Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 08:12

 Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner (cela est devenu très compliqué avec la nouvelle version d'Overblog) les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement). 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps ; avant, cliquer sur le lien éventuel figurant sur le titre de chaque lecture), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

Pour ceux qui cherchent les commentaires d'un des dimanches à venir, ils peuvent les trouver sur la partie gauche de mon blog, sous ma présentation personnelle, dans le cartouche "Marie-Noëlle Thabut commente..." : un lien vers les années liturgiques A, B et C permet de trouver l'ensemble des commentaires des dimanches des 3 années liturgiques.

PREMIERE LECTURE - Genèse 18, 1 - 10a

1 Au chêne de Mambré, le SEIGNEUR apparut à Abraham
qui était assis à l'entrée de la tente.
C'était l'heure la plus chaude du jour.
2 Abraham leva les yeux,
il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui.
Aussitôt, il courut à leur rencontre,
se prosterna jusqu'à terre et dit :
3 « Seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux,
ne passe pas sans t'arrêter près de ton serviteur.
4 On va vous apporter un peu d'eau,
vous vous laverez les pieds,
et vous vous étendrez sous cet arbre.
5 Je vais chercher du pain
et vous reprendrez des forces avant d'aller plus loin,
puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! »
Ils répondirent :
« C'est bien. Fais ce que tu as dit. »
6 Abraham se hâta d'aller trouver Sara dans sa tente,
et il lui dit :
« Prends vite trois grandes mesures de farine,
pétris la pâte et fais des galettes. »
7 Puis Abraham courut au troupeau,
il prit un veau gras et tendre,
et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer.
8 Il prit du fromage blanc, du lait,
le veau qu'on avait apprêté,
et les déposa devant eux ;
il se tenait debout près d'eux, sous l'arbre,
pendant qu'ils mangeaient.
9 Ils lui demandèrent :
« Où est Sara, ta femme ? »
il répondit :
« Elle est à l'intérieur de la tente. »
10 Le voyageur reprit :
« Je reviendrai chez toi dans un an,
et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »
 
 

Mambré est un habitant du pays de Canaan qui, à plusieurs reprises, a offert l'hospitalité à Abraham dans son bois de chênes (près de l'actuelle ville d'Hébron). On sait que, pour les Cananéens, les chênes étaient des arbres sacrés ; le récit que nous venons de lire rapporte une apparition de Dieu à Abraham alors qu'il avait établi son campement à l'ombre d'un chêne dans le bois qui appartenait à Mambré ; mais à vrai dire, ce n'est pas la première fois que Dieu parle à Abraham. Depuis le chapitre 12, le livre de la Genèse nous raconte les apparitions répétées et les promesses de Dieu à Abraham. Mais, pour l'instant, rien ne s'est passé ; Abraham et Sara vont mourir sans enfant.

Car on dit souvent que Dieu a choisi un peuple... En fait, non, Dieu a d'abord choisi un homme, et un homme sans enfants de surcroît. Et c'est à cet homme privé d'avenir (à vues humaines tout au moins) que Dieu a fait une promesse inouïe : « Je ferai de toi une grande nation... En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » (Gn 12, 2-3). A ce vieillard stérile, Dieu a dit « Compte les étoiles si tu le peux... Telle sera ta descendance. » Sur cette seule promesse, apparemment irréalisable, Abram a accepté de jouer toute sa vie. Abraham ne doutait pas que Dieu honorerait sa promesse mais il ne connaissait que trop le fait qui lui opposait un obstacle majeur : lui et Sara étaient stériles ! Ou, du moins, il pouvait le croire, puisqu'à soixante-quinze et soixante-cinq ans, ils étaient sans enfant.

Alors il avait imaginé des solutions : Dieu m'a promis une postérité, mais, après tout, mon serviteur est comme mon fils. « SEIGNEUR Dieu, que me donneras-tu ? Je m'en vais sans enfant, et l'héritier de ma maison, c'est Eliézer de Damas. » (Gn 15, 2). Mais Dieu avait refusé : « Ce n'est pas lui qui héritera de toi, mais c'est celui qui sortira de tes entrailles qui héritera de toi. » (Gn 15, 4). Quelques années plus tard, quand Dieu reparla de cette naissance, Abraham ne put pas s'empêcher d'abord d'en rire (Gn 17, 17) ; puis il imagina une autre solution : ce pourrait être mon vrai fils, cette fois, Ismaël, celui que j'ai eu de mon union (autorisée par Sara) avec Agar : « Un enfant naîtrait-il à un homme de cent ans ? Sara, avec ses quatre-vingt-dix ans pourrait-elle enfanter ?... Puisse Ismaël vivre en ta présence ! » Cette fois encore Dieu refusa : « Mais non ! Ta femme Sara va t'enfanter un fils et tu lui donneras le nom d'Isaac. » (Gn 17, 19). La Promesse est la Promesse.

Le texte que nous lisons ce dimanche suppose toute cette histoire d'Alliance déjà longue (vingt-cinq ans, si l'on en croit la Bible). L'événement se passe près du chêne de Mambré. Trois hommes apparurent à Abraham et acceptèrent son l'hospitalité : arrêtons-nous là. Contrairement aux apparences, l'importance de ce texte n'est pas cette hospitalité si généreusement offerte par Abraham ! Rien de plus banal, à cette époque-là, dans cette civilisation-là, même si c'est exemplaire !

Le message de l'auteur de ce texte, ce qui suscite son admiration, et du coup, l'envie de l'écrire pour le léguer aux générations futures est bien plus haut ! L'inouï vient de se produire : pour la première fois de l'histoire de l'humanité, Dieu en personne s'est invité chez un homme ! Car il ne fait de doute pour personne que les trois illustres visiteurs symbolisent Dieu ; la lecture de ce texte est pour nous un peu difficile, car on ne comprend pas très bien s'il y a un ou plusieurs visiteurs : « Abraham leva les yeux, il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui... il dit : Seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux... On va vous apporter un peu d'eau, vous vous laverez les pieds... vous reprendrez des forces... Ils lui demandèrent : Où est Sara, ta femme ? Le voyageur reprit : Je reviendrai chez toi dans un an... ». En fait, notre auteur écrit longtemps après les faits sur la base de plusieurs récits d'origines diverses. De tous ces récits, il ne fait qu'un seul, en harmonisant au mieux les formulations. Comme il veut éviter toute apparence de polythéisme, il prend bien soin de rappeler à plusieurs reprises que Dieu est unique. N'y cherchons donc pas trop vite une représentation de la Trinité ; l'auteur de ce texte ne pouvait la concevoir encore ; ce qui est sûr, c'est que Abraham a reconnu sans hésiter, dans ces trois visiteurs, la présence divine.

Dieu, donc, puisque c'est lui, à n'en pas douter, Dieu s'est invité chez Abraham, et pour lui dire quoi ? Pour lui confirmer le projet inespéré qu'il formait pour lui : l'an prochain, à pareille époque, Sara, la vieille Sara, aura un fils, et de ce fils naîtra un peuple qui sera l'instrument des bienfaits de Dieu : « Je reviendrai chez toi dans un an, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. » Sara qui avait écouté aux portes n'a pas pu s'empêcher de rire : ils étaient si vieux tous les deux ! Alors le voyageur a répondu cette phrase que nous ne devrions jamais oublier : « Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le SEIGNEUR ? » (Gn 18, 14). Et l'impossible, à vues humaines, s'est produit : Isaac est né, premier maillon de la descendance promise, innombrable comme les étoiles dans le ciel.

-------------------------

Compléments

- La lettre aux Hébreux a cette phrase superbe : « N'oubliez pas l'hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges. » (He 13, 2).

- Son vrai nom était Abram ; il venait d'Ur en Chaldée, une région qu'on appelle aujourd'hui l'Irak. Sa profession : nomade, éleveur de troupeaux. Le monde dans lequel il vivait n'était pas païen, loin de là : chaque peuple, chaque clan avait sa religion, ses rites. Alors où est la différence ? Il n'est pas non plus le premier, ni le seul homme à qui Dieu ait adressé la parole : Adam, Caïn, Noé (pour prendre les livres bibliques dans l'ordre) ont aussi entendu la voix de Dieu. Alors pourquoi cette popularité d'Abraham, si souvent cité dans l'Ancien Testament, le Nouveau Testament et le Coran ? Parce que les croyants des trois religions juive, chrétienne et musulmane le reconnaissent pour leur ancêtre ; tout est là : il est celui que Dieu a choisi pour commencer avec lui la longue histoire de l'Alliance.

« Abram eut foi dans le SEIGNEUR et pour cela il (le SEIGNEUR) le considéra comme juste. » (Gn 15, 6). Et Dieu lui a même donné un nom nouveau (jusque-là il s'appelait « Abram ») ; ce nouveau nom dit à la face du monde sa vocation : « Abraham » signifie « père d'une multitude ».

PSAUME 14 (15), 1a. 2. 3bc. 4ab.5 (Nous avons néanmoins copié le psaume en entier)

1 Qui entrera dans ta maison, SEIGNEUR ?
Qui habitera ta sainte montagne ?

2 Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son coeur.

3 Il met un frein à sa langue,
ne fait pas de tort à son frère
et n'outrage pas son prochain.

4 A ses yeux le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du SEIGNEUR.

S'il a juré à ses dépens,
il ne reprend pas sa parole.

5 Il prête son argent sans intérêt,
n'accepte rien qui nuise à l'innocent.
Qui fait ainsi demeure inébranlable.
 
 

Nous avons eu l'occasion de noter, souvent, que les psaumes ont tous été composés dans le but d'accompagner une action liturgique, au cours des pèlerinages et des fêtes au Temple de Jérusalem. Le psautier pourrait être comparé aux livres de chants qui nous accueillent aux portes de nos églises, comportant des chants prévus pour toute sorte de célébrations ; ici le pèlerin arrive aux portes du Temple et pose la question : suis-je digne d'entrer ?

Bien sûr, il connaît d'avance la réponse : « Soyez saints parce que je suis Saint » disait le livre du Lévitique (19, 2). Ce psaume ne fait qu'en tirer les conséquences : à celui qui désire entrer dans le Temple (la « maison » de Dieu), il rappelle les exigences d'une conduite digne du Dieu saint. « Qui entrera dans ta maison, SEIGNEUR? Qui habitera ta sainte montagne ? » La réponse est simple : « Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son cœur. » Les autres versets ne font que la détailler : être juste, être vrai, ne faire de tort à personne. Tout compte fait, cela ressemble à s'y méprendre au Décalogue : « Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne commettras pas de rapt, tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain, tu n'auras pas de visée sur la maison de ton prochain... » (Ex 20). Et quand Ezéchiel trace le portrait-robot de l'homme juste, il dit exactement la même chose : « Il accomplit le droit et la justice ; il ne mange pas sur les montagnes (les banquets en l'honneur des idoles) ; il ne lève pas les yeux vers les idoles de la maison d'Israël (c'est encore l'idolâtrie qui est visée ici) ; il ne déshonore pas la femme de son prochain... il n'exploite personne ; il rend le gage reçu pour dette ; il ne commet pas de rapines ; il donne son pain à l'affamé ; il couvre d'un vêtement celui qui est nu ; il ne prête pas à intérêt ; il ne prélève pas d'usure ; il détourne sa main de l'injustice ; il rend un jugement vrai entre les hommes ; il chemine selon mes lois ; il observe mes coutumes, agissant d'après la vérité : c'est un juste ; certainement, il vivra - oracle du SEIGNEUR Dieu. » (Ez 18, 5-9).


Michée reproduit, quant à lui, exactement la question de notre psaume, et il la développe : « Avec quoi me présenter devant le SEIGNEUR, m'incliner devant le Dieu de là-haut ? Me présenterai-je devant lui avec des holocaustes ? Avec des veaux d'un an ? Le SEIGNEUR voudra-t-il des milliers de béliers ? Des quantités de torrents d'huile ? Donnerai-je mon premier-né pour prix de ma révolte ? Et l'enfant de ma chair pour mon propre péché ? On t'a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR exige de toi : rien d'autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t'appliquer à marcher avec ton Dieu. » (Mi 6, 6-8). Et Isaïe, son contemporain, n'est pas en reste : A la question « Qui d'entre nous pourra tenir ? », il répond : « Celui qui se conduit selon la justice, qui parle sans détour, qui refuse un profit obtenu par la violence, qui secoue les mains pour ne pas accepter un présent, qui se bouche les oreilles pour ne pas écouter les paroles homicides, qui ferme les yeux pour ne pas regarder ce qui est mal. Celui-là résidera sur les hauteurs, les rochers fortifiés seront son refuge, le pain lui sera fourni, l'eau lui sera assurée. » (Is 33, 15-16). Un peu plus tard, Zacharie aura encore besoin de le répéter : « Voici les préceptes que vous observerez : dites-vous la vérité l'un à l'autre ; dans vos tribunaux prononcez des jugements véridiques qui rétablissent la paix ; ne préméditez pas de faire du mal l'un à l'autre ; n'aimez pas le faux serment, car toutes ces choses, je les déteste - oracle du SEIGNEUR. » (Za 8, 16-17).

C'est à la fois très classique et malheureusement toujours à reprendre. En attendant que celui-là seul qui en est capable change nos coeurs de pierre en coeurs de chair, comme dit Ezéchiel. Ceci nous amène à relire ce psaume en l'appliquant à Jésus-Christ : les évangiles le décrivent comme le « doux et humble de coeur » (Mt 11, 29), attentif aux exclus : les lépreux (Mc 1), la femme adultère (Jn 8), et combien de malades et de possédés, juifs ou païens ; et complètement étranger aux idées de profit, lui qui n'avait pas une pierre pour reposer sa tête.

Celui surtout qui nous invite à relire avec lui le verset 3 en lui donnant une tout autre dimension : « Il met un frein à sa langue, ne fait pas de tort à son frère et n'outrage pas son prochain. » Avec Jésus-Christ, désormais, nous savons que le cercle de nos « prochains » peut s'étendre à l'infini : c'est tout l'enjeu de la parabole du Bon Samaritain par exemple (que nous avons lue dimanche dernier).

Reste un verset un peu gênant : car on peut se demander si le verset 4 ne fait pas tache au milieu de tous ces beaux sentiments : « A ses yeux le réprouvé est méprisable » : il faut probablement y lire une résolution de fidélité : « le réprouvé », c'est l'infidèle, l'idolâtre : le pèlerin rejette toute forme d'idolâtrie ; manière de dire à Dieu « je partage ta cause, ce qui prouve ma bonne foi ».

Pour ma part, j'y vois une preuve de plus que la fidélité au Dieu unique a été un combat de tous les instants.

DEUXIÈME LECTURE - Colossiens 1, 24 - 28

 

Frères,
24 je trouve la joie dans les souffrances
que je supporte pour vous,
car ce qu'il reste à souffrir des épreuves du Christ,
je l'accomplis dans ma propre chair,
pour son corps qui est l'Eglise.
25 De cette Eglise je suis devenu ministre,
et la charge que Dieu m'a confiée,
c'est d'accomplir pour vous sa parole,
26 le mystère qui était caché depuis toujours
à toutes les générations,
mais qui maintenant a été manifesté
aux membres de son peuple saint.
27 Car Dieu a bien voulu leur faire connaître
en quoi consiste, au milieu des nations païennes,
la gloire sans prix de ce mystère :
le Christ est au milieu de vous,
lui, l'espérance de la gloire !
28 Ce Christ, nous l'annonçons :
nous avertissons tout homme,
nous instruisons tout homme avec sagesse
afin d'amener tout homme à sa perfection dans le Christ.

La première phrase de ce texte est redoutable ! « Ce qu'il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l'accomplis dans ma propre chair » : comment entendre cette phrase ? Resterait-il donc des souffrances à subir par le Christ ou par nous, pour faire bonne mesure, en quelque sorte ? Apparemment, il reste des souffrances à subir, puisque Paul le dit, mais ce n'est pas « pour faire bonne mesure ». Cela ne découle pas d'une exigence de Dieu ! C'est une nécessité malheureusement due à la dureté de cœur des hommes !
Ce qui reste à souffrir, ce sont les difficultés, les oppositions, voire les persécutions que rencontre toute entreprise d'évangélisation. Jésus lui-même l'a dit clairement à plusieurs reprises, avant et après sa propre passion et sa Résurrection ; à ses apôtres, il avait dit : « Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, le troisième jour, il ressuscite. » (Lc 9, 22) ; et après sa Résurrection, il l'expliqua aux disciples d'Emmaüs : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26). Et ce qui fut le sort du maître sera celui de ses disciples ; là encore, il les a bien prévenus : « On vous livrera aux tribunaux et aux synagogues, vous serez roués de coups, vous comparaîtrez devant des gouverneurs et des rois à cause de moi : ils auront là un témoignage. Car il faut d'abord que l'évangile soit proclamé à toutes les nations. » (Mc 13, 9-10). Nous voilà prévenus : tant que la tâche n'est pas terminée, il faudra encore se donner de la peine et traverser bien des difficultés, voire des persécutions. Cela bien concrètement, dans notre propre chair.
Il n'est évidemment pas question d'imaginer que cela résulterait d'un décret de Dieu, avide de voir souffrir ses enfants, et comptable de leurs larmes ; une telle supposition défigure le Dieu de tendresse et de pitié que Moïse lui-même avait déjà découvert. La réponse tient en deux points : premièrement, pour l'œuvre d'évangélisation, Dieu sollicite des collaborateurs ; il n'agit pas sans nous ; deuxièmement, le monde refuse d'entendre la Parole, pour ne pas avoir à changer de conduite ; alors il s'oppose de toutes ses forces à la propagation de la Bonne Nouvelle. Cela peut aller jusqu'à persécuter et supprimer les témoins gênants de la Parole. C'est exactement ce que vit Paul, emprisonné pour avoir trop parlé de Jésus de Nazareth.1 Et dans ses lettres aux jeunes communautés chrétiennes, il encourage à plusieurs reprises ses interlocuteurs à accepter à leur tour la persécution inévitable : « Que personne ne soit ébranlé au milieu des épreuves présentes, car vous savez bien que nous y sommes destinés. » (1 Thes 3, 3). Et Pierre en fait autant « Résistez, fermes dans la foi, sachant que les mêmes souffrances sont réservées à vos frères dans le monde. » (1 P 5, 9-10).
Il n'est donc pas question de baisser les bras : « Ce Christ, nous l'annonçons, dit Paul, (sous-entendu, envers et contre tout), nous avertissons tout homme, nous instruisons tout homme avec sagesse afin d'amener tout homme à sa perfection dans le Christ. » Celui-ci a commencé, il nous reste à achever l'œuvre d'annonce. C'est bien ainsi que, dans la lettre aux Romains, Paul envisage son ministère : « La grâce que Dieu m'a donnée est d'être un officiant de Jésus-Christ auprès des païens, consacré au ministère de l'Evangile de Dieu, afin que les païens deviennent une offrande qui, sanctifiée par l'Esprit Saint, soit agréable à Dieu. » (Rm 15, 15-16).
Ainsi grandit peu à peu l'Eglise, Corps du Christ ; par rapport à la première lettre aux Corinthiens (1 Co 12), la vision de Paul s'est encore élargie : dans la lettre aux Corinthiens, Paul employait déjà l'image du corps, mais seulement pour parler de l'articulation des membres entre eux, dans chaque Eglise locale ; ici, il envisage l'Eglise universelle, grand corps, dont le Christ est la tête. Elle est cette part de l'humanité qui reconnaît la primauté du Christ sur tout le cosmos dont parlait l'hymne des versets précédents : « Le Christ est l'image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature, car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui. Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui. Il est aussi la tête du corps, c'est-à-dire de l'Eglise. » (Col 1, 15-18).2
Ce mystère du projet de Dieu a été révélé aux chrétiens, il est leur source intarissable de joie et d'espérance : « Le Christ est au milieu de vous, lui, l'espérance de la gloire ! » (verset 27). Et c'est l'émerveillement de cette présence du Christ au milieu d'eux qui transforme les croyants en témoins. Dans la deuxième lettre aux Corinthiens, Paul peut dire : « De même que les souffrances du Christ abondent pour nous, de même, par le Christ, abonde aussi notre consolation. » (2 Co 1, 5). Et dans la lettre aux Philippiens : « Dieu vous a fait la grâce à l'égard du Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui. » (Phi 1, 29). Ici, il avait commencé par affirmer : « Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu'il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l'accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l'Eglise. »

---------------------

Notes

1 - Traditionnellement, (c'est-à-dire on a longtemps pensé que) la lettre aux Colossiens fait partie des lettres dites « de la captivité » (de Paul à Césarée). Aujourd'hui, certains exégètes pensent que cette lettre ne serait pas de Paul lui-même, mais si elle n'est pas de sa main, l'auteur fait ici référence à cet épisode de la vie de Paul.

2 - Si la lettre aux Colossiens est d'un disciple de Paul, on comprend d'autant mieux (et on admire) ce développement, cette maturation de la théologie dans la fidélité au grand apôtre.

ÉVANGILE - Luc 10, 38-42

 

38 Alors qu'il était en route avec ses disciples,
Jésus entra dans un village.
Une femme appelée Marthe
le reçut dans sa maison.
39 Elle avait une soeur, nommée Marie,
qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur,
écoutait sa parole.
40 Marthe était accaparée par les multiples occupations du service.
Elle intervint et dit :
« Seigneur, cela ne te fait rien ?
Ma soeur me laisse seule à faire le service.
Dis-lui donc de m'aider. »
41 Le Seigneur lui répondit :
« Marthe, Marthe,
tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses.
42 Une seule est nécessaire.
Marie a choisi la meilleure part :
elle ne lui sera pas enlevée. »

« Cherchez d'abord le Royaume et la justice de Dieu et le reste vous sera donné par surcroît. » La formule est de Matthieu (Mt 6, 33) ; elle est peut-être le meilleur commentaire de la leçon de Jésus dans la maison de Marthe et Marie.

« Jésus était en route avec ses disciples », dit Luc, et l'on sait que ce long voyage est l'occasion pour lui de donner de multiples consignes à ses disciples ; depuis la fin du chapitre 9, Jésus, commençant la montée vers Jérusalem, s'est uniquement préoccupé de leur donner des points de repère pour les aider à rester fidèles à leur vocation merveilleuse et exigeante de suivre le Seigneur. Entre autres, il leur a recommandé d'accepter l'hospitalité (Lc 9, 4 ; 10, 5-9) ; c'est exactement ce qu'il fait lui-même ici : on peut donc penser qu'il accepte avec gratitude l'hospitalité de Marthe.

Ce récit, propre à Luc, suit immédiatement la parabole du Bon Samaritain : il n'y a certainement pas contradiction entre les deux ; et, en particulier, gardons-nous de critiquer Marthe, l'active, par rapport à Marie, la contemplative. Le centre d'intérêt de l'évangéliste est plutôt, semble-t-il, la relation des disciples au Seigneur. Cela ressort du contexte (voir plus haut) et de la répétition du mot « Seigneur » qui revient trois fois : « Marie se tenait assise aux pieds du Seigneur »... Marthe dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ?... » « Le Seigneur lui répondit ». L'emploi de ce mot fait penser que la relation décrite par Luc entre Jésus et les deux soeurs, Marthe et Marie, n'est pas à juger selon les critères habituels de bonne conduite. Ici, le Maître veut appeler au discernement de ce qui est « la meilleure part », c'est-à-dire l'attitude la plus essentielle qu'il attend de ses disciples.
Les deux femmes accueillent le Seigneur en lui donnant toute leur attention : Marthe, pour bien le recevoir, Marie, pour ne rien perdre de sa parole. On ne peut pas dire que l'une est active, l'autre passive ; toutes deux ne sont occupées que de lui. Dans la première partie du récit, le Seigneur parle. On ne nous dit pas le contenu de son discours : on sait seulement que Marie, dans l'attitude du disciple qui se laisse instruire (cf Is 50), boit ses paroles. Tandis que l'on voit Marthe « accaparée par les multiples occupations du service ». Le dialogue proprement dit n'intervient que sur la réclamation de Marthe : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma sœur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m'aider. »
Le Seigneur prononce alors une phrase qui a fait couler beaucoup d'encre : « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. » Jésus ne reproche certainement pas à Marthe son ardeur à bien le recevoir ; qui dit hospitalité, surtout là-bas, dit bon déjeuner, donc préparatifs ; « tuer le veau gras » est une expression biblique !
Et combien d'entre nous se retrouvent trop souvent à leur gré dans le rôle de Marthe en se demandant où est la faute ? Il semblerait plus facile, assurément, de prendre l'attitude de Marie et de se laisser servir, en tenant compagnie à l'invité au salon ! La cuisinière est souvent frustrée de manquer les conversations !
Mais c'est le comportement inquiet de Marthe qui inspire à Jésus une petite mise au point, profitable pour tout le monde. Et, en réalité, à travers le personnage des deux sœurs, il donne une recommandation à chacun de ses disciples : « Une seule chose est nécessaire » ne veut pas dire qu'il faut désormais se laisser dépérir ! Mais qu'il ne faut pas négliger l'essentiel ; il nous faut bien tour à tour, chacun et chacune, jouer les Marthe et les Marie, mais attention de ne pas nous tromper de priorité.
Une leçon que Jésus reprendra plus longuement, un peu plus loin (et qu'il nous est bon de relire ici, la liturgie ne nous en proposant pas la lecture). « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. Observez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'ont ni cellier ni grenier ; et Dieu les nourrit. Combien plus valez-vous que les oiseaux ! Et qui d'entre vous peut par son inquiétude prolonger tant soit peu son existence ? Si donc vous êtes sans pouvoir même pour si peu, pourquoi vous inquiéter pour tout le reste ? Observez les lis : ils ne filent ni ne tissent et, je vous le dis : Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'a jamais été vêtu comme l'un d'eux. Si Dieu habille ainsi en pleins champ l'herbe qui est là aujourd'hui et qui demain sera jetée au feu, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi. Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, ne vous tourmentez pas. Tout cela, les païens de ce monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » (Lc 12, 22-32)1.
« Sois sans crainte », c'est certainement le maître-mot ; ailleurs, il mettra en garde ses disciples contre les soucis de la vie qui risquent d'alourdir les cœurs : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que vos cœurs ne s'alourdissent dans l'ivresse, les beuveries et les soucis de la vie » (Lc 21, 34). Ceux-ci risquent également de nous empêcher d'écouter la Parole ; c'est le message de la parabole du semeur : « Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui entendent et qui, du fait des soucis, des richesses et des plaisirs de la vie, sont étouffés en cours de route et n'arrivent pas à maturité. » (Lc 8, 14). Si Marthe n'y prend pas garde, cela pourrait devenir son cas, peut-être ?
Sans oublier qu'en définitive, c'est toujours Dieu qui nous comble et non l'inverse ! Ne pourrait-on pas traduire : « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour faire des choses pour moi... La meilleure part, c'est de m'accueillir, c'est moi qui vais faire des choses pour toi. »
Sans oublier qu'en définitive, c'est toujours Dieu qui nous comble et non l'inverse ! Ne pourrait-on pas traduire : « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour faire des choses pour moi... La meilleure part, c'est de m'accueillir, c'est moi qui vais faire des choses pour toi. »

----------------------

Compléments

Les Douze ont retenu la leçon : plus tard, un jour est venu pour eux de choisir entre deux missions : la prédication de la Parole et le service des tables ; ils ont choisi de se consacrer à la première et ils ont confié le service des tables à d'autres : « Il ne convient pas que nous délaissions la Parole de Dieu pour le service des tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d'Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole. » (Ac 6, 2-4). Car il ne faut jamais oublier que « l'homme ne vit pas seulement de pain, mais qu'il vit de tout ce qui vient de la bouche du SEIGNEUR. » (Dt 8, 3). En même temps, le service des tables n'est pas méprisé, puisque l'on choisit avec soin ceux qui en seront chargés.

 

L'intelligence des écritures

Partager cet article

Repost0
20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 17:40

Partager cet article

Repost0
17 juillet 2013 3 17 /07 /juillet /2013 08:24

Torture & tentative d'assassinat par sa famille pour cet ex musulman descendant de Mohamed http://youtu.be/D3-rRiQFa9Q Ali du mensonge en islam à la Vérité de Jésus http://www.youtube.com/watch?v=6RLeQYfmojM Conversion bouleversante de Mohamed Hassane animateur d'une room musulmane de PALTALK http://www.youtube.com/watch?v=NI1l4RPGnd4 Un amazigh marocain pour la fin de l'état religieux et l'arrêt des MISES A MORT des ex musulmans http://youtu.be/NTqi1vrVSsA Pourquoi des milliers de religieux musulmans oulémas, sheikh imams se convertissent au Christ ?

Partager cet article

Repost0
16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 06:37
J'aime voir la liberté défendue ...

Partager cet article

Repost0
12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 17:46

A la suite d'un certain nombre de relances de la part d'Overblog, je suis passé récemment à la nouvelle version de ce gestionnaire de blog. Le résultat est calamiteux, cauchemardesque. Cette version était censée apporter des améliorations substantielles, elle marque en réalité une régression inimaginable pour les blogueurs qui, comme moi, se sont laissés piéger. Et il est impossible de revenir à la version précédente (j'étais prévenu).

J'ai voulu modifier mon dernier article (commentaires de Marie-Noëlle Thabut, année liturgique C, 15e dimanche ordinaire 14 juillet 2013). Je n'y arrive pas. A titre d'exemple, le nouvel éditeur de texte de permet pas de surligner tel ou tel passage des articles publiés.

Basculer sur une autre plateforme de blog (Blogger est recommandé, semble-t-il) me prendrait trop de temps. Je pense donc arrêter mon blog purement et simplement.

Mes lecteurs trouveront toujours les commentaires de Marie-Noëlle Thabut, mais seulement ceux des années précédentes (c'est à dire sans les mises à jour que l'auteur apporte régulièrement). Il leur faudra pour cela aller cliquer dans le bloc "Marie-Noëlle Thabut commente ...", sous ma photo(1).

Enfin, je prie les lecteurs qui tomberont sur cet article de bien vouloir prévenir leurs connaissances susceptibles d'être concernées : je leur recommande de ne surtout pas choisir Overblog comme plateforme de blog, et de ne surtout pas basculer sur la nouvelle version si elles ont déjà recours à cette plateforme. Merci d'avance.

 

(1) Jusqu'au 23 juillet 2013, ceci n'était pas possible: en effet, la nouvelle version d'Overblog a modifié les adresses URL des pages du blog (notamment, "Année liturgique A", "Année liturgique B", "Année liturgique C") sans en avertir les blogueurs !

Partager cet article

Repost0
8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 14:51

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement). 

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps ; avant, cliquer sur le lien éventuel figurant sur le titre de chaque lecture), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

Pour ceux qui cherchent les commentaires d'un des dimanches à venir, ils peuvent les trouver sur la partie gauche de mon blog, sous ma présentation personnelle, dans le cartouche "Marie-Noëlle Thabut commente..."  : un lien vers les années liturgiques A, B et C permet de trouver l'ensemble des commentaires des dimanches des 3 années liturgiques.

 

PREMIERE LECTURE - Deutéronome 30, 10 - 14

Moïse disait au peuple d'Israël :
10 « Écoute la voix du SEIGNEUR ton Dieu,
en observant ses ordres et ses commandements
inscrits dans ce livre de la Loi ;
reviens au SEIGNEUR ton Dieu,
de tout ton cœur et de toute ton âme.
11 Car cette Loi que je te prescris aujourd'hui
n'est pas au-dessus de tes forces
ni hors de ton atteinte.
12 Elle n'est pas dans les cieux, pour que tu dises :
Qui montera aux cieux
nous la chercher et nous la faire entendre,
afin que nous la mettions en pratique ?
13 Elle n'est pas au-delà des mers, pour que tu dises :
Qui se rendra au-delà des mers
nous la chercher et nous la faire entendre,
afin que nous la mettions en pratique ?
14 Elle est tout près de toi, cette Parole,
elle est dans ta bouche et dans ton cœur
afin que tu la mettes en pratique. »

Le livre du Deutéronome se présente comme le dernier discours de Moïse, son testament spirituel en quelque sorte : il n'a pas été écrit par Moïse lui-même puisqu'il répète à de nombreuses reprises : Moïse a dit, Moïse a fait... Mais l'auteur use de beaucoup de solennité pour résumer ce qui lui semble être l'apport majeur de Moïse. Jusqu'ici, chaque fois que nous lisions le Deutéronome, nous avons rencontré une très grande insistance sur la fidélité à la pratique des commandements ; nous la retrouverons ici.

Évidemment, si l'auteur du Deutéronome ne craint pas de se répéter, c'est parce que le peuple y a trop souvent manqué ; le royaume du Nord a fait lui-même son propre malheur, et depuis la victoire des Assyriens, il est rayé de la carte. Les habitants du royaume du Sud feraient bien d'en tirer les leçons et c'est à eux que l'auteur s'adresse ici : « Vous veillerez à agir comme vous l'a ordonné le SEIGNEUR votre Dieu, sans vous écarter ni à droite ni à gauche. Vous marcherez toujours sur le chemin que le SEIGNEUR votre Dieu vous a prescrit, afin que vous restiez en vie, que vous soyez heureux et que vous prolongiez vos jours dans le pays dont vous allez prendre possession. » (Dt 5, 32-33). Autrement dit, c'est une affaire de vie ou de mort : l'expression « afin que tu vives » revient souvent dans ce livre ; doublée souvent de la formule « afin que tu sois heureux ». Par exemple : « Tu écouteras, Israël, et tu veilleras à mettre les commandements en pratique : ainsi tu seras heureux, et vous deviendrez très nombreux, comme te l'a promis le SEIGNEUR, le Dieu de tes pères, dans un pays ruisselant de lait et de miel. » (Dt 6, 3).

Malheureusement, le peuple avait « la nuque raide » comme disait Moïse ; à la fin de sa vie, quand il réfléchissait sur le passé, il pouvait dire : « Ce n'est pas parce que tu es juste que le SEIGNEUR te donne ce bon pays en possession, car tu es un peuple à la nuque raide. Souviens-toi, n'oublie pas que tu as irrité le SEIGNEUR ton Dieu dans le désert. Depuis le jour où tu es sorti du pays d'Égypte jusqu'à votre arrivée ici, vous avez été en révolte contre le SEIGNEUR. » (Dt 9, 6-7).

Je m'arrête sur cette expression « nuque raide » : il y a une superbe image qui se cache derrière ces formules que nous disons malheureusement toujours trop vite ; il faut avoir devant les yeux un joug, cette pièce de bois qui unit deux bœufs pour labourer. L'expression « nuque raide » évoque donc un attelage, ou plus exactement une bête qui refuse de courber son cou sous l'attelage ; si une bête est rétive, on se doute bien que l'attelage est moins performant : or, justement, l'Alliance entre Dieu et son peuple était comparée à une attache, un joug d'attelage. Pour recommander l'obéissance à la Loi, Ben Sirac, par exemple, disait : « Soumettez votre nuque à son joug et que votre âme reçoive l'instruction ! » (Si 51, 26-27). Jérémie reprochant au peuple d'Israël ses manquements à la Loi disait dans le même sens : « Tu as brisé ton joug » (Jr 2, 20 ; Jr 5, 5). On comprend mieux du coup la phrase célèbre de Jésus : « Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école... Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. » (Mt 11, 29-30).

Cette phrase de Jésus a peut-être bien ses racines justement dans notre texte du Deutéronome : « Cette Loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. » Autrement dit, Dieu ne demande pas à son peuple des choses impossibles. Peut-être ce passage s'adresse-t-il à des croyants découragés, à l'instar des disciples qui se plaignirent un jour à Jésus en lui demandant « Qui donc peut être sauvé ? » (Mt 19, 25).

On retrouve bien là, dans le Deutéronome d'abord, chez Jésus ensuite, le grand message très positif de la Bible : la Loi est à notre portée, le mal n'est pas irrémédiable ; l'humanité va vers son salut : un salut qui consiste à vivre dans l'amour de Dieu et des autres, pour le plus grand bonheur de tous. Mais, l'expérience aidant, on a appris aussi que la pratique d'une vie juste, c'est-à-dire en conformité avec ce projet de Dieu est quasi-impossible aux hommes s'ils comptent sur leurs seules forces. Et la leçon est toujours la même : Jésus répond à ses disciples : « Aux hommes c'est impossible, mais à Dieu, tout est possible. » (Mt 19, 26).

Oui, à Dieu tout est possible, y compris de transformer nos nuques raides. Puisque son peuple est désespérément incapable de fidélité, c'est Dieu lui-même qui transformera son cœur : « Le SEIGNEUR ton Dieu te circoncira le cœur, pour que tu aimes le SEIGNEUR et que tu vives. » (Dt 30, 6). Par « circoncision du cœur », on entend l'adhésion de l'être tout entier à la volonté de Dieu. On a longtemps espéré que le peuple lui-même atteindrait cette qualité d'adhésion à l'Alliance « de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » (comme dit la fameuse phrase du « Shema Israël », la grande profession de foi, Dt 6, 4) ; mais il a bien fallu se rendre à l'évidence ; et des prophètes comme Jérémie, Ézéchiel prennent acte de ce qu'il y faudra une intervention de Dieu : « Je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, les inscrivant dans leur être ; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi. » (Jr 31, 33).

 

PSAUME 18 (19), 8, 9, 10, 11

8 La loi du SEIGNEUR est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du SEIGNEUR est sûre,
qui rend sages les simples.

9 Les préceptes du SEIGNEUR sont droits,
ils réjouissent le cœur ;
le commandement du SEIGNEUR est limpide,
il clarifie le regard.

10 La crainte qu'il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du SEIGNEUR sont justes
et vraiment équitables :

11 plus désirables que l'or,
qu'une masse d'or fin,
plus savoureuses que le miel
qui coule des rayons.

Curieuse litanie en l'honneur de la Loi : « La Loi du SEIGNEUR », « la charte du SEIGNEUR », « les préceptes du SEIGNEUR », « le commandement du SEIGNEUR », « les décisions du SEIGNEUR »... En réalité, il n'est question que de Dieu, celui qui a révélé son Nom à Moïse : le SEIGNEUR. Celui qui a choisi ce peuple parmi tous les peuples de la terre, et l'a libéré... Celui qui a proposé à ce peuple son Alliance pour l'accompagner dans toute son existence... Celui, enfin, qui poursuit son œuvre de libération en proposant sa Loi...

Il ne faut jamais oublier qu'avant toute autre chose, le peuple juif a expérimenté la libération apportée par son Dieu. Et les « commandements » sont dans la droite ligne de la sortie d'Égypte : ils sont une entreprise de libération. Dieu a « fait sortir » (c'est l'expression consacrée) son peuple des chaînes de l'esclavage, il le fera sortir de toutes les autres chaînes qui empêchent l'homme d'être heureux. C'est cela l'Alliance Éternelle. L'Exode était route vers la Terre Promise ; l'obéissance à la Loi est cheminement vers la véritable Terre Promise, la Patrie future de l'humanité.

Le livre du Deutéronome y insiste à plusieurs reprises : « Puisses-tu écouter Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux » (Dt 6, 3). A quoi notre psaume répond en écho : « Les préceptes du SEIGNEUR sont droits, ils réjouissent le cœur ».

La grande certitude qu'ont acquise les hommes de la Bible, c'est que Dieu veut l'homme heureux, et il lui en donne le moyen, un moyen bien simple : il suffit d'écouter la Parole de Dieu inscrite dans la Loi. Le chemin est balisé, les commandements sont comme des poteaux indicateurs sur le bord de la route, pour alerter notre regard sur un danger éventuel : « Le commandement du SEIGNEUR est limpide, il clarifie le regard ». Au jour le jour, la Loi est notre maître, elle nous enseigne : on sait que la racine du mot « Torah » en hébreu signifie d'abord « enseigner ». « La charte du SEIGNEUR est sûre, qui rend sages les simples ». Ici les simples, ce sont ceux justement qui acceptent tout humblement de se laisser enseigner par Dieu : « Et maintenant, Israël, qu'est-ce que le SEIGNEUR ton Dieu attend de toi ? Il attend seulement que tu craignes le SEIGNEUR ton Dieu en suivant tous ses chemins, en aimant et en servant le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, en gardant les commandements du SEIGNEUR et les lois que je te donne aujourd'hui pour ton bonheur ». (Dt 10, 12 - 13). Et le prophète Michée reprend en écho : « On t'a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR exige de toi : rien d'autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t'appliquer à marcher avec ton Dieu ». (Mi 6, 8). Il n'y a pas d'autre exigence, il n'y a pas non plus d'autre chemin pour être heureux.

« Les décisions du SEIGNEUR sont justes et vraiment équitables, plus désirables que l'or, qu'une masse d'or fin, plus savoureuses que le miel qui coule des rayons. » Là, on touche du doigt la distance culturelle qui nous sépare de l'auteur de ce psaume : pour nous comme pour lui, l'or est un métal à la fois inaltérable, et précieux, donc désirable. Pour le miel, c'est autre chose : il n'évoque sûrement pas pour nous ce qu'il représentait pour un habitant de Palestine ; quand Dieu appelle Moïse pour la première fois et lui confie la mission de libérer son peuple, il lui promet : « Je vous ferai monter de la misère d'Égypte... vers le pays ruisselant de lait et de miel » (Ex 3, 17). On ne sait pas à quand remonte cette expression : apparemment, elle est très ancienne et les Cananéens l'employaient déjà. Pour eux, comme pour Israël, elle caractérise l'abondance et la douceur. Du miel, on en trouve évidemment bien ailleurs qu'en Palestine : le goût sucré des gâteaux de miel est apprécié dans de nombreux pays. On en trouve même dans le désert : la preuve, c'est que Jean-Baptiste « se nourrissait de miel sauvage » (Mt 3, 4), mais c'est quand même rare ! Et justement, ce qui sera merveilleux dans la Terre Promise, ce sera la profusion, le miel « ruissellera ».

Cette abondance, cette douceur est attribuée à l'action de Dieu ; mais, me direz-vous, cela non plus n'est pas propre au peuple d'Israël : partout ou presque on pense que notre vie est dans les mains des dieux ; et tous les rites religieux sont justement faits pour obtenir les faveurs des divinités : on cherche à leur plaire pour obtenir la pluie en temps voulu, pour éviter la grêle, les sauterelles et tout ce qui pourrait compromettre les récoltes... Parce que les divinités ont tout pouvoir.

Ce qui est propre à Israël, c'est son expérience de l'oeuvre de Dieu, et cela change tout ! Il ne s'agit pas de l'amadouer pour obtenir ses bienfaits ; ses bienfaits sont acquis d'avance. Ce qui est propre à Israël, c'est son expérience de la générosité de Dieu. Dieu a pris l'initiative de créer le monde, simplement par amour ; Dieu a pris l'initiative de sauver son peuple, simplement par amour. Et le miel devient pour eux symbole de la douceur même de Dieu. Le livre du Deutéronome, quand il rappelle au peuple toute la sollicitude que Dieu lui a prodiguée pendant l'Exode, dit : « Il rencontre son peuple au pays du désert, Il lui fait sucer le miel dans le creux des pierres » (Dt 32, 13). La manne, aussi, parce qu'elle est douce et parce qu'elle est cadeau de Dieu, est comparée à du miel : « C'était comme de la graine de coriandre, c'était blanc, avec un goût de beignets au miel » (Ex 16, 31). Désormais on parlera des oignons d'Égypte, mais du miel de Canaan : il y a pourtant du miel aussi en Égypte, mais on n'avait pas encore fait l'expérience de l'Exode et de la Présence de Dieu.

Désormais, Israël ne sait pas seulement que la Parole de Dieu a créé le monde, Israël sait mieux encore que sa Parole sauve le monde : « La loi du SEIGNEUR est parfaite, qui redonne vie ; la charte du SEIGNEUR est sûre, qui rend sages les simples. »

--------------------------

Complément

- C'est dans le Livre du Deutéronome qu'on trouve les plus belles méditations sur la Loi ; par exemple : « Interroge donc les jours du début, ceux d'avant toi, depuis le jour où Dieu créa l'humanité sur la terre, interroge d'un bout à l'autre du monde : est-il rien arrivé d'aussi grand ? A-t-on rien entendu de pareil ?... A toi, il t'a été donné de voir, pour que tu saches que c'est le SEIGNEUR qui est Dieu : il n'y en a pas d'autre que lui... Reconnais-le aujourd'hui et réfléchis : c'est le SEIGNEUR qui est Dieu, en haut dans le ciel et en bas sur la terre ; il n'y en a pas d'autre. Garde ses lois et ses commandements que je te donne aujourd'hui pour ton bonheur et celui de tes fils après toi, afin que tu prolonges tes jours sur la terre que le SEIGNEUR ton Dieu te donne, tous les jours. » (Dt 4, 32... 40).

 

DEUXIEME LECTURE - Colossiens 1, 15 - 20

15 Le Christ est l'image du Dieu invisible,
le premier-né par rapport à toute créature,
16 car c'est en lui que tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
les êtres visibles
et les puissances invisibles :
tout est créé par lui et pour lui.
17 Il est avant tous les êtres,
et tout subsiste en lui.
18 Il est aussi la tête du corps,
c'est-à-dire de l'Église.
Il est le commencement,
le premier-né d'entre les morts,
puisqu'il devait avoir en tout la primauté.
19 Car Dieu a voulu que dans le Christ,
toute chose ait son accomplissement total.
20 Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui,
sur la terre et dans les cieux,
en faisant la paix par le sang de sa croix.

 

Je commence par la dernière phrase qui est peut-être pour nous la plus difficile : « Dieu a voulu tout réconcilier par le Christ et pour lui, sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. » Paul ici compare la mort du Christ à un sacrifice comme on en offrait habituellement au Temple de Jérusalem. Il existait en particulier des sacrifices qu'on appelait « sacrifices de paix ».
Paul sait bien que ceux qui ont condamné Jésus n'avaient aucunement l'intention d'offrir un sacrifice : tout d'abord parce que les sacrifices humains n'existaient plus en Israël depuis fort longtemps ; ensuite parce que Jésus a été condamné à mort comme un malfaiteur et exécuté hors de la ville de Jérusalem. Mais il contemple une chose inouïe : dans sa grâce, Dieu a transformé l'horrible passion infligée à son fils par les hommes en œuvre de paix ! On pourrait lire « Dieu a bien voulu tout réconcilier par le Christ et pour lui, sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. » Pour le dire autrement, c'est la haine des hommes qui tue le Christ, mais, par un mystérieux retournement, parce que Dieu accomplit cette œuvre de grâce, ce paroxysme de haine des hommes est transformé en un instrument de réconciliation, de pacification.
Et pourquoi sommes-nous réconciliés ? Parce qu'enfin, nous connaissons Dieu tel qu'il est vraiment, pur amour et pardon, bien loin du Dieu punisseur que nous imaginons parfois. Et cette découverte peut transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair (pour reprendre l'expression d'Ézéchiel) si nous laissons l'Esprit du Christ envahir nos cœurs. Dans cette lettre aux Colossiens, nous lisons la même méditation que développe également saint Jean et qui est inspirée par Zacharie. De la part de Dieu, le prophète annonçait : « En ce jour-là, je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit qui fera naître en eux bonté et supplication. Ils lèveront les yeux vers celui qu'ils ont transpercé... ils pleureront sur lui. » (Za 2, 10). En d'autres termes, c'est Dieu qui nous inspire de contempler la croix et, de cette contemplation, peut naître notre conversion, notre réconciliation.
Paul nous invite donc à cette même contemplation : en levant les yeux vers le transpercé (comme dit Zacharie) nous découvrons en Jésus l'homme juste par excellence, l'homme parfait, tel que Dieu l'a voulu. Dans le projet créateur de Dieu, l'homme est créé à son image et à sa ressemblance ; la vocation de tout homme, c'est donc d'être l'image de Dieu. Or le Christ est l'exemplaire parfait, si l'on ose dire, il est véritablement l'homme à l'image de Dieu : en contemplant le Christ, nous contemplons l'homme, tel que Dieu l'a voulu. « Il est l'image du Dieu invisible », dit Paul. « Voici l'homme » (Ecce homo) dit Pilate à la foule, sans se douter de la profondeur de cette déclaration !
Et c'est pour cela que Paul peut parler d'accomplissement : « Dieu a voulu que dans le Christ, toute chose ait son accomplissement total. » Je reprends le début du texte : « Le Christ est l'image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature, car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui. »
Mais Paul va plus loin : en Jésus, nous contemplons également Dieu lui-même : dans l'expression « image du Dieu invisible » appliquée à Jésus-Christ, il ne faudrait pas minimiser le mot « image » : il faut l'entendre au sens fort ; en Jésus-Christ, Dieu se donne à voir ; ou pour le dire autrement, Jésus est la visibilité du Père : « Qui m'a vu a vu le Père » dira-t-il lui-même dans l'évangile de Jean (Jn 14, 9). Un peu plus bas dans cette même lettre aux Colossiens, Paul dit encore : « En Christ habite toute la plénitude de la divinité » (Col 2, 9). Il réunit donc en lui la plénitude de la créature et la plénitude de Dieu : il est à la fois homme et Dieu. En contemplant le Christ, nous contemplons l'homme... en contemplant le Christ, nous contemplons Dieu.
Reste un verset, très court, mais capital : « Il est aussi la tête du corps, c'est-à-dire de l'Église. Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, puisqu'il devait avoir en tout la primauté. » C'est peut-être le texte le plus clair du Nouveau Testament pour nous dire que nous sommes le Corps du Christ. Il est la tête d'un grand corps dont nous sommes les membres. Dans la lettre aux Romains (Rm 12, 4-5) et la première lettre aux Corinthiens (1 Co 12, 12), Paul avait déjà dit que nous sommes tous les membres d'un même corps. Ici, il précise plus clairement : « Le Christ est la tête du corps qui est l'Église ». (Il développe la même idée dans la lettre aux Éphésiens : Ep 1, 22 ; 4, 15 ; 5, 23).
Évidemment, il dépend de nous que ce Corps grandisse harmonieusement. A nous de jouer, donc, maintenant, si j'ose dire : la Nouvelle Alliance inaugurée en Jésus-Christ s'offre à la liberté des hommes ; pour nous, baptisés, elle est (ou elle devrait être) un sujet sans cesse renouvelé d'émerveillement et d'action de grâce ; un peu plus haut, l'auteur commençait sa contemplation par : « Rendez grâce à Dieu le Père qui vous a rendus capables d'avoir part, dans la lumière, à l'héritage du peuple saint ». Il s'adressait à ceux qu'il appelle « les saints », c'est-à-dire les baptisés. L'Église, par vocation, c'est le lieu où l'on rend grâce à Dieu. Ne nous étonnons pas que notre réunion hebdomadaire s'appelle « Eucharistie » (littéralement en grec « action de grâce »).

 

EVANGILE - Luc 10, 25-37

25 Pour mettre Jésus dans l'embarras,
un docteur de la Loi lui posa cette question :
« Maître, que dois-je faire,
pour avoir part à la vie éternelle ? »
26 Jésus lui demanda :
« Dans la Loi, qu'y a-t-il d'écrit ?
Que lis-tu ? »
27 L'autre répondit :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur, de toute ton âme,
de toute ta force et de tout ton esprit,
et ton prochain comme toi-même. »
28 Jésus lui dit :
« Tu as bien répondu.
Fais ainsi et tu auras la vie. »
29 Mais lui, voulant montrer qu'il était un homme juste,
dit à Jésus :
« Et qui donc est mon prochain ? »
30 Jésus reprit :
« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho,
et il tomba sur des bandits ;
ceux-ci, après l'avoir dépouillé, roué de coups,
s'en allèrent en le laissant à moitié mort.
31 Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ;
il le vit et passa de l'autre côté.
32 De même un lévite arriva à cet endroit ;
il le vit et passa de l'autre côté.
33 Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui ;
il le vit et fut saisi de pitié.
34 Il s'approcha, pansa ses plaies
en y versant de l'huile et du vin ;
puis il le chargea sur sa propre monture,
le conduisit dans une auberge
et prit soin de lui.
35 Le lendemain, il sortit deux pièces d'argent,
et les donna à l'aubergiste, en lui disant :
Prends soin de lui ;
tout ce que tu auras dépensé en plus,
je te le rendrai quand je repasserai.
36 Lequel des trois, à ton avis,
a été le prochain
de l'homme qui était tombé entre les mains des bandits ? »
37 Le docteur de la Loi répond :
« Celui qui a fait preuve de bonté envers lui. »
Jésus lui dit :
« Va, et toi aussi, fais de même. »

 

Tel est pris qui croyait prendre ! S'il espérait mettre Jésus dans l'embarras, le docteur de la Loi en a été pour ses frais et c'est lui, en définitive, qui a dû se trouver bien embarrassé. En posant à celui qui est l'Amour même la question : « Jusqu'où faut-il aimer ? », il s'est attiré une réponse bien exigeante ! Si l'on veut rester tranquille, en effet, il y a des questions à ne pas poser ! Surtout si ce sont des questions aussi importantes que la première posée par le docteur de la Loi : « Maître, que dois-je faire, pour avoir part à la vie éternelle ? » ou, plus compromettante encore, la question suivante : « Et qui donc est mon prochain ? » Devant de telles interrogations, Jésus ne peut que désirer conduire son interlocuteur jusqu'au plus intime du coeur de Dieu lui-même.

Ce cheminement, Jésus va le situer très exactement sur une route bien connue de ses auditeurs, les trente kilomètres qui séparent Jérusalem de Jéricho, une route en plein désert, dont certains passages étaient à l'époque de véritables coupe-gorge. Ce récit d'attentat et cette histoire de secours au blessé étaient d'une vraisemblance criante. L'homme est donc tombé aux mains de brigands qui l'ont dépouillé et laissé pour mort. A son malheur physique et moral, s'ajoute pour lui une exclusion d'ordre religieux : touché par des « impurs », il a contracté lui aussi une impureté. C'est probablement l'une des raisons de l'indifférence apparente, voire de la répulsion qu'éprouvent à sa vision le prêtre et le lévite soucieux de préserver leur intégrité rituelle. Le Samaritain, bien sûr, ne va pas avoir de scrupules de ce genre.

La scène au bord de la route dit en images ce que Jésus a fait lui-même bien souvent concrètement : en guérissant le jour du sabbat, par exemple, en se penchant sur des lépreux, en accueillant les pécheurs, et en citant plusieurs fois la parole du prophète Osée : « C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices ; et la connaissance de Dieu, je la préfère aux holocaustes. » (Os 6, 6).

La connaissance de Dieu, parlons-en : quand Jésus avait posé la question : « Dans la Loi, qu'y a-t-il d'écrit ? Que lis-tu ? », le docteur de la Loi avait récité avec enthousiasme : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui avait dit : « Tu as bien répondu. » Car la seule chose qui compte, on le savait déjà en Israël, c'est la fidélité à ce double amour. Saint Jean écrira plus tard : « Si quelqu'un dit J'aime Dieu et qu'il n'aime pas son frère, c'est un menteur. En effet, celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne peut pas aimer Dieu qu'il ne voit pas. » (1 Jn 4, 20). Et encore : « Aimons-nous les uns les autres, car l'amour vient de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. » (1 Jn 4, 7).

Le fin mot de cette connaissance que nous révèle la Bible, Ancien et Nouveau Testaments confondus, c'est que Dieu est « miséricordieux » (littéralement en hébreu « ses entrailles vibrent ») ; or, nous dit le récit, quand le Samaritain vit l'homme blessé, « il fut saisi de pitié » (en grec « ému aux entrailles »). Ce n'est pas par hasard si Luc emploie exactement la même expression pour dire l'émotion de Jésus, à la porte du village de Naïm, à la vue de la veuve conduisant son fils unique au cimetière (Lc 7)... ou pour décrire l'émotion du Père au retour du fils prodigue (Lc 15).

Je reviens à la parabole : ce voyageur miséricordieux n'est pourtant aux yeux des Juifs qu'un Samaritain, c'est-à-dire ce qu'il y a de moins recommandable. Car Samaritains et Juifs étaient normalement ennemis : les Juifs méprisaient les Samaritains qu'ils considéraient comme hérétiques et les Samaritains, de leur côté, ne pardonnaient pas aux Juifs d'avoir détruit leur sanctuaire sur le mont Garizim (en 129 av.J.C.). Le mépris, à vrai dire, était ancestral : au livre de Ben Sirac, on cite parmi les peuples considérés comme détestables les Samaritains, « le peuple stupide qui demeure à Sichem » (Si 50, 26). Et c'est cet homme méprisé qui est déclaré par Jésus plus proche de Dieu que les dignitaires et servants du Temple (le prêtre et le lévite passés à côté du blessé sans s'arrêter). Cette émotion « jusqu'aux entrailles » (tout le contraire de la dureté des cœurs de pierre dont parlait Ézéchiel), nous dit que le Samaritain, (ce mécréant aux yeux des Judéens) est capable d'être « l'image de Dieu » ! A son niveau personnel, on voit quelle attitude Jésus lui-même a choisie, lui qui dispense sans compter compassion et guérison.

Jésus propose donc ici un renversement de perspective : à la question « qui est mon prochain », il ne répond pas, comme on s'y attendrait, en traçant le cercle de ceux que nous devons considérer comme notre prochain. Car un cercle, aussi large soit-il pose une limite. Jésus refuse de donner une « définition » (dans « définition », il y a le mot latin « finis », limite), il en fait une affaire de cœur et non d'intellect. A ce propos, gare au vocabulaire ! A lui seul le mot « prochain » laisse entendre qu'il y a des « lointains ».

Alors, si on demande à Jésus « Qui donc est mon prochain ? », il nous répond : A toi de décider jusqu'où tu acceptes de te faire proche. Et si l'on se pose la question : Pourquoi le Samaritain nous est-il donné en exemple ? La réponse est toute simple : parce qu'il est capable d'être saisi de pitié. A nous aussi, Jésus dit : « Va, et toi aussi, fais de même. » Sous-entendu, ce n'est pas facultatif : « Fais ainsi et tu auras la vie » avait-il dit à son interlocuteur un peu avant ; Luc répète souvent cette exigence de cohérence entre parole et actes : c'est bien beau de parler comme un livre (c'est le cas du docteur de la Loi, ici), mais cela ne suffit pas : « Ma mère et mes frères, disait Jésus, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique. » (Lc 8, 21). Et là, notre capacité d'inventer est sollicitée : si les dimensions du cercle de notre prochain dépendent de notre bon vouloir, si les considérations de catégories sociales et de convenances doivent céder le pas à la pitié (ce qui semble bien être la leçon de cette parabole), alors, il ne nous reste plus qu'à inventer l'amour sans frontières !

-------------------------

Complément

- Si la question « Quel est le plus grand commandement ? » se retrouve dans les évangiles de Matthieu et de Marc, la parabole du Bon Samaritain, en revanche, est propre à Luc. On notera également que chez Luc, c'est le docteur de la Loi qui donne lui-même la réponse « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu... et ton prochain comme toi-même. » Alors Jésus reprend : « Tu as bien répondu. Fais ainsi et tu auras la vie. »

- Il est intéressant de noter que cette présentation éminemment sympathique d'un Samaritain (Luc 10) suit de très près dans l'évangile de Luc le refus d'un village samaritain de recevoir Jésus et ses disciples en route de la Galilée vers Jérusalem (Luc 9). Ce qui semble vouloir dire que Jésus se refuse catégoriquement à tout amalgame !

 

 

L'intelligence des écritures

Partager cet article

Repost0
2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 13:34

Parce que les citoyens ne font plus confiance aux politiciens, parce que ces politiciens n'écoutent plus les demandes de la population et qu'ils méprisent les citoyens, le député belge Laurent LOUIS, se basant sur les travaux d'Etienne Chouard, propose un changement de système: remplacer les élections par le tirage au sort de citoyens volontaires. Découvrez la vidéo de son intervention devant le parlement belge

 

 


 

 

puis le texte complet de la proposition de Laurent LOUIS:

http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/53/2860/53K2860001.pdf

 

 

Partager cet article

Repost0
2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 06:35

Voici un article fort intéressant paru sur le site de Radio-Notre-Dame, suite à l'émission "Le grand témoin" du lundi 1er juillet 2013, dont Eric Brunet était l'invité.

Un lien en bas de page vous permet de réécouter l'émission.

Éric Brunet, chroniqueur incisif sur RMC et BFM TV, essayiste caustique, défenseur de la droite libérale, présente ce matin son dernier ouvrage, « Sauve qui peut ! » (Albin Michel 2013). 

Selon Éric Brunet, il faut quitter la France. Pour de nombreux Français, le départ à déjà eu lieu : « les chiffres de l’émigration française sont considérables mais cachés » explique l’invité de Louis Daufresne. Pays frontaliers, mais aussi Asie, Canada, Afrique -en particulier vers le Ghana et ses 15% de croissance annuelle- , autant de destinations vers lesquelles partent ceux que la France a affaiblis, trahis, haïs. « Banquiers, cols bleus, cols blancs, jeunes diplômés, commerçants » s’accumulent sur la liste sans cesse allongée des enfants rejetés par la mère-patrie. Il s’agit en effet d’une « situation de désamour entre la France et ses enfants » : ces derniers ne partent pas uniquement pour des raisons fiscales, mais parce qu’ils en ont assez de ne pas être valorisés, entendus, encouragés dans le pays où ils ont travaillé pendant des années… D’autres anticipent, bien sûr, et partent avant même de s’être risqués sur le marché du travail français; « pas tout le monde » cependant, nuance Bric Brunet. La fuite vers un Eldorado étranger concerne « ceux qui ont un projet solide à mener, ceux qui entreprennent ».

 

Un retour envisageable

« Une partie de ces jeunes reviendra » annonce notre invité. Avec des envies de réformes qu’aura suscité « le contact avec les économies dynamiques ». Réformer. « Ce qu’il y a de plus urgent » pour Éric Brunet, qui soutient que « nous devons faire évoluer notre modèle » aujourd’hui triplement allergique : à l’argent de ses citoyens, à « ceux qui se surpassent », à des libertés prétendument fondamentales. « Vivre ou réformer » résume Éric Brunet : tel est le dilemme dont le pays doit sortir si l’on veut que prenne fin la tragédie française.

   

 

 Pour mieux comprendre le point de vue de notre invité, notamment sur la culture française et du Front National, écoutez l’émission :

 

Réécouter Réécouter l’émission

Partager cet article

Repost0
1 juillet 2013 1 01 /07 /juillet /2013 16:46

 Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.


Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement). 

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps ; avant, cliquer sur le lien éventuel figurant sur le titre de chaque lecture), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

Pour ceux qui cherchent les commentaires d'un des dimanches à venir, ils peuvent les trouver sur la partie gauche de mon blog, sous ma présentation personnelle, dans le cartouche "Marie-Noëlle Thabut commente..."  : un lien vers les années liturgiques A, B et C permet de trouver l'ensemble des commentaires des dimanches des 3 années liturgiques.

PREMIERE LECTURE - Isaïe 66, 10-14 (lien inopérant ; idem pour les autres lectures)

10 Réjouissez-vous avec Jérusalem,
exultez à cause d'elle, vous tous qui l'aimez !
Avec elle soyez pleins d'allégresse,
vous tous qui portiez son deuil !
11 Ainsi vous serez nourris et rassasiés
du lait de ses consolations,
et vous puiserez avec délices
à l'abondance de sa gloire.
12 Voici ce que dit le SEIGNEUR :
Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve,
et la gloire des nations comme un torrent qui déborde.
Vous serez comme des nourrissons
que l'on porte sur son bras,
que l'on caresse sur ses genoux.
13 De même qu'une mère console son enfant,
moi-même je vous consolerai,
dans Jérusalem vous serez consolés.
14 Vous le verrez et votre coeur se réjouira ;
vos membres, comme l'herbe nouvelle, seront rajeunis.
Et le SEIGNEUR fera connaître sa puissance à ses serviteurs.

Quand un prophète parle autant de consolation, on peut se poser des questions ! Vous avez entendu : « De même qu'une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai, dans Jérusalem vous serez consolés. » et un peu plus haut « vous serez nourris et rassasiés du lait des consolations ».

Cela veut dire que tout allait mal et qu'on avait grand besoin d'être consolés ! Nous avons vu souvent que le prophète est celui qui, dans les moments de détresse, sait réveiller l'espoir. Car un prophète, c'est quelqu'un qui se refuse à écouter les voix découragées qui s'élèvent pour dire que Dieu lui-même ne peut rien contre la mauvaise volonté, l'instinct de puissance, les rivalités, les guerres...

Effectivement, ce texte que nous lisons ici a été écrit dans un moment difficile : l'auteur (que nous appelons le Troisième Isaïe), est un des lointains disciples du grand Isaïe, (ses paroles ont été annexées plus tard au livre du grand prophète Isaïe). Il prêche juste au retour de l'Exil à Babylone, vers 535 av. J.C. Les exilés sont revenus au pays, mais ce retour tant espéré s'est révélé décevant à tous les égards : Jérusalem, pour commencer, la ville bien-aimée, porte encore les cicatrices de la catastrophe de 587 (sa destruction par les armées de Nabuchodonosor). Le Temple est en ruines, une partie de la ville aussi. Pour le reste, ceux qui revenaient n'ont pas reçu l'accueil triomphal qu'ils avaient imaginé de loin : comme toujours dans ces circonstances, ceux qui sont partis ont bien souvent été oubliés, remplacés... surtout pour une captivité de cinquante ans !

Voilà pourquoi, bien qu'ils soient de retour à Jérusalem, le prophète parle de deuil et de consolation. Mais, face au découragement qui s'installe, le prophète ne se contente pas de paroles de réconfort, il ose un discours presque triomphal : « Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d'elle, vous tous qui l'aimez ! Avec elle soyez pleins d'allégresse, vous tous qui portiez son deuil ! » On peut se demander d'où lui vient son bel optimisme ? C'est bien simple, sa foi, ou plutôt l'expérience d'Israël ! Le seul argument du peuple d'Israël, pour continuer à espérer, c'est toujours le même à toutes les époques de son histoire, c'est la présence de Dieu, la puissance de Dieu. C'est quand tout paraît perdu qu'il faut à tout prix se souvenir que rien n'est impossible à Dieu ; comme l'Ange du Seigneur l'avait dit à Abraham et Sara : « Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le SEIGNEUR ? » (Gn 18, 14) ; comme le Seigneur lui-même l'avait dit à Moïse, un jour de découragement, pendant l'Exode : « Crois-tu que j'aie le bras trop court ? » (Nb 11, 23) ; c'est une image que nous connaissons : nous entendons parfois dire qu'une personne a « le bras long » ! On retrouve à plusieurs reprises la même image dans le livre d'Isaïe ; par exemple, pendant l'Exil quand on perdait espoir d'être libérés un jour, le deuxième Isaïe l'avait employée : « Est-ce que ma main serait courte, trop courte pour affranchir ? » (Is 50, 2).

Plus tard, après le retour, en période de découragement, le troisième Isaïe, celui que nous lisons aujourd'hui, reprend deux fois le même discours. Au chapitre 59, il a affirmé : « Non, la main du SEIGNEUR n'est pas trop courte pour sauver, son oreille n'est pas trop dure pour entendre! » (Is 59, 1). Et dans le dernier verset de notre texte d'aujourd'hui, nous avons lu : « Le SEIGNEUR fera connaître sa puissance à ses serviteurs » ; c'est la traduction liturgique ; mais le texte hébreu dit : « Le SEIGNEUR fera connaître sa main à ses serviteurs. »

C'est donc un appel à l'espérance, celui-là même dont ce peuple a besoin dans cette période de découragement. Dieu a libéré son peuple à maintes reprises dans le passé, il ne l'abandonnera pas. A lui seul, le mot « main » est une allusion à la sortie d'Egypte, car on aime dire que, à ce moment-là, Dieu est intervenu « à main forte et à bras étendu ».

L'expression « Vous serez nourris et rassasiés du lait de ses consolations » est, elle aussi, un rappel de l'Exode : au cours de sa marche au désert, le peuple avait connu la faim et la soif et cela avait été pour lui une terrible épreuve pour sa foi. Et Dieu lui a toujours procuré le nécessaire. Désormais, ce sera la surabondance : « Vous puiserez avec délices à l'abondance de sa gloire ».

Ce rappel de l'Exode comporte deux leçons : d'une part, Dieu nous veut libres et soutient tous nos efforts pour instaurer la justice et la liberté ; mais d'autre part, il y faut nos efforts. Le peuple est sorti d'Egypte grâce à l'intervention de Dieu, on ne l'oublie jamais, mais il a fallu marcher, et parfois péniblement, vers la terre promise. Quand Isaïe promet de la part de Dieu : « Je dirigerai vers Jérusalem la paix comme un fleuve », cela ne veut pas dire que la paix s'instaurera magiquement un beau jour ! Il y faudra une vraie volonté et un effort soutenu des hommes, on ne le sait que trop. Mais cet effort et cette volonté ne pourront se maintenir et aboutir que si nous nous raccrochons résolument à la conviction que « rien n'est impossible à Dieu ».

Dans sa deuxième lettre, saint Pierre dit exactement la même chose : à des Chrétiens qui trouvent que le royaume de Dieu se fait attendre, il répond : « Il y a une chose en tout cas que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans et mille ans sont comme un jour... Nous attendons selon sa promesse des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habitera. » Et il ajoute : « Non, le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu'il a du retard, mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent, mais que tous parviennent à la conversion ». Saint Pierre rappelle bien ici les deux leçons de l'Exode dont je parlais il y a un instant : premièrement, le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, c'est-à-dire, accrochez-vous à la conviction de sa présence permanente et agissante à vos côtés, mais, deuxièmement, vos efforts sont indispensables, la paix, la justice, le bonheur ne s'instaureront pas un beau jour par un coup de baguette magique : « c'est pour vous qu'il patiente ». Moralité, à nous de jouer, il y a urgence !

--------------------------

Compléments

- « De même qu'une mère console son enfant » (verset 13) : n'en déduisons pas que Dieu serait féminin ! Vouloir dire que Dieu est masculin ou féminin, c'est certainement un abus de langage, c'est concevoir un Dieu à notre image. Or Dieu n'est pas à notre image, c'est nous qui sommes à son image et ressemblance. Mais la tendresse du Dieu créateur est souvent comparée au frémissement des entrailles maternelles : c'est la plus belle image que l'humanité ait trouvée dans son expérience pour parler de l'amour de Dieu pour ses enfants.

PSAUME 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20

1 Acclamez Dieu, toute la terre ;
2 fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.
3 Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

4 Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom.
5 Venez et voyez les hauts-faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

6 Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu'il nous donne.
7 Il règne à jamais par sa puissance.

16 Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu ;
je vous dirai ce qu'il a fait pour mon âme.
20 Béni soit Dieu, qui n'a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

Comme bien souvent, le dernier verset donne le sens du psaume tout entier : « Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour. » Il suffit de regarder le vocabulaire employé pour voir que ce psaume est un chant d'action de grâce : « Acclamez, fêtez, glorifiez Dieu... se prosterner, chanter, venez, écoutez... je vous dirai ce qu'il a fait pour mon âme. » Très certainement, il a été composé pour accompagner des sacrifices d'action de grâce au Temple de Jérusalem. Et celui qui parle ici n'est pas un individu, c'est le peuple tout entier qui rend grâce à son Dieu.

Ce qui est au centre de l'action de grâce d'Israël, et ce n'est pas pour nous surprendre, c'est comme toujours la libération d'Egypte ; les allusions sont particulièrement claires : « Il changea la mer en terre ferme : ils passèrent le fleuve à pied sec ». Ou encore « Venez et voyez les hauts faits de Dieu, ses exploits redoutables pour les fils des hommes. » L'expression « Les hauts faits de Dieu », dans la Bible, désigne toujours la libération d'Egypte. On est frappés d'ailleurs des correspondances entre ce psaume et le cantique de Moïse après le passage de la Mer Rouge (je vous en cite quelques lignes) : « Je veux chanter le SEIGNEUR, il a fait un coup d'éclat. Cheval et cavalier, en mer il les jeta. Ma force et mon chant, c'est le SEIGNEUR. Il a été pour moi le salut. C'est lui mon Dieu, je le louerai ; le Dieu de mon père, je l'exalterai... Qui est comme toi parmi les dieux ? Qui est comme toi, éclatant de sainteté, redoutable en ses exploits ? Opérant des merveilles ? » (Ex 15).

Depuis cette délivrance première, toute l'histoire d'Israël est éclairée par cet événement fondamental : Dieu veut des hommes libres et son oeuvre au milieu de son peuple n'a pas d'autre but. Et donc, quand tout va mal, on est sûrs que Dieu interviendra pour nous libérer ! C'est bien le sens du chapitre 66 d'Isaïe que nous lisons ce dimanche en première lecture : à une époque très noire de l'histoire de Jérusalem, Isaïe disait : Dieu vous consolera ! Le prophète écrivait au sixième siècle av. J.C. après le retour de l'Exil à Babylone ; peut-être notre psaume d'aujourd'hui a-t-il été composé à la même époque, une fois le Temple restauré ? En tout cas, le cadre est le même : notre psaume, par hypothèse, est écrit pour être chanté au Temple de Jérusalem et les fidèles qui affluent pour le pèlerinage préfigurent l'humanité tout entière qui montera à Jérusalem à la fin des temps. Le texte d'Isaïe annonce justement la Jérusalem nouvelle où afflueront toutes les nations : « Je dirigerai vers Jérusalem la paix comme un fleuve et la gloire des nations comme un torrent qui déborde » disait Isaïe ; le psaume répond : « Acclamez Dieu toute la terre »... et encore « Toute la terre se prosterne devant toi, elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. » Ce sera jour de joie et d'allégresse, nous dit Isaïe.

La joie promise est bien le thème majeur de ces deux textes : quand les temps sont durs, il est vital de se rappeler que Dieu ne veut rien d'autre que la joie de l'homme et qu'un jour la joie envahira toute la terre, toute l'humanité ! Une joie débordante, exultante et pourtant bien concrète, réaliste, enracinée dans nos besoins les plus élémentaires : être nourris, rassasiés, consolés, bercés... Isaïe disait : « Vous serez nourris et rassasiés du lait de ses consolations... Vous serez comme des nourrissons que l'on porte sur son bras... » ; le psaume 65/66 répond en écho : « Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu ; je vous dirai ce qu'il a fait pour mon âme (c'est-à-dire pour moi). Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour. »

Dernière remarque : ces deux textes, celui du prophète et celui du psalmiste, baignent bien dans la même atmosphère, mais ils ne sont pas sur le même registre : le prophète exprime la Révélation de Dieu, alors que le psaume est la prière de l'homme.

Quand c'est Dieu qui parle, (par la bouche du prophète) il ne s'occupe que de la gloire et du bonheur de Jérusalem ; c'est Dieu qui agit, bien sûr, le prophète le dit clairement : « Moi-même je vous consolerai », mais Dieu ne se préoccupe que de la joie de son peuple (représenté par la Ville Sainte). « Réjouissez-vous à cause de Jérusalem, exultez à cause d'elle, vous tous qui l'aimez ! »

Réciproquement, quand c'est le peuple qui parle, (par la bouche du psalmiste), il ne s'y trompe pas et rend à Dieu la gloire qui lui revient à lui seul : « Acclamez Dieu, toute la terre, fêtez la gloire de son nom, glorifiez-le en célébrant sa louange. Dites à Dieu : Que tes actions sont redoutables ! Toute la terre se prosterne pour toi, elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. Venez et voyez les hauts faits de Dieu, ses exploits redoutables pour les fils des hommes. » Notons au passage que le mot « redoutables » fait partie du vocabulaire royal ; c'est le règne de Dieu qui est dit là. Un règne qui est celui de l'amour : le psaume se termine précisément par ce mot-là et c'est Israël tout entier encore qui parle ici : « Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour. »

Belle manière de dire que c'est l'amour qui aura le dernier mot !

DEUXIEME LECTURE - Galates 6, 14-18

14 Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ
reste mon seul orgueil.
Par elle, le monde est à jamais crucifié pour moi,
et moi, pour le monde.
15 Ce qui compte, ce n'est pas la circoncision,
c'est la création nouvelle.
16 Pour tous ceux qui suivent cette règle de vie
et pour le véritable Israël de Dieu,
paix et miséricorde.
17 Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter.
Car moi, je porte dans mon corps
la marque des souffrances de Jésus.
18 Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ
soit avec votre esprit.

Je reprends la première phrase : « Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil. » Cette insistance sur le mot « seul » laisse deviner qu'il y a un problème. Effectivement, Paul avait commencé sa lettre aux Galates par un reproche sévère : « J'admire avec quelle rapidité vous vous détournez de celui qui vous a appelés par la grâce du Christ, pour passer à un autre Evangile ». Et il expliquait : « Il y a des gens qui jettent le trouble parmi vous et qui veulent renverser l'Evangile du Christ ». Ceux qui jetaient le trouble parmi les Chrétiens de Galatie, c'étaient des Juifs devenus chrétiens (des judéo-chrétiens) qui voulaient obliger tous les membres de leurs communautés à pratiquer toutes les règles de la religion juive, y compris la circoncision.

Paul écrit alors à ces communautés pour les mettre en garde ; ce qui se cache derrière cette discussion pour ou contre la circoncision, c'est une véritable hérésie : c'est la foi au Christ, et elle seule qui nous sauve, la foi au Christ concrétisée par le Baptême ; imposer la circoncision reviendrait à le nier, à laisser entendre que la croix du Christ ne suffit pas. Ce sont des « faux frères » dit Paul, ces gens qui peuvent soutenir des thèses pareilles.

Il rappelle aux Galates que leur seul orgueil est la croix du Christ. Mais, pour comprendre Paul, il faut bien préciser que, pour lui, la croix n'est pas un objet, pas même un objet de vénération... c'est un événement. Quand Paul parle de la croix du Christ, il ne se livre pas à une contemplation de ses douleurs, au rappel de ses souffrances ; pour lui, la croix du Christ est un événement historique, c'est même l'événement central de l'histoire du monde, l'événement qui a opéré une fois pour toutes la réconciliation entre Dieu et l'humanité d'une part, la réconciliation entre les hommes, d'autre part.

Quand Paul dit « Par la croix du Christ, le monde est à jamais crucifié pour moi », je crois que la formule « par la croix » signifie « depuis l'événement de la croix » et « le monde est à jamais crucifié » signifie « le monde est définitivement transformé ».

C'est un événement décisif : plus rien ne sera jamais comme avant. Comme le dit la lettre aux Colossiens : « Il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude et de tout réconcilier par lui et pour lui et sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix. » (Col 1, 19-20).

La preuve que la croix est l'événement décisif de l'histoire du monde, c'est que la mort est vaincue pour la première fois : Christ est ressuscité. Dans la première lettre aux Corinthiens, Paul dit : « Si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi est votre foi ». Pour Paul, la croix et la Résurrection sont indissociables : il s'agit d'un seul et même événement.

Par la croix est née la « création nouvelle » par opposition au « monde ancien ». Au début de cette même lettre aux Galates, il dit : « A vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ, qui s'est livré pour nos péchés, afin de nous arracher à ce monde mauvais... » Et cette expression « à vous grâce et paix » ce n'est pas une formule toute faite ! Réellement grâce et paix sont acquises désormais aux Chrétiens, c'est cela que Paul veut dire.

Tout au long de cette lettre, il a opposé le régime ancien qui était le régime de la loi et le régime nouveau qui est celui de la foi ; la vie selon la chair et la vie selon l'esprit ; l'esclavage ancien et notre liberté acquise par Jésus-Christ ; désormais, par la foi, par notre adhésion à Jésus-Christ, nous sommes des hommes libres de vivre selon l'Esprit.

Dans la deuxième lettre aux Corinthiens, il dit quelque chose d'analogue : « Le monde ancien s'en est allé, un nouveau monde est déjà né ». Le monde ancien, c'est le monde en guerre, l'humanité en révolte contre Dieu, le monde qui soupçonne Dieu de ne pas être amour et bienveillance ; du coup il désobéit aux commandements de Dieu et ce sont les rivalités entre les hommes, les guerres, les luttes pour le pouvoir ou pour l'argent. La création nouvelle, au contraire, c'est l'obéissance du Fils, sa confiance jusqu'au bout, son pardon pour ses bourreaux, sa joue tendue à ceux qui lui arrachent la barbe, comme dit Isaïe. La Passion du Christ a été un paroxysme de haine et d'injustice commis au nom de Dieu ; le Christ en a fait un paroxysme de non-violence, de douceur, de pardon. Et nous, à notre tour, parce que nous sommes greffés sur le Fils, nous sommes rendus capables de la même obéissance, du même amour : capables d'abandonner le mode de vie selon le monde, pour choisir le mode de vie selon le Christ. Ce retournement extraordinaire qui est l'oeuvre de l'Esprit de Dieu inspire à Paul une formule particulièrement frappante : « Par la croix, le monde est à jamais crucifié pour moi, et moi, pour le monde. » Traduisez « la manière de vivre selon le monde est abolie, désormais, nous vivons selon l'Esprit ». Une telle transformation est bien un sujet de fierté pour les Chrétiens : réellement, comme dit Paul « la croix de notre Seigneur Jésus Christ est notre seul orgueil ». C'est bien la raison d'être des crucifix qui ornent les murs de nos maisons ou de nos églises.

Pour cette annonce de la croix du Christ, Paul a déjà payé de sa personne. Quand il dit que désormais nous sommes dans la grâce et la paix, cela ne veut pas dire que tout ira forcément tout seul ! Logiquement, si nous annonçons vraiment l'Evangile, nous devrions rencontrer des oppositions semblables à celles que le Christ a rencontrées et que Paul rencontre à son tour. Quand il dit « je porte dans mon corps la marque des souffrances de Jésus », il fait certainement allusion aux persécutions qu'il a lui-même subies pour avoir annoncé l'Evangile. Chaque fois que nous faisons le signe de la croix, nous manifestons que nous sommes dans cette création nouvelle où toute parole est dite, où tout geste est accompli au nom du Père et du Fils et de l'Esprit ; et en même temps nous nous engageons à témoigner de la transformation que l'Esprit d'amour est seul capable d'opérer.

--------------------------

Complément

- On peut se demander si notre proclamation de l'Evangile est vraiment conforme, si elle n'est pas un peu édulcorée, un peu trop conforme à l'esprit du monde, quand elle ne rencontre plus aucune opposition ...

EVANGILE - Luc 10, 1... 20

Parmi les disciples,
1 le Seigneur en désigna encore soixante-douze,
et il les envoya deux par deux devant lui,
dans toutes les villes et localités
où lui-même devait aller.
2 Il leur dit :
« La moisson est abondante,
mais les ouvriers sont peu nombreux.
Priez donc le maître de la moisson
d'envoyer des ouvriers pour sa moisson.
3 Allez ! Je vous envoie
comme des agneaux au milieu des loups.
4 N'emportez ni argent, ni sac, ni sandale,
et ne vous attardez pas en salutations sur la route.
5 Dans toute maison où vous entrerez,
dites d'abord :
Paix à cette maison.
6 S'il y a là un ami de la paix,
votre paix ira reposer sur lui ;
sinon elle reviendra sur vous.
7 Restez dans cette maison,
mangeant et buvant ce que l'on vous servira ;
car le travailleur mérite son salaire.
Ne passez pas de maison en maison.
8 Dans toute ville où vous entrerez
et où vous serez accueillis,
mangez ce qu'on vous offrira.
9 Là, guérissez les malades,
et dites aux habitants :
Le règne de Dieu est tout proche de vous.
10 Mais dans toute ville où vous entrerez
et où vous ne serez pas accueillis,
sortez sur les places et dites :
11 Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds,
nous la secouons pour vous la laisser.
Pourtant sachez-le :
le règne de Dieu est tout proche.
12 Je vous le déclare :
au jour du Jugement,
Sodome sera traitée moins sévèrement que cette ville. »

17 Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux.
Ils racontaient :
« Seigneur, même les esprits mauvais
nous sont soumis en ton nom. »
18 Jésus leur dit :
« Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair.
19 Vous, je vous ai donné pouvoir
d'écraser serpents et scorpions
et pouvoir sur toute la puissance de l'Ennemi ;
et rien ne pourra vous faire du mal.
20 Cependant, ne vous réjouissez pas
parce que les esprits vous sont soumis ;
mais réjouissez-vous
parce que vos noms sont inscrits dans les cieux. »
 
Cet évangile suit immédiatement celui de dimanche dernier : nous avions vu Jésus aux prises avec les arrachements que sa mission a exigés de lui : accepter l'insécurité, sans avoir rien pour reposer la tête, laisser les morts enterrer leurs morts, c'est-à-dire savoir faire des choix crucifiants, mettre la main à la charrue sans regarder en arrière, accepter d'affronter la mort en prenant résolument le chemin de Jérusalem. On devine les tentations qui se profilent à chaque fois derrière les décisions qu'il a dû prendre. Luc nous le montre sur la route de Jérusalem : Jésus a surmonté pour son propre compte toutes les tentations ; le prince de ce monde est déjà vaincu.

Il lui reste à transmettre le flambeau : il envoie ses disciples en mission à leur tour. Il est urgent de les préparer puisque son départ à lui approche. Et il leur donne tous les conseils nécessaires pour les préparer à affronter les tentations qu'il connaît bien : eux aussi seront affrontés aux mêmes tentations.

Eux aussi connaîtront le refus : comme Jésus avait essuyé le refus d'un village de Samarie, ils doivent se préparer à essuyer des refus ; mais que cela ne les arrête pas. Quand ils devront quitter un village, qu'ils disent quand même en partant le message pour lequel ils étaient venus : « Sachez-le : le règne de Dieu est tout proche. » Mais pour bien montrer que leur démarche était totalement désintéressée, et que les bénéficiaires du message restent toujours libres de le refuser, ils ajouteront : « Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous la secouons pour vous la laisser. »

Eux aussi connaîtront la haine : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. » Ils devront quand même inlassablement annoncer et apporter la paix : « Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord Paix à cette maison. S'il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui. » Il faut à tout prix croire à la contagion de la paix : quand nous souhaitons vraiment de tout coeur la paix à quelqu'un, réellement la paix grandit. On le sait d'expérience. Encore faut-il que notre interlocuteur soit lui aussi ami de la paix ; s'il ne l'est pas, Jésus leur dit « Secouez la poussière de vos pieds », c'est-à-dire ne vous laissez pas alourdir par les échecs, les refus... Que rien ne vous fasse « traîner les pieds », en quelque sorte !

Eux aussi connaîtront l'insécurité : Jésus, lui-même, n'avait « pas d'endroit où reposer la tête » ; si l'on comprend bien, il en sera de même de ses disciples : « N'emportez ni argent, ni sac, ni sandales. »

Eux aussi devront apprendre à vivre au jour le jour sans se soucier du lendemain, se contentant de « manger et boire ce qu'on leur servira », tout comme le peuple au désert ne pouvait ramasser la manne que pour le jour même.

Eux aussi auront des choix à faire, parfois crucifiants, à cause de l'urgence de la mission : « Laisse les morts enterrer leurs morts, mais toi, va annoncer le Règne de Dieu » (Lc 9, 60) était une phrase exigeante pour dire que les devoirs les plus sacrés à nos yeux s'effacent devant l'urgence du Royaume de Dieu. « Ne vous attardez pas en salutations sur la route » est une phrase du même ordre : pour ses disciples qui étaient des orientaux, les longues salutations étaient un véritable devoir.

Eux aussi devront résister à la tentation du succès : « Ne passez pas de maison en maison. »

Eux aussi devront apprendre à souhaiter transmettre le flambeau à leur tour : la mission est trop grave, trop précieuse, pour qu'on l'accapare : elle ne nous appartient pas ; car l'une des tentations les plus subtiles est sans doute de ne pas souhaiter vraiment d'autres ouvriers à nos côtés. « Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson » : il ne s'agit pas d'instruire Dieu de quelque chose qu'il ne saurait pas, à savoir que nous avons besoin d'aide. Il le sait mieux que nous ! Il s'agit pour nous, en priant, de nous laisser éclairer par Lui. La prière ne vise jamais à informer Dieu : ce serait bien prétentieux de notre part ! Elle nous prépare à nous laisser transformer, nous .

Dernière tentation : la gloriole de nos réussites. « Ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux » : il faut croire que, de tout temps, le vedettariat guette les disciples : les véritables apôtres ne sont peut-être pas forcément les plus célèbres.

On peut penser que les soixante-douze disciples ont surmonté toutes ces tentations puisque, à leur retour, Jésus pourra leur dire : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair. » Jésus qui entreprend sa dernière marche vers Jérusalem puise là certainement un grand réconfort ; puisque aussitôt après Luc nous dit « A l'instant même, il exulta sous l'inspiration de l'Esprit Saint et dit : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. »
 

L'intelligence des écritures

Partager cet article

Repost0
27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 09:59

Je reproduis ici un article trouvé sur Nouvelles de France.

 

Doug-Mainwaring

 

À première vue, Doug Mainwaring semble un défenseur du mariage naturel très improbable : il est ouvertement homosexuel et a adopté avec un homme dont il est aujourd’hui « divorcé ». C’est « la raison et l’expérience » qui le conduisent aujourd’hui à penser que les enfants ont besoin d’une maman et d’un papa et que le mariage doit privilégier les besoins des enfants sur les désirs des adultes.

C’est ce qu’il explique dans une tribune intitulée « Je suis gay et je m’oppose au ‘mariage’ homosexuel » parue récemment dans The Public Discourse« Il y a peut-être une centaine de choses différentes, petites et grandes, qui sont négociées entre les parents et les enfants chaque semaine. Les mamans et les papas interagissent différemment avec leurs enfants. Donner aux enfants deux mamans ou deux papas, c’est les priver de quelqu’un dont ils ont désespérément besoin et qu’ils méritent pour être heureux », explique Doug Mainwaring.

En bon Américain attaché à ses libertés, il pointe également le danger représenté par le « mariage » homosexuel du point de vue de la lutte contre l’étatisme et pour les libertés individuelles : « le potentiel de la participation du gouvernement dans les ménages de mariage de même sexe est stupéfiant. » On pourrait ajouter qu’il en est de même avec les familles monoparentales, du pain béni pour l’État nounou et autoritaire…

« Salomon n’avait qu’à diviser le bébé en deux. À l’avenir, les juges pourront décider de répartir les enfants en trois, quatre ou cinq morceaux égaux. Par exemple, en Floride, un juge a ordonné récemment que le certificat de naissance d’un enfant présente un total de trois parents : un couple de lesbiennes et un homosexuel (le donneur de sperme, par ailleurs coiffeur de l’une des lesbiennes) », continue Doug Mainwaring. Et ce n’est qu’un début, prévient-il. Ce qui le fait conclure en ces termes : « Le mariage n’est pas une notion élastique. Il est immuable. Il offre le meilleur pour les enfants et la société. Nous ne devons ni altérer ni mutiler sa définition, privant ainsi de ses richesses les générations actuelles et futures. » Nous n’aurions pas dit mieux !

 

Photo : Doug Mainwaring à la March for Marriage du 26 mars 2013.

Partager cet article

Repost0