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28 janvier 2009 3 28 /01 /janvier /2009 07:30

Encore un article fort intéressant de Jean-Yves Naudet, Président de l'AEC (Association des Economistes Catholiques), sur le site de l'ALEPS !

Les taux d’intérêt font la une de l’actualité. D’une part le taux du livret A en France a été ramené de 4 à 2,5%, d’autre part, et les principaux taux des banques centrales, aux Etats-Unis, en Angleterre et encore le 15 janvier en Europe avec la BCE ont été également révisés à la baisse. Dans le premier cas, il s’agit d’un taux d’intérêt créditeur, pour les épargnants, dans l’autre d’un taux débiteur, appliqué aux banques « de second rang » qui veulent emprunter des liquidités aux banques centrales. Mais les deux ne sont pas sans lien : dans les deux cas, le taux est « fixé ». Mais qui fixe le taux, comment et pourquoi ?

 

Apprenez à calculer le taux du livret A

 

Ceux qui pensent que c’est le gouvernement qui fixe le taux du livret A se trompent. Il est vrai que jusqu’en 2008 il en était ainsi, et pour cause : le livret était géré par des institutions publiques et alimentait avant tout le financement public. Nous étions dans un contexte d’épargne « administrée ». Elle avait lieu à travers des circuits étatiques ou paraétatiques, des banques publiques (qui n’ont été peu à peu privatisées qu’il y a vingt ans) ou des organismes publics comme La Poste, les Caisses d’Epargne, etc. Cet argent n’allait d’ailleurs pas ensuite sur les marchés pour financer l’économie, mais dans des réseaux privilégiés comme la Caisse des Dépôts et Consignations, pour financer le logement social ou les prêts aux collectivités locales. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le taux soit maintenu à un niveau artificiellement bas, pour permettre un financement à bas prix du logement social, des infrastructures et des équipements des collectivités locales. La faiblesse du taux était compensée par la déductibilité fiscale des intérêts perçus par l’épargnant.

Ces « privilèges » n’avaient pas trouvé grâce aux yeux des autorités de Bruxelles, hostiles à une épargne« administrée », faussant la concurrence avec les circuits financiers privés.

Aussi, l’arrêté du 29 janvier 2008 a-t-il rompu avec cette tradition : désormais, l’Etat ne peut plus fixer à sa guise le taux du livret A. Ce taux est calculé suivant une formule simple, bien  adaptée  à une épargne qui se veut « populaire » :« les taux du livret A et du LDD sont  égaux,  après  arrondi

 


 

au quart de point le plus proche, au chiffre le plus élevé entre a)La moyenne arithmétique entre d’une part, la moitié de la somme de la moyenne mensuelle de l’Euribor 3 mois et de la moyenne mensuelle de l’Eonia, et, d’autre part, l’inflation en France mesurée par la variation sur les 12 derniers mois connus de l’indice INSEE des prix à la consommation ; b) L’inflation majorée d‘un quart de point ». Simplicité de cette formule abracadabrantesque !

 

Ce taux n’est pas un prix

 

Ce taux « mathématique » n’est pas le résultat de la confrontation d’une offre et d’une demande : c’est un « faux prix », comme disait Jacques Rueff. La logique aurait pourtant voulu qu’on se réfère plus simplement au marché, du moment où la concurrence était introduite par l’extension des privilèges fiscaux du livret A à toutes les banques.

Mais l’arrêté de 2008 n’est pas un retour au marché, bien qu’il veuille passer pour un retour à la concurrence. Les taux sont toujours fixes, et leur révision a lieu deux fois par an. L’an dernier, comme l’inflation était forte, le taux aurait dû monter plus, mais le gouvernement a arbitrairement limité la hausse à 4%. Cette année, l’inflation n’est plus que de 1%. Le calcul du taux donne donc, avec la formule, 2%. Cette fois, c’est trop peu selon la Banque de France, qui a recommandé au gouvernement de déroger à la formule pour appliquer 2,5%. Le gouvernement, après cafouillage, a accepté ce coup de pouce. Voilà donc une formule arbitraire, que l’on n’applique même pas, chaque fois que ses résultats ne plaisent pas. De plus, F. Fillon vient de déclarer qu’à l’avenir le taux sera réexaminé en fonction de l‘inflation « chaque fois que ce sera nécessaire », formule encore plus arbitraire.

 

La gestion des banques centrales : contrôler les quantités ou les prix des liquidités ?

 

Quant aux taux débiteurs fixés par les banques centrales, ils sont aussi les « faux prix » imposés aux banques « de second rang » qui ont besoin de liquidités (un besoin pressant par les temps qui courent). Les banques centrales, ayant le monopole de l’émission de la « monnaie de base » (en clair les billets), peuvent en proposer la quantité qu’elles veulent. Milton Friedman, père du monétarisme, incitait les banques centrales à respecter une règle d’émission stricte, tenant compte du besoin « normal » de liquidités dans une économie. D’après la théorie monétariste, la demande de liquidités étant dans une proportion à peu près constante du taux de croissance de l’économie, le taux d’intérêt, ne devrait pas connaître de grandes fluctuations si l’offre de liquidités était elle-même stable.

Depuis des années, les banques centrales font l’inverse et fixent arbitrairement les taux, la quantité s’adaptant à ceux-ci. Parfois, elles pratiquent des politiques restrictives (taux élevés), d’où une réduction arbitraire de la quantité de monnaie. Plus souvent, comme depuis des années avec la Fed, elles baissent le taux d’intérêt, dans la logique d’une relance keynésienne : on espère que les entreprises emprunteront et investiront plus. Cela ne marche pas, car les entreprises ont d’autres critères d’investissement que le seul taux, mais cela se traduit par une inondation monétaire, qui est à long terme inflationniste.

Cette politique de faux taux d’intérêt artificiellement bas a causé la crise des subprimes, et répondre à ce laxisme monétaire par un laxisme encore plus grand est stupéfiant : la Fed en deux ans a baissé ses taux de plus de 5% à 0 ou 0,25% et la BCE vient de suivre depuis peu, passant de 4,25% en octobre à 2% au 15 janvier. Un jour ou l’autre on paiera la facture de cette manipulation des taux, qui risque de conduire à des « plans d’irrigation pendant le déluge » (Rueff), ce qui se manifestera lorsque la défiance aura disparu et que le crédit reprendra. C’est de l’inflation garantie pour après-demain. La seule solution est de laisser le marché monétaire fixer les taux à court terme et de centrer la politique de la banque centrale sur la quantité de monnaie. A vrai dire, une véritable concurrence monétaire, comme la préconisait Hayek, serait préférable,  mais comme les hommes politiques ne comprennent même pas l’avantage de taux libres, ils peuvent encore moins souhaiter des monnaies libres. Ils préfèrent jouer à manipuler les taux. On en mesure le succès !

 

Jean Yves Naudet

Le 27 janvier 2009

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