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4 juin 2018 1 04 /06 /juin /2018 21:35

Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 9 juin 2018).

En bas de page, vous avez les versions vidéo des commentaires, trouvées sur KTO TV. Attention, ces vidéos peuvent être celle-d'il y a 3 ans et ne pas correspondre tout à fait aux commentaires écrits cette année.

LECTURE DU LIVRE DE LA GENÈSE  3, 9-15

 

            Lorsque Adam eut mangé du fruit de l’arbre,
9          Le SEIGNEUR Dieu l’appela et lui dit :
            « Où es-tu donc ? »
10        Il répondit :
            « J'ai entendu ta voix dans le jardin,
            j'ai pris peur parce que je suis nu,
            et je me suis caché. »
11        Le SEIGNEUR reprit :
            « Qui donc t'a dit que tu étais nu ?
            Aurais-tu mangé de l'arbre
            dont je t'avais interdit de manger ?
12        L'homme répondit :
            « La femme que tu m'as donnée,
            c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre,   
            et j'en ai mangé. »
13        Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme :
            « Qu'as-tu fait là ? »
            La femme répondit :
            « Le serpent m'a trompée,
            et j'ai mangé. »
14        Alors le SEIGNEUR Dieu dit au serpent :
            « Parce que tu as fait cela,
            tu seras maudit parmi tous les animaux,
            et toutes les bêtes des champs.
            Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière
            tous les jours de ta vie.
15        Je mettrai une hostilité entre toi et la femme,
            entre ta descendance et sa descendance :
            celle-ci te meurtrira la tête,
            et toi, tu lui meurtriras le talon. »
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         On se souvient du récit de la Genèse : Dieu plante un jardin, peuplé d’arbres de toute sorte ; au centre du jardin, l’arbre de la vie, et puis, quelque part, dans ce même jardin, un autre arbre, celui de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. Notons-le bien au passage, le texte ne dit pas de manière précise où est ce deuxième arbre.

         Dieu confie ce jardin à l’homme pour qu’il le cultive et qu’il le garde ; la consigne est simple : « Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, sauf d’un seul, celui-là, précisément, l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. » Puis Dieu crée la femme ; survient un serpent qui entame la conversation : « Alors, comme cela, Dieu a dit de ne pas manger de tous les arbres du jardin ? » La femme est bien honnête, elle rectifie le propos : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas, afin de ne pas mourir. »

         Elle est bien honnête et elle croit rectifier le propos, mais, sans le savoir, elle déforme déjà la vérité : le seul fait d’être entrée en conversation avec le serpent a déjà faussé son regard : on pourrait dire désormais que « l’arbre lui cache la forêt ». Maintenant, c’est l’arbre interdit qu’elle voit au milieu du jardin (et non l’arbre de vie). Le serpent peut continuer son petit travail de sape : « Mais non ! Vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, possédant la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. » Devenir comme des dieux, par un simple geste magique, c’est irrésistible ; et la femme se laisse tenter. Le texte est laconique : « Elle en prit un fruit dont elle mangea, elle en donna aussi à son mari qui était avec elle et il en mangea. Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils surent qu’ils étaient nus. Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes. »

         Jusqu’ici, leur nudité (traduisez leur fragilité) ne les gênait pas l’un vis à vis de l’autre ; un peu plus haut, on peut lire : « Tous deux étaient nus, l’homme et la femme, sans se faire mutuellement honte. » Ils pouvaient être transparents l’un pour l’autre, et l’homme accueillait sa femme nouvellement créée avec émerveillement : « Voici l’os de mes os et la chair de ma chair. »  Désormais, ils ont honte l’un en face de l’autre. Finie la transparence.

         De la même manière, leur nudité, leur fragilité, ne les gênait pas non plus face à Dieu : ils étaient en confiance. Mais le serpent leur a soi-disant ouvert les yeux en leur susurrant que Dieu n’était pas leur allié, qu’il voulait garder le meilleur pour lui, qu’il les redoutait presque ! « Il a peur que vous deveniez ses égaux ! »

         En fait, réellement, leurs yeux se sont ouverts, mais leur regard est complètement faussé : désormais, ils vivront dans la peur de Dieu, et c’est pour cela qu’ils se cachent. Mais voilà que Dieu les cherche et les interroge : « Qui donc t'a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l'arbre dont je t'avais interdit de manger ? »

         Visiblement, le projet de Dieu est contrarié : l’homme n’aurait pas dû prendre conscience de sa nudité-fragilité de cette manière-là : il aurait dû pouvoir vivre sa condition dans la sérénité, et non dans cette peur et cette gêne qui viennent de s’emparer de lui. Aux questions de Dieu, l’homme et la femme répondent en disant la pure vérité, sans rien ajouter, sans rien retrancher : chacun des deux s’est laissé influencer et a désobéi ; l’homme dit : « La femme que tu m'as donnée, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé. » Et la femme ajoute : « Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé. » En définitive, tout vient du serpent.

         On peut en tirer au moins une conclusion : le mal n’est pas dans l’homme ; voilà déjà une affirmation capitale de la Bible. Face à des civilisations pessimistes qui considèrent l’humanité comme foncièrement mauvaise, la Révélation affirme que le mal est extérieur à l’homme. Quand l’humanité s’engage sur des fausses pistes, c’est parce qu’elle a été trompée, séduite. Toute la lutte des prophètes, pendant toute la durée de l’histoire biblique vise justement les innombrables séductions qui menacent l’homme.

         Le texte va plus loin ; Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux. » Ce qui revient à dire que le mal est maudit par Dieu ; la colère de Dieu, dans la Bible, est toujours contre ce qui détruit l’homme. Cela veut dire aussi que le mal est complètement étranger à Dieu : voilà encore une question que nous nous posons souvent : d’où vient le mal ? Est-ce Dieu qui l’a voulu ? La Bible répond deux choses : le mal ne vient pas de Dieu, et nous avons vu, déjà, qu’il ne fait pas non plus partie de la nature de l’homme.

         L’homme et la femme avaient raison de vouloir être comme des dieux, et d’ailleurs, Dieu ne le leur reproche pas, puisqu’ils sont faits à sa ressemblance, et que le souffle de Dieu est la respiration de l’homme. Mais ils se sont laissé prendre à la tentation d’assouvir leur désir par eux-mêmes, dans une sorte de geste magique ; et ils n’ont expérimenté que le malheur.

         Mais tout n’est pas perdu, et c’est la troisième bonne nouvelle de ce texte : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. » C’est un combat qui est annoncé là ; un combat dont l’issue est déjà certaine. Car c’est au serpent que Dieu s’adresse : il sera atteint à la tête, la femme seulement au talon ; ce qui dit bien, de manière imagée, que l’humanité aura le dessus. Le mal n’aura pas le dernier mot.

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Compléments

- Pour traduire littéralement le texte hébreu (Gn  2, 9), il faudrait parler de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » ; mais cette traduction, grammaticalement bonne, risque de nous entraîner dans un véritable contresens : les mots « bien » et « mal » ont en français un sens abstrait qui ne correspond nullement à la sensibilité concrète, existentielle de la pensée hébraïque. C’est pourquoi, dans ce commentaire, on emploie de préférence l’expression « l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux ».

- À la cour du roi Salomon, on se préoccupait de découvrir la sagesse, le véritable art de vivre ; ce texte nous incite à l’humilité : Dieu seul sait ce qui est bon pour l’homme ; l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux lui est inaccessible ; en revanche, il est invité à se nourrir chaque jour du véritable arbre de vie qu’est la Loi donnée par Dieu, la Tôrah.

- C’est une certaine soif de connaissance qui a tenté l’homme ; une connaissance qui est une prise de pouvoir : « Vous serez comme des dieux ». Alors qu’il était invité à une autre connaissance, la seule qui vaille, la connaissance de Dieu au sens biblique, c’est-à-dire l’amour.

 

« La femme que tu m'as donnée, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre » : le serpent a abordé la femme pour lui faire son petit boniment sur le thème « quand Dieu vous interdit quelque chose, ce n’est pas pour votre bien ». N’accusons donc pas Adam de reporter la faute sur sa femme : il dit la stricte vérité.

« Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé » : la femme non plus ne se « défausse » pas de sa responsabilité sur le serpent ; elle aussi ne dit que la vérité.

- La tradition chrétienne, relisant ce texte, y a vu une annonce lointaine de la victoire de la Nouvelle Ève, Marie. À tel point qu’on a parlé ici de « protévangile », c’est-à-dire d’un « pré-évangile » ; bien sûr, l’auteur de ce passage de la Genèse, qui écrivait probablement au temps du roi Salomon, ne pouvait pas avoir des visées aussi précises. Mais il annonçait clairement déjà, que le mal, un jour, sera vaincu.

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PSAU­ME  129  (130), Psaume des montées

 

1          Des pro­fon­deurs je crie vers toi, SEI­GNEUR,
2          Sei­gneur, écou­te mon ap­pel !
            Que ton oreille se fas­se at­ten­ti­ve      
            au cri de ma priè­re !          

3          Si tu re­tiens les fau­tes, SEI­GNEUR,           
            Sei­gneur, qui sub­sis­te­ra ?
4          Mais près de toi se trou­ve le par­don 
            pour que l'homme te crai­gne.          

5          J'espère le SEI­GNEUR de tou­te mon âme ;
            je l'espère, et j'attends sa pa­ro­le.
6          Mon âme at­tend le Sei­gneur 
            plus qu'un veilleur ne guet­te l'aurore.          

7          Oui, près du SEI­GNEUR, est l'amour ;       
            près de lui, abon­de le ra­chat.
8          C'est lui qui ra­chè­te­ra Is­raël  
            de tou­tes ses fau­tes.

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         Nous avons tel­le­ment pris l’habitude de chan­ter ce psau­me dans cer­tai­nes cir­con­stan­ces, en par­ti­cu­lier les en­ter­re­ments, que nous en ou­blions qu’il a été com­po­sé pour tout au­tre cho­se ! En fait, il fait par­tie d’un en­sem­ble de quinze psau­mes qui por­tent tous le mê­me sous-ti­tre : « Psau­me des mon­tées », qu’on peut tra­dui­re « Psau­mes de pèle­ri­na­ge ». Tout sim­ple­ment par­ce que, en hé­breu, le ver­be « mon­ter » était em­ployé pour di­re « Al­ler à Jé­ru­sa­lem en pè­le­ri­na­ge ». Dans les Évan­gi­les, d’ailleurs, l’ex­pres­sion « mon­ter à Jé­ru­sa­lem » ap­pa­raît plu­sieurs fois dans le mê­me sens : el­le évo­que le pèle­ri­na­ge pour les trois fê­tes an­nuel­les  et en par­ti­cu­lier, la plus im­por­tan­te d’en­tre el­les, la fê­te des Ten­tes. Et ceux qui connais­sent la ré­gion de Jé­ru­sa­lem com­pren­nent tout de sui­te ! Jé­ru­sa­lem est à huit cents mètres d’altitude, à peu près, Jé­ri­cho à moins trois cents mètres ; on peut réellement par­ler d’une mon­tée ! En­co­re que, bien sûr, le sens soit en­co­re plus spi­ri­tuel que gé­o­gra­phi­que !

         La Bi­ble grec­que a tra­duit « can­ti­que des de­grés », c’est-à-di­re des « mar­ches ». Or un es­ca­lier de quinze mar­ches re­liait la Cour des fem­mes au par­vis du Tem­ple ; cer­tains en dé­dui­sent que cha­cun de ces quinze psau­mes était chan­té sur l’une des mar­ches. Mais il est plus pro­ba­ble qu’ils ac­com­pa­gnaient l’ensemble du pè­le­ri­na­ge. Avant mê­me d’arriver à Jé­ru­sa­lem, ces psau­mes évo­quaient par avan­ce le dé­rou­le­ment de la fê­te.

          Le psau­me 129/130 est donc l’un des can­ti­ques des Mon­tées ; il sem­ble évo­quer un sa­cri­fi­ce  de ré­pa­ra­tion qui de­vait être of­fert pen­dant la fê­te des Ten­tes, au cours d’une cé­lébration pé­ni­ten­tiel­le. C’est pour­quoi le vo­ca­bu­lai­re de la fau­te et du par­don est re­la­ti­ve­ment im­por­tant dans ce psau­me. Le pé­cheur qui par­le ici, et qui sup­plie, sûr déjà d’être par­don­né, c’est le peu­ple qui re­con­naît à la fois l’infinie bonté de Dieu (sa Hes­sed) et l’incapacité fon­ciè­re de l’homme à ré­pon­dre à l’Alliance. Ces in­fi­dé­li­tés ré­pé­tées à l’Alliance sont vé­cues com­me une vé­ri­ta­ble « mort spi­ri­tuel­le » : « Des pro­fon­deurs, je crie vers Toi ». Mais ce cri s’adres­se à ce­lui dont l’Être mê­me est le Par­don : c’est le sens de l’expression « Près de toi se trouve le par­don ». C’est dans son par­don que Dieu ré­vè­le sa puis­san­ce : Dieu est AMOUR et Il  est DON, c’est la mê­me cho­se ; or le PAR-DON n’est pas au­tre cho­se que le don : c’est le DON « par-de­là », le don par­fait, pa­ra­che­vé. Par­don­ner, c’est conti­nuer à pro­po­ser une Al­lian­ce, un ave­nir pos­si­ble, au-de­là des in­fi­dé­li­tés de l’autre.

          On sait que cet­te fa­cul­té de par­don de Dieu est l’une des gran­des dé­cou­ver­tes de Moï­se ; c’est dans le li­vre de l’Exode que l’on en­tend cet­te ma­gni­fi­que dé­fi­ni­tion du « Dieu de ten­dres­se et de pi­tié, lent à la co­lè­re et plein d’amour ». Les pro­phè­tes ont ré­per­cu­té cet­te Bon­ne Nou­vel­le, cha­que fois qu’il fal­lait ren­dre l’espérance au peu­ple ; rap­pe­lez-vous Mi­chée : « À quel Dieu te com­pa­rer, toi qui ôtes le pé­ché, toi qui pas­ses sur les ré­vol­tes ? Pour l’amour du res­te (d’Israël), son pa­tri­moi­ne, loin de s’obstiner dans sa co­lè­re, lui, il se plaît à fai­re grâ­ce. » (Mi 7, 18). Et ce fa­meux tex­te d’Isaïe : « Re­cher­chez le SEI­GNEUR puisqu’il se lais­se trou­ver, ap­pe­lez-le puisqu’il est pro­che. Que le mé­chant aban­don­ne son che­min, et l’homme mal­fai­sant, ses pen­sées. Qu’il re­tour­ne vers le SEI­GNEUR, qui lui ma­ni­fes­te­ra sa ten­dres­se, vers no­tre Dieu qui par­don­ne abon­dam­ment. » (Is 55, 6-7).

          « Près de toi se trouve le par­don pour que l’homme te crai­gne » : cet­te for­mu­le très ra­mas­sée dit quel­le doit être l’attitude du croyant fa­ce à ce Dieu qui n’est que don et par­don. Nous trou­vons là en­co­re une dé­fi­ni­tion de la « crain­te de Dieu » : ce n’est pas la crain­te du châ­ti­ment ; au contraire, tou­te la pé­da­go­gie de Dieu au long de l’histoire bi­bli­que cher­che à nous li­bé­rer de tou­te peur ; car la peur n’est pas une at­ti­tu­de d’homme li­bre et Dieu veut nous li­bé­rer to­ta­le­ment ; la « crain­te de Dieu » au sens bi­bli­que, c’est u­ne a­do­ra­tion plei­ne d’émerveillement de­vant la Tou­te-Puis­san­ce de Dieu fai­te seu­le­ment d’amour et de par­don ; une ado­ra­tion, un émer­veille­ment qui condui­sent lo­gi­que­ment le croyant à obéir dés­or­mais à la Pa­ro­le de Dieu, à ses com­man­de­ments ; la « crain­te de Dieu » n’est donc pas de la crain­te au sens de la peur, mais une ado­ra­tion confian­te qui conduit à l’obéissance. Dés­or­mais, on fe­ra tout son pos­si­ble pour obéir à sa Loi dans la cer­ti­tu­de que cet­te Loi n’est dic­tée que par son amour pater­nel.

          Qu’on se rassure, cet­te cer­ti­tu­de de la « mis­é­ri­cor­de » de Dieu n’en­gen­dre pas chez le croyant la pré­somp­tion ou l’indifférence au pé­ché : au contraire ! Notre prise de conscience de la miséricorde de Dieu résonne en nous comme un appel à une vie meilleure ; et elle ouvre nos yeux sur les conséquences de nos actes.

          Car le Par-don ne si­gni­fie pas pour au­tant ef­fa­ce­ment ni coup d’éponge : rien ne pour­ra ef­fa­cer le mal que nous avons fait, ni le bien d’ailleurs ; et c’est bien ce qui fait la gran­deur et la gra­vi­té, au sens éty­mo­lo­gi­que du ter­me, le poids, de nos vies d’hommes ; le par­don, qu’il soit ac­cor­dé par Dieu, ou par ceux qui ont souf­fert à cau­se de nous, n’efface rien, mais il per­met de re­par­tir dans une re­la­tion re­nou­ve­lée. Il ne s’agit donc pas d’ignorer ou de mi­ni­mi­ser nos fau­tes, mais de re­par­tir tou­jours de l’avant, grâ­ce au par­don de Dieu.

          Cet­te cer­ti­tu­de du PAR-DON, du DON tou­jours ac­quis au-de­là de tou­tes les fau­tes in­spi­re à Is­raël une at­ti­tu­de d’espérance ex­traor­di­nai­re. Is­raël re­pen­tant at­tend son par­don « plus qu’un veilleur ne guette l’aurore ». Il at­tend plus en­co­re : au-de­là du par­don ponc­tuel, ce qu’Israël at­tend, c’est la li­bé­ra­tion dé­fi­ni­ti­ve du mal. Cet­te dé­li­vran­ce ne peut être l’œuvre que de Dieu seul : « C’est Lui qui ra­chè­te­ra Is­raël de tou­tes ses fau­tes » : pré­ci­sé­ment par­ce que le peu­ple de l’Alliance ex­pé­ri­men­te sa fai­bles­se et son pé­ché tou­jours re­nais­sant, mais aus­si la  FI­DÉ­LI­TÉ DE  DIEU, il at­tend de Dieu lui-mê­me la ré­a­li­sa­tion dé­fi­ni­ti­ve de ses pro­mes­ses. Au-de­là du par­don im­mé­diat, donc, c’est l’aurore dé­fi­ni­ti­ve, l’aurore du Jour de  Dieu que ce peu­ple at­tend de siè­cle en siè­cle, qu’il « es­pè­re contre tou­te es­pé­ran­ce » com­me Abra­ham. Tous les psau­mes sont tra­ver­sés par cet­te at­ten­te. Tout comme le li­vre de la Ge­nè­se, que nous avons lu en pre­miè­re lec­ture, an­non­çait que le mal se­ra un jour dé­fi­ni­ti­ve­ment vain­cu, ce psau­me 129/130 est ha­bi­té par la mê­me cer­ti­tu­de.

          Il ne nous vient ja­mais à l’idée que le jour pour­rait ou­blier de se le­ver après la nuit... Les Chré­tiens sa­vent en­co­re plus sûre­ment que no­tre mon­de va vers son ac­com­plis­se­ment : un ac­com­plis­se­ment qui se nom­me Jé­sus-Christ : « No­tre âme at­tend le SEI­GNEUR plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. »

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LECTURE DE LA DEUXIÈ­ME LET­TRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CO­RIN­THIENS 4, 13 - 5, 1

 

            Frères,
13        L'Écriture dit :
            J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé.
            Et nous aussi, qui avons le même esprit de foi,
            nous croyons,
            et c'est pourquoi nous parlons.
14        Car, nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus
            nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus,
            et il nous placera près de lui avec vous.
15        Et tout cela, c'est pour vous,
            afin que la grâce, plus largement répandue,
            dans un plus grand nombre,
            fasse abonder l’action de grâce
            pour la gloire de Dieu.
16        C'est pourquoi nous ne perdons pas courage,
            et même si en nous l'homme extérieur va vers sa ruine,
            l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour.
17        Car notre détresse du moment présent est légère
            par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle
            qu'elle produit pour nous.
18        Et notre regard ne s'attache pas à ce qui se voit,
            mais à ce qui ne se voit pas ;
            ce qui se voit est provisoire,
            mais ce qui ne se voit pas est éternel.
5,1       Nous le savons, en effet,
            même si notre corps, cette tente qui est notre demeure sur la terre,
            est détruit,
            nous avons un édifice construit par Dieu,    
            une demeure éternelle dans les cieux
            qui n'est pas l'œuvre des hommes.
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         Dès le dé­but de ce pas­sa­ge, Paul se si­tue dans la lon­gue li­gnée des croyants : « L’Écriture dit ‘J’ai cru, c’est pour­quoi j’ai par­lé’. » Vous au­rez du mal à re­tro­u­ver cet­te phra­se dans la Bi­ble, car el­le ne se trou­ve que dans la tra­duc­tion grec­que de la Sep­tan­te ; c’est le pre­mier ver­set du psau­me 115/116 : ce psau­me que, jus­te­ment, nous avons chan­té di­man­che der­nier. Il va nous ai­der à com­pren­dre cet­te lec­ture d’aujourd’hui.

         Ce psau­me évo­quait les épreu­ves du croyant et le se­cours que Dieu lui avait ap­por­té : « Com­ment ren­drai-je au SEI­GNEUR tout le bien qu’il m’a fait ? » Com­me tou­jours, il s’agit d’abord ici de  l’expérience du peu­ple d’Israël tout en­tier avec tou­te son his­toi­re : l’esclavage, sa lut­te pour la li­ber­té, sa li­bé­ra­tion par Dieu : « Il en co­û­te au SEI­GNEUR de voir mou­rir les siens ! Ne suis-je pas, SEI­GNEUR,  ton ser­vi­teur, moi dont tu bri­sas les chaî­nes ? » Mais l’expérience in­di­vi­duel­le du croyant se re­con­naît, el­le aus­si, dans ce che­min d’épreuves et de re­con­nais­san­ce de la pré­sen­ce agis­san­te de Dieu. C’est à ce­la que Paul se ré­fè­re ici. Le psau­me dis­ait « Moi qui ai dit dans mon trou­ble ‘l’homme n’est que men­son­ge’ » : les Co­rin­thiens, dont cer­tains ne se sont pas pri­vés de ca­lom­nier Paul, com­pren­dront très bien l’allusion.

         Pour au­tant, Paul n’écrit pas pour ré­gler des comp­tes : chez lui, c’est l’émerveillement de la foi qui pri­me. Et, com­me tou­jours, chez Paul, la foi veut di­re foi que Jé­sus est res­sus­ci­té : « J’ai cru, c’est pour­quoi j’ai par­lé. Et nous aussi, qui avons le mê­me esprit de foi, nous croyons, et c’est pour­quoi nous par­lons. CAR, nous le sa­vons, Ce­lui qui a res­sus­ci­té le Sei­gneur Jé­sus nous res­sus­ci­tera, nous aus­si, avec Jé­sus. » Il faut bien entendre le mot CAR. Pour Paul, de­puis le che­min de Da­mas, la Ré­sur­rec­tion du Christ est une évi­den­ce aveu­glan­te ; dans sa pre­miè­re let­tre à ces mê­mes Co­rin­thiens, il affirmait : « Si Christ n’est pas res­sus­ci­té, no­tre pré­di­ca­tion est vi­de et vi­de aus­si vo­tre foi. » (1 Co 15, 14).

         Et la Ré­sur­rec­tion du Christ an­non­ce et pré­fi­gu­re la nô­tre ; cela aus­si, pour Paul, est une évi­den­ce ; dans sa pre­miè­re let­tre, tou­jours, il ne les sé­pa­re pas : « Si l’on pro­cla­me que Christ est res­sus­ci­té des morts, com­ment cer­tains d’entre vous dis­ent-ils qu’il n’y a pas de ré­sur­rec­tion des morts ? S’il n’y a pas de ré­sur­rec­tion des morts, Christ non plus n’est pas res­sus­ci­té...  Mais non ; Christ est res­sus­ci­té des morts, pré­mi­ces de ceux qui sont morts. » (1 Co 15, 12-13. 20) Com­me vous sa­vez, les pré­mi­ces, dans l’Ancien Tes­ta­ment, ce sont les pre­miè­res ger­bes de la ré­col­te et el­les re­pré­sen­tent l’ensemble de la mois­son. Bel­le ma­niè­re de di­re que le Christ n’est pas le Fils so­li­tai­re de Dieu, il est le Fils aî­né, pre­mier-né d’une mul­ti­tu­de de frè­res, com­me dit en­co­re Paul. C’est l’humanité tout en­tiè­re qui a vo­ca­tion à la Ré­sur­rec­tion : « Com­me tous meu­rent en Adam, en Christ, tous re­ce­vront la vie. » (1 Co 15, 22).

         C’est pour ce­la qu’un vé­ri­ta­ble apô­tre ne peut pas se dés­in­té­res­ser du nom­bre de ses au­di­teurs : nous pre­nons peut-être quel­que­fois un peu vi­te no­tre par­ti de la dé­chris­tia­ni­sa­tion : l’Église n’est pas là pour fai­re du mar­ke­ting, c’est une évi­den­ce, mais si nous ne som­mes pas pres­sés que la Bon­ne Nou­vel­le de Jé­sus-Christ se ré­pan­de, c’est qu’elle n’est pas vrai­ment Bon­ne Nou­vel­le ! Une vraie Bon­ne Nou­vel­le, on la crie sur les toits. Il y a tout cela dans ce pas­sa­ge : « afin que la grâ­ce, plus largement répandue, dans un plus grand nombre, fasse abonder l’action de grâce pour la gloi­re de Dieu. »

         C’est cet­te foi in­domp­ta­ble qui pous­se l’apôtre à par­ler : « J’ai cru, C’EST POUR­QUOI j’ai par­lé ». Dire « foi in­domp­ta­ble », c’est dire qu’elle ren­con­tre in­é­vi­ta­ble­ment la contra­dic­tion. Si Paul pré­ci­se « C’est pour­quoi nous ne per­dons pas cou­ra­ge... », c’est bien qu’il y au­rait de quoi per­dre cou­ra­ge.

         Jé­sus avait pré­ve­nu ses dis­ci­ples que la per­sé­cu­tion ferait par­tie du pro­gram­me : « Si quelqu’un veut ve­nir à ma sui­te, qu’il re­non­ce à lui-mê­me et pren­ne sa croix, et qu’il me sui­ve. » (Mt 16, 24). Cet­te an­non­ce se si­tue dans l’évangile de Mat­thieu à un mo­ment très im­por­tant : en­tre la pro­fes­sion de foi de Pier­re à Cé­sa­rée et la Trans­fi­gu­ra­tion. Tout de sui­te après la phra­se émer­veillée de Pier­re, « C’est toi, le Christ, le Fils du Dieu vi­vant », Jé­sus an­non­ce sa pro­pre pas­sion, sa mort et sa Ré­sur­rec­tion ; et il ajou­te aus­si­tôt que ceux qui pren­dront sa sui­te mar­che­ront sur ses tra­ces, de souf­fran­ce et de gloi­re.

          Paul a dé­jà ex­pé­ri­men­té la souf­fran­ce, phy­si­que et mo­ra­le, dans l’exercice de son mi­nis­tè­re. Au dé­but de cet­te se­con­de let­tre, il le rap­pel­le très clai­re­ment : « Le pé­ril que nous avons cou­ru en Asie nous a ac­ca­blé à l’extrême, au-de­là de nos for­ces, au point que nous dés­es­pé­rions mê­me de la vie. No­tre confian­ce ne pou­vait plus se fon­der sur nous-mê­mes mais sur Dieu qui res­sus­ci­te les morts. » (2 Co 1,8-9).

          La seu­le ma­niè­re de sur­mon­ter les épreu­ves, c’est de gar­der les yeux fixés sur la Ré­sur­rec­tion du Christ et la nô­tre : Paul op­po­se ce qui est  pro­vi­soi­re et ce qui est éter­nel, l’homme ex­té­rieur et l’homme in­té­rieur, ce qui se voit et ce qui ne se voit pas, les é­preu­ves du mo­ment pré­sent et la  gloi­re éter­nel­le qui nous est pro­mi­se : « Notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu'elle produit pour nous. Et no­tre re­gard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est pro­vi­soi­re, mais ce qui ne se voit pas est éter­nel. »1

          Aux yeux de Paul, les épreu­ves ne sont pas sou­hai­ta­bles, mais el­les sont in­é­vi­ta­bles ; mieux, le lieu de la dé­tres­se est aus­si ce­lui de la conso­la­tion : Paul ne se fait pas un ti­tre de gloi­re de ses épreu­ves en el­les-mê­mes, mais c’est là qu’il ex­pé­ri­men­te la pré­sen­ce et la ten­dres­se du Res­sus­ci­té. Au tout dé­but de cet­te mê­me let­tre, il re­prend un mot d’Isaïe : « Conso­lez, conso­lez mon peu­ple, dit Dieu » (Is 40, 1) et il écrit : « Bé­ni soit Dieu, le Pè­re de no­tre Sei­gneur Jé­sus-Christ, le Pè­re des mis­é­ri­cor­des et le Dieu de tou­te conso­la­tion ; il nous conso­le dans tou­tes nos dé­tres­ses, pour nous ren­dre ca­pa­bles de conso­ler tous ceux qui sont en dé­tres­se, par la conso­la­tion que nous-mê­mes re­ce­vons de Dieu. De mê­me en ef­fet que les souf­fran­ces du Christ abon­dent pour nous, de mê­me, par le Christ, abon­de aus­si no­tre conso­la­tion. » (2 Co 1,3-5).

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Note

1 - Saint-Exu­pé­ry avait-il lu Paul quand il écri­vait « L’essentiel est in­vi­si­ble pour les yeux » ?

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ÉVAN­GI­LE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC 3, 20 - 35

 

            En ce temps-là,
20        Jésus revint à la maison avec ses disciples,
            où de nouveau la foule se rassembla,
            si bien qu'il n'était même pas possible de manger.
21        Les gens de chez lui, l'apprenant,
            vinrent pour se saisir de lui,
            car ils affirmaient :
            « Il a perdu la tête. »
22        Les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, disaient :
            « Il est possédé par Béelzéboul ;
            c'est par le chef des démons
            qu'il expulse les démons. »
23        Les appelant près de lui,
            Jésus leur dit en parabole :
            « Comment Satan peut-il expulser Satan ?
24        Si un royaume est divisé contre lui-même,
            ce royaume ne peut pas tenir.
25        Si les gens d’une même maison se divisent entre eux,
            ces gens ne pourront pas tenir.
26        Si Satan s'est dressé contre lui-même, s'il s'est divisé,
            il ne peut pas tenir ;
            c'en est fini de lui.
27        Mais personne ne peut entrer dans la maison d'un homme fort
            et piller ses biens,
            s'il ne l'a d'abord ligoté.
            Alors seulement il pillera sa maison.
28        Amen, je vous le dis :
            Tout sera pardonné aux enfants des hommes,
            leurs péchés et les blasphèmes qu'ils auront proférés.
29        Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint,
            il n'aura jamais de pardon.
            Il est coupable d'un péché pour toujours. »
30        Jésus parla ainsi parce qu'ils avaient dit :
            « Il est possédé par un esprit impur. »
31        Alors arrivent sa mère et ses frères.
            Restant au-dehors, ils le font appeler.
32        Une foule était assise autour de lui ;
            et on lui dit :
            « Voici que ta mère et tes frères sont là dehors :
            ils te cherchent. »
33        Mais il leur répond :
            « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? »
34        Et parcourant du regard
            ceux qui étaient assis en cercle autour de lui,
            il dit : « Voici ma mère et mes frères.
35        Celui qui fait la volonté de Dieu,
            celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »
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         On croi­rait en­ten­dre Saint Jean quand il dit en par­lant de Jé­sus : « Il est ve­nu chez lui et les siens ne l’ont pas re­çu » et en­co­re « Voi­ci l’Agneau de Dieu qui en­lè­ve le pé­ché du mon­de ». Marc le dit au­tre­ment, mais il me sem­ble que c’est bien le mê­me mes­sa­ge.

         Les siens, les voi­là : sa fa­mille d’origine, mais aus­si, sa com­mu­nau­té re­li­gieu­se, les scri­bes de Jé­ru­sa­lem. Pour les uns com­me pour les au­tres, Jé­sus est sur­pre­nant, in­at­ten­du, voi­re cho­quant. Alors, cha­cun se for­ge une ex­pli­ca­tion : soit il est fou (c’est l’explication de la fa­mille), soit il a fait un pac­te avec le dia­ble (ce sont les au­to­ri­tés re­li­gieu­ses qui le dis­ent).

         Cu­rieu­se­ment, Jé­sus ne cher­che pas à dis­cu­ter avec ceux qui le croient fou, mais il prend très au sé­rieux l’autre ac­cu­sa­tion, cel­le d’être pos­sé­dé du dé­mon. Il com­men­ce par fai­re ap­pel à la lo­gi­que : on dit sou­vent que l’union fait la for­ce, à l’inverse, dit Jé­sus, tout grou­pe di­vi­sé va à sa per­te. Un royau­me di­vi­sé par la guer­re ci­vi­le se­ra la proie des au­tres peu­ples qui pro­fi­te­ront de ses di­vi­sions ; une fa­mille qui n’a plus d’esprit de fa­mille n’est plus une fa­mille ; et si Sa­tan tra­vaille contre lui-mê­me, il n’ira pas bien loin. Dans ce cas-là, a l’air de di­re Jé­sus, vous n’auriez qu’à vous ré­jouir, vous qui êtes les en­ne­mis du dia­ble, par pro­fes­sion, si j’ose di­re.

         Jusqu’ici, les ex­pli­ca­tions de Jé­sus sont clai­res. Il conti­nue : « Per­son­ne ne peut en­trer dans la mai­son d’un hom­me fort et piller ses biens, s’il ne l’a d’abord li­go­té. Alors seu­le­ment il pille­ra sa mai­son. » Marc nous a pré­ve­nus, il faut en­ten­dre cet­te phra­se com­me une pa­ra­bo­le, on peut donc tra­dui­re : l’homme fort, c’est Sa­tan ; si moi, Jé­sus, je me suis ren­du maî­tre dans la mai­son de Sa­tan, puis­que j’expulse les dé­mons, c’est que je suis plus fort que Sa­tan... en­ten­dez : Jé­sus est le vain­queur du mal. Le li­vre de la Ge­nè­se que nous avons en­ten­du en pre­miè­re lec­ture, an­non­çait que le mal, un jour, se­rait vain­cu : Jésus se présente ici comme ce­lui qui en­lè­ve le mal du mon­de.

         Puis Jé­sus quit­te le re­gis­tre des ex­pli­ca­tions, le ton de­vient beau­coup plus gra­ve : « Amen, je vous le dis : Tout sera pardonné aux enfants des hommes, leurs péchés et les blasphèmes qu'ils auront proférés. Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il n'aura jamais de pardon. Il est cou­pa­ble d’un pé­ché pour tou­jours. »

         La pre­miè­re par­tie de la phra­se ne nous éton­ne pas, heu­reu­se­ment ; nous som­mes bien per­sua­dés que Dieu par­don­ne tou­jours ; il par­don­ne­ra mê­me, a l’air de di­re Jé­sus, à ceux qui m’auront pris pour un fou. La mis­é­ri­cor­de de Dieu est sans li­mi­te, l’Ancien Tes­ta­ment l’a tant de fois ré­pé­té : « Oui, près du SEI­GNEUR, est l’amour ; près de lui, abon­de le ra­chat » dis­ait le psau­me 129/130.

         Mais alors, la deuxiè­me phra­se nous cho­que : Jé­sus dit qu’il exis­te un pé­ché im­par­don­na­ble, ce qu’il ap­pel­le le blas­phè­me contre l’Esprit. Pour­quoi em­ploie-t-il cet­te ex­pres­sion ? Que s’est-il pas­sé au jus­te ? Rap­pe­lez-vous le dé­but de l’évangile de Marc : la ré­pu­ta­tion de Jé­sus est par­ve­nue à Jé­ru­sa­lem, on dit par­tout qu’il gué­rit les ma­lades, et qu’il ex­pul­se les dé­mons. Le peu­ple, dans sa sim­pli­ci­té, ne s’y trom­pe pas et re­con­naît là l’œuvre de Dieu. Et c’est bien pour cela que l’on vient à lui en fou­le.

         Mais certains scri­bes, eux, sont tel­le­ment loin de Dieu, main­te­nant, qu’ils ne sa­vent mê­me plus re­con­naî­tre l’œuvre de Dieu. C’est bien ce­la que Jé­sus leur re­pro­che : leur at­ti­tu­de res­sem­ble à cel­le du ser­pent du jar­din de la Ge­nè­se. Le ser­pent avait pré­ten­du ré­vé­ler à l’homme et à la fem­me que Dieu, en don­nant sa loi, était pro­fon­dé­ment mal­fai­sant, mal­veillant ; le dis­cours du ser­pent, était : « Dieu vous in­ter­dit les fruits de cet ar­bre, sous pré­tex­te qu’ils sont vé­né­neux, mais au contrai­re, c’est pour les gar­der pour lui, par­ce qu’ils sont ex­cel­lents ».

         Jé­sus ne trai­te pas les scri­bes de ser­pents, mais il n’en est pas loin ; leur dis­cours, en effet, ressemble à une mise en garde sur le thème : « vous pre­nez Jé­sus pour un bien­fai­teur de l’humanité, mais vous ne voyez pas qu’il est vo­tre en­ne­mi, puisqu’il est l’ennemi de la vraie re­li­gion. »

          Prê­ter des ar­riè­re-pen­sées mal­veillan­tes à Ce­lui qui n’est qu’Amour, c’est ce­la que Jé­sus ap­pel­le « blas­phé­mer contre l’Esprit ». Car c’est au mo­ment mê­me où Jé­sus gué­rit que les scri­bes le trai­tent de dé­mon ; c’est n’avoir vrai­ment rien com­pris à l’amour de Dieu. Et, du coup, ils de­vien­nent in­ca­pa­bles de l’accueillir.  Car on sait bien que l’Amour ne peut se don­ner que s’il est ac­cueilli. Voi­là pour­quoi Jé­sus dit que ce pé­ché là est im­par­don­na­ble : ce n’est pas que Dieu re­fu­se­rait de par­don­ner, ce sont les cœurs des scri­bes qui sont fer­més.

          La fin du tex­te va exac­te­ment dans le mê­me sens : « Qui est ma mè­re ? Qui sont mes frè­res ? ... Voi­ci ma mè­re et mes frè­res. Ce­lui qui fait la vo­lon­té de Dieu, ce­lui-là est pour moi un frè­re, une sœur, une mè­re. » En d’autres termes, pour re­con­naî­tre le doigt de Dieu à l’œuvre, en­co­re faut-il être de la fa­mille de Dieu. Jé­sus dit ce­la en re­gar­dant tous ceux qui étaient en cer­cle au­tour de lui, c’est-à-di­re cet­te fou­le qui ac­cou­rait vers lui, par­ce qu’elle re­con­nais­sait en lui la pré­sen­ce de l’Esprit. Là en­co­re, on croit en­ten­dre saint Jean : « Il est ve­nu chez lui et les siens ne l’ont pas re­çu... Mais à ceux qui l’ont re­çu, à ceux qui croient en son nom, il a don­né de pou­voir de­ve­nir en­fants de Dieu. » (Jn 1, 12).

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Complément

Jésus était-il « Fou » ? Ceux qui l’accusent de « folie » ne savent pas si bien dire ! Mais c’est la folie de Dieu. Le Dieu Tout-Autre ne peut pas ne pas nous surprendre (ses pensées ne sont pas nos pensées ; Is 55, 8). « Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes. » (1 Co 1, 25). La prétendue sagesse des hommes a éliminé Jésus ; mais c’est bien la folie de Dieu qui a sauvé le monde.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, année liturgique B, 10e dimanche du Temps ordinaire (10 juin 2018)

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