homme ne peut pas tout connaî­tre et qu’il doit ac­cep­ter cet­te li­mi­te : « Au SEI­GNEUR no­tre Dieu (sous-en­ten­du et à lui seul) sont les cho­ses ca­chées » dit le Deu­té­ro­no­me. En re­van­che, la To­rah, la Loi, qui est l’arbre de vie, est confiée à l’homme : pra­ti­quer la Loi, c’est se nour­rir jour après jour de ce qui nous fe­ra vi­vre.

Je reviens sur cette formule : « Sa­ges­se te­nue ca­chée, pré­vue par lui dès avant les siè­cles... ». Paul in­sis­te plusieurs fois dans ses let­tres sur le fait que le projet de Dieu est pré­vu de tou­te éter­ni­té : il n’y a pas eu de change­ment de pro­gram­me, si j’ose di­re. Par­fois nous nous re­pré­sen­tons le dé­rou­le­ment du pro­jet de Dieu com­me s’il avait dû chan­ger d’avis en fonc­tion de la condui­te de l’humanité. Par exem­ple, nous ima­gi­nons que, dans un pre­mier temps, ac­te 1 si vous vou­lez, Dieu a créé le mon­de et que tout était par­fait jusqu’au jour où, ac­te 2, Adam a com­mis la fau­te : et alors pour ré­pa­rer, ac­te 3, Dieu au­rait ima­gi­né d’envoyer son Fils. Contre cet­te concep­tion, Paul dé­ve­lop­pe dans plu­sieurs de ses let­tres cet­te idée que le rô­le de Jé­sus-Christ est pré­vu de tou­te éter­ni­té et que le des­sein de Dieu pré­cè­de tou­te l’histoire hu­mai­ne.

Par exem­ple, je vous rap­pel­le la très belle phra­se de la let­tre aux Éphésiens : « Dieu nous a fait connaî­tre le mystè­re de sa vo­lon­té, le des­sein bienveillant qu’il a d’avance ar­rê­té en lui-mê­me pour me­ner les temps à leur accom­plis­se­ment, ré­u­nir l’univers en­tier sous un seul chef (une seu­le tê­te), le Christ. » (Ep 1, 9-10). Ou bien, dans la let­tre aux Ro­mains, Paul dit « J’annonce l’évangile en prê­chant Jé­sus-Christ, se­lon la Ré­vé­la­tion d’un mys­tè­re gar­dé dans le si­len­ce du­rant des temps éter­nels, mais main­te­nant ma­ni­fes­té et por­té à la connais­san­ce de tous les peu­ples païens... » (Rm 16, 25-26).

« Pour nous don­ner la gloi­re » : la gloi­re, nor­ma­le­ment, c’est un at­tri­but de Dieu et de lui seul.  No­tre vo­ca­tion ultime, c’est donc de par­ti­ci­per à la gloi­re de Dieu. Cet­te ex­pres­sion est, pour Paul, une au­tre ma­niè­re de nous di­re le des­sein bienveillant : le pro­jet de Dieu, c’est de nous ré­u­nir tous en­sem­ble en Jé­sus-Christ et de nous fai­re partici­per à la gloi­re de la Tri­ni­té.

« Ce que nous pro­cla­mons, c’est, com­me dit l’Écriture, ce que per­son­ne n’avait vu de ses yeux, ni en­ten­du de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas ima­gi­né, ce qui avait été pré­pa­ré pour ceux qui ai­ment Dieu ». L’expression « com­me dit l’Écriture » ren­voie à une phra­se du prop­hè­te Isaïe : « Ja­mais on n’a en­ten­du, ja­mais on n’a ouï-di­re, ja­mais l’œil n’a vu qu’un dieu, toi ex­cep­té, ait agi pour qui comp­tait sur lui. » (Is 64, 3). El­le dit l’émerveillement du croyant bi­bli­que gra­ti­fié de la Ré­vé­la­tion des mys­tè­res de Dieu.

Res­te la fin de la phra­se « Ce qui avait été pré­pa­ré pour ceux qui ai­ment Dieu » : y aurait-il donc des privilégiés et des exclus ? Y aurait-il des gens pour qui cela n’était pas pré­pa­ré ? Bien sûr que non : le pro­jet de Dieu, son dessein bien­veillant est évi­dem­ment pour tous ; mais ne peu­vent y par­ti­ci­per que ceux qui ont le cœur ou­vert. Et de no­tre cœur, nous som­mes seuls maî­tres. D’une cer­tai­ne ma­niè­re, c’est le saut dans la foi qui est dit là. Le mystè­re du des­sein de Dieu ne s’ouvre que pour les pe­tits. Com­me le disait Jé­sus, « Dieu l’a ca­ché aux sa­ges et aux sa­vants, et il l’a ré­vé­lé aux tout-pe­tits ». Nous voi­là tout-à-fait ras­su­rés : tout-pe­tits, nous le som­mes, il suf­fit de le re­con­naî­tre.

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ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU   5, 17-37

 

       En ce temps-là,
       Jésus disait à ses disciples 
17   « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes :
       je ne suis pas venu abolir, mais accomplir.
18   Amen, je vous le dis :
       Avant que le ciel et la terre disparaissent,
       pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi
       jusqu’à ce que tout se réalise.
19   Donc, celui qui rejettera
       un seul de ces plus petits commandements,
       et qui enseignera aux hommes à faire ainsi,
       sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux.
       Mais celui qui les observera et les enseignera,
       celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux.
20   Je vous le dis en effet :
       Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens,
       vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux.
21   Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens :
       Tu ne commettras pas de meurtre,
       et si quelqu’un commet un meurtre,

       il devra passer en jugement.
22   Eh bien ! moi, je vous dis :
       Tout homme qui se met en colère contre son frère
       devra passer en jugement.
       Si quelqu’un insulte son frère,
       il devra passer devant le tribunal.
       Si quelqu’un le traite de fou,
       il sera passible de la géhenne de feu.
23   Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel,
       si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi,
24   laisse ton offrande, là, devant l’autel,
       va d’abord te réconcilier avec ton frère,
       et ensuite viens présenter ton offrande.
25   Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire
       pendant que tu es en chemin avec lui,
       pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge,
       le juge au garde,
       et qu’on ne te jette en prison.
26   Amen, je te le dis :
       tu n’en sortiras pas
       avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou.
27   Vous avez appris qu’il a été dit :
       Tu ne commettras pas d’adultère.
28   Eh bien ! moi, je vous dis :

       Tout homme qui regarde une femme avec convoitise
       a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur.
29   Si ton œil droit entraîne ta chute,
       arrache-le et jette-le loin de toi,
       car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres
       que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne.
30   Et si ta main droite entraîne ta chute,
       coupe-la et jette-la loin de toi,
       car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres
       que d’avoir ton corps tout entier qui s’en aille dans la géhenne.
31   Il a été dit également :
       Si quelqu’un renvoie sa femme,
       qu’il lui donne un acte de répudiation.

32   Eh bien ! moi, je vous dis :

       Tout homme qui renvoie sa femme,
       sauf en cas d’union illégitime,
       la pousse à l’adultère ;
       et si quelqu’un épouse une femme renvoyée,
       il est adultère.
33   Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens :
       Tu ne manqueras pas à tes serments,

       mais tu t’acquitteras de tes serments envers le Seigneur.

34   Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas jurer du tout,

       ni par le ciel, car c’est le trône de Dieu,
35   ni par la terre, car elle est son marchepied,
       ni par Jérusalem, car elle est la Ville du grand Roi.
36   Et ne jure pas non plus sur ta tête,
       parce que tu ne peux pas
       rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir.
37   Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’,
       ‘non’, si c’est ‘non’.
       Ce qui est en plus
       vient du Mauvais. »

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     Nous avons en­ten­du là un des maî­tres mots de saint Mat­thieu : le mot « ac­com­plir ». Il vi­se ce grand pro­jet que Paul ap­pel­le « le des­sein bien­veillant de Dieu » ; et si le mot est de saint Paul, l’idée re­mon­te beau­coup plus Loin que lui ; de­puis Abra­ham, tou­te la Bi­ble est ten­due vers cet ac­com­plis­se­ment. Le Chré­tien, nor­ma­le­ment, n’est pas tour­né vers le pas­sé, c’est quelqu’un qui est ten­du vers l’avenir. Et il ju­ge tou­tes les cho­ses de ce mon­de en fonction de l’avancement des tra­vaux, en­ten­dez l’avancement du Royau­me ». Quelqu’un dis­ait : « La Mes­se du dimanche, c’est la ré­u­ni­on du chan­tier du Royau­me » : le lieu où on fait le point sur l’avancement de la construction.

          Et ré­el­le­ment, le Royau­me avan­ce, len­te­ment mais sûre­ment : c’est le cœur de no­tre foi. Bien sûr, ce­la ne se ju­ge pas sur quel­ques di­zai­nes d’années : il faut re­gar­der sur la lon­gue du­rée ; Dieu a choi­si un peu­ple com­me tous les au­tres : il s’est peu à peu ré­vé­lé à lui et après coup, on est bien obli­gé de re­con­naî­tre qu’un énor­me chemin a été par­cou­ru. Dans la dé­cou­ver­te de Dieu, d’abord, mais aus­si dans la re­la­tion aux au­tres hom­mes ; les idéaux de jus­ti­ce, de li­ber­té, de fra­ter­ni­té rem­pla­cent peu à peu la loi du plus fort et l’instinct de ven­gean­ce.

            Ce lent tra­vail de conver­sion du cœur de l’homme a été l’œuvre de la Loi don­née par Dieu à Moï­se : les pre­miers com­man­de­ments étaient de sim­ples ba­li­ses qui dis­aient le minimum vi­tal en quel­que sor­te, pour que la vie en so­cié­té soit sim­ple­ment pos­si­ble : ne pas tuer, ne pas vo­ler, ne pas trom­per... Et puis, au long des siè­cles on avait af­fi­né la Loi, on l’avait pré­ci­sée, au fur et à me­su­re que les exi­gen­ces mo­ra­les pro­gres­saient.

          Jé­sus s’inscrit dans cet­te pro­gres­sion : il ne sup­pri­me pas les ac­quis pré­cé­dents, il les af­fi­ne en­co­re : « On vous a dit... moi je vous dis... » Pas ques­tion de gommer les éta­pes pré­cé­den­tes, il s’agit d’en fran­chir une au­tre : « Je ne suis pas ve­nu abo­lir, mais accomplir ». Pre­miè­re éta­pe, tu ne tue­ras pas, deuxiè­me éta­pe, tu t’interdiras mê­me la co­lè­re et tu iras jusqu’au par­don. Dans un au­tre do­mai­ne, pre­miè­re éta­pe, tu ne commettras pas l’adultère en ac­te, deuxiè­me éta­pe, tu t’interdiras mê­me d’y pen­ser, et tu é­du­que­ras ton re­gard à la pu­re­té. En­fin, en ma­tiè­re de pro­mes­ses, pre­miè­re éta­pe, pas de faux ser­ments, deuxiè­me éta­pe, pas de ser­ments du tout, que tou­te pa­ro­le de ta bou­che soit vraie.

            Al­ler plus loin, tou­jours plus loin dans l’amour, voi­là la vraie sa­ges­se ! Mais l’humanité a bien du mal à pren­dre ce che­min-là ! Pi­re en­co­re, el­le re­fu­se bien sou­vent les va­leurs de l’évangile et se croit sa­ge en bâ­tis­sant sa vie sur de tout au­tres va­leurs. Paul fus­ti­ge sou­vent cet­te pré­ten­due sa­ges­se qui fait le mal­heur des hom­mes : « La sages­se de ceux qui do­mi­nent le mon­de et qui dé­jà se dé­trui­sent », li­sions-nous dans la deuxiè­me lec­ture.

                  Dans cha­cun de ces do­mai­nes, Jé­sus nous in­vi­te à fran­chir une éta­pe pour que le Royau­me vien­ne. Cu­rieu­se­ment, mais c’est bien confor­me à tou­te la tra­di­tion bi­bli­que, ces com­man­de­ments re­nou­ve­lés de Jé­sus visent tous les re­la­tions avec les au­tres. Si on y ré­flé­chit, ce n’est pas éton­nant : si le des­sein bien­veillant de Dieu, com­me dit saint Paul, c’est de nous ré­u­nir tous en Jé­sus-Christ, tout ef­fort que nous ten­tons vers l’unité fra­ter­nel­le contri­bue à l’accomplissement du pro­jet de Dieu, c’est-à-di­re à la ve­nue de son Rè­gne. Il ne suf­fit pas de di­re « Que ton Rè­gne vien­ne », Jé­sus vient de nous di­re com­ment, pe­ti­te­ment, mais sûre­ment, on peut y contri­buer.

 

Intégrale (28' 41")

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, année liturgique A, 6e dimanche du temps ordinaire (12 février 2017)

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