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17 août 2022 3 17 /08 /août /2022 17:23
Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

Attention le texte écrit peut différer des versions audio (Radio-Notre-Dame) et vidéo (KTO TV) qui ont été modifiées par Marie-Noëlle Thabut, parfois pour les améliorer, parfois pour s'adapter aux formats imposés par ces chaînes de radio ou de télévision. Dans cette hypothèse, nous mettons en italiques les passages supprimés pour ces médias.

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame (disponible seulement à compter du 20 août 2022).

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ISAÏE     66, 18-21

     Ainsi parle le SEIGNEUR :
18 connaissant leurs actions et leurs pensées,
     moi, je viens rassembler toutes les nations,
     de toute langue.
     Elles viendront et verront ma gloire :
19 je mettrai chez elles un signe !
     Et, du milieu d’elles, j’enverrai des rescapés
     vers les nations les plus éloignées,
     vers les îles lointaines
     qui n’ont rien entendu de ma renommée,
     qui n’ont pas vu ma gloire ;
     ma gloire, ces rescapés l’annonceront
     parmi les nations.
20 Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères,
     en offrande au SEIGNEUR,
     sur des chevaux et des chariots, en litière,
     à dos de mulets et de dromadaires,
     jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem,
     – dit le SEIGNEUR.
     On les portera comme l’offrande qu’apportent les fils d’Israël,
     dans des vases purs, à la maison du SEIGNEUR.
21 Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux,
     – dit le SEIGNEUR.

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ALORS TOUS LES PEUPLES VERRONT LA GLOIRE DE DIEU  

Première remarque : le prophète termine sa prédication par la formule : « Dit le SEIGNEUR ». Les prophètes parlent toujours au nom de Dieu, leurs auditeurs le savent bien, mais lorsqu’ils veulent insister sur l’importance de leurs propos, ils rappellent qu’il s’agit de la Parole du SEIGNEUR. Si Isaïe le fait ici, nous pouvons donc en déduire que ses propos étaient particulièrement importants et peut-être difficiles à entendre ou à accepter.

Effectivement, dans ces quelques lignes, il y a plusieurs annonces très importantes : la première, c’est la dimension universelle du projet de Dieu. « Je viens rassembler toutes les nations, de toute langue », dit le prophète. Il faut se souvenir que le peuple d’Israël n’a pas toujours été monothéiste : au temps de Moïse, on a promis de faire Alliance avec le Dieu du Sinaï et lui seul, mais on imaginait que les autres peuples avaient leurs dieux, chaque divinité ayant tout pouvoir sur un territoire donné. Ce qui explique en partie les incessantes retombées dans l’idolâtrie.

Lorsqu’au sortir du Sinaï, à la suite de Moïse, par exemple, et qu’on est entrés en Canaan on a souvent été tentés de servir les Baal, que l’on croyait maîtres des éléments. De la même manière, lorsque Nabuchodonosor a déporté le peuple de Jérusalem à Babylone, au sixième siècle av. J.-C., il a été bien difficile de rester fidèles au Dieu du Sinaï, alors que les dieux de Babylone semblaient être les grands vainqueurs.

C’est seulement à cette période, pendant l’Exil à Babylone, que le peuple est devenu vraiment monothéiste et a, de ce fait, découvert la dimension universelle du projet de Dieu : si Dieu est unique, il est le Dieu de toute l’humanité. C’est ce qui incite le prophète à affirmer : « Alors tous les peuples verront la gloire de Dieu ». La difficulté pour nous vient de ce mot « gloire » qui n’a pas chez Isaïe le même sens que dans notre vocabulaire courant. La « gloire » au sens biblique, c’est le rayonnement de la Présence de Dieu, (littéralement, le mot hébreu signifie le « poids »). La gloire de Dieu n’a rien à voir avec la gloriole humaine. Ce n’est pas Dieu qui aurait besoin d’une quelconque célébrité que nous pourrions lui reconnaître.1 C’est nous qui avons besoin de le connaître pour être heureux et nouer avec lui la relation d’amour qu’il nous propose (ce que la Bible appelle l’Alliance) : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent… » (Jn 17,3).

« Les nations verront ma gloire » signifie donc : elles me reconnaîtront comme le seul Dieu. Traduisez : l’humanité sera enfin sortie de toutes ses fausses pistes, elle aura quitté toutes ses idolâtries de toute sorte. La gloire (la Présence) de Dieu illuminera désormais toutes les nations : ce dernier mot revient plusieurs fois dans ces quelques lignes. Pour annoncer qu’elles s’intègrent peu à peu au peuple des croyants.

Ce sont des messagers, des missionnaires du peuple élu qui seront les artisans du rassemblement des nations à Jérusalem, et de leur intégration dans l’Alliance de Dieu : « J’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées... ces messagers de mon peuple annonceront ma gloire parmi les nations. Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au SEIGNEUR... Ils les conduiront jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem. »

LE RÔLE DU PETIT RESTE DES CROYANTS

Les « rescapés », ce sont ceux qui tiennent bon dans la fidélité et la confiance en Dieu au milieu du découragement général. D’autres prophètes, le premier Isaïe, par exemple, ou Michée les appelaient le « Reste d’Israël ». Mais le discours n’était pas tout-à-fait le même : au huitième siècle, le premier Isaïe et Michée annonçaient seulement le salut du « Petit Reste d’Israël ». Parce que, si Dieu est fidèle à son Alliance, on peut être certain qu’il ne laissera pas disparaître le peuple tout entier, quelles que soient les erreurs du plus grand nombre.

En revanche, pendant et après l’Exil, en même temps que le peuple d’Israël découvrait la dimension universelle du projet de Dieu, il apprenait à considérer son élection non comme une exclusive mais comme une vocation. C’est pour cette raison que le Troisième Isaïe a un tout nouveau discours : le Reste d’Israël, c’est-à-dire le noyau fidèle, Dieu compte sur lui, il a un rôle à jouer, celui de missionnaire au service de l’humanité tout entière.

Annoncer la gloire de Dieu parmi les nations, c’est-à-dire tout simplement essayer de le faire connaître, témoigner de cette Bonne Nouvelle qui illumine nos vies, telle est bien notre vocation, c’est-à-dire notre seule et unique raison de vivre. Mais au fait Jésus lui-même nous invite à partager son désir que le Père soit connu et reconnu lorsqu’il nous fait répéter : « Que ton Nom soit sanctifié ».

C’est autour d’un signe que les nations se rassembleront : « Je mettrai un signe au milieu d’eux ! » Un signe, c’est l’une des façons de parler du Messie ; il est intéressant de noter que saint Jean reprend à plusieurs reprises le mot de signe pour parler des œuvres de Jésus (et ainsi nous le faire découvrir comme Messie) ; à la fin du récit des noces de Cana par exemple, il écrit : « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui » (Jn 2,11). Et le deuxième signe de Cana, la guérison du fils d’un officier royal, concerne un mercenaire, un païen. La gloire de Dieu vient d’atteindre les nations ! Et Jésus lui-même fait appel à la même symbolique quand il déclare : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32).

Reste la dernière phrase du texte d’Isaïe et c’est une troisième annonce très importante : non seulement les peuples païens s’approcheront du Seigneur, mais mieux encore, Dieu annonce : « Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux », ce qui veut dire que les conditions habituelles du sacerdoce ne seront plus exigées ; tout être humain peut approcher du Dieu vivant.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi, quelques versets avant notre lecture de ce dimanche, Isaïe s’écriait : « Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez !... Car le SEIGNEUR le déclare : Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve, et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations. » (Is 66,10...12). 

Tout cela semble bien utopique à certains, c’est pourquoi le prophète termine sa prédication par la seule signature digne de foi : « Dit le SEIGNEUR ».
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Notes

1 - Rappelons-nous saint Augustin : « Qui serait assez fou pour croire que Dieu a besoin des sacrifices qu’on lui offre ? Le culte qu’on rend à Dieu profite à l’homme et non à Dieu. Ce n’est pas à la source que cela profite si on y boit, ni à la lumière si on la voit » (Cité de Dieu X, 5-6).

2 – Cette théologie du Reste sauveur se trouve déjà dans les chants du Serviteur du deuxième Livre d’Isaïe : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6), dit Dieu à son serviteur Israël dans l’un des chants du Serviteur.

Complément

 - Dans la Bible, on n’a pas toujours parlé des nations de manière aussi positive ! Selon les textes, ce mot semble chargé de plusieurs sens contradictoires, tantôt positif, tantôt carrément péjoratif ; le livre du Deutéronome, par exemple, parle des « abominations des nations ». Mais c’est parce qu’il vise leur polythéisme, leurs pratiques religieuses en général, et les sacrifices humains en particulier. À la première étape de la pédagogie biblique, où il s’agit pour le peuple élu de s’attacher à Dieu sans partage, de découvrir le vrai visage de Dieu, il faut se garder de tout contact avec les « nations » : elles resteront longtemps un risque de contagion de l’idolâtrie. Et l’histoire d’Israël a prouvé maintes fois que ce risque est réel ! Tenir bon dans la foi est un choix à refaire sans cesse ; si l’on affirme avec force : « Il est grand, le Seigneur, hautement loué, redoutable au-dessus de tous les dieux : néant, tous les dieux des nations ! » (Psaume 95/96), c’est qu’il faut encore et toujours se persuader que les dieux des nations ne sont que néant, pour éviter de retomber dans l’idolâtrie. Combat jamais complètement gagné. Or si le peuple élu manque à sa mission, qui témoignera du Dieu unique ?

Et pourtant, et c’est l’autre facette de ce mot, dès l’époque d’Abraham, c’est l’ensemble des nations qui est appelé à participer à la bénédiction promise par Dieu au patriarche : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12, 3). Alors, Dieu serait-il en contradiction avec lui-même ? S’il est le Dieu unique, il est évidemment aussi celui des « nations ». Et lorsque la foi juive sera mieux assurée, il sera temps de découvrir l’universalisme du projet de Dieu : le peuple élu comprendra peu à peu qu’il est le frère aîné, pas le fils unique : son rôle était justement d’ouvrir la voie à ses cadets, dans la longue marche de l’humanité à la rencontre de son Dieu. Telle est la conséquence ultime du monothéisme : si Dieu est le seul vrai Dieu, il est le Dieu de tous.
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PSAUME  116 (117)

 

1   Louez le SEIGNEUR, tous les peuples,
     Fêtez-le, tous les pays !
2   Son amour envers nous s’est montré le plus fort ;
     éternelle est la fidélité du SEIGNEUR !

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ALLÉLUIA !

Voici le psaume le plus court du psautier ! Mais quelle richesse en quelques mots ! S’il fallait le résumer d’un mot, on retiendrait tout simplement : « Alléluia » ! Car il en est le dernier mot, mais aussi le premier puisque, littéralement, « Louez le SEIGNEUR » (v. 1) est l’équivalent de « Alléluia » (« Allelu », impératif « Louez », « Ia », première syllabe du nom de Dieu)*. Nous voici donc invités ici tout spécialement à la louange, sans oublier que c’est l’objectif du psautier tout entier, dont le nom même « Louanges » (en hébreu Tehillim) est de la même racine qu’Alléluia. Et l’on sait le sens que ce petit mot a pris dans la méditation juive ; voici le commentaire que les rabbins font de l’Alléluia : « Dieu nous a amenés de la servitude à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil au jour de fête, des ténèbres à la brillante lumière, de la servitude à la rédemption. C’est pourquoi, chantons devant lui l’Alléluia ».

« Dieu nous a amenés de la servitude à la liberté » : c’est ce que Dieu a fait pour son peuple élu, mais c’est aussi, on ne l’oublie jamais, l’objectif de Dieu pour toute l’humanité, pour tous les autres, ceux qu’on appelle les « nations ». L’œuvre de salut de Dieu pour son peuple est le début, la preuve, la promesse de ce qu’il fera pour toute l’humanité. « En toi seront bénies toutes les familles de la terre », a promis Dieu à Abraham (Gn 12,3). Et Salomon, déjà, en avait rêvé : « Tous les peuples de la terre, comme ton peuple Israël, vont reconnaître ton Nom et te craindre. » (1 R 8,43 ; voir supra la première lecture).

D’où la structure de ce psaume, très simple, mais très suggestive : verset 1 « Louez le SEIGNEUR », verset 2 : pourquoi ? pour son œuvre en faveur de son peuple : « Son amour envers nous s’est montré le plus fort » (envers nous). Quand les nations verront ce que Dieu a fait pour son peuple, elles croiront. Pour le dire autrement : puisque Dieu a fait ses preuves en sauvant son peuple, les autres nations pourront croire en lui. On retrouve ce raisonnement-là dans le psaume 39/40 (du 20ème dimanche de l’année C) ; le psalmiste dit : « Dieu m’a tiré du gouffre inexorable... en voyant cela, beaucoup seront saisis, ils croiront au SEIGNEUR. » (Ps 39/40, 4). Dans le même sens, le psaume 125/126 chante à propos de l’Exil à Babylone : « Alors on disait parmi les nations : Quelles merveilles fait pour eux le SEIGNEUR ! » (Ps 125/126,2).

Cette idée se rencontre plusieurs fois chez les prophètes : quand le peuple est dans le malheur, les autres nations peuvent douter de la puissance de Dieu. C’est dans ce sens qu’Ézéchiel ose dire que l’Exil à Babylone est une honte pour Dieu : il va jusqu’à dire que l’Exil du peuple de Dieu « profane » le nom de Dieu et que la libération, au contraire, sera aux yeux de tous la preuve de sa puissance libératrice. C’est ce qui l’amène à proclamer en plein Exil à Babylone : « Je sanctifierai mon grand nom, profané parmi les nations, mon nom que vous avez profané au milieu d’elles. Alors les nations sauront que Je suis le SEIGNEUR – oracle du SEIGNEUR Dieu – quand par vous je manifesterai ma sainteté à leurs yeux. » (Ez 36, 23). Et encore : « Alors les nations qui subsisteront autour de vous sauront que Je suis le SEIGNEUR : je reconstruis ce qui était démoli, je replante ce qui était désolé. Je suis le SEIGNEUR, j’ai parlé, et je le ferai. » (Ez 36, 36).

LE SEIGNEUR EST BON : SA FIDÉLITÉ EST POUR TOUJOURS 

« Reconnaître le Nom de Dieu » selon l’expression de Salomon citée plus haut, quel programme ! En langage biblique, cela veut dire découvrir le Dieu de tendresse et de fidélité révélé à Moïse (Ex 34,6) : tendresse et fidélité qu’Israël a expérimentées tout au long de son histoire ; c’est le sens du deuxième verset de notre psaume : « Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; éternelle est la fidélité du SEIGNEUR ! ». Dans le même sens, le psaume 99/100 disait : « Le SEIGNEUR est bon : sa fidélité est pour toujours, et sa loyauté s’étend d’âge en âge » (Ps 99/100,5). « Il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais » chantera Marie (Lc 1,54-55).

Dernière remarque : notre psaume de ce dimanche (116/117) fait partie de ce que l’on appelle le Hallel, c’est-à-dire les psaumes 112/113 à 117/118 ; à ce titre, il tient une place toute particulière dans la liturgie d’Israël : sa récitation suit le repas pascal ; cela veut dire que Jésus l’a chanté au soir du Jeudi saint ; les évangiles de Matthieu et de Marc s’en font l’écho : « Après avoir chanté les Psaumes, ils partirent pour le Mont des Oliviers » (Mt 26,30 ; Mc 14,26). À notre tour, nous le redisons avec encore plus de force : « Son amour envers nous s’est montré le plus fort » ; c’est ô combien vrai pour Jésus-Christ qui disait lui-même : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). Et, par là, Jésus prouvait jusqu’où va la fidélité de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3, 16).

Ce que saint Paul commente magistralement dans la lettre aux Romains : « Car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères ; quant aux nations, c'est en raison de sa miséricorde qu'elles rendent gloire à Dieu, comme le dit l’Écriture : « C’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations, je chanterai ton nom » (Paul cite ici un chant d'action de grâce de David -2 S 22, 50 ; repris par le psaume 17/18, 50), « Il est dit encore : Réjouissez-vous, nations, avec son peuple ! » (Dt 32, 43).  Et encore : Louez le Seigneur, toutes les nations ; que tous les peuples chantent sa louange » (Ps 116/117, 1 : c’est précisément notre psaume de ce dimanche). « À son tour, Isaïe déclare : Il paraîtra, le rejeton de Jessé, celui qui se lève pour commander aux nations ; en lui les nations mettront leur espérance » (Is 11, 10). Tout ceci est donc cité par Paul dans la lettre aux Romains Rm 15, 8-12).

C’est certainement dans cette conviction que Dieu veut que tout homme (sans exception) soit sauvé que Paul a puisé l’énergie de toutes ses missions dans le bassin méditerranéen. À nous d’en faire autant, maintenant !
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Note

*On ne se permet jamais de prononcer le Nom de Dieu YHVH, en revanche sa première syllabe « Ia » est utilisée dans des noms propres et dans le mot Alléluia.
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LECTURE DE LA LETTRE AUX HÉBREUX   12, 5-7. 11-13

      Frères,
5   vous avez oublié cette parole de réconfort,
     qui vous est adressée comme à des fils :
     Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur,
     ne te décourage pas quand il te fait des reproches.
6   Quand le Seigneur aime quelqu’un,
     il lui donne de bonnes leçons ;
     il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils.
7   Ce que vous endurez est une leçon.
     Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ;
     et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ?
11 Quand on vient de recevoir une leçon,
     on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse.
     Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon,
     celle-ci produit un fruit de paix et de justice.
12 C’est pourquoi,
     redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent,
13 et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux.
     Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d’entorse ;
     bien plus, il sera guéri.
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LE SEIGNEUR TON DIEU FAISAIT TON ÉDUCATION

On sait, d’après les chapitres précédents de cette lettre que les destinataires ont déjà beaucoup souffert pour leur foi : « Souvenez-vous de ces premiers jours où vous veniez de recevoir la lumière du Christ : vous avez soutenu alors le dur combat des souffrances, tantôt donnés en spectacle sous les insultes et les brimades, tantôt solidaires de ceux qu’on traitait ainsi. En effet, vous avez montré de la compassion à ceux qui étaient en prison ; vous avez accepté avec joie qu’on vous arrache vos biens, car vous étiez sûrs de posséder un bien encore meilleur, et permanent » (He 10, 32-34).

L’auteur de la lettre aux Hébreux cherche donc à redonner du courage à ces premiers chrétiens qui traversent une période de persécution ; ici, il le dit clairement : « Frères, vous avez oublié pas cette parole de réconfort. » Et, pour les réconforter, que fait-il ? Ce que fait tout croyant, de son temps : il se replonge dans les paroles de l’Ancien Testament. Il se rappelle, entre autres, ce que disait le prophète Isaïe à ses compatriotes dans une période terrible, celle de l’Exil à Babylone : « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent » (Is 35, 3). Et tout le monde connaissait la suite : la promesse du salut, d’abord, c’est-à-dire bien concrètement du retour au pays, et ensuite, l’accomplissement de cette promesse, c’est-à-dire ce retour précisément. En citant le grand prophète de l’Exil, l’auteur de la lettre aux Hébreux veut probablement suggérer ici que les chrétiens en butte à la persécution sont eux aussi, de quelque manière en exil.

Deuxième manière de réconforter ses frères, le prédicateur aborde le délicat problème de la souffrance. Non pas pour la justifier, ni pour l’expliquer, mais pour les inviter à lui donner un sens. La Bible a toujours soutenu que la souffrance est un mal, mais qu’elle peut devenir un chemin : parce qu’elle est une épreuve pour la foi, elle peut faire grandir la foi. Le croyant sait que quoi qu’il arrive, Dieu est silencieux, peut-être, mais il n’est ni sourd ni indifférent ; au contraire, il accompagne chacun de nos pas sur ce dur chemin. De ce mal, nous pouvons sortir grandis, avec l’aide de Dieu. C’est dans ce sens-là que l’on peut comprendre, je crois, la phrase : « Ce que vous endurez est une leçon. » Et là, notre auteur s’inspire d’un autre livre de la Bible, le livre des Proverbes : « Mon fils, ne rejette pas les leçons du SEIGNEUR, ne dédaigne pas ses critiques, car le SEIGNEUR reprend celui qu’il aime, comme fait un père pour le fils qu’il chérit. » (Pr 3, 11-12).

Pour les premiers chrétiens, ce thème était familier car ils connaissaient bien le livre du Deutéronome qui comparait Dieu à un pédagogue qui accompagne au jour le jour la croissance de ceux qu’il éduque : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le SEIGNEUR ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du SEIGNEUR …Tu le sauras en ton cœur : comme un homme éduque son fils, ainsi le SEIGNEUR ton Dieu fait ton éducation » (Dt 8, 2-3.5).

MALGRÉ LA SOUFFRANCE, DEMEURER DANS LA CONFIANCE

Lorsqu’elle est vécue ainsi dans la confiance en Dieu, notre souffrance peut devenir pour ceux qui nous regardent un lieu de témoignage de notre espérance et de la paix intérieure que donne l’Esprit. La première lettre de Pierre est très éclairante à ce sujet : il compare la persécution à la fournaise d’un orfèvre : « Il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l’or – cet or voué à disparaître et pourtant vérifié par le feu –, afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ. » (1 P 1, 6-7).

Un peu plus loin, il en déduit : « Bien-aimés, ne trouvez pas étrange le brasier allumé parmi vous pour vous mettre à l’épreuve ; ce qui vous arrive n’a rien d’étrange. Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera. »  (1 P 4, 12-13).

La souffrance peut donc devenir une école ; celle où nous apprenons à vivre dans l’Esprit, quoi qu’il arrive ; c’est Pierre qui dit : « Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous, car l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu repose sur vous. » (1 P 4, 14). Et Paul, qui sait, lui aussi, de quoi il parle, dit dans la lettre aux Romains : « La détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » (Rm 5, 3-5). Encore une fois, ce n’est pas la souffrance en elle-même qui est bonne ou qui serait voulue par Dieu ; mais elle fait partie de notre condition humaine : Dieu nous confie l’honneur et la responsabilité du témoignage de la foi ; si la persécution fait partie, malheureusement, du parcours chrétien, ce n’est pas que Dieu l’ait voulu, c’est le fait des hommes. Quand Jésus dit « Il faut que le Fils de l’homme souffre », il ne s’agit évidemment pas d’une exigence de Dieu, mais de la triste réalité de l’opposition des hommes. Comme disait Paul aux premières communautés d’Asie Mineure, elles aussi en butte à la persécution : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le Royaume de Dieu. » (Ac 14, 22).

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ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC  13, 22 - 30

     En ce temps-là,
22 tandis qu’il faisait route vers Jérusalem,
     Jésus traversait villes et villages en enseignant.
23 Quelqu’un lui demanda :
     « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »
     Jésus leur dit :
24 « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite,
     car, je vous le déclare,
     beaucoup chercheront à entrer
     et n’y parviendront pas.
25 Lorsque le maître de maison se sera levé
     pour fermer la porte,
     si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte,
     en disant :
     ‘Seigneur, ouvre-nous’,
     il vous répondra :
     ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.’
26 Alors vous vous mettrez à dire :
     ‘Nous avons mangé et bu en ta présence,
     et tu as enseigné sur nos places.’
27 Il vous répondra :
     ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.
     Éloignez-vous de moi,
     vous tous qui commettez l’injustice.’
28 Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents,
     quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob,
     et tous les prophètes
     dans le royaume de Dieu,
     et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors.
29 Alors on viendra de l’orient et de l’occident,
     du nord et du midi,
     prendre place au festin dans le royaume de Dieu.
30 Oui, il y a des derniers qui seront premiers,
     et des premiers qui seront derniers. »
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EFFORCEZ-VOUS D'ENTRER PAR LA PORTE ÉTROITE

Jésus est en route vers Jérusalem et, visiblement, il ne manque pas une occasion d’enseigner, mais ce qu’il dit n’est pas toujours ce qu’on attend. Ici, par exemple, quelqu’un pose une question à Jésus et il n’y répond pas directement ; la question porte sur le salut : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » La réponse ne porte pas sur ceux qui seront sauvés, comme s’il y avait d’avance des élus et des exclus, mais sur la seule condition pour entrer dans le royaume : être capable de passer par la porte ! « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare,  beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. »

L’image de la porte étroite est très suggestive : un obèse ou quelqu’un qui est encombré de paquets volumineux ne passe évidemment pas par une porte étroite… à moins de se décider à laisser ses paquets derrière lui ! Et tout est là, bien sûr. Jésus ne vise certainement l’obésité physique, on s’en doute, ni des valises de voyage ; la suite du texte permet de deviner quelle sorte d’obésité spirituelle, quels paquets encombrants il vise.

À ses auditeurs qui sont des Juifs, il dit : « Vous vous mettrez à dire : Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places. » En disant cela, il dénonce l’assurance de ses interlocuteurs, leur conviction que, de par leur naissance dans le peuple élu, ils ont droit au salut automatiquement ; la porte s’ouvrira pour eux toute grande. Et là, Jésus les détrompe, la porte est la même pour tout le monde. Et pourquoi ne seront-ils pas capables de la passer ? Jésus continue : « Le maître vous répondra : Je ne sais pas d'où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. »

Il est vrai que Jésus est l’un des leurs, qu’il a mangé et bu avec eux et enseigné chez eux ; il est vrai que leurs ancêtres Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes sont dans le Royaume de Dieu ; mais tout cela ne leur donne pas des droits. Et elle est là, peut-être, leur obésité spirituelle, ils sont là leurs paquets trop encombrants… c’est leur certitude : ils n’accueillent pas le royaume de Dieu comme un don, ils sont convaincus d’avoir des droits.

Alors on comprend la dernière phrase du discours de Jésus : « Il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. » Ceux qui étaient premiers dans le plan de Dieu, c’est le peuple juif : « Ils sont, dit Paul, Israélites, ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né » (Rm 9, 4-5).

LES CERTITUDES QUI FERMENT LA PORTE

Car le peuple juif est bien le peuple de l’Alliance ; par le choix souverain de Dieu, ils étaient les premiers porteurs de la Révélation. Comme le dit le livre du Deutéronome : « C’est uniquement à tes pères que le SEIGNEUR ton Dieu s’est attaché par amour. Après eux, entre tous les peuples, c’est leur descendance qu’il a choisie, ce qu’il fait encore aujourd’hui avec vous » (Dt 10, 15).

Et, à juste titre, le peuple d’Israël était heureux et fier d’être choisi par Dieu ; nous avons chanté récemment* le psaume 32/33 : « Heureuse la nation qui a le SEIGNEUR pour Dieu. Heureux le peuple qu’il s’est choisi pour patrimoine... Nous attendons le SEIGNEUR. Notre aide et notre bouclier, c’est lui. La joie de notre cœur vient de lui et notre confiance est dans son nom très saint » (Ps 32/33,12.20-21).

Mais, comme toute vocation, ce choix de Dieu était d’abord une mission : s’ils étaient les premiers invités du royaume, ils avaient mission d’y faire entrer toute l’humanité. Isaïe l’a rappelé plusieurs fois à ses contemporains : « Moi, le SEIGNEUR, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations » (Is 42, 6), « Il (le SEIGNEUR) dit : C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6). Leur mission, c’est de partager le souci de Dieu : que son salut atteigne l’humanité tout entière.

Au lieu de cela quand Jésus parle au nom de Dieu, ils refusent son enseignement parce qu’il les dérange dans leurs certitudes et leur contentement de soi. Il est là le mal qu’ils font. Quand Jésus leur dit : « Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice », il ne vise probablement pas des mauvaises actions, mais simplement leur fermeture de cœur. Par exemple, quelque temps auparavant, Jésus a accompli un miracle en guérissant une femme infirme : seulement voilà, c’était dans une synagogue un jour de sabbat. Au lieu de se réjouir de voir une femme guérie, ils ont critiqué le lieu et le moment. Voilà un bel exemple d’aveuglement ou d’obésité spirituelle pour reprendre l’image de la porte étroite. Voilà les paquets qu’il fallait accepter de laisser derrière soi pour passer la porte du royaume : accepter que Dieu ait d’autres pensées que nous sur son Royaume.

Pour certains des contemporains de Jésus, ce sont leurs certitudes qui les ont empêchés de reconnaître en lui le Messie qu’ils attendaient pourtant de tout leur cœur.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, 21 08 2022, 21e dimanche du temps ordinaire C

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