Il n'est pas rare de lire ou d'entendre des chrétiens déclarer que l'Eglise a toujours condamné le libéralisme. Voyons ce qu'il en est réellement.
Ma référence préférée, vous le savez, c'est le récent compendium de la doctrine sociale de l'Eglise. Qu'y trouve-t-on à propose de libéralisme ? Ce terme y est cité 2 fois.
- A l'article 91, à propos de l'encyclique "Quadragesimo anno" (1931), qui énonce pour la première fois le principe de subsidiarité, le compendium dit : "L'Encyclique réfute le libéralisme compris comme concurrence illimitée des forces économiques, mais confirme de nouveau la valeur de la propriété privée, rappelant sa fonction sociale." Ceci amène deux observations de ma part. La première est que l'acception, présentée ici, du libéralisme, ne correspond pas à la réalité de la philosophie libérale. Celle-ci soutient, comme l'Eglise, que chaque être humain a un droit naturel à la liberté. La philosophie libérale affirme, tout comme l'Eglise, que la libre concurrence est un droit et un bienfait pour l'homme, mais ne se prononce pas sur le degré de concurrence qu'il faudrait imposer, puisqu'elle postule que chaque homme est libre ! Ma seconde remarque est que cette conception de la concurrence, de la part de Pie XI, est assez curieuse : il me semble qu'il la considère comme une agression, par un fournisseur, contre ses concurrents. La concurrence serait alors une guerre menée par un fournisseur contre d'autres fournisseurs, pour les faire disparaître. Dans la réalité, la concurrence consiste essentiellement à améliorer la qualité du service que l'on rend à ses clients et à diminuer le prix de ce service. Qui s'en plaindrait ? Faudrait-il reprocher au bon serviteur, dans la parabole des talents, de faire une concurrence illimitée à l'encontre du mauvais serviteur, celui qui enterre le talent que son maître lui a confié ? Faut-il condamner le bénévolat, qui est le degré supérieur de la concurrence ?
- A l'article 103, à propos de l'encyclique "Centesimus annus" (1991) de Jean-Paul II : "L'analyse articulée et approfondie des « res novae » et, en particulier, du grand tournant de 1989 avec l'effondrement du système soviétique, contient une appréciation de la démocratie et de l'économie libérale, dans le cadre d'une solidarité indispensable". Vous avez dit "condamnation" ?