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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 23:47

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

PREMIERE LECTURE - Deuxième Livre des Rois, 4, 42 - 44

42 Il y avait alors une famine dans le pays. Sur la récolte nouvelle,
quelqu'un offrit à Elisée, l'homme de Dieu,
vingt pains d'orge et du grain frais dans un sac.
Elisée dit alors :
« Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent. »
43 Son serviteur répondit :
« Comment donner cela à cent personnes ? »
Elisée reprit :
« Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent,
car ainsi parle le SEIGNEUR :
On mangera et il en restera. »
44 Alors il les servit, ils mangèrent,
et il en resta, selon la parole du SEIGNEUR.

Elisée a été prophète dans le Royaume du Nord, entre 850 et 800 av.J.C. environ. Son histoire se lit comme un roman : on la trouve pour la plus grande part dans le deuxième livre des Rois ; Elisée est le successeur du grand prophète Elie, il est son fils spirituel ; et, d'ailleurs, les auteurs bibliques lui attribuent des pouvoirs semblables à ceux du grand prophète. Voici comment, bien plus tard, vers 200 av.J.C, le livre du Siracide résume sa vie : « Lorsqu'Elie eut été caché dans le tourbillon, Elisée fut rempli de son esprit. Ses jours durant, il ne fut ébranlé par aucun chef et personne ne put lui en imposer. Rien n'était trop difficile pour lui... Pendant sa vie il fit des prodiges, même après sa mort ses oeuvres furent merveilleuses. » (Si 48, 12-14).

Elisée n'a pourtant pas laissé d'écrits mais ses miracles et ses paroles de feu ont visiblement marqué la mémoire d'Israël ; familier des rois, il ne mâchait pas ses mots : apparemment, sa liberté de parole était totale parce qu'il était reconnu comme « un homme de Dieu » (2 R 3, 12). Et, malheureusement, il trouvait bien souvent à redire car, de son vivant, l'idolâtrie n'a jamais cessé dans le Royaume du Nord. Il lui est arrivé, plus d'une fois, de se mêler de politique, d'ailleurs, quand il s'agissait de favoriser un roi disposé à respecter l'Alliance. C'est ainsi, qu'un beau jour, il a tranquillement profité du déplacement du roi (Achazias) pour en faire sacrer bien vite un autre à sa place (Jéhu) !

Mais cet « homme de Dieu » doit principalement sa célébrité à ses nombreux miracles : deux d'entre eux nous sont proposés ailleurs dans la liturgie : la naissance du fils de la Shunamite (2 R 4, 8-16) et la guérison du général syrien lépreux, Naaman (2 R 5). Mais il y en a bien d'autres ; à commencer par son premier geste, celui qui lui permit de se faire respecter comme porte-parole de Dieu : il ouvrit les eaux du Jourdain et traversa à pied sec (2 R 2, 14), comme Josué l'avait fait pour le peuple, lors de l'entrée dans la terre Promise (Jos 3), comme Elie lui-même venait de le faire devant lui (2 R 2, 8) ; je vous rappelle brièvement quelques autres des miracles d'Elisée dans l'ordre du récit du livre des Rois : quand les eaux de Jéricho devinrent mauvaises et frappèrent le peuple et les troupeaux de stérilité, c'est lui qu'on appela, et il les assainit (2 R 2, 19) ; il intervint à plusieurs reprises en faveur de la famille de Shunam qui l'avait hébergé, en particulier il ressuscita l'enfant (2 R 4 et 8). Pour finir, on ne parle pas souvent du miracle de l'huile, bien joli pourtant : une veuve pauvre, poursuivie par des créanciers, était sur le point de se faire enlever ses deux fils pour en faire des esclaves ; elle appela Elisée au secours ; celui-ci lui dit : « Que puis-je faire pour toi ? Dis-moi, que possèdes-tu chez toi ? » Elle répondit : « Je n'ai plus rien chez moi, si ce n'est un peu d'huile pour me parfumer. » C'était dire son extrême pauvreté : étant en deuil, elle ne se parfumait plus et avait rangé l'huile dans son placard, c'était la seule chose qui lui restait. Il n'en fallait pas davantage à l'homme de Dieu : il lui dit : « Va emprunter des vases chez tous tes voisins, des vases vides, le plus que tu pourras... Puis verse ton huile à parfumer dedans. » Vous devinez la suite : elle remplit autant de vases qu'elle put en trouver, l'huile coulait toujours. Elle n'avait plus qu'à vendre son huile pour payer ses dettes (2 R 4, 1-7).

Venons-en à la multiplication des pains qui est notre première lecture de ce dimanche. Encore une fois, Elisée agit dans un contexte de pauvreté : grâce aux historiens, on sait que le royaume d'Israël a connu plusieurs fois la famine après une période de sécheresse. Ceci dit, la raison raisonnante n'est pas de son côté : on ne sait pas très bien quelle taille faisaient les vingt pains d'orge, mais il faut croire qu'ils étaient notoirement insuffisants, puisque, très sagement, et dans les meilleures intentions du monde, son serviteur a cherché à le dissuader : « Comment donner cela à cent personnes ? » sous-entendu « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Mais la foi, la vraie, est têtue : sans désemparer, et sans changer un seul mot, d'ailleurs, Elisée répète « Donne-le à tous ces gens pour qu'ils mangent » ; cette fois, pourtant, il s'explique : « car ainsi parle le SEIGNEUR : On mangera, et il en restera. » Le serviteur n'a plus qu'à obéir, car, visiblement, Elisée ne puise pas son audace en lui-même. Comme toujours, il y a la voix de la raison humaine... et l'autre, celle qui sait que « Le SEIGNEUR est proche de ceux qui l'invoquent, de tous ceux qui l'invoquent en vérité », comme dit le psaume de ce dimanche (Ps 144/145).

Quelques remarques, pour terminer, sur le miracle lui-même : dans tous les récits de miracles, qu'ils soient de l'Ancien ou du Nouveau Testament, on retrouve quatre éléments, toujours les mêmes : premièrement, un vrai besoin : la maladie, le handicap, la mort, ou encore la famine (ici), ...

Deuxièmement, un geste libre : ici, quelqu'un a pris du pain sur sa récolte, en temps de famine, justement ;

troisièmement, le recours à celui qui est considéré comme l'envoyé de Dieu : ici, Elisée ; les pains lui sont offerts, parce qu'il est reconnu comme l'homme de Dieu : on nous précise que ce sont des pains de prémices, (littéralement, de la récolte nouvelle) c'est-à-dire l'offrande liturgique.

enfin, quatrièmement, la foi dans l'intervention du Seigneur : contre l'avis de son serviteur, Elisée maintient sa décision. La sollicitude de Dieu lui a donné raison !

PSAUME 144 (145), 10-11, 15-16, 17-18

10 Que tes oeuvres, SEIGNEUR, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
11 Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

15 Les yeux sur toi, tous ils espèrent :
tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;
16 Tu ouvres ta main ;
tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

17 Le SEIGNEUR est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu'il fait.
18 Il est proche de ceux qui l'invoquent,
de tous ceux qui l'invoquent en vérité.

On ne pouvait pas trouver mieux que ce psaume 144/145 pour faire écho à la première lecture de ce dimanche ! Le prophète Elisée multipliant les pains en période de famine avait été l'instrument de la bonté de Dieu : « Les yeux sur toi, tous ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; Tu ouvres ta main ; tu rassasies avec bonté tout ce qui vit. » Ce psaume est le cri de la reconnaissance et de l'action de grâce : « Que tes oeuvres, SEIGNEUR, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! »

Au passage, vous avez remarqué le parallélisme d'une ligne à l'autre de chaque verset : il est particulièrement accentué ; cela vaudrait la peine de le lire à deux voix ou deux choeurs alternés.

« Que tes oeuvres, SEIGNEUR, te rendent grâce // et que tes fidèles te bénissent !

Ils diront la gloire de ton règne // ils parleront de tes exploits.

Les yeux sur toi, tous ils espèrent // tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;

Tu ouvres ta main // tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

Le SEIGNEUR est juste en toutes ses voies // fidèle en tout ce qu'il fait.

Il est proche de ceux qui l'invoquent // de tous ceux qui l'invoquent en vérité.

Ils diront la gloire de ton règne // ils parleront de tes exploits. »

La composition de ce psaume est donc très soignée ; deuxième remarque d'ordre littéraire : si vous vous reportez à votre Bible, vous verrez qu'il est ce qu'on appelle un psaume « alphabétique » : il comprend vingt-deux versets dont chacun commence par l'une des lettres de l'alphabet hébreu selon leur ordre alphabétique. En littérature, c'est ce qu'on appelle un acrostiche. Ici il ne s'agit pas d'une prouesse de style. Utilisé dans la Bible, ce procédé indique toujours que l'objectif principal du psaume est de rendre grâce pour l'Alliance : manière de dire « toute notre vie, de A à Z, (en hébreu de Aleph à Tav) baigne dans l'Alliance, dans la tendresse de Dieu ».

On ne s'étonne pas que ce psaume figure dans la prière juive de chaque matin : pour le Juif croyant, le matin (l'aube du jour neuf) évoque irrésistiblement l'aube du JOUR définitif, celui du monde à venir, celui de l'Alliance renouvelée... Si nous allons un peu plus loin dans la spiritualité juive, le Talmud (l'enseignement des rabbins des premiers siècles après J.C.) affirme que celui qui récite ce psaume trois fois par jour « peut être assuré d'être un fils du monde à venir ».

Sur les vingt-deux versets que comporte donc ce psaume, nous n'en avons malheureusement entendu que six, mais toute la découverte biblique de Dieu est dite dans ces quelques lignes. Par exemple, il y a à la fois la grandeur, la gloire, la royauté de Dieu (« que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne // ils parleront de tes exploits. ») ET sa bonté pour nous, sa proximité : « Il est proche de ceux qui l'invoquent // de tous ceux qui l'invoquent en vérité. »

C'est bien l'une des découvertes admirables du peuple d'Israël que d'avoir réussi à articuler avec autant de force ces deux données de la Révélation aussi importantes l'une que l'autre : Dieu est le Tout-Autre (c'est à lui et à lui seul que reviennent le règne, la puissance et la gloire) et en même temps il est le Tout Proche. Si proche que nos larmes coulent sur ses joues comme dit le livre de ben Sirac. Ce n'est pas un roi comme ceux qu'on connaît sur la terre. C'est un roi à la fois tout-puissant et bon : il ne veut que notre bonheur... Voilà la découverte qu'Israël a faite au long de son histoire. Quand on parle de la puissance de ce roi pas comme les autres, on sait que sa puissance n'est qu'amour ; un autre verset de ce psaume rappelle ce que Dieu a dit de lui-même à Moïse : « Le SEIGNEUR est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour » (Ex 34, 6). C'est peut-être le meilleur résumé qu'on puisse donner de toute la révélation biblique.

Une révélation que le peuple d'Israël qui en fut le premier bénéficiaire ne peut pas et ne veut pas garder pour lui ! Car sa mission, il le sait, est de le chanter assez fort pour que tous le sachent : la richesse de pardon, la tendresse et la pitié du Seigneur, elles sont POUR TOUS ! « La bonté du SEIGNEUR est pour tous, sa tendresse pour toutes ses oeuvres » dit un autre verset ; et ici, nous avons bien entendu « Il est proche de ceux qui l'invoquent // de tous ceux qui l'invoquent en vérité. » Cette universalité du projet de Dieu est l'une des grandes découvertes de l'Ancien Testament : Dieu aime toute l'humanité et son projet d'amour, son « dessein bienveillant » concerne toute l'humanité et toute la création.

Pour terminer, si l'on se rapporte au texte complet de ce psaume, on lui découvre une parenté très grande avec le Notre Père : par exemple, le Notre Père s'adresse à Dieu à la fois comme à un Père ET comme à un roi : un père qui est le Dieu de tendresse et de pitié dont parle ce psaume... un roi dont le seul objectif est le bonheur de tous les hommes. « Notre Père... donne-nous... pardonne-nous... délivre-nous du mal... que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ... » parce qu'on sait que sa volonté est, comme dit Saint Paul , « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». (1 Tm 2, 4).

On comprend que ce psaume 144/145 soit devenu la prière du matin du peuple qui le premier a appris à parler à Dieu comme à un père.

DEUXIEME LECTURE - Ephésiens 4, 1 - 6

Frères,
1 moi qui suis en prison à cause du Seigneur,
je vous encourage à suivre fidèlement
l'appel que vous avez reçu de Dieu :
2 ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience,
supportez-vous les uns les autres avec amour ;
3 ayez à coeur de garder l'unité dans l'Esprit
par le lien de la paix.
4 Comme votre vocation vous a tous appelés
à une seule espérance,
de même, il n'y a qu'un seul Corps et un seul Esprit.
5 Il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême,
6 un seul Dieu et Père de tous,
qui règne au-dessus de tous,
par tous, et en tous.

Paul est en prison (probablement à Rome) et il sait que tout ne va pas tout seul entre les Chrétiens de sa communauté d'Ephèse : les causes de discorde ne manquent pas, notamment, entre anciens Juifs et anciens païens ; et il y a probablement aussi des risques d'hérésie : en tout cas, on peut le supposer puisque, un peu plus bas, au verset 14, il émet le souhait que « nous ne soyons plus des enfants, nous laissant secouer et mener à la dérive par tous les courants d'idées, au gré des hommes, eux qui emploient leur astuce à nous entraîner dans l'erreur. » C'est probablement pour cela qu'il insiste tant ici à la fois sur l'unité dans le comportement et l'unité de doctrine : « une seule espérance... un seul Corps et un seul Esprit... un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême... un seul Dieu et Père de tous ».

Mais, comme toujours chez Paul, les recommandations d'ordre moral sont d'abord une leçon de dogme : l'arrière-plan de notre texte d'aujourd'hui, c'est le mystère du projet de Dieu, ce fameux dessein bienveillant, dont nous parlons souvent, et qu'il a décrit dans le premier chapitre ; voici ce passage (c'était notre lecture du quinzième dimanche) : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu'il a d'avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement, tout réunir sous un seul chef, le Christ » (traduction TOB). Un peu plus bas, dans les versets qui suivent tout juste notre lecture de ce dimanche, il va donner une autre définition du dessein bienveillant : « Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l'état de l'Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ. » « La plénitude de la stature du Christ », cela veut dire quand l'humanité tout entière sera réunie autour de Jésus-Christ, au point de ne faire qu'un avec lui ! Je vous rappelle la très belle image qu'en donnait le Père Teilhard de Chardin : (Avant de vous redire sa phrase, je vous invite à bien entendre la différence entre qu'il marque entre Jésus (de Nazareth) et le Christ au sens du Christ total que nous formons avec lui et qui n'a pas achevé de se former). Voici la phrase du Père Teilhard de Chardin : « Dès l'origine des Choses un Avent de recueillement et de labeur a commencé... Et depuis que Jésus est né, qu'Il a fini de grandir, qu'Il est mort, tout a continué de se mouvoir, parce que le Christ n'a pas achevé de se former. Il n'a pas ramené à Lui les derniers plis de la Robe de chair et d'amour que lui forment ses fidèles ... » (Ecrits de guerre - 1916).

Je reviens à la lettre aux Ephésiens : c'est à cause de ce grand dessein de Dieu que Paul insiste tellement dans le texte d'aujourd'hui sur l'unité de foi, d'espérance, d'amour : « Votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance... il n'y a qu'un seul Corps et un seul Esprit. Il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous. » Ce projet de Dieu résonne à nos oreilles comme un appel ; Paul fait certainement exprès d'employer trois fois le même mot « appel » (traduit ici par appel, vocation, appeler) : « Je vous encourage à suivre fidèlement l'appel que vous avez reçu de Dieu... votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance ».

« Suivre fidèlement l'appel reçu de Dieu » : voilà qui dit bien que Dieu cherche des collaborateurs pour son projet ; un appel, c'est une proposition, à laquelle nous sommes libres de coopérer ou non ; par le Baptême, nous avons accepté l'invitation, nous avons accepté d'être embauchés sur le chantier de la construction du projet. Le chantier, c'est le monde entier, le maître d'oeuvre, c'est l'Esprit Saint.

Au passage, il faut noter que le mot « Eglise » (« ecclesia » en grec), est de la même racine que le mot « appel » ; membres de l'Eglise, nous sommes les appelés du dessein bienveillant de Dieu. Du coup, l'insistance de Paul sur les vertus de patience, humilité, douceur s'explique : nous serons de piètres collaborateurs du dessein bienveillant de Dieu si nous ne sommes pas bienveillants nous-mêmes ! Le modèle, tout simplement, c'est Jésus lui-même, le doux et humble de coeur.

Bien sûr, toutes ces vertus nous paraissent un programme impossible ! Cela dépasse évidemment nos forces ; mais les contemporains de Paul avaient les mêmes difficultés, disons-nous bien ! D'autre part, ce beau programme, c'est lui qui peut le réaliser en nous, si nous voulons bien ; il faut seulement accepter de reconnaître que nous n'en avons pas la force tout seuls. Mais, avec son aide, nous le pouvons, ou plutôt c'est lui qui peut le réaliser en nous, si nous nous laissons transformer peu à peu par son Esprit d'amour. C'est le moment de se rappeler la phrase de Jésus : « C'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres que l'on vous reconnaîtra pour mes disciples ! » (Jn 13, 35). Si l'on peut reconnaître l'action de Dieu en nous, ce sera justement parce qu'il nous donne de réaliser des choses humainement impossibles ! Seul l'Esprit de Dieu peut réaliser ce prodige de nous faire vivre dans l'humilité, la douceur, la patience... et il est là le témoignage ! Car, du coup, les gens seront bien obligés d'admettre que l'Esprit de Dieu existe et que c'est lui qui agit en nous !

Nous il nous est seulement demandé d'avoir cela à coeur ! C'est-à-dire de désirer de toutes nos forces la réalisation du projet de Dieu : « Ayez à coeur de garder l'unité dans l'Esprit. »

EVANGILE - Jean 6, 1 - 15

1 Après cela, Jésus passa de l'autre côté du lac de Tibériade
(appelé aussi mer de Galilée).
2 Une grande foule le suivait,
parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait
en guérissant les malades.
3 Jésus gagna la montagne, et là, il s'assit avec ses disciples.
4 C'était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs.
5 Jésus leva les yeux et vit qu'une foule nombreuse venait à lui.
Il dit à Philippe :
« Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? »
6 Il disait cela pour le mettre à l'épreuve,
car lui-même savait bien ce qu'il allait faire.
7 Philippe lui répondit :
« Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas
pour que chacun ait un petit morceau de pain. »
8 Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
9 « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d'orge
et deux poissons,
mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! »
10 Jésus dit : « Faites-les asseoir. »
Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit.
Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes.
11 Alors Jésus prit les pains,
et, après avoir rendu grâce,
les leur distribua ;
il leur donna aussi du poisson, autant qu'ils en voulaient.
12 Quand ils eurent mangé à leur faim,
il dit à ses disciples :
« Ramassez les morceaux qui restent,
pour que rien ne soit perdu. »
13 Ils les ramassèrent, et ils remplirent douze paniers
avec les morceaux qui restaient des cinq pains d'orge
après le repas.
14 A la vue du signe que Jésus avait accompli,
les gens disaient :
« C'est vraiment lui le grand Prophète,
celui qui vient dans le monde. »
15 Mais Jésus savait
qu'ils étaient sur le point de venir le prendre de force
et faire de lui leur roi ;
alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne.
 

La réaction de la foule après la multiplication des pains dit bien l'effervescence qui régnait en Palestine à l'époque de Jésus ; car on attendait le Messie avec impatience : alors, quand on a vu Jésus guérir les malades, on s'est mis à le suivre ; Jean raconte : « Une grande foule le suivait, parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. »

L'effervescence était particulièrement grande, certainement, dans les jours qui précédaient la Pâque ; cette fête de la libération passée (de l'esclavage en Egypte) préfigurait aux yeux de tous la libération définitive qu'apporterait le Messie. Et si Jean prend la peine de préciser : « C'était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs », c'est qu'il y a là un élément important de compréhension du récit de la multiplication des pains ; dans les dimanches qui viennent, nous aurons l'occasion de mesurer à quel point le mystère pascal est sous-jacent à tout le discours de Jésus sur le pain de vie.

Pour l'instant, Jésus entraîne la foule vers la montagne : « Jésus gagna la montagne, et là, il s'assit avec ses disciples. » Le mot « montagne », en Galilée, près du lac, ne peut être que symbolique (les collines culminent à quelques centaines de mètres) ; sans doute Jean veut-il nous faire entendre que l'heure du banquet messianique annoncé par le prophète Isaïe a sonné : « Le SEIGNEUR, le tout-puissant, va donner sur cette montagne un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes grasses succulentes et de vins vieux décantés » (Is 25, 6). A cette foule affamée du festin de Dieu, Jésus va offrir le signe que ce jour tant attendu est vraiment là. Car c'est bien lui qui prend l'initiative.

Il commence par questionner Philippe, l'un des Douze : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? » Et Jean commente : « Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car lui-même savait bien ce qu'il allait faire. » Sans doute, ici comme ailleurs, l'évangéliste veut-il insister sur la prescience de Jésus ; mais en quoi consiste cette « mise à l'épreuve » des apôtres ? Pour un Juif comme Jean, cette expression est un rappel de l'expérience de l'Exode : car la longue pérégrination dans le Sinaï avait été comprise par la suite comme un temps de « mise à l'épreuve » ; le livre du Deutéronome explique : « Le SEIGNEUR ton Dieu t'éprouvait pour connaître ce qu'il y avait dans ton coeur » (Dt 8, 2). Philippe, lui, n'a peut-être pas compris tout de suite que Jésus en appelait à sa foi, il répond de manière toute humaine, pleine de bon sens : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain. » Et André ajoute : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons, mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! »

A vues humaines, on ne peut pas leur donner tort ! Mais le bon sens, la raison raisonnante ne sont pas toujours bons conseillers. Ont-ils donc oublié, Philippe et André, l'histoire du prophète Elisée (première lecture de ce dimanche) ? Bien intentionné, le serviteur du prophète avait, dans un cas tout à fait semblable, tenu les mêmes propos : un tout petit peu de pain pour cent personnes, ce n'était même pas la peine d'y penser ! Mais Elisée avait passé outre... Jésus fait la même chose, il se contente de dire « Faites-les asseoir. » Pourquoi Jean précise-t-il « qu'il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. » ? Sinon pour faire entendre qu'un « bon pasteur » (encore une image messianique ; cf Jn 10) prend toujours soin d'emmener ses brebis sur un bon pâturage ? « Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. » Les quatre évangiles notent la disproportion entre les cinq pains et les cinq mille hommes (disproportion beaucoup moins accentuée dans la multiplication des pains par Elisée) ; histoire de noter la surabondance des dons messianiques.

Arrivé là, Jean change de ton : « Alors Jésus prit les pains, et, après avoir rendu grâce, les leur distribua. » On y reconnaît sans peine les mots de la Cène ; Jean, il est vrai, ne relate nulle part l'institution de l'Eucharistie (il la remplace par le lavement des pieds, Jn 13) ; mais ici, visiblement, il y fait référence : les chrétiens auxquels il s'adresse comprennent aussitôt que le miracle des pains sur la petite montagne de Galilée est le signe du banquet de l'Eucharistie qu'ils célèbrent chaque dimanche depuis la Résurrection du Christ.

----------------------------
Compléments

- Après le repas miraculeusement improvisé, on sera tout prêts à croire qu'enfin on a trouvé le Messie : « Les gens disaient : C'est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. »

- On attendait le retour d'Elie pour les temps messianiques ; le miracle des pains a-t-il suggéré à la foule un rapprochement avec Elie (et la veuve de Sarepta) ?

 

L'intelligence des écritures

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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 09:10

 

M'étant muni d'une caméra vidéo, j'ai pu réaliser le reportage vidéo suivant , lors de l'Ardéchoise 2012 (16 juin 2012). Je prie mes lecteurs de bien vouloir excuser la qualité très médiocre du reportage (images, son, longueurs, etc.). La séquence initiale peut être abrégée : la course proprement dite ne commence qu'au bout de 5' 20" environ.

 

 

 

 

Voici quelques images extraites de cette vidéo.

 

Ardechoise-2012-photo-03.JPG       Ardechoise-2012-photo-05.JPG

 

Des coéquipiers de l'OEPDT avant le départ

 

 

Ardechoise-2012-photo-06.JPG   Ardechoise-2012-photo-08.JPG

 

La famille Jallas fortement représentée au sein de l'OEPDT !

 

 

Ardechoise-2012-photo-10.JPG  Ardechoise-2012-photo-14.JPG

 

La seule et unique représentante féminine de toute l'histoire de l'OEPDT ! Les supportrices sont très nombreuses, en revanche.

 

Ardechoise-2012-photo-11.JPG   Ardechoise-2012-photo-12.JPG

 

La relève de l'OEPDT est bien présente, pleine de talent. Il faut dire que la Manager Général, sélectionneur, entraîneur, sponsor, et j'en passe, j'ai nommé Bricou, est ce qui se fait de mieux en la matière, tous sports confondus.

 

 

Ardechoise-2012-photo-13.JPG  Ardechoise-2012-photo-15.JPG

 

Ceci explique le sourire radieux des membres de l'équipe : les cyclistes de l'OEPDT n'ont que des motifs de satisfaction, leurs moindres désirs sont exaucés avant même d'avoir été exprimés !

 

 

Ardechoise-2012-photo-16.JPG  Ardechoise-2012-photo-17.JPG

 

Nous sommes partis il y a quelques minutes seulement.

 

 

Ardechoise-2012-photo-18.JPG  Ardechoise-2012-photo-19.JPG

 

Peu avant le premier col (col du Buisson).

 

 

Ardechoise-2012-photo-01.JPG  Ardechoise-2012-photo-02.JPG

 

Votre serviteur, dans un état pitoyable, mais heureux (d'être arrivé !) quand même.

 

 

Enfin, voici un lien vers un site Internet présentant quelques villages d'Ardéche. L'Ardéchoise (en 4, 3, 2 ou 1 jours) passe par la plupart d'entre eux, voire tous.

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 17:45

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

PREMIERE LECTURE - Jérémie 23, 1 - 6

1 Parole du SEIGNEUR.
Misérables bergers, qui laissent périr et se disperser
les brebis de mon pâturage !
2 C'est pourquoi - ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël
contre les pasteurs qui conduisent mon peuple - :
à cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées,
et vous ne vous êtes pas occupés d'elles.
Eh bien ! Moi je vais m'occuper de vous,
à cause de vos méfaits,
déclare le SEIGNEUR.
3 Puis je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis
de tous les pays où je les ai dispersées.
Je les ramènerai dans leurs pâturages,
elles seront fécondes et se multiplieront.
4 Je leur donnerai des pasteurs
qui les conduiront ;
elles ne seront plus apeurées et accablées,
et aucune ne sera perdue, déclare le SEIGNEUR.
5 Voici venir des jours, déclare le SEIGNEUR,
où je donnerai à David un Germe juste :
il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence,
il exercera dans le pays le droit et la justice.
6 Sous son règne, le royaume de Juda sera sauvé,
et Israël habitera sur sa terre en sécurité.
Voici le nom qu'on lui donnera :
« Le SEIGNEUR est notre justice. »

La métaphore du berger était familière aux peuples du Moyen-Orient, pour parler des rois ; et le sceptre royal était en fait une houlette. En Israël, cette image s'appliquait particulièrement bien à David, l'ancien berger, et on continua à l'évoquer pour ses descendants : un bon roi est celui qui, tel un berger, veille à la sécurité et à la prospérité de son troupeau, son peuple. Malheureusement, l'histoire de la royauté fut très mouvementée, et, s'il y eut quelques bons bergers, il y en eut beaucoup plus de mauvais. Le premier livre de Samuel offre une description de l'institution royale très sévère, mais toute empreinte de réalisme : « Voici comment gouvernera le roi qui règnera sur vous : il prendra vos fils pour les affecter à ses chars et à sa cavalerie et ils courront devant son char. Il les prendra pour s'en faire des chefs de millier et des chefs de cinquantaine, pour labourer son labour, pour moissonner sa moisson, pour fabriquer ses armes et ses harnais. Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs. Il les prendra et les donnera à ses serviteurs. Il lèvera la dîme sur vos grains et sur vos vignes et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. Il prendra vos serviteurs et vos servantes, les meilleurs de vos jeunes gens et vos ânes pour les mettre à son service. Il lèvera la dîme sur vos troupeaux. Vous-mêmes enfin, vous deviendrez ses esclaves. » (1 S 8, 11-18). Malheureusement, en bien des circonstances, cette description n'a rien d'exagéré. D'où les emportements des prophètes, en particulier de Jérémie.

Le texte que nous lisons ici vise les derniers rois de Jérusalem au moment de l'Exil à Babylone : « Misérables bergers, qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage !... Vous ne vous êtes pas occupés d'elles ». Mais Dieu veille : car, en dernier ressort, le vrai, le seul berger d'Israël, c'est Dieu lui-même : « Mon berger, c'est le SEIGNEUR : je ne manque de rien » chante le psaume 22/23. Dans les mauvaises périodes, combien de fois les prophètes n'ont-ils pas répercuté la douleur de Dieu devant la dispersion de son troupeau ? Car son unique souci est de le rassembler ; et, dans leur foi, les prophètes ne doutent pas un seul instant qu'il y parviendra : un jour, lointain peut-être, mais certain, naîtra enfin un bon roi. Dès l'Ancien Testament, donc, l'image du bon pasteur était devenue l'une des expressions de l'attente messianique ; chez Michée par exemple : « Toi, Bethléem Ephrata, trop petite pour compter parmi les clans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël... Il se tiendra debout et fera paître son troupeau par la puissance du SEIGNEUR, par la majesté du nom du SEIGNEUR son Dieu. » (Mi 5, 1-3). Le texte de Jérémie que nous lisons aujourd'hui se situe dans cette ligne : « Je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis... Je leur donnerai des pasteurs qui les conduiront... aucune ne sera perdue, déclare le SEIGNEUR. » Mais, à l'heure où Jérémie prêchait, plus grand monde ne croyait, probablement aux belles promesses d'avenir, car le prophète multiplie (cinq fois dans ces versets !) les assurances qu'il s'agit bien d'une parole qui vient du Seigneur, avec la formule « parole du SEIGNEUR » ou son équivalent.

Puis la même prédication d'espérance est reprise avec une autre image, celle du « Germe » : le mot apparaît rarement dans la Bible, mais il est, comme il se doit, lourd de promesses ; bien sûr, pour commencer, le verbe « germer, pousser » (tsamah) évoque bien la croissance d'une semence. (Le même verbe est employé dans le récit de la Création : « Le Seigneur Dieu fit germer du sol tout arbre d'aspect attrayant et bon à manger. » Gn 2, 9). Mais les prophètes Isaïe, Jérémie, Zacharie en ont fait l'image d'une espérance bien précise : celle de voir s'accomplir enfin les promesses faites à David, en d'autres termes, celle de l'arrivée du Messie. Si bien que le mot « Germe » (en particulier dans l'expression « Germe de David ») est devenu synonyme de Messie. Plus les temps sont durs, plus les prophètes s'appliquent à maintenir cette espérance. C'est le cas ici : « Voici venir des jours, déclare le SEIGNEUR, où je donnerai à David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. Sous son règne, le royaume de Juda sera sauvé, et Israël habitera sur sa terre en sécurité. » Droit, justice, sécurité, voilà à quoi aspire le peuple, voilà ce que lui apportera le Messie ; le nom du coupable et malheureux roi Sédécias, emmené enchaîné à Babylone en 587 signifiait « Le SEIGNEUR est ma justice » ; or il fut largement infidèle à ce beau programme. Ironiquement, Jérémie annonce que le Messie, lui, saura porter ce nom au service du peuple tout entier : « Voici le nom qu'on lui donnera : Le SEIGNEUR est notre justice. »

Dernière remarque : Jérémie, parlant du Messie promis, nous dit : « Sous son règne, le royaume de Juda sera sauvé, et Israël habitera sur sa terre en sécurité. » Sachant que « Juda » désignait le royaume du sud et « Israël » celui du Nord, à l'époque où il y avait deux royaumes (avant 721), on peut entendre là de la part du prophète une annonce de la réunification des deux royaumes.

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Compléments

- Plus tard, à une époque où la souche royale semble définitivement éteinte, (la restauration attendue de Zorobabel après l'Exil fut un échec), les prophètes continuent d'affirmer que de tout arbre mort Dieu peut susciter des pousses nouvelles et que le bonheur de l'ère messianique viendra tôt ou tard : « Le SEIGNEUR fera germer la justice » (Is 61, 11).

- Plus tard encore, un autre prophète (anonyme celui-là) reprendra intégralement la prédication de Jérémie 23, 5-6 ; et ses paroles seront intégrées dans le livre qui porte le nom de Jérémie : elles se trouvent en Jr 33, 15-16.

- Le psaume 84/85 de dimanche dernier (Quinzième dimanche) se situait dans la même ligne : « J'écoute : que dira le SEIGNEUR Dieu ? Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple. Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre. Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. Le SEIGNEUR donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. »


 

PSAUME 22 (23), 1-6

1 Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
2 Sur des prés d'herbe fraîche,
il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles
3 et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l'honneur de son nom.
4 Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi,
ton bâton me guide et me rassure.
5 Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.
6 Grâce et bonheur m'accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j'habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

« Je rassemblerai moi-même mes brebis » annonçait Jérémie de la part de Dieu (première lecture) ; au nom du peuple, le psaume 22/23 répond : « Le SEIGNEUR est mon berger ». Parce que, comme toujours, celui qui parle dans ce psaume, c'est le peuple d'Israël tout entier. Israël qui se reconnaît comme le peuple de Dieu, le troupeau de Dieu : « Oui, Il est notre Dieu, nous sommes le peuple qu'il conduit, le troupeau guidé par sa main » (Ps 94/95).

Aujourd'hui, nous ne trouvons peut-être pas très flatteur le terme de troupeau ! Mais il faut nous replacer dans le contexte biblique : à l'époque le troupeau était peut-être la seule richesse ; déjà d'Abraham, on disait « Abram était très riche en troupeaux, en argent et en or. » (Gn 13, 2). Et il suffit de voir comment le livre de Job décrit l'opulence puis la déchéance de son héros. Cela se chiffre en nombre d'enfants, d'abord, en nombre de bêtes tout de suite après. « Il y avait au pays de Ouç un homme du nom de Job. Il était, cet homme, intègre et droit, craignait Dieu et s'écartait du mal. Sept fils et trois filles lui étaient nés. Il possédait sept mille moutons, trois mille chameaux, cinq cents paires de boeufs, cinq cents ânesses et une très nombreuse domesticité. Cet homme était le plus grand des fils de l'Orient. » Et quand on vient annoncer à Job tous les malheurs qui s'abattent sur lui, cela concerne ses enfants et ses troupeaux.

Mais alors, si les troupeaux sont considérés comme une richesse, nous pouvons oser penser que Dieu nous considère comme une de ses richesses. Ce qui est quand même une belle audace sur le plan théologique ! En écho, le livre des Proverbes dit que la Sagesse de Dieu « trouve ses délices auprès des enfants des hommes » (Pr 8, 31). Plus tard, on ira encore beaucoup plus loin, puisqu'on osera dire « Dieu a tant aimé le monde (c'est-à-dire l'humanité) qu'Il a donné son Fils Unique ». (Jn 3, 16).

Pour revenir à notre psaume d'aujourd'hui, il décline l'amour de Dieu pour son peuple dans le vocabulaire du berger : « Le SEIGNEUR est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles... » Le verbe « mener » est ce qui caractérise le mieux un berger digne de ce nom. Dans notre première lecture, au contraire, Jérémie se plaignait des bergers d'Israël (entendez les rois), qui, justement, n'ont pas « mené » le peuple, parce qu'ils étaient avant tout préoccupés de leur intérêt personnel.

Et, pendant l'Exil à Babylone, Ezéchiel en faisait tout autant : par exemple : « Malheur aux bergers d'Israël qui se paissent eux-mêmes ! N'est-ce pas le troupeau que les bergers doivent paître ?... Les bêtes se sont dispersées, faute de berger, et elles ont servi de proie à toutes les bêtes sauvages (entendez les nations étrangères, et en particulier Babylone) ; elles se sont dispersées. Mon troupeau s'est éparpillé par toutes les montagnes, sur toutes les hauteurs ; mon troupeau s'est dispersé sur toute la surface du pays sans personne pour le chercher, personne qui aille à sa recherche. » (Ez 34, 2. 5-6). Quand le prophète parle de dispersion, il vise toutes les infidélités à l'Alliance, toutes les idolâtries, tous les cultes qui se sont instaurés partout dans le pays pourtant consacré au Dieu unique ; ce sont autant de fausses pistes qui ont entraîné le malheur actuel du peuple.

Dans ce psaume, la phrase « Il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son Nom » vise exactement la même chose : en langage biblique, le « chemin » signifie toujours la vie dans l'Alliance avec le Dieu unique, c'est-à-dire l'abandon résolu de toute idolâtrie ; or l'histoire montre que ce n'est jamais gagné et qu'à toute époque l'idolâtrie a été le combat incessant de tous les prophètes ; soit-dit en passant, ils auraient peut-être tout autant à faire aujourd'hui ; car une idole n'est pas obligatoirement une statue de bois ou de plâtre... c'est tout ce qui risque d'accaparer nos pensées au point d'entamer notre liberté : que ce soit une personne, un bien convoité, ou une idée, Dieu veut nous en délivrer, non pas pour faire de nous ses esclaves, mais pour faire de nous des hommes libres ; c'est cela l'honneur de son Nom : le Dieu libérateur veut l'homme libre.

Pour libérer définitivement l'humanité de toutes ces fausses pistes, Dieu a envoyé son Fils ; et désormais, les Chrétiens ont en tête la phrase de Jésus dans l'évangile de Jean : « Je suis le Bon Pasteur, je donne ma vie pour mes brebis » (Jn 10). Il donne sa vie, au vrai sens du terme. Si bien que nous pouvons chanter à notre tour « Toi, Seigneur, tu es mon berger...Tu es avec moi, ton bâton (ta croix) me guide et me rassure. »

Au début de l'Eglise, ce psaume était devenu naturellement le psaume spécial de la liturgie du Baptême ; les baptisés (je parle au pluriel parce que les baptêmes étaient toujours célébrés de manière communautaire) émergeant de la cuve baptismale, partaient en procession vers le lieu de la confirmation et de l'Eucharistie. Et l'évocation des eaux tranquilles, vivifiantes, (pour le Baptême), de la table et de la coupe (pour l'Eucharistie), du parfum (pour la Confirmation) nous rappelle évidemment cette triple liturgie. « Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre... Tu prépares la table pour moi... Ma coupe est débordante... tu répands le parfum sur ma tête... »

Désormais, grâce et bonheur accompagnent le baptisé puisque, comme le Christ nous l'a promis, il est « avec nous tous les jours jusqu'à la fin du monde ».

 

DEUXIEME LECTURE - Ephésiens 2, 13 - 18

Frères,
13 Vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l'Alliance,
vous êtes devenus proches par le sang du Christ.
14 C'est lui, le Christ, qui est notre paix :
des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ;
par sa chair crucifiée,
il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine,
15 en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse.
Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix,
et créer en lui un seul Homme nouveau.
16 Les uns comme les autres, réunis en un seul corps,
il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix :
en sa personne, il a tué la haine.
17 Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix,
la paix pour vous qui étiez loin,
la paix pour ceux qui étaient proches.
18 Par lui, en effet, les uns et les autres,
nous avons accès auprès du Père,
dans un seul Esprit.

« Les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit » : ici, Paul fait référence à deux catégories de personnes : les uns, ce sont les chrétiens d'origine juive, les autres, les chrétiens d'origine païenne. Quand Paul est arrivé à Ephèse, Apollos l'avait précédé et avait rassemblé autour de lui douze nouveaux Chrétiens d'origine juive (Ac 19, 1). Paul a continué l'oeuvre entreprise et, comme toujours, il a commencé par annoncer l'évangile au coeur même de la synagogue. Au bout de trois mois, cependant, certains des membres de la synagogue étant très opposés à sa prédication, il fallut trouver un autre lieu de rassemblement ; mais la communauté chrétienne était née et elle grandit peu à peu : à côté des douze premiers, elle comprit bientôt côte à côte des membres d'origine païenne et des membres d'origine juive. Désormais Paul pouvait dire : « Des deux, Israël et les païens, il (le Christ) a fait un seul peuple ».

Dans le texte de dimanche dernier (Ep 1, 13-14), il avait pris acte de cette diversité d'origine des Chrétiens : il disait « nous » quand il s'adressait aux Juifs, (dont il faisait partie), il disait « vous » aux anciens païens : « Dieu nous a d'avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ... Dieu nous a d'avance destinés à devenir son peuple ; il a voulu que nous soyons ceux qui d'avance avaient espéré dans le Christ... dans le Christ, vous aussi, vous avez écouté la parole de vérité, la bonne nouvelle de votre salut ; en lui, devenus croyants, vous avez reçu la marque de l'Esprit Saint. » En d'autres termes, Israël est le premier bénéficiaire de l'annonce du projet de Dieu, mais, désormais, en Christ, des païens ont pu l'écouter à leur tour, au sens de devenir croyants, et recevoir l'Esprit Saint. C'est à Antioche de Pisidie que Paul a compris ce grand tournant de l'histoire de la révélation : rencontrant une violente opposition de la part des Juifs, il leur avait déclaré : « C'est à vous d'abord que devait être adressée la parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens. » (Ac 13, 46).

Dans le texte d'aujourd'hui, c'est à ces païens convertis au Christianisme que Paul s'adresse : « Vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l'Alliance, vous êtes devenus proches par le sang du Christ » et il développe le thème de la réconciliation entre les uns et les autres ; et s'il le fait aussi longuement, c'est que cette entente devait paraître à beaucoup d'entre eux irréalisable. Visiblement, au moment où cette lettre a été écrite, l'unité recommandée par le Christ était en jeu. Or il ne s'agit pas seulement d'un problème de comportement, il y va du contenu même de la foi chrétienne. Les uns et les autres ont été baptisés, c'est-à-dire plongés dans la vie nouvelle du Ressuscité, c'est la seule réalité qui compte désormais. Nous ne sommes plus sous le régime de la Première Alliance : oui, seuls, jusque-là, les Juifs avaient accès à la révélation du Père ; et on sait qu'ils comprenaient leur vocation comme une mise à part. Concrètement cela se marquait par une barrière sur l'esplanade même du Temple de Jérusalem. Le tour de l'esplanade était accessible à tout le monde, Juifs ou païens, mais la cour centrale était réservée aux Juifs, on l'appelait « le parvis d'Israël ». Un écriteau interdisait aux non-Juifs l'entrée dans cette cour sous peine de mort.

C'est peut-être à cette barrière que Paul fait allusion quand il parle d'un « mur de la haine ». Il pense aussi à la méfiance qui s'était installée entre Juifs et païens : les Juifs, circoncis par fidélité à la loi de Moïse, méprisaient parfois ceux qu'ils appelaient les « incirconcis ». Dans les versets qui précèdent notre texte, Paul a rappelé cet ostracisme qui pesait sur les païens : « Souvenez-vous donc qu'autrefois, vous qui portiez le signe du paganisme dans votre chair, vous que traitaient « d'incirconcis » ceux qui se prétendent les « circoncis », à la suite d'une opération pratiquée dans la chair, souvenez-vous qu'en ce temps-là, vous étiez sans Messie, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance... » (2, 11-12). Ici, il résume : « Vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l'Alliance ».

Or le projet de Dieu, qu'il a décrit dans le premier chapitre (1, 9-10) est un projet d'amour et de réconciliation à l'échelle de l'humanité tout entière, et même de la Création tout entière, dans et par le Christ. Alors, le Christ serait-il né et mort pour rien ? Non, dit Paul, désormais, ce projet est accompli ; nous sommes dans la Nouvelle Alliance scellée en Jésus-Christ « pour la multitude », comme il l'a dit lui-même au soir de la Cène ; car « Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, (les anciens païens), la paix pour ceux qui étaient proches (les Juifs) ». Annoncer en paroles et en actes, en vérité : par trois fois, Paul fait référence à la Passion du Christ : « Vous êtes devenus proches par le sang du Christ... par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait (Juifs et païens), le mur de la haine... il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix... » Désormais, la Loi ne doit plus être une cause de discorde entre anciens Juifs et anciens païens ; tous peuvent donner leur foi au Christ : « Il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine, en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. » Désormais, en levant les yeux vers le Christ crucifié, tout homme qui croit en lui peut entrer dans le mystère de l'amour trinitaire. « Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi » avait promis Jésus (Jn 12, 32).

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INSCRIPTION INTERDISANT L'ENTRÉE AUX ÉTRANGERS DANS LE TEMPLE DE JÉRUSALEM

« Que nul étranger ne pénètre à l'intérieur de la barrière et de l'enceinte qui entourent le lieu sacré. Celui qui serait pris y pénétrant serait responsable envers lui-même que mort s'ensuive. »

cf Ac 21, 27-31 (l'histoire de Trophime : un païen, compagnon de Paul, que l'on a cru voir pénétrer dans l'espace interdit ; ce qui a déclenché l'arrestation de Paul).



Dans la vie courante, la barrière d'interdits était la traduction de cette séparation entre Juifs et païens. Elle manifestait le désir profond du peuple élu de rester fidèle en tous points à la Loi reçue de Moïse.

 

EVANGILE - Marc 6, 30 - 34

Après leur première mission,
30 les apôtres se réunissent auprès de Jésus,
et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et enseigné.
31 Il leur dit :
« Venez à l'écart dans un endroit désert,
et reposez-vous un peu. »
De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux
qu'on n'avait même pas le temps de manger.
32 Ils partirent donc dans la barque, pour un endroit désert, à l'écart.
33 Les gens les virent s'éloigner et beaucoup les reconnurent.
Alors, à pied, de toutes les villes,
ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
34 En débarquant, Jésus vit une grande foule.
Il fut saisi de pitié envers eux
parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger.
Alors, il se mit à les instruire longuement.
 

Dimanche dernier, nous avions assisté à l'envoi en mission des Douze pour la première fois (Mc 6, 7-13) ; et Marc décrivait rapidement la façon dont ils s'en étaient acquittés : « Ils partirent, et proclamèrent qu'il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d'huile à de nombreux malades, et les guérissaient. » (6, 12-13). Ils ont donc fait très exactement ce qu'ils voient Jésus faire depuis le début de leur rencontre : guérir les malades, chasser les démons, enseigner ; Marc veut certainement faire entendre à ses lecteurs que la mission des Douze est dans la parfaite continuité de celle de Jésus car il a pris bien soin de les décrire en parallèle ; on peut noter en effet que le début de la mission de Jésus et celui de la mission des Douze sont semblables : le lieu est le même (la Galilée), et surtout le contexte : Jésus a commencé « après que Jean (Baptiste) eut été livré » (1, 14), les apôtres commencent à leur tour au moment de la mort du même Jean-Baptiste : puisque Marc raconte l'arrestation et l'exécution de Jean-Baptiste dans l'intervalle entre leur envoi en mission par Jésus et leur retour (6, 17-29). Quant au contenu de l'enseignement, s'il n'est pas précisé, c'est parce qu'il ressemble certainement à celui du Maître, résumé par Marc au début de son évangile : « Après que Jean (Baptiste) eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Evangile de Dieu et disait : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché : convertissez-vous et croyez à l'Evangile. » (1, 14-15).

Voici donc maintenant le retour des Douze : « Après leur première mission, les apôtres se réunissent auprès de Jésus, et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et enseigné. » C'est la première fois que Marc emploie le mot « apôtres » (qui signifie « envoyés » en mission), jusqu'ici il les appelait les « disciples » (« enseignés ») : désormais, ils partageront la mission de Jésus.

Curieusement, à leur retour, la première chose qu'il leur propose, c'est de prendre de la distance : « Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » Nouveau parallèle : après sa première journée à Capharnaüm, où il avait abondamment enseigné, guéri les malades, chassé les démons (1, 21-34), Marc notait : « Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s'en alla dans un lieu désert ; là il priait. » Il s'était arraché au succès et était parti se ressourcer dans la prière. Les « envoyés » de tous les temps sont certainement invités ici à en faire autant : Marc répète à deux reprises cette retraite de Jésus et ses apôtres « à l'écart dans un endroit désert » (v. 31 et 32). Entre ces deux précisions qui forment une « inclusion », Marc a noté la présence de la foule : manière de nous dire « ce n'est pas une fuite-dérobade que Jésus leur propose, c'est un ressourcement pour mieux servir la foule ». A Capharnaüm, c'est dans cette pause que Jésus avait puisé la force de s'arracher à la tentation de s'installer (1, 38).

Mais la foule les suit, elle s'impose et avec elle, s'impose l'urgence de la mission ; dans son évangile, Marc insiste souvent sur cette présence de la foule qui poursuit Jésus partout : par exemple dans le récit de l'appel de Matthieu : « Toute la foule venait à lui et il les enseignait. » (2, 13) ; ou pour introduire le discours en paraboles : « De nouveau, Jésus se mit à enseigner au bord de la mer. Une foule se rassemble près de lui, si nombreuse qu'il monte s'asseoir dans une barque, sur la mer. Toute la foule était à terre face à la mer. » (4, 1) ; ou encore, à Gennésareth : « Partout où il entrait, villages, villes ou hameaux, on mettait les malades sur les places ; on le suppliait de les laisser toucher seulement la frange de son vêtement. » (6, 56). Marc insiste, cette foule ne vient pas seulement de Galilée, elle vient de partout : « Jésus se retira avec ses disciples au bord de la mer. Une grande multitude venue de la Galilée le suivit. Et de la Judée, de Jérusalem, de l'Idumée, d'au-delà du Jourdain, du pays de Tyr et Sidon, une grande multitude vint à lui, à la nouvelle de tout ce qu'il faisait. Il dit à ses disciples de tenir une barque prête pour lui à cause de la foule qui risquait de l'écraser. Car il en avait tant guéri que tous ceux qui étaient frappés de quelque mal se jetaient sur lui pour le toucher. » (3, 7-10). Et cette foule reste parfois des jours à l'écouter ; c'est ce qui décidera Jésus à accomplir la deuxième multiplication des pains : « Comme il y avait de nouveau une grande foule et qu'elle n'avait pas de quoi manger, Jésus appelle ses disciples et leur dit : J'ai pitié de cette foule, car voilà déjà trois jours qu'ils restent auprès de moi et ils n'ont pas de quoi manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et il y en a qui sont venus de loin. » (8, 1-3). Tout ceci fait donc penser que Jésus a reçu un très bon accueil de la plupart de ses contemporains ; mais ce succès même a déclenché l'inquiétude des autorités religieuses : dès le chapitre 3, on apprend que des scribes sont « descendus de Jérusalem » (3, 22).

Revenons à notre texte : en débarquant, Jésus vit donc cette grande foule (cinq mille hommes), « il fut saisi de pitié envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement. » Il les instruit d'abord, il accomplira une première multiplication des pains, ensuite (6, 35-44). Deux manières de les nourrir. Quand Marc dit la pitié de Jésus, il utilise le mot grec (« splangna ») qui désigne les entrailles, la profondeur de l'être ; c'est un équivalent du mot hébreu (« rahamim ») que l'on traduit souvent par miséricorde. Rien d'étonnant à ce que Jésus éprouve pour les hommes la pitié même de Dieu, une pitié telle qu'il a envoyée son Fils ; Marc, à la différence de Jean (Jn 10), ne développe pas le thème du bon pasteur, mais il est présent ici en filigrane : « Il fut saisi de pitié envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. » On entend résonner ici les plaintes de Jérémie sur les mauvais pasteurs qui ont mal dirigé le peuple d'Israël (c'était le sujet de notre première lecture). Et, depuis des siècles, on attendait le Messie qui serait un vrai bon berger. Cette fois, nous dit Marc, le Bon Pasteur, le Messie est parmi nous.

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Complément

« Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. Ils partirent donc dans la barque, pour un endroit désert, à l'écart. » On a donc le droit de se reposer ! Serait-ce tout simplement de l'humilité et de la confiance ? A rapprocher du Psaume 126/127 : « Dieu comble son bien-aimé qui dort... En vain, tu retardes le moment de ton repos ... Tu devances le jour »

 

L'intelligence des écritures

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 21:40

marie-nolle-thabut.jpgJe suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

PREMIERE LECTURE - Amos 7, 12 - 15

12 Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos :
« Va-t-en d'ici avec tes visions,
enfuis-toi au pays de Juda ;
c'est là-bas que tu pourras gagner ta vie
en faisant ton métier de prophète.
13 Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser ;
car c'est un sanctuaire royal,
un temple du royaume. »
14 Amos répondit à Amazias :
« Je n'étais pas prophète
ni fils de prophète ;
j'étais bouvier, et je soignais les figuiers.
15 Mais le SEIGNEUR m'a saisi quand j'étais derrière le troupeau,
et c'est lui qui m'a dit :
Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël. »

« Béthel » signifie tout simplement « maison de Dieu », comme « Bethléem » signifie « maison du pain. » « Maison de Dieu », c'est tout un programme ; et Béthel mérite son nom depuis longtemps : Abraham, déjà, y avait campé et le Seigneur lui était apparu ; en souvenir, il avait dressé là un autel (Gn 12, 8) ; on évoque là également le souvenir de Jacob : celui-ci en fuite après avoir peu élégamment déshérité son frère, avait reçu là néanmoins la promesse de l'assistance de Dieu. A deux reprises, le Seigneur lui était apparu (Gn 28, 12-19 ; Gn 35, 7-15) ; la première fois est restée célèbre sous le nom « d'échelle de Jacob » : alors qu'il dormait, la tête sur une pierre, il avait fait un songe : une échelle reliait la terre au ciel et des anges montaient et descendaient ; il avait appelé ce lieu « porte du ciel » (cf Jn 1, 51). Et les deux fois, le Seigneur lui avait réitéré les promesses faites à Abraham : « Je suis le SEIGNEUR, Dieu d'Abraham ton père et Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu couches, je la donnerai à toi et à ta descendance. Ta descendance sera pareille à la poussière de la terre... En toi et en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 28, 13)... « Le pays que j'ai donné à Abraham et à Isaac, je te le donne ; à ta descendance après toi, je donnerai ce pays. » (Gn 35, 12).

Quand, des siècles plus tard, en 931, Jéroboam Ier, le roi du tout nouveau petit royaume du Nord, (né de la sécession des tribus du Nord, après la mort de Salomon), chercha à doter son pays d'un sanctuaire capable de concurrencer Jérusalem, le lieu de Béthel, si mémorable, était tout indiqué.

Et nous voilà deux cents ans plus tard, vers 750 environ, sous le règne de Jéroboam II ; c'est à Béthel, précisément, qu'Amos eut à accomplir sa très éphémère carrière de prophète : quelques mois à peine, probablement ; mais il a eu le temps d'en dire assez pour que ses prédications donnent naissance à un livre, le premier en date des livres prophétiques. Un livre très court (dix pages à peine dans nos Bibles), mais admirable : un souffle extraordinaire traverse ces pages et même si le prêtre Amazias a pu faire taire le prophète, rien n'effacera plus jamais ses paroles, puisqu'elles font désormais l'objet de ce petit livre. Il faut prendre le risque de le lire d'une traite et de se laisser emporter par la véhémence de ces neuf chapitres de propos plutôt musclés, bien représentatifs des prophètes de l'Ancien Testament. Amos use d'un style extrêmement imagé et varié qui alterne oracles solennels, visions étranges, récits quasi-journalistiques, et même parfois énigmes.

Quant au fond, on trouve bien chez Amos les deux axes de la prédication habituelle des prophètes : paroles d'espoir, promesses de salut pour ceux qui traversent une période difficile ; avertissements et même menaces à l'adresse de ceux qui oublient trop facilement les exigences de l'Alliance. Et sur ce chapitre, Amos a de quoi faire : partout il ne voit qu'injustices, règne de l'argent, corruption, écrasement des pauvres. Il ne mâche pas ses mots ; c'est probablement à Béthel même qu'il a dit de la part du Seigneur : « Je déteste, je méprise vos pèlerinages, je ne puis sentir vos rassemblements, quand vous faites monter vers moi des holocaustes ; et dans vos offrandes, rien qui me plaise ; votre sacrifice de bêtes grasses, j'en détourne les yeux ; éloigne de moi le bruit de tes cantiques, le jeu de tes harpes, je ne veux pas l'entendre. » (5, 21-23) ; au passage, il faut noter que le prophète Isaïe tonitrue à la même époque et presque dans les mêmes termes, à Jérusalem, cette fois (Is 1, 11-14).

Pas plus que les autres prophètes, pourtant, (pas plus qu'Isaïe à Jérusalem), Amos ne veut supprimer le culte ou les pèlerinages, ni même le sanctuaire de Béthel ; il ne sait pas que, cent ans plus tard, à peu près, le roi Josias supprimera tous les sanctuaires ; seul, le Temple de Jérusalem sera agréé comme lieu de pèlerinage ; mais on n'en est pas encore là. Pour l'instant on a le droit de célébrer des sacrifices à Béthel, mais il faut d'abord se convertir. Voici la suite de cette fameuse prédication : « Que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable ! » (5, 24). Traduisez : ne vous croyez pas quittes avec Dieu sous couvert de vos belles cérémonies ; commencez par vivre dans l'obéissance à la volonté de Dieu, c'est-à-dire la pratique de la justice. » Il faut dire que la corruption sévissait au point qu'Amos peut dire : « Ils changent le droit en poison et traînent la justice à terre. » (5, 7) ; « Je connais la multitude de vos révoltes, et l'énormité de vos péchés, oppresseurs du juste, extorqueurs de rançons ; ils déboutent les pauvres au tribunal. » (5, 12). Il va même jusqu'à se permettre un jeu de mots sur le nom de Béthel : la « maison de Dieu » est devenue « maison d'iniquité » (5, 5). Comme tous les prophètes, il rappelle que de telles pratiques engendrent toujours des catastrophes. Osée, son cadet de quelques années aura cette phrase magnifique et terrible à la fois, à propos, justement, de Samarie, la capitale du royaume du Nord : « Qui sème le vent récolte la tempête. » (Os 8, 7).

On comprend que le clergé local ait préféré se passer des services d'Amos ! Pour se débarrasser de ce trop bavard, on l'accuse de propos séditieux ; il est dénoncé auprès du roi pour incitation à la révolte ; c'est notre texte de ce dimanche (7, 10). Cette disgrâce nous vaut le récit de la vocation du prophète : éleveur de bétail dans le royaume du Sud, à Teqoa, dans les environs de Bethléem, rien ne le prédisposait à cette carrière inconfortable. Mais le Seigneur l'a « saisi », comme il dit, comment résister ? « Un lion a rugi, qui ne craindrait ? Le SEIGNEUR Dieu a parlé, qui ne prophétiserait ? » (3, 8).

 

PSAUME 84 (85), 9-10, 11-12, 13-14

9 J'écoute : que dira le SEIGNEUR Dieu ?
Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple.
10 Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

11 Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s'embrassent ;
12 la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

13 Le SEIGNEUR donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
14 La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

Le psaume 84/85 a été écrit après le retour d'Exil du peuple d'Israël : ce retour tant attendu, tant espéré. Ce devait être un merveilleux recommencement : c'était le retour au pays, d'abord, mais aussi le début d'une nouvelle vie... Dieu effaçait le passé, on repartait à neuf... La réalité est moins rose. D'abord, on a beau prendre de « bonnes résolutions », rêver de repartir à zéro (nous en savons tous quelque chose !), on se retrouve toujours à peu près pareils... et c'est très décevant. Les manquements à la Loi, les infidélités à l'Alliance ont recommencé, inévitablement.

Ensuite, il faut dire que l'Exil à Babylone a duré, à peu de chose près, cinquante ans (de 587 à 538 av.J.) ; ce sont des hommes et des femmes valides, d'âge mûr pour la plupart, qui ont été déportés et qui ont survécu à la marche forcée entre Jérusalem et Babylone... Cela veut dire que cinquante ans plus tard, au moment du retour, beaucoup d'entre eux sont morts ; ceux qui rentrent au pays sont, soit des jeunes partis en 587, mais dont la mémoire du pays est lointaine, évidemment, soit des jeunes nés pendant l'Exil. C'est donc une nouvelle génération, pour une bonne part, qui prend le chemin du retour. Cela ne veut pas dire qu'ils ne seraient ni très fervents, ni très croyants, ni très catéchisés... Leurs parents ont eu à coeur de leur transmettre la foi des ancêtres ; ils sont impatients de rentrer au pays tant aimé de leurs parents, ils sont impatients de reconstruire le Temple et de recommencer une nouvelle vie. Mais au pays, justement, ils sont, pour la plupart des inconnus, et, évidemment, ils ne reçoivent pas l'accueil dont ils avaient rêvé ; par exemple, la reconstruction du Temple se heurtera sur place à de farouches oppositions.

Dans le début de ce psaume 84/85, on ressent bien ce mélange de sentiments ; voici des versets qui ne font pas partie de la liturgie de ce dimanche, mais qui expliquent bien le contexte : le retour d'Exil est une chose acquise : « Tu as aimé, SEIGNEUR, cette terre, tu as fait revenir les déportés de Jacob ; tu as ôté le péché de ton peuple, tu as couvert toute sa faute ; tu as mis fin à toutes tes colères, tu es revenu de ta grande fureur. » (v. 2-4). Mais, pour autant, puisque les choses vont mal, on se demande si Dieu ne serait pas encore en colère : « Seras-tu toujours irrité contre nous, maintiendras-tu ta colère d'âge en âge ? » (v. 6). Alors on supplie : « Fais-nous voir, SEIGNEUR, ton amour, que nous soit donné ton salut. » (v.8).

Et on demande la grâce de la conversion définitive : « Fais-nous revenir, Dieu notre salut » (v.5) ; toute la première partie du psaume joue sur le verbe « revenir » : « revenir » au sens de rentrer au pays après l'exil, c'est chose faite ; « revenir » au sens de « revenir à Dieu », « se convertir »; c'est plus difficile encore ! Et on sait bien que la force, l'élan de la conversion est une grâce, un don de Dieu. Une conversion qui exige un engagement du croyant : « J'écoute... que dira le SEIGNEUR Dieu ? » « Ecouter », en langage biblique, c'est précisément l'attitude résolue du croyant, tourné vers son Dieu, prêt à obéir aux commandements, parce qu'il y reconnaît le seul chemin de bonheur tracé pour lui par son Dieu. « Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple et ses fidèles « ; mais le compositeur de ce psaume est réaliste ! Il ajoute « Qu'ils (les fidèles) ne reviennent jamais à leur folie ! » (9c).

La fin de ce psaume est un chant de confiance superbe, en quelque sorte « le chant de la confiance revenue », la certitude que le projet de Dieu, le projet de paix pour tous les peuples avance irrésistiblement vers son accomplissement. « La gloire (c'est-à-dire le rayonnement de la Présence de Dieu) habitera notre terre (10)... La justice marchera devant lui et ses pas traceront le chemin. (14)... Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s'embrassent. » (11) : le psaume parle au présent ; pourtant, il n'est pas dupe, il n'est pas dans le rêve ! Il anticipe seulement ! Il entrevoit le Jour qui vient, celui où, après tant de combats et de douleurs inutiles, et de haines imbéciles, enfin, les hommes seront frères !

Pour les Chrétiens, ce Jour s'est levé depuis que Jésus-Christ s'est levé d'entre les morts, et, à leur tour, les Chrétiens ont chanté ce psaume, et pour eux, bien sûr, à la lumière du Christ, il a trouvé tout son sens. Le psaume disait : "Son salut est proche de ceux qui l'aiment » (10) et justement le nom de Jésus veut dire « Dieu-salut » ou « Dieu sauve » ; le psaume disait : « La vérité germera de la terre » ; Jésus lui-même a dit « Je suis la Vérité » et le mot « germe », ne l'oublions pas, était l'un des noms du Messie dans l'Ancien Testament ; le psaume disait « La gloire habitera notre terre », et Saint Jean, dans son Evangile dit « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire qu'il tient du Père » (Jn 1, 14) ; le psaume disait : « J'écoute, que dira le SEIGNEUR Dieu ? » ; Jean appelle Jésus la Parole, le Verbe de Dieu ; le psaume disait : « Ce que Dieu dit, c'est la paix pour son peuple » ; lors de ses rencontres avec ses disciples, après sa Résurrection, la première phrase de Jésus pour eux sera « La paix soit avec vous » ; décidément, toute la Bible nous le dit, la paix, cette conquête apparemment impossible pour l'humanité, est pourtant notre avenir, à condition de ne pas oublier qu'elle est don de Dieu.

 

DEUXIEME LECTURE - Ephésiens 1, 3 - 14

3 Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
Dans les cieux, il nous a comblés
de sa bénédiction spirituelle en Jésus-Christ.
4 En lui, il nous a choisis avant la création du monde,
pour que nous soyons, dans l'amour,
saints et irréprochables sous son regard.
5 Il nous a d'avance destinés
à devenir pour lui des fils par Jésus Christ :
voilà ce qu'il a voulu dans sa bienveillance
6 à la louange de sa gloire,
de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé,
7 qui nous obtient par son sang la rédemption,
le pardon de nos fautes.
Elle est inépuisable, la grâce
8 par laquelle Dieu nous a remplis de sagesse et d'intelligence
9 en nous dévoilant le mystère de sa volonté,
de ce qu'il prévoyait dans le Christ
pour le moment où les temps seraient accomplis ;
dans sa bienveillance,
10 il projetait de saisir l'univers entier
ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre,
en réunissant tout sous un seul chef, le Christ.
11 En lui,
Dieu nous a d'avance destinés à devenir son peuple ;
car lui, qui réalise tout ce qu'il a décidé,
12 il a voulu que nous soyons
ceux qui d'avance avaient espéré dans le Christ
à la louange de sa gloire.
13 Dans le Christ, vous aussi, vous avez écouté la parole de vérité,
la bonne nouvelle de votre salut ;
en lui, devenus croyants,
vous avez reçu la marque de l'Esprit Saint.
Et l'Esprit que Dieu avait promis,
14 c'est la première avance qu'il nous a faite
sur l'héritage dont nous prendrons possession,
au jour de la délivrance finale,
à la louange de sa gloire.

Voilà peut-être la plus belle prédication de l'histoire chrétienne ! On pourrait l'appeler « L'hymne de jubilation » de Paul : dans le texte grec, ces douze versets ne forment qu'une seule phrase d'action de grâce ; Paul y déploie la grande fresque du projet de Dieu, et il nous invite à nous associer à sa contemplation émerveillée. Ce projet que nous avons pris l'habitude (avec la traduction oecuménique TOB) d'appeler « le dessein bienveillant de Dieu » est de rassembler l'humanité au point de ne faire qu'un seul Homme en Jésus-Christ, à la tête de la création tout entière : « Dans sa bienveillance, Dieu projetait de saisir l'univers entier, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ. » (v. 9-10).

Première bonne nouvelle, Dieu a un projet sur nous et sur l'ensemble de la création ; l'histoire humaine a donc un sens, ce qui veut dire à la fois direction et signification ; pour les croyants, les années ne se succèdent pas toutes pareilles, notre histoire avance vers son accomplissement : nous allons, comme dit Paul, vers « le moment où les temps seront accomplis » (v. 9). Ce projet, nous ne l'aurions pas deviné tout seuls, c'est un « mystère » pour nous, car il nous dépasse infiniment, alors Dieu nous le révèle : « Dieu nous a remplis de sagesse et d'intelligence en nous dévoilant le mystère de sa volonté ». Dans le vocabulaire de Paul, un mystère n'est pas un secret que Dieu garderait jalousement pour lui ; au contraire, c'est son intimité à laquelle il nous convie. Il nous fait découvrir une autre sagesse, une autre intelligence que les nôtres : comme dit Paul, « Dieu nous a remplis de sagesse et d'intelligence » (v.8), sous-entendu sa sagesse à lui, son intelligence à lui.

Deuxième bonne nouvelle, cette volonté de Dieu n'est qu'amour : les mots « bénédiction, amour, grâce, bienveillance » parsèment le texte ; c'est également le sens de l'expression « à la louange de sa gloire » qui revient trois fois comme un refrain (v. 6, 12, 14). En réalité, la première fois, il faudrait traduire « à la louange de la gloire de sa grâce » : c'est-à-dire pour que Dieu soit reconnu comme le Dieu de la grâce, ce qui veut dire « le Dieu dont l'amour est gratuit ». Déjà, le prophète Jérémie savait dire que « les projets de Dieu ne sont que des projets de paix et non de malheur » (Jr 29, 11) ; depuis la venue du Christ, nous savons mieux encore ce qu'est la volonté de Dieu : le Dieu qui n'est qu'amour (la communion trinitaire structure le texte) veut nous faire entrer dans son intimité : ce qui veut dire que nous pouvons toujours, en toutes circonstances, souhaiter « que sa volonté soit faite » : parce qu'elle n'est que bonne!

Troisième insistance de ce texte : ce projet de Dieu s'accomplit à travers le Christ ; celui-ci est cité de nombreuses fois dans ces quelques lignes : tout advient « par lui, avec lui, et en lui », comme dit la liturgie : « Dieu nous a d'avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ. » (v. 5). Au vrai sens du terme, le centre du monde, le centre de l'histoire humaine (l'alpha et l'oméga), c'est Jésus-Christ. Lui, le « Fils bien-aimé » en qui nous sommes « comblés de la grâce du Père » (v. 6), lui en qui nous serons tous réunis quand « les temps seront accomplis » (v. 9), lui en qui nous avons écouté cette Bonne Nouvelle (v. 13), lui par qui nous avons reçu « la marque de l'Esprit Saint » (v. 13). De toute évidence, ce rôle prééminent du Christ était prévu de toute éternité, dès « avant la création du monde » (v. 4). Le « mystère de sa volonté, ce que Dieu prévoyait dans le Christ pour le moment où les temps seraient accomplis... c'était de saisir l'univers entier... » Paul parle pourtant bien de « rédemption » au sens de libération (v. 7), mais le projet de la rédemption est second ; Dieu a de toute éternité projeté de faire de nous ses fils, et c'est seulement parce que nous manquons sans cesse le but que nous avons besoin d'être sauvés.

Providentiellement, la liturgie de ce dimanche nous fait chanter le psaume 84/85 qui est une variation sur le même thème ; et c'est peut-être bien le meilleur écho à la méditation de Paul : « J'écoute : que dira le SEIGNEUR Dieu ? Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple. Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre. Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. Le SEIGNEUR donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. »

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Compléments

- Une toute petite note pour ceux qui s'intéressent à l'histoire des textes : Paul connaissait bien la communauté d'Ephèse où il a séjourné deux ou trois ans : or, curieusement, on ne trouve dans la Lettre aux Ephésiens aucune allusion à des relations personnelles de l'auteur avec les destinataires ; par ailleurs, les thèmes abordés et le style employé témoignent d'une nette évolution par rapport aux écrits antérieurs de l'apôtre ; tout cela pousse certains spécialistes à penser que la lettre aux Ephésiens serait l'oeuvre non de Paul mais d'un de ses très proches disciples qui aurait rassemblé la pensée de son maître peu après sa mort, donc dans les années 70.

- Sur l'emploi des pronoms « nous » et « vous » dans les versets 13 et 14, voir le commentaire de la lettre aux Ephésiens pour le seizième dimanche, infra page 000.

 

EVANGILE - Marc 6, 7 - 13

7 Jésus appelle les Douze,
et pour la première fois il les envoie deux par deux.
Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais,
8 et il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route,
si ce n'est un bâton ;
de n'avoir ni pain, ni sac,
ni pièces de monnaie dans leur ceinture.
9 « Mettez des sandales,
ne prenez pas de tunique de rechange. »
10 Il leur disait encore :
« Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison,
restez-y jusqu'à votre départ.
11 Si, dans une localité,
on refuse de vous accueillir et de vous écouter,
partez en secouant la poussière de vos pieds :
ce sera pour eux un témoignage. »
12 Ils partirent, et proclamèrent qu'il fallait se convertir.
13 Ils chassaient beaucoup de démons,
faisaient des onctions d'huile à de nombreux malades,
et les guérissaient.

 

Voici les Douze au tout début de leur activité missionnaire : Jésus avait certainement formé depuis quelque temps déjà le projet de les envoyer ; puisque, dès le chapitre 3, Marc nous raconte qu'il les avait choisis dans ce but : « Il monte dans la montagne et il appelle ceux qu'il voulait. Ils vinrent à lui et il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons. Il établit les Douze : Pierre - c'est le surnom qu'il a donné à Simon -, Jacques, le fils de Zébédée et Jean, le frère de Jacques, - et il leur donna le nom de Boanerguès, c'est-à-dire fils du tonnerre -, André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, le fils d'Alphée, Thaddée et Simon le zélote, et Judas Iscarioth, celui-là même qui le livra. » (3, 16-19). Depuis, ils l'ont suivi partout et ont reçu son enseignement. Ils ont été témoins de sa puissance : les premiers chapitres de Marc rapportent de nombreux miracles de toute sorte.

Avec le texte d'aujourd'hui, voici que Jésus les envoie à leur tour, munis eux aussi du pouvoir de chasser les démons : « Jésus appelle les Douze, et pour la première fois il les envoie... Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais. » Il leur donne également trois consignes : aller deux par deux, n'emporter que le strict nécessaire, ne pas se laisser impressionner par la persécution inévitable.

Premièrement, aller deux par deux : cela semble une pratique habituelle de Jésus ; Marc en donne quelques exemples par la suite : par exemple, pour préparer l'entrée à Jérusalem : « Lorsqu'ils approchent de Jérusalem, près de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit : Allez au village qui est devant vous... vous trouverez un ânon attaché... » (11, 1-2) ; même chose pour préparer la Pâque : « Il envoie deux de ses disciples et leur dit : Allez à la ville ; un homme viendra à votre rencontre, portant une cruche d'eau... » (14, 13). Il y a là peut-être la trace de la coutume juive selon laquelle un témoignage n'était recevable que quand il était porté par deux personnes au moins : « C'est sur les déclarations de deux ou de trois témoins qu'on pourra instruire une affaire. » (Dt 19, 15). L'évangélisation, elle aussi, est affaire de témoignage, elle n'est pas une affaire individuelle. Plus tard, les Apôtres garderont cette habitude : ainsi Pierre et Jean vont ensemble prêcher au Temple de Jérusalem (Ac, 1) ; Paul et Barnabé font équipe longtemps en Syrie et en Asie Mineure (Ac 13-15) ; après leur séparation, Paul continue la mission avec Silas (Ac 16-17).

Deuxièmement, n'emporter que le strict nécessaire : « Il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n'est un bâton ; de n'avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture. Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Leurs seuls instruments doivent être ceux de la marche pour la mission. En entendant cette consigne, les apôtres ont probablement évoqué la marche de leurs pères dans la foi, la nuit de la fameuse Pâque de la sortie d'Egypte, « la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. » (Ex 12, 11). La longue marche de l'Eglise, peuple de Dieu, commence ici. Elle exige mobilité, disponibilité, liberté d'esprit.

Troisième consigne donnée par Jésus, ne pas se laisser impressionner par la persécution inévitable. D'après le récit de Marc, les apôtres viennent tout juste d'assister à l'échec de Jésus à Nazareth (6, 1-6) ; et, depuis le début de l'évangile, ils ont vu naître et grandir l'opposition des scribes et des pharisiens. Il semble bien que la persécution doive être de tout temps le lot des prédicateurs et des prophètes : la première lecture nous en donne un cuisant exemple avec Amos, renvoyé dans ses foyers au bout de quelques mois seulement de prédication (« va-t-en d'ici avec tes visions » ; Am 7). On peut se demander pourquoi la persécution est inévitable, pourquoi « nul n'est prophète en son pays » comme l'a déclaré Jésus à Nazareth (6, 4) ; si l'évangélisation consiste à annoncer partout l'amour et le pardon de Dieu, pourquoi rencontre-t-elle tant d'oppositions ? Parce que nous avons la « nuque raide », comme disait Moïse ; parce que nous avons d'autres idées sur Dieu ; enfin, parce que nous avons le coeur endurci : or, si Dieu est amour et pardon, il va nous demander d'être à son image et donc nous remettre en question. C'est pour toutes ces mauvaises raisons que Jésus a été crucifié, et tant d'autres martyrisés à leur tour.

Face à ces refus, Jésus ne préconise pas la violence, ni le mépris évidemment ; mais la persévérance et la sérénité : « Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. » Soit dit en passant, c'est exactement ce qu'ont fait Paul et Barnabé à Antioche de Pisidie quand les choses se sont gâtées. (Ac 13, 51). Comment comprendre ce geste qui doit être pour les gens un « témoignage » ? C'est peut-être une manière de dire : nous respectons votre liberté, nous ne sommes pas venus chez vous pour prendre quoi que ce soit contre votre gré, fût-ce de la poussière. Saint Luc a cette formule : « Même la poussière de votre ville qui s'est collée à nos pieds, nous l'essuyons pour vous la rendre. Pourtant, sachez-le, le Règne de Dieu est arrivé. » (Lc 10, 11).

Mais les apôtres, heureusement, ne rencontreront pas que de l'hostilité et des coeurs endurcis. La croissance irrésistible des communautés chrétiennes dès après la Résurrection du Christ en est la preuve. Et les Actes des Apôtres rapportent les noms de nombreuses personnes qui ont ouvert leurs maisons aux prédicateurs de l'évangile. Dans ce cas-là, la recommandation de Jésus est simple : « Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ. » Accepter l'hospitalité d'autrui, c'est l'honorer.

 

L'intelligence des écritures

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 19:45

 

Samedi 16 juin 2012, j'ai participé ,une nouvelle fois, à la course cyclotouriste et cyclosportive dénommée l'Ardéchoise, qui se déroule chaque année ... en Ardèche !

 

Si j'ai tardé à faire un reportage sur cette aventure, ce dont s'étonne mon ami Michel, c'est probablement que j'en suis encore épuisé ! J'ai mis près de 11 heures pour boucler le parcours des Boutières (125 km), alors qu'il m'avait fallu 3 heures 15' de moins, l'an passé, pour réaliser le même trajet. Bref, ce fut un enfer, avec des crampes, des km parcourus en poussant mon vélo, et même des pleurs !

 

Je vous raconterai ça dans un prochain épisode, dès que j'aurai pu faire le montage des images vidéo prises à cette occasion. En attendant, voici enfin le petit reportage vidéo réalisé l'an passé, incluant le repas pris par l'équipe (OEPDT) et ses supporters, lors de la veillée d'armes, ainsi que le repas du samedi soir, après la course.

 

 

 

Voici, ensuite, une reportage vidéo sur l'Ardéchoise 2012 (attention, il faut cliquer sur le lien sous le premier article, et non pas sur la vidéo qui se présente en haut de la page).

 

Les photos proposées par le site VéloVélo sont très sympas aussi, à mon goût. On y voit, notamment, la mascotte de la course, le centenaire Robert Marchand (détenteur du record du monde de l'heure pour les centenaires), qui a parcouru 85 km sans le moindre souci.

 

Enfin, sur le site de l'Ardéchoise, vous trouverez des tas d'informations diverses, comme les classements. Notre équipe, OEPDT, a d'alleurs terminé 24e (elle aurait même terminé 23e si le parcours de mon fils Clément - 85 km - avait été comptabilisé par l'organisation : mauvaise saisie lors de l'inscription ?) Je tiens à féliciter particulièrement Anne-Laure, première femme à jamais participer au sein de l'équipe OEPDT, et qui, malgré une préparation très très légère, a parcouru vaillament 85 km, à une vitesse moyenne bien supérieure à la mienne.

 

Rendez-vous l'an prochain. J'espère que mes amis (le Michel précité, Jean-Luc, Benoît, François, Christian, 2 ou 3 Philippe, Laurent, Pierre, etc.) auront pitié de moi et ne me laisseront pas seul cette fois-ci.

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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 12:59

marie-nolle-thabut.jpg

Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

PREMIERE LECTURE - EZECHIEL 2, 2 - 5

2 L'Esprit vint en moi,
il me fit mettre debout,
et j'entendis le Seigneur qui me parlait ainsi :
3 « Fils d'homme je t'envoie vers les fils d'Israël,
vers ce peuple de rebelles qui s'est révolté contre moi.
Jusqu'à ce jour, eux et leurs pères
se sont soulevés contre moi,
4 et les fils ont le visage dur,
et le coeur obstiné.
C'est à eux que je t'envoie, et tu leur diras :
Ainsi parle le Seigneur Dieu...
5 Alors, qu'ils écoutent ou qu'ils refusent,
- car c'est une engeance de rebelles, -
ils sauront qu'il y a un prophète au milieu d'eux. »
 
Rassurez-vous, les paroles que Dieu a adressées à Ezéchiel ne se sont pas limitées à ce que nous venons d'entendre ! Ce texte n'est qu'une toute petite partie du long récit de la vocation d'Ezéchiel, dans les premiers chapitres de son livre. A ne s'en tenir qu'aux quelques versets proposés pour ce dimanche, l'appel de Dieu semblerait un peu court et sévère ; aurait-il suffi à galvaniser Ezéchiel pour des années ? Mais c'est oublier dans quel climat ont résonné ces paroles. Quand Dieu envoie en mission, il donne toujours la force nécessaire : pour Ezéchiel, ce fut une vision grandiose, inoubliable dont le souvenir désormais soutiendrait tous ses efforts.

Nous sommes à Babylone, au tout début de l'Exil, avec la première vague des déportés chassés de Jérusalem par Nabuchodonosor en 597. Très loin, là-bas, sur la colline de Sion, le Temple est encore debout et Dieu y réside toujours puisqu'il l'a promis. Mais alors que reste-t-il aux exilés ? Désormais loin de Dieu, il ne leur reste que leurs yeux pour pleurer apparemment, en attendant des jours meilleurs.

Mais voilà que Dieu s'adresse à Ezéchiel, ici, bien loin de la mère-patrie et du Temple. C'est la première très Bonne Nouvelle de ce livre : Dieu n'est pas assigné à résidence à Jérusalem, il est également présent à Babylone, au bord du fleuve Kebar, là où est déporté son peuple. Ezéchiel voit les cieux s'ouvrir et le voilà plongé dans un univers de beauté indicible : plus tard il tentera bien de raconter sa vision, mais pour tous ceux qui n'y ont pas assisté, c'est proprement inimaginable : dans un univers de flammes, de feu, de pierres précieuses, de torches vivantes à visages d'hommes, d'animaux ailés, se déplaçait en tournoyant le chariot qui portait le trône de Dieu. Indicible, inracontable, peut-être, mais le feu qui émane du trône de Dieu vient d'embraser l'âme d'Ezéchiel, il est armé pour sa mission.

Laquelle promet d'être difficile : « Fils d'homme, je t'envoie vers les fils d'Israël, vers ce peuple de rebelles qui s'est révolté contre moi. » On a peut-être un peu trop l'habitude de croire que le peuple en Exil à Babylone ne faisait qu'un autour de ses prêtres et de ses prophètes, dans la fidélité à la Loi et l'espérance du retour. En fait, si l'on en croit ce texte, les choses étaient moins simples. Il est probable que, là-bas, au contact de l'idolâtrie ambiante, les tentations d'abandonner la foi juive ont été très fortes. D'autant plus qu'en pareil cas, si l'on veut survivre loin du pays, il faut bien s'adapter. Certains pensent probablement que l'intransigeance n'est pas le bon plan.
Par ailleurs, à l'époque, une question se posait : si nous sommes le peuple vaincu, n'est-ce pas une preuve que notre Dieu est moins puissant que les autres ? Et, du coup, certains étaient tentés de changer de religion.

On devine à travers ces lignes que le prophète aura fort à faire, le mot « rebelles » revient plusieurs fois sous sa plume : « C'est une engeance de rebelles... Jusqu'à ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi, et les fils ont le visage dur, et le coeur obstiné. » On pourrait diagnostiquer une « rébellion congénitale » en quelque sorte ! Thème connu bien avant Ezéchiel : déjà Moïse s'en plaignait : ce n'est pas un hasard s'il avait transformé le nom de l'étape de Rephidim dans le Sinaï en Massa et Meriba (épreuve et querelle) en souvenir des récriminations continuelles du peuple pendant l'Exode.

Des siècles plus tard, à l'orée de l'Exil, justement, méditant cette rude expérience de Moïse, le livre du Deutéronome lui faisait dire : « Souviens-toi, n'oublie pas que tu as irrité le SEIGNEUR ton Dieu dans le désert. Depuis le jour où tu es sorti d'Egypte, jusqu'à votre arrivée ici, vous avez été en révolte contre le SEIGNEUR... Et le SEIGNEUR m'a dit : Je vois ce peuple : eh bien ! C'est un peuple à la nuque raide ! » (Dt 9, 7. 13).

Dans le texte d'aujourd'hui, le reproche est particulièrement cinglant : car le peuple est comparé à Pharaon lui-même, le modèle de l'endurcissement du coeur ! (Au verset 4, quand le prophète dit : « les fils ont le coeur obstiné », il emploie exactement le même mot hébreu que celui qui avait caractérisé le roi d'Egypte dans le livre de l'Exode : « le coeur du Pharaon resta endurci » (Ex 7, 13). C'est donc la suprême injure. Voilà Ezéchiel bien prévenu ; et ce peuple est si rebelle que le prophète, à n'en pas douter, aura fort à faire pour se faire entendre et justifier son autorité ; c'est pourquoi il précise bien qu'il ne parle pas de lui-même : « L'Esprit vint en moi, il me fit mettre debout », et cette parole n'est pas la sienne ; il prend bien soin de préciser : Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu... Au verset suivant, Dieu invitera son porte-parole à garder courage : « Ecoute, fils d'homme, n'aie pas peur d'eux et n'aie pas peur de leurs paroles, tu es au milieu de contradicteurs et d'épines, tu es assis sur des scorpions ; n'aie pas peur de leurs paroles et ne t'effraie pas de leurs visages, car c'est une engeance de rebelles. Tu leur diras mes paroles, qu'ils t'écoutent ou qu'ils ne t'écoutent pas : ce sont des rebelles. » (Ez 2, 6).

Mais, précisément, à travers la gravité même des reproches adressés par Dieu à son peuple, on peut lire la deuxième très Bonne Nouvelle du texte de ce dimanche : ce peuple est dur et indocile, soit ; eh bien, même cela n'arrête pas la fidélité de Dieu à son Alliance : quelle que soit leur attitude, d'écoute ou de refus « ils sauront qu'il y a un prophète au milieu d'eux. » Traduisez, ils sauront que Dieu continue de leur parler, de les appeler.

PSAUME 122 (123), 1-2. 3-4

1 Vers toi j'ai les yeux levés,
vers toi qui es au ciel.
2 Comme les yeux de l'esclave
vers la main de son maître.

Comme les yeux de la servante
vers la main de sa maîtresse,
nos yeux, levés vers le SEIGNEUR notre Dieu,
attendent sa pitié.

3 Pitié pour nous, SEIGNEUR, pitié pour nous :
notre âme est rassasiée de mépris.
4 C'en est trop, nous sommes rassasiés
du mépris des orgueilleux.
 
La première ligne de ce psaume dans la Bible précise qu'il s'agit d'un « cantique des montées » : c'est-à-dire l'un des quinze psaumes (de 119/120 à 133/134) composés tout exprès pour être chantés pendant la marche des trois pèlerinages annuels à Jérusalem. Mais parmi les quinze, celui-ci a une tonalité très particulière que seule l'histoire peut éclairer.

Si l'on en croit les livres d'Esdras et de Néhémie, après l'Exil à Babylone, les rescapés revenaient au pays pleins d'ardeur : à peine arrivés, avant même d'avoir pu reconstruire le Temple, ils rétablirent le culte dans des installations de fortune. Ils avaient pour eux la protection de Cyrus, le nouveau maître du monde, celui qui avait conquis Babylone et renvoyé les exilés chez eux, en 538, avec l'ordre de reconstruire leurs villes et leurs temples. Mais la peur les tenaillait quand même (Esd 3, 3), car en leur absence, d'autres s'étaient installés à Jérusalem ; d'autres qui ne voyaient pas d'un très bon oeil le retour des exilés. Ces derniers commencèrent quand même à poser les fondations du nouveau Temple ; Zorobabel avait pris la direction des opérations. Mais ils avaient à peine commencé que les oppositions s'affirmèrent : le conflit s'envenima tellement qu'il parvint aux oreilles de l'administration perse et les travaux furent arrêtés. On a plusieurs versions des faits, différentes évidemment, selon la source : pour les uns, Zorobabel, le meneur des nouveaux venus, les exilés de retour, fut trop exigeant sur les garanties de fidélité des gens du pays qui voulaient participer également aux travaux. Pour les autres, ce sont des gens du pays, qui dénoncèrent les travaux de Zorobabel à l'administration perse comme un acte d'insoumission et de révolte larvée. Les travaux ne reprirent qu'en 520 à l'appel des prophètes Aggée et Zacharie.

C'est dans ce climat de soupçon qu'est née la prière de notre psaume : ceux qui sont revenus avec Zorobabel, pleins d'espoir, n'en finissent pas de déchanter. On lit ici leur humiliation. Ceux que l'on trouve en place, font figure de gens installés, en regard de la pauvreté des rapatriés : qui d'autre que Dieu pourrait faire valoir leurs droits ? « Pitié pour nous, SEIGNEUR, pitié pour nous : notre âme est rassasiée de mépris. C'en est trop, nous sommes rassasiés du mépris des orgueilleux. » Une fois de plus, apparemment, ce n'est pas la foi qui paie !

Bien longtemps après, les pèlerins qui « montent » au Temple de Jérusalem en pèlerinage, pour les trois grandes fêtes annuelles, se remémorent cette période difficile ; et on évoque les souffrances de ceux à qui on doit sa reconstruction, envers et contre tout. On n'a pas de mal à épouser leurs sentiments, car l'humiliation n'est pas terminée et l'humilité reste de mise. Le Temple est reconstruit, certes, mais Israël n'a pas recouvré sa totale indépendance (sauf la courte période hasmonéenne, 142-63 av. JC., plus tardive) ; et jusqu'à la venue du Messie, on suppliera inlassablement « Pitié pour nous, SEIGNEUR, pitié pour nous. »

L'appel au secours « Vers toi j'ai les yeux levés, vers toi qui es au ciel » reprend la formule du premier psaume des montées, l'image des yeux levés « Je lève les yeux vers les montagnes, d'où le secours me viendra-t-il ? » (Ps 119/120, 1). C'est l'une des expressions habituelles de l'adoration et de la confiance ; elle revient quatre fois dans le psaume d'aujourd'hui ; en voici quelques autres toutes extraites d'autres psaumes : « J'ai toujours les yeux sur le SEIGNEUR, car il dégage mes pieds du filet. » (Ps 24/25, 15) ; « Ta fidélité est restée devant mes yeux. » (Ps 25/26, 3) ; « Mes yeux se sont usés à force d'attendre mon Dieu » (Ps 68/69, 4) ; « Mes yeux se sont usés à chercher tes ordres, et je dis : Quand me consoleras-tu ? » (Ps 118/119, 82) ; « Mes yeux se sont usés à attendre ton salut et à chercher les ordres de ta justice. » (Ps 118/119, 123) ; « Les yeux sur toi, Dieu SEIGNEUR, je me suis réfugié près de toi ; ne me laisse pas rendre l'âme ; garde-moi du filet qu'on m'a tendu et des prières des malfaisants. » (Ps 140/141, 8) ; « Les yeux sur toi, ils espèrent tous, et tu leur donnes la nourriture en temps voulu ; tu ouvres ta main et tu rassasies tous les vivants que tu aimes. » (Ps 144/145, 15-16). Tous ces versets nous montrent à quel point le thème du regard est présent dans la Bible.

Autre image de confiance, la référence à la main de Dieu : c'est elle qui a depuis toujours protégé, guidé, comblé Israël. C'est ainsi qu'on évoque le passage de la Mer : « Israël vit avec quelle main puissante le SEIGNEUR a agi contre l'Egypte » (Ex 14, 31). « Le SEIGNEUR votre Dieu a asséché devant vous les eaux du Jourdain jusqu'à ce que vous ayez passé, comme il l'avait fait pour la Mer des Joncs qu'il assécha devant nous jusqu'à ce que nous ayons passé, afin que tous les peuples de la terre sachent comme est forte la main du Seigneur. » (Jos 4, 23-24). Cette main du Seigneur tient toute la terre : « Dans la main du Seigneur est le gouvernement de la terre » (Si 10, 4), mais elle tient plus encore son peuple élu : « Car moi, le SEIGNEUR, je suis ton Dieu qui tient ta main droite, qui te dit : ne crains pas, c'est moi qui t'aide » (Is 41, 13) ; « C'est moi le SEIGNEUR, je t'ai appelé selon la justice, je t'ai tenu par la main, et je t'ai mis en réserve... » (Is 42, 6). « Vous êtes dans ma main, gens d'Israël, comme l'argile dans la main du potier. » (Jr 18, 6). En fait, en hébreu, on le voit bien ici, le mot main signifie également « pouvoir », « puissance ».

Pour terminer je laisse la parole encore une fois à Isaïe : « Non, la main du SEIGNEUR n'est pas trop courte pour sauver, son oreille n'est pas trop dure pour entendre. Mais ce sont vos perversités qui ont mis une séparation entre vous et votre Dieu ; ce sont vos fautes qui ont tenu son visage caché loin de vous, trop loin pour qu'il vous entende. Vos paumes, en effet, sont tachées par le sang et vos doigts par la perversité, vos lèvres profèrent la tromperie, votre langue roucoule la perfidie. » (Is 59, 1). On comprend bien ici pourquoi le psaume implore trois fois « Pitié », mais sans oublier que « la main du SEIGNEUR n'est pas trop courte pour sauver ».

DEUXIEME LECTURE - Deuxième Lettre de Paul aux Corinthiens 12, 7 - 10

Frères,
7 les révélations que j'ai reçues
sont tellement exceptionnelles
que, pour m'empêcher de me surestimer,
j'ai dans ma chair une écharde,
un envoyé de Satan qui est là pour me gifler,
pour m'empêcher de me surestimer.
8 Par trois fois,
j'ai prié le Seigneur de l'écarter de moi.
9 Mais il m'a déclaré :
"Ma grâce te suffit :
ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse."
Je n'hésiterai donc pas à mettre mon orgueil dans mes faiblesses,
afin que la puissance du Christ habite en moi.
10 C'est pourquoi j'accepte de grand coeur pour le Christ
les faiblesses, les insultes, les contraintes,
les persécutions et les situations angoissantes.
Car, lorsque je suis faible,
c'est alors que je suis fort.
 
Comme Ezéchiel (voir première lecture, Ez 2), Paul a bénéficié de visions et révélations exceptionnelles ; l'un comme l'autre y ont puisé la force de poursuivre leur mission. Pas question de devenir orgueilleux pour autant, leurs auditeurs se chargeant de les ramener sans cesse à l'humilité. « Nul n'est prophète en son pays » est un dicton connu et vécu en Israël bien avant la venue de Jésus-Christ. Mais Paul avait apparemment une autre raison, meilleure encore, de rester humble : si l'on en croit ce texte, il portait en lui-même un rappel permanent de sa petitesse : « Pour m'empêcher de me surestimer, j'ai dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour m'empêcher de me surestimer. »

Nous ne saurons jamais ce qu'était concrètement « l'écharde dans la chair » qui le faisait tant souffrir : toutes les hypothèses ont été proposées, mais lui ne le précise jamais. On peut néanmoins en énumérer quelques-unes : lui-même, pour commencer, reconnaît avoir été malade : « Vous le savez bien, ce fut à l'occasion d'une maladie que je vous ai, pour la première fois, annoncé la bonne nouvelle ; et, si éprouvant pour vous que fût mon corps, vous n'avez montré ni dédain, ni dégoût. Au contraire, vous m'avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. » (Ga 4, 13-15).

Une autre source de souffrance fut incontestablement pour lui le rejet de la bonne nouvelle par ses frères de race ; il en parle longuement dans la lettre aux Romains (chapitres 9 à 11) : « En Christ je dis la vérité, je ne mens pas, par l'Esprit Saint ma conscience m'en rend témoignage : j'ai au coeur une grande tristesse et une douleur incessante. Oui, je souhaiterais être anathème, être moi-même séparé du Christ pour mes frères, ceux de ma race selon la chair... » (Rm 9, 1-3).

On peut aussi imaginer une autre source de souffrance secrète, intarissable : la culpabilité, le remords d'avoir été, dans un premier temps, le persécuteur des Chrétiens de la première heure. Impossible, peut-être pour lui, de faire table rase de ce passé honteux. Cette persécution qu'il a pratiquée (cf les Actes des Apôtres : Ac 7, 58 ; 9, 1 ; 22, 4), il l'endure lui-même à son tour et tout ce qu'il subit désormais, dans la fierté de souffrir pour le Christ, réveille en même temps sa honte. Une seule issue, reconnaître humblement sa faiblesse et se mettre tel quel à la disposition du Christ pour l'oeuvre d'évangélisation. A ce prix, il expérimente combien la force du Christ est puissante dans ceux qui s'y abandonnent : « J'accepte de grand coeur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort. »

D'autre part, il est mieux placé que quiconque pour savoir que la persécution est à peu près inévitable pour les Apôtres ; là encore, il peut parler d'expérience : dès sa conversion et ses premières prédications à Damas, il a été attaqué physiquement et il a fallu pour le sauver lui faire quitter la ville en le descendant dans une corbeille le long de la muraille (Ac 9, 20-25). Un peu plus loin, dans cette même lettre aux Corinthiens que nous lisons aujourd'hui, il récapitule tout ce qu'il a dû subir à cause de sa prédication : « Des Juifs, j'ai reçu cinq fois les trente-neuf coups, trois fois j'ai été flagellé, une fois lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, j'ai passé un jour et une nuit sur l'abîme. Voyages à pied, souvent, dangers des fleuves, dangers des brigands, dangers de mes frères de race, dangers des païens, dangers dans la ville, dangers dans le désert, dangers sur mer, dangers des faux frères ! Fatigues et peines, veilles souvent ; faim et soif, jeûne souvent ; froid et dénuement ; sans compter tout le reste, ma préoccupation quotidienne, le souci de toutes les Eglises. » (2 Co 11, 24-28). Vu le ton, on a l'impression qu'il s'en vanterait presque : et c'est vrai puisque les épreuves sont le lieu même où se manifeste aux yeux de tous la vraie source de sa force, non pas en lui-même, mais dans le soutien permanent de la présence du Christ en lui.

Ce contraste que l'on pourrait appeler « faiblesse et force » des Apôtres ne peut que tourner à la gloire de Dieu, puisque dans l'extrême faiblesse des apôtres et grâce à elle, la force de résurrection du Christ est manifestée. Ainsi, paradoxalement, Paul se glorifie de sa faiblesse : « S'il faut s'enorgueillir, je mettrai mon orgueil dans ma faiblesse. » (2 Co 11, 30). Il y revient souvent dans cette lettre (cf 2 Co 4, 8-11, lecture du 9ème dimanche), dès le début par exemple : « Le péril que nous avons couru en Asie (à Ephèse) nous a accablés à l'extrême, au-delà de nos forces, au point que nous désespérions même de la vie. Oui, nous avions reçu en nous-mêmes notre arrêt de mort, ainsi notre confiance ne pouvait plus se fonder sur nous-mêmes, mais sur Dieu qui ressuscite les morts. » (2 Co 1, 8 - 9). Puis au chapitre 6 : « Nous nous recommandons en tout comme ministres de Dieu par une grande persévérance dans les détresses, les contraintes, les angoisses, les coups, les prisons, les émeutes, les fatigues, les veilles, les jeûnes... Dans la gloire et le mépris, dans la mauvaise et la bonne réputation ; tenus pour imposteurs et pourtant véridiques, inconnus et pourtant bien connus, moribonds et pourtant nous vivons, châtiés sans être exécutés, attristés mais toujours joyeux, pauvres, et faisant bien des riches, n'ayant rien, nous qui pourtant possédons tout ! » (2 Co 6, 4... 10). Notre texte de ce dimanche est dans cette ligne : extraordinaire bonne nouvelle, une fois encore ! Notre faiblesse n'est pas une entrave à l'évangélisation ! C'est peut-être même le contraire.
...
Lorsque Paul a prié, par trois fois, comme son maître à Gethsémani, pour que cette souffrance s'éloigne de lui : « Par trois fois, j'ai prié le Seigneur de l'écarter de moi », le Seigneur lui a simplement répondu : « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »

 

EVANGILE - Marc 6, 1 - 6

Jésus est parti pour son pays,
et ses disciples le suivent.
2 Le jour du sabbat,
il se mit à enseigner dans la synagogue.
Les nombreux auditeurs, frappés d'étonnement, disaient :
« D'où cela lui vient-il ?
Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée,
et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?
3 N'est-il pas le charpentier, le fils de Marie,
et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ?
Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? »
Et ils étaient profondément choqués à cause de lui.
4 Jésus leur disait :
« Un prophète n'est méprisé que dans son pays,
sa famille et sa propre maison. »
5 Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ;
il guérit seulement quelques malades
en leur imposant les mains.
6 Il s'étonna de leur manque de foi.
Alors il parcourait les villages d'alentour en enseignant.
 
D'après l'évangile de Marc, Jésus a quitté son village de Nazareth au début de sa vie publique pour rejoindre Jean-Baptiste au bord du Jourdain et se faire baptiser (1, 9). Puis il a commencé sa prédication en parcourant une partie de la Galilée ; il est même allé de l'autre côté de la mer de Tibériade, dans les villes de la Décapole (chap. 5). Quand il s'installe quelque part, Capharnaüm semble être sa ville d'élection ; il n'est plus question de Nazareth pendant les cinq premiers chapitres de Marc ; quant à son entourage, il s'est choisi des amis, qu'il appelle ses disciples (3, 13). Comment réagit sa famille ? Marc note seulement au chapitre 3 l'opposition de quelques-uns qui le croyaient devenu fou.

Les autres sont visiblement partagés : nombreux sont ceux qui ont été séduits par Jésus, par son enseignement et ses miracles ; les Pharisiens et leurs scribes, quant à eux, ont déjà à plusieurs reprises manifesté leur hostilité ; certains ont même déjà décidé de se débarrasser de lui (3, 6) : son crime, guérir des malades, n'importe quand, et même le jour du sabbat !

Et voici, avec l'évangile de ce dimanche, que Jésus revient pour la première fois dans son village de Nazareth. Sa réputation l'a-t-elle précédé ? Probablement, puisqu'on s'inquiète déjà de lui à Jérusalem (3, 22), et que, dès le début du texte, Marc nous rapporte la question de ses auditeurs : « D'où cela lui vient-il ... ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? » Voici donc l'enfant du pays de retour à la synagogue un matin de shabbat. Marc note seulement la présence de ses disciples : « Jésus est parti pour son pays, et ses disciples le suivent. » Puis il ne parle plus d'eux ; eux vont assister à la scène, sans intervenir, apparemment, mais cela leur servira de leçon pour l'avenir qui les attend eux-mêmes. Car si, jusqu'à présent, Jésus avait déjà rencontré des oppositions, ici, c'est bien pire, il essuie un véritable échec : au point de ne même plus pouvoir accomplir un seul miracle (v. 5) ; son propre village le refuse : toute l'attention du récit se concentre en effet sur la réaction des anciens voisins de Jésus ; dubitatifs au début, ils deviennent peu à peu franchement hostiles.

Tout commence par des questions bien humaines : « Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ?... N'est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Un mot, d'abord, sur ses frères : ce sont en réalité ses cousins : deux (Jacques le Petit et José) seront plus tard présentés par Marc comme fils d'une autre Marie, (cf 15, 40 - 47) [1]

Je reviens à la phrase : « Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ?... N'est-il pas le charpentier, le fils de Marie... ? » Traduisez : son enseignement et ce qu'on sait de son action dans la région en font un personnage hors du commun ; or, nous savons bien, nous d'où il sort ; il est comme nous, rien de plus ; d'où lui viendraient ses pouvoirs ? Si c'était un prophète, on l'aurait su, déjà ; il y a incompatibilité entre la grandeur de Dieu et la modestie de ses origines humaines. C'est bien le drame d'une partie des contemporains du Christ, semble dire Marc : enfermés dans leurs idées sur Dieu, ils n'ont pu le reconnaître quand il est venu.

Marc revient très souvent sur cette question que pose la personnalité de Jésus : à Capharnaüm, déjà, les gens « se demandaient les uns aux autres : Qu'est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau plein d'autorité ! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent. » (1, 27). Quelques jours plus tard, après la guérison du paralytique, les scribes s'interrogeaient : « Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » (2, 7) ; sur le lac, après qu'il eut apaisé la tempête, les apôtres se demandaient aussi : « Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (4, 41).

A Nazareth (6, 2), comme à Capharnaüm (1, 22), les assistants ont d'abord été « frappés d'étonnement » ; mais à Nazareth, les choses ont mal tourné, l'étonnement a viré au scandale : ici, Marc a certainement choisi volontairement le mot grec (skandalon) qui évoquait la pierre d'achoppement dont parlait Isaïe ; imaginez un chef de chantier qui se trouve devant une pierre de forme imprévue : soit il l'intègre à sa construction dont elle devient une pierre maîtresse ; soit il la méprise, et la laisse traîner sur le chantier, au risque de buter dessus. Cette image illustrait pour Isaïe le contraste entre celui qui croit et celui qui refuse de croire. Pour celui qui croit, le Seigneur est son rocher, comme disent certains psaumes, sa sécurité ; mais ceux qui refusent de croire se privent eux-mêmes de cette sécurité et le choix des croyants devient pour eux incompréhensible et proprement scandaleux.

Saint Pierre reprend la même image en parlant du Christ : « On trouve dans l'Ecriture : Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, choisie et précieuse, et celui qui met en elle sa confiance ne sera pas confondu... mais pour les incrédules, la pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre de l'angle et aussi une pierre d'achoppement, un roc qui fait tomber. Ils s'y heurtent parce qu'ils refusent de croire en la parole. » (1 P 2, 6-8).

Chez Matthieu et Luc, le même thème est repris sous une autre forme : « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi, dit Jésus lui-même. » (Mt 11, 5 ; Lc 7, 23).

Pour le dire autrement, heureux sont ceux qui ont eu le bonheur de s'ouvrir au mystère de Jésus et de reconnaître en lui le Messie ; pour eux, le Christ est désormais le centre de leur vie ; au contraire, malheureux sont ceux qui, comme à Nazareth, se sont fermés à sa parole et à son action.

Curieusement, les plus proches ne sont pas les mieux préparés à faire le bon choix : Jésus, comme Ezéchiel (première lecture), comme Jérémie, comme tant d'autres avant lui, constate que nul n'est prophète en son pays : « Un prophète n'est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison. » On veut bien l'écouter mais on reste de marbre ;
Et cette indifférence des participants barre la route aux miracles : dans les chapitres précédents, Marc a noté à plusieurs reprises que miracle et foi vont de pair ; que ce soit lors de la tempête apaisée (4, 35 - 41), de la libération du démoniaque de Gérasa (5, 1 - 20), ou de la guérison de la fille de Jaïre et de l'hémorroïsse (5, 20 - 43). Ici, Marc retourne la proposition : là où il n'y a pas de foi, il ne peut pas y avoir de miracle.

Manifestement, Jésus ne s'attendait pas à cette réaction scandalisée, puisque Marc affirme : « Il s'étonna de leur manque de foi ». On peut déjà être surpris nous-mêmes que Jésus s'étonne : cela veut dire que, pour lui, tout n'était pas écrit d'avance ; d'autre part cet étonnement est mêlé de tristesse : un peu plus haut, devant une opposition semblable venant des Pharisiens, Marc a noté que Jésus était « navré de l'endurcissement de leurs coeurs » (Mc 3, 5). Au niveau de Jésus, cet épisode peu glorieux de Nazareth fait déjà pressentir la croix ; pour l'avenir, il préfigure le sort des prophètes de tous les temps, affrontés à une incroyance quasi structurelle.
Et pourtant, l'épisode se clôt néanmoins sur une petite lueur d'optimisme : même à Nazareth, dans ce climat d'hostilité, Jésus a pu quand même opérer quelques guérisons ; cela veut dire en clair que malgré toutes nos mauvaises volontés, tout espoir n'est jamais perdu !
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Note
[1] - Si Jésus avait eu des frères de sang, on ne voit pas bien pourquoi il aurait confié sa mère à Jean.

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Complément
Ezéchiel traduit cette expérience du prédicateur déçu dans une phrase magnifique : « Ils viendront à toi comme au rassemblement du peuple ; ils s'assiéront devant toi, eux, mon peuple ; ils écouteront tes paroles mais ne les mettront pas en pratique car leur bouche est pleine des passions qu'ils veulent assouvir : leur coeur suit leur profit. Au fond, tu es pour eux comme un chant passionné, d'une belle sonorité, avec un bon accompagnement. Ils écoutent tes paroles, mais personne ne les met en pratique. » (Ez 33, 31-32).
L'intelligence des écritures

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25 juin 2012 1 25 /06 /juin /2012 16:47

marie-nolle-thabut.jpgJe suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

PREMIERE LECTURE - Sagesse 1, 13 - 15 ; 2, 23 - 24

1, 13 Dieu n'a pas fait la mort,
il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.
14 Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent ;
ce qui naît dans le monde est bienfaisant,
et l'on n'y trouve pas le poison qui fait mourir.
La puissance de la mort ne règne pas sur la terre,
15 car la justice est immortelle.
2, 23 Dieu a créé l'homme pour une existence impérissable,
il a fait de lui une image
de ce qu'il est en lui-même.
24 La mort est entrée dans le monde
par la jalousie du démon,
et ceux qui se rangent dans son parti
en font l'expérience.

Le début du Livre de la Sagesse fait penser au Livre de la Genèse ; l'un et l'autre commencent par une longue réflexion sur la destinée humaine : onze chapitres dans la Genèse, cinq dans la Sagesse ; écrits à des époques différentes, dans des styles également très différents, ils s'attaquent néanmoins tous les deux aux mêmes problèmes, ceux de la vie et de la mort, ceux de la relation des hommes avec Dieu. C'est exactement notre thème d'aujourd'hui.

D'un côté comme de l'autre, les auteurs sont des Juifs nourris de toute l'expérience religieuse et de la méditation du peuple de l'Alliance ; mais l'un comme l'autre sont au contact du monde païen, et soucieux de préserver l'intégrité de la foi juive. Une foi dont la première caractéristique est peut-être bien l'optimisme. L'affirmation du livre de la Sagesse « Ce qui naît dans le monde est bienfaisant » est une variante du constat de la Genèse « Dieu vit tout ce qu'il avait fait. Voilà, c'était très bon. » (Gn 1, 31). Et ce que nous avons entendu ici « Dieu a fait de l'homme une image de ce qu'il est en lui-même » est une copie de la phrase célèbre de la Genèse « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa. »

Phrase célèbre ? Sûrement, mais en tirons-nous toutes les conséquences ? Si réellement, Dieu nous a faits à son image, alors nous sommes des vivants, faits pour vivre éternellement. D'ailleurs il suffisait de lire la phrase en entier : « Dieu a créé l'homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu'il est en lui-même. »
Mais alors, Dieu aurait-il échoué ? Sûrement pas, seulement, il a pris le risque de nous créer libres. Libres de nous ranger dans le parti de la mort, comme dit le texte : pas la mort biologique, s'entend, simple transformation de la chrysalide en papillon ; mais la mort dont parle la Bible, la mort spirituelle, séparation d'avec Dieu. « Ceux qui se rangent dans son parti en font l'expérience. »

Les cinq premiers chapitres de la Sagesse opposent précisément les justes et les impies : les justes, ce sont ceux qui vivent dès ici-bas et pour toujours de la vie de Dieu ; et les impies, ceux qui se sont rangés du côté de la mort, c'est-à-dire ceux qui dès ici-bas, malgré les apparences, ne sont déjà plus des vrais vivants, car ils sont loin de Dieu. Pour prendre une autre image, les justes sont ceux qui vivent de l'Esprit de Dieu, les impies, ceux qui ne se laissent plus mener par lui.

L'auteur du livre de la Sagesse veut évidemment encourager ses lecteurs à se ranger dans le parti de Dieu, pour reprendre son expression.

Le psaume 1 met en musique cette opposition entre les justes et les impies : « Heureux l'homme qui ne prend pas le parti des méchants, ne s'arrête pas sur le chemin des pécheurs et ne s'assied pas au banc des moqueurs, mais qui se plaît à la loi du SEIGNEUR et récite sa loi jour et nuit.... Il est comme un arbre planté près des ruisseaux : il donne du fruit en sa saison et son feuillage ne se flétrit pas ; il réussit tout ce qu'il fait... Tel n'est pas le sort des méchants : ils sont comme la bale que disperse le vent. Lors du jugement, les méchants ne se lèveront pas, ni les pécheurs au rassemblement des justes. Car le SEIGNEUR connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perd. »

Notre auteur du Livre de la Sagesse connaissait bien ce psaume ; d'autre part, il tenait certainement beaucoup à rappeler ces vérités réconfortantes à ses contemporains. Car ils étaient en posture difficile et, pour l'heure, tout semblait profiter aux impies, traduisez les païens. Sans qu'on puisse préciser la date exacte, on sait au moins que le livre de la Sagesse a été écrit à Alexandrie, vers 50 ou même 30 av.J.C., pour des Juifs, bien sûr, affrontés à la culture grecque c'est-à-dire païenne. Si l'auteur intitule ses écrits « Livre de la Sagesse de Salomon », (alors que Salomon est mort depuis neuf cents ans), c'est qu'il s'inscrit bien dans la lignée du Judaïsme. Il s'agit pour lui de donner des arguments à ses frères dans la foi juive, face aux raisonnements des païens.

Le problème ici posé est celui de l'attitude à adopter devant la mort : les Juifs, depuis toujours, savent aussi bien que les Grecs que la mort est inéluctable ; mais dans la foi, ils en tirent de tout autres conséquences. Car il y a deux attitudes possibles : ou bien, et c'est l'attitude des païens, goûtons l'heure présente, faisons tout ce qui nous plaît, de toute manière, tout sera d'ici peu effacé ; notre auteur traduit ainsi leur pensée au début du chapitre 2 : « Ils se disent entre eux avec de faux raisonnements : Elle est courte et triste notre vie ; il n'y a pas de remède quand l'homme touche à sa fin et personne, à notre connaissance, n'est revenu de l'Hadès (la mort)... Eh bien, allons ! Jouissons des biens présents et profitons de la création comme du temps de la jeunesse, avec ardeur. » (Sg 2, 1... 6).

Les Juifs ont une autre foi, une autre attitude ; pour eux, notre vie présente est déjà semence d'éternité : « Dieu a créé l'homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu'il est en lui-même. » Peut-être la vie sur terre ne récompense-t-elle pas toujours ceux qui ont bien agi, mais Dieu qui est l'infiniment juste finira bien par faire justice. Ce texte très tardif, le dernier de tout l'Ancien Testament, couronne la méditation juive de plusieurs siècles sur le problème de la rétribution : face à l'injustice apparente de l'existence où l'on voit des innocents mourir sans consolation, le croyant affirme que « la justice est immortelle ».

Oui, les païens se trompent : « Leur perversité les aveugle et ils ne connaissent pas les secrets desseins de Dieu, ils n'espèrent pas de récompense pour la piété, ils n'apprécient pas l'honneur réservé aux âmes pures. » (Sg 2, 21-22). Traduisez « Mes frères, tenez bon, Dieu saura vous récompenser. »

Reste la dernière phrase : « La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l'expérience. » Il ne peut s'agir de la mort biologique, car tous, croyants ou païens, en feront l'expérience, un jour ou l'autre. Il s'agit de la mort spirituelle, la privation de Dieu : pour l'auteur du livre de la Sagesse, la résurrection n'était promise qu'aux justes ; il pensait encore que les païens, eux qui se sont rangés dans le parti de la mort, c'est-à-dire contre Dieu, ne connaîtront pas la résurrection.

Il faudra attendre la venue du Christ, offert « pour la multitude » pour que nous découvrions la foi en la résurrection promise à tous, car, comme le dit Saint Jean « Dieu est plus grand que notre coeur ».

PSAUME 29 (30), 3-4. 5-6. 12-13

3 Quand j'ai crié vers toi, SEIGNEUR,
mon Dieu, tu m'as guéri ;
4 SEIGNEUR, tu m'as fait remonter de l'abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

5 Fêtez le SEIGNEUR, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
6 Sa colère ne dure qu'un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir viennent les larmes,
mais au matin les cris de joie !
12 Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !

13 Que mon coeur ne se taise pas,
qu'il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, SEIGNEUR, mon Dieu,
je te rende grâce !

Le psaume 29/30 est très court, il ne comporte que treize versets (dont six seulement sont retenus par la liturgie de ce dimanche) ; mais il faut connaître l'histoire sous-jacente dans son entier pour mieux le comprendre ; la voici :
Imaginez quelqu'un qui est tombé au fond d'un puits : il a crié, supplié, appelé au secours... il donnait même des arguments pour qu'on lui vienne en aide (du genre je vous serai plus utile, vivant que mort !) ; apparemment, il y avait des gens qui n'étaient pas mécontents de le voir dans le trou et qui ricanaient... mais il continuait à appeler au secours : quelqu'un finirait bien par avoir pitié... et quelqu'un a entendu ses appels, quelqu'un est venu le délivrer, l'a tiré de là comme on dit. Ce « quelqu'un », il faut l'écrire avec une majuscule, c'est Dieu lui-même. Une fois en haut, revenu à la lumière et en quelque sorte à la vie, notre homme explose de joie ! « Quand j'ai crié vers toi, SEIGNEUR, mon Dieu, tu m'as guéri ; SEIGNEUR, tu m'as fait remonter de l'abîme et revivre quand je descendais à la fosse. Fêtez le SEIGNEUR, vous, ses fidèles, rendez grâce en rappelant son nom très saint. »

En réalité, comme toujours dans les psaumes, il y a deux niveaux de lecture : l'histoire qu'on nous raconte est celle d'un individu tombé dans un puits ; mais ce n'est qu'une parabole ; plus profondément, c'est le peuple tout entier qui parle, ou plutôt qui chante, qui explose de joie au retour de l'Exil à Babylone... comme il avait chanté, dansé, explosé de joie après le passage de la Mer Rouge. L'Exil à Babylone, c'est comme une chute mortelle dans un puits sans fond, dans un gouffre... et nombreux sont ceux qui ont pensé qu'Israël ne s'en relèverait pas. Au sein même du peuple, on a pu être pris de désespoir... Et il y en a eu des ennemis, pas mécontents, qui riaient bien de cette déchéance...
Pendant toute cette période d'épreuve, le peuple soutenu par ses prêtres, ses prophètes, a gardé espoir malgré tout et force pour appeler au secours (malheureusement, nous n'entendons pas ces versets ce dimanche) : « J'ai crié vers toi, SEIGNEUR, j'ai supplié mon Dieu... Ecoute, SEIGNEUR, pitié pour moi ! SEIGNEUR, viens à mon aide !... » (versets 9 et 11). Dans sa prière, il n'hésitait pas à employer tous les arguments, par exemple du genre « tu seras bien avancé quand je serai mort »... parce que, quand ce psaume a été écrit, on ne croyait pas en la Résurrection : on imaginait que les morts étaient dans un séjour d'ombre, le « shéol » où il ne se passe rien. Alors on disait à Dieu : « A quoi te servirait mon sang (c'est-à-dire ma vie) si je descendais dans la tombe ? La poussière peut-elle te rendre grâce et proclamer ta fidélité ? » (verset 10).

Et le miracle s'est produit : Dieu a sauvé son peuple : « Quand j'ai crié vers toi, SEIGNEUR, mon Dieu, tu m'as guéri ; SEIGNEUR, tu m'as fait remonter de l'abîme et revivre quand je descendais à la fosse... » C'est la restauration du peuple exilé, son retour au pays qui est dit en termes très imagés : car le peuple était comme un condamné à mort, on le croyait bien rayé de la carte ; quand il rentre, on peut le prendre pour un revenant.

Quand nous lisons ces versets, aujourd'hui, après vingt siècles de foi chrétienne, nous sommes tentés d'y lire une allusion à la Résurrection. Mais ce serait un anachronisme. A l'époque du retour d'Exil, on ne pensait pas encore à la possibilité d'une résurrection individuelle. D'autres textes bibliques, la vision d'Ezéchiel des ossements desséchés, par exemple, sont écrits dans le même esprit : la restauration du peuple, le retour d'exil est décrit en termes de résurrection.

Plus tard, beaucoup plus tard, au deuxième siècle av.J.C. (vers 165) quand la foi biblique aura franchi le pas décisif et accueilli la révélation de la foi en la résurrection, ces textes seront relus et on leur découvrira une profondeur nouvelle. Aujourd'hui, quand nous lisons ce psaume ou bien la prophétie des ossements desséchés d'Ezéchiel, nous nous disons « quand ces auteurs employaient des images de résurrection, ils ne pensaient qu'au peuple, mais ils ne croyaient pas si bien dire : ces images sont vraies aussi au plan individuel. »

« Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie »... Désormais, pour tous ceux qui croient à la résurrection, Juifs et Chrétiens, cette dernière phrase a pris un sens nouveau. On pourrait en dire autant de bien d'autres phrases de la Bible qui prennent un sens nouveau, au fur et à mesure de l'avancée de la foi juive au long des siècles.

On peut en dire autant également du mot « Alleluia »... A l'origine il traduisait seulement la joie et l'allégresse de la sortie d'Egypte, ce qui était déjà considérable. Voici le commentaire des rabbins sur « l'Alleluia » : « Dieu nous a amenés de la servitude à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil au jour de fête, des ténèbres à la brillante lumière, de la servitude à la Rédemption. C'est pourquoi chantons devant lui l'Alleluia ! » Evidemment, aujourd'hui, nous pouvons le chanter avec plus de conviction encore en pensant à la résurrection du Christ et à la nôtre.

Je reviens à notre psaume : il y a la joie, certes, et c'est celle du retour d'exil, on l'a vu. Mais il y a également beaucoup d'allusions à la période terrible et cette expression étonnante : « Sa colère ne dure qu'un instant ». De quelle colère s'agit-il ? Celle de Dieu, bien sûr. Pendant l'Exil à Babylone, on a eu tout loisir de méditer sur les diverses causes possibles de ce drame ; et on s'est demandé si le malheur du peuple n'avait pas été la conséquence de ses péchés. La seule solution pour ne pas retomber, on le sait bien, c'est de vivre désormais dans la fidélité à L'Alliance : « Que sans fin, SEIGNEUR, mon Dieu, je te rende grâce ! »


DEUXIEME LECTURE - Deuxième Lettre de Paul aux Corinthiens 8, 7. 9. 13-15

Frères,
7 puisque vous avez reçu largement tous les dons :
la foi, la Parole et la connaissance de Dieu,
cette ardeur et cet amour que vous tenez de nous,
que votre geste de générosité soit large, lui aussi.
9 Vous connaissez en effet la générosité
de notre Seigneur Jésus Christ :
lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous,
pour que vous deveniez riches par sa pauvreté.
13 Il ne s'agit pas de vous mettre dans la gêne,
en soulageant les autres,
il s'agit d'égalité.
14 En cette occasion,
ce que vous avez en trop compensera ce qu'ils ont en moins,
pour qu'un jour ce qu'ils auront en trop
compense ce que vous aurez en moins,
15 et cela fera l'égalité,
comme dit l'Ecriture à propos de la manne :
celui qui en avait ramassé beaucoup n'a rien eu de plus,
et celui qui en avait ramassé peu,
n'a manqué de rien.
Il est toujours difficile de demander de l'argent : Saint Paul fait appel, pour cela, à toutes les ressources de la diplomatie et de la fermeté ; les chapitres 8 et 9 de la deuxième lettre aux Corinthiens y sont consacrés. Et nous découvrons là un Paul inattendu, ironique sinon grinçant, encourageant et sévère à la fois. Au départ, il y a un fait historique, une famine qui a sévi en Judée, et particulièrement à Jérusalem, vers 46-48 ap.J.C. L'historien Flavius Josèphe s'en fait l'écho : il raconte que, à cette occasion, la reine Hélène d'Adiabène (un petit royaume au bord du Tigre) s'illustra par sa générosité, faisant venir du blé d'Alexandrie et des figues sèches de Chypre.

La communauté chrétienne de Jérusalem connut, elle aussi, la pauvreté pour plusieurs années ; il fallut organiser les secours. Dans l'immédiat, Antioche de Syrie donna l'exemple ; voici le récit des Actes des Apôtres : « En ces jours-là, des prophètes descendirent de Jérusalem à Antioche. L'un d'eux, appelé Agabus, fit alors savoir, éclairé par l'Esprit, qu'une grande famine allait régner dans le monde entier - elle eut lieu en effet sous (l'empereur) Claude. Les disciples décidèrent alors qu'ils enverraient, selon les ressources de chacun, une contribution au service des frères qui habitaient la Judée. Ce qui fut fait. L'envoi, adressé aux Anciens, fut confié aux mains de Barnabas et de Saül. » (Ac 11, 27-30).

La suite montre que Paul attacha dès le début beaucoup d'importance à cette collecte : lui qui s'était consacré à l'évangélisation des païens a toujours manifesté le souci de rester attaché à l'Eglise-mère de Jérusalem. A ses yeux, c'était simple justice, d'ailleurs, car c'est à elle d'abord que l'on devait la Bonne Nouvelle. Et l'on se souvient qu'au moment de ce que l'on peut appeler « L'Assemblée de Jérusalem » il s'engagea solennellement à rester solidaire des autres apôtres ; il racontera plus tard : « Jacques, Céphas et Jean, considérés comme des colonnes, nous donnèrent la main, à moi et à Barnabas, en signe de communion, afin que nous allions, nous vers les païens, eux vers les circoncis. Simplement, nous aurions à nous souvenir des pauvres, ce que j'ai eu bien soin de faire. » (Ga 2, 9-10).

Dans ces années difficiles, donc, Paul s'attacha à obtenir la contribution des communautés plus lointaines ; il suffit de lire la lettre aux Romains : « La Macédoine et l'Achaïe ont décidé de manifester leur solidarité à l'égard des saints de Jérusalem qui sont dans la pauvreté. Oui, elles l'ont décidé et elles le leur devaient. Car si les païens ont profité de leurs biens spirituels, ils doivent également subvenir à leurs besoins matériels. » (Rm 15, 26-27).

De prime abord, la communauté de Corinthe se montra particulièrement bien intentionnée et même enthousiaste ; Paul pourra leur dire plus tard : « Vous avez été les premiers, non seulement à réaliser, mais aussi à décider cette oeuvre dès l'an dernier. » (2 Co 8, 10). A cette occasion, on découvre les talents d'organisateur de Paul, témoin ces quelques lignes de la première lettre aux Corinthiens : « Pour la collecte en faveur des saints, vous suivrez, vous aussi, les règles que j'ai données aux Eglises de Galatie. Le premier jour de chaque semaine, chacun mettra de côté chez lui ce qu'il aura réussi à épargner, afin qu'on n'attende pas mon arrivée pour recueillir les dons. Quand je serai là, j'enverrai, munis de lettres, ceux que vous aurez choisis, porter vos dons à Jérusalem ; s'il convient que j'y aille moi-même, ils feront le voyage avec moi. » (1 Co 16, 1-4).

Mais les belles promesses ne suffisent pas toujours ; il semble que les Corinthiens aient eu quelque mal à passer à l'acte, ce qui nous vaut les fameux chapitres 8 et 9 et, en particulier, notre lecture de ce dimanche. Non sans humour, Paul commence par monter en épingle la générosité des autres communautés, qui ont bien de la chance, elles, de connaître la joie de donner : « Nous voulons vous faire connaître, frères, la grâce que Dieu a accordée aux Eglises de Macédoine. Au milieu des multiples détresses qui les ont éprouvées, leur joie surabondante et leur pauvreté extrême ont débordé en trésors de libéralité. Selon leurs moyens et, j'en suis témoin, au-delà de leurs moyens, en toute spontanéité, avec une vive insistance, ils nous ont réclamé la grâce de participer à ce service au profit des saints. » (2 Co 8, 1-4). Et Paul ajoute : « Je ne vous le dis pas comme un ordre ; mais, en vous citant le zèle des autres, je vous permets de prouver l'authenticité de votre charité... Maintenant donc, achevez de la réaliser (la collecte) ; ainsi à vos beaux projets correspondra aussi la réalisation selon vos moyens. » (2 Co 8, 11).

Certains s'abritaient probablement derrière la faiblesse de leurs moyens : Paul balaie l'argument : « Quand l'intention est vraiment bonne, on est bien reçu avec ce que l'on a, peu importe ce que l'on n'a pas. » (2 Co 8, 12). Et là nous retrouvons la lecture de ce dimanche : « Il ne s'agit pas de vous mettre dans la gêne, en soulageant les autres, il s'agit d'égalité. En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu'ils ont en moins. » Ici, Paul illustre son homélie en citant l'exemple de la manne au désert (Ex 16). Chacun pouvait ramasser chaque jour la quantité juste nécessaire à sa subsistance, tout excédent pourrissait. Bel apprentissage de l'équilibre social dans l'usage des richesses.

Enfin, le meilleur atout de Paul est un argument théologique et nous retrouvons sous sa plume une de ces formules dont il a le génie : « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté. »

EVANGILE - Marc 5, 21 - 43

Jésus regagna en barque l'autre rive,
et une grande foule s'assembla autour de lui.
Il était au bord du lac.
22 Arrive un chef de synagogue, nommé Jaïre.
Voyant Jésus, il tombe à ses pieds
et le supplie instamment :
23 « Ma petite fille est à toute extrémité.
Viens lui imposer les mains,
pour qu'elle soit sauvée et qu'elle vive. »
24 Jésus partit avec lui,
et la foule qui le suivait
était si nombreuse qu'elle l'écrasait.
25 Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans...
26 - elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins,
et elle avait dépensé tous ses biens sans aucune amélioration ;
au contraire, son état avait plutôt empiré -
27 ... cette femme donc, ayant appris ce qu'on disait de Jésus,
vint par derrière dans la foule et toucha son vêtement.
28 Car elle se disait :
« Si je parviens à toucher seulement son vêtement,
je serai sauvée. »
29 A l'instant, l'hémorragie s'arrêta,
et elle ressentit dans son corps qu'elle était guérie de son mal.
30 Aussitôt Jésus se rendit compte qu'une force était sortie de lui.
Il se retourna dans la foule, et il demandait :
« Qui a touché mes vêtements ? »
31 Ses disciples lui répondaient :
« Tu vois bien la foule qui t'écrase,
et tu demandes : Qui m'a touché ? »
32 Mais lui regardait tout autour
pour voir celle qui avait fait ce geste.
33 Alors la femme, craintive et tremblante,
sachant ce qui lui était arrivé,
vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
34 Mais Jésus reprit :
« Ma fille, ta foi t'a sauvée.
Va en paix et sois guérie de ton mal. »
35 Comme il parlait encore,
des gens arrivent de la maison de Jaïre
pour annoncer à celui-ci :
« Ta fille vient de mourir.
A quoi bon déranger encore le maître ? »
36 Jésus, surprenant ces mots,
dit au chef de la synagogue :
« Ne crains pas, crois seulement. »
37 Il ne laissa personne l'accompagner,
sinon Pierre, Jacques, et Jean son frère.
38 Ils arrivent à la maison du chef de la synagogue.
Jésus voit l'agitation,
et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.
39 Il entre et leur dit :
« Pourquoi cette agitation et ces pleurs ?
L'enfant n'est pas morte : elle dort. »
40 Mais on se moquait de lui.
Alors il met tout le monde dehors,
prend avec lui le père et la mère de l'enfant,
et ceux qui l'accompagnent.
Puis il pénètre là où reposait la jeune fille.
41 Il saisit la main de l'enfant, et lui dit :
« Talitha koum » ;
ce qui signifie :
« Jeune fille, je te le dis, lève-toi. »
42 Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher
- elle avait douze ans -.
Ils en furent complètement bouleversés.
43 Mais Jésus leur recommanda avec insistance
que personne ne le sache ;
puis il leur dit de la faire manger.

On peut penser que ceci se passe à Capharnaüm, quoique Marc ne juge pas utile de le préciser. Les deux récits de miracles sont imbriqués l'un dans l'autre ; les trois évangiles synoptiques racontent les mêmes événements dans le même ordre : la demande de guérison de Jaïre pour sa fille, puis la guérison de la femme et enfin la résurrection de la fillette. Il y a douze ans que la femme est malade, l'enfant a douze ans ; dans un cas comme dans l'autre, les ressources humaines de la médecine sont épuisées : Marc y insiste ; en ce qui concerne la femme, il précise qu'elle « avait des pertes de sang depuis douze ans... - elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans aucune amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré - » ; quant à la petite fille, il rapporte les propos désespérés des proches de Jaïre : « Ta fille vient de mourir. A quoi bon déranger encore le maître ? »

Si Marc tient ainsi à noter l'impuissance des hommes, c'est pour mieux faire ressortir le pouvoir de Jésus : un pouvoir tel qu'il émane de lui, qu'il lui échappe pour ainsi dire (la guérison de la femme), un pouvoir qui va jusqu'à ressusciter les morts (la fille de Jaïre). Un pouvoir qui lui appartient en propre ; Marc tient à faire sentir la différence entre Jésus et les prophètes de l'Ancien Testament : Elie ressuscitant le fils de la veuve de Sarepta (1 R 17, 17-24), Elisée rappelant à la vie le fils de la Shounamite (2 R 4, 18-37), commencent tous deux par invoquer le Seigneur. Marc connaît par coeur ces exemples très célèbres ; et justement, il manifeste la puissance directe de Jésus en personne sur la maladie et la mort : « Ne crains pas, crois seulement », dit-il à Jaïre, et aux autres : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L'enfant n'est pas morte : elle dort. » De cette manière Marc entend bien nous dire que Jésus lui-même est le Seigneur de la vie ; désormais nous savons que la mort est un sommeil dont Jésus peut nous réveiller.

La réanimation de la fille de Jaïre est une image et un avant-goût de notre résurrection : comme Jésus a pris la jeune fille par la main, ainsi nous prendra-t-il la main, chacun à notre tour : comme disait Isaïe : « Moi, le SEIGNEUR, je suis ton Dieu qui tiens ta main droite, qui te dis : Ne crains pas, c'est moi qui t'aide. » (Is 41, 13). C'est à toute l'humanité qu'un jour le Sauveur dira : « Talitha koum », ce qui signifie « Jeune fille, lève-toi ! » Nous en avons déjà un avant-goût dans le Baptême ; Marc connaissait-il déjà ce chant baptismal des premières communautés, rapporté par la lettre aux Ephésiens : « Eveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera. » (Ep 5, 14) ?

Pour participer à cette puissance de guérison, de résurrection de Jésus, il y a une seule condition, y croire : « Ma fille, ta foi t'a sauvée ». La foi, donnée librement, condition nécessaire et suffisante du salut, est certainement le deuxième thème de Marc ici ; une foi à laquelle n'importe qui peut accéder : Jaïre est un chef de synagogue, l'homme le plus recommandable qui soit ; mais à l'autre bout de l'échelle sociale, si on peut dire, il y a cette femme, interdite de séjour en quelque sorte ; sa maladie entraînant des pertes de sang continuelles la mettait en état d'impureté légale : or c'est à cette femme impure que Jésus parle de salut ; au vu et au su de tous, il la réintroduit dans la communauté. Nous retrouvons ici une insistance de Marc, déjà rencontrée au tout début de son évangile, dans l'épisode de la guérison du lépreux (Mc 1, 40-45), le combat de Jésus contre toute exclusion (cf sixième dimanche du Temps Ordinaire de l'Année B). Mais nous restons libres ; refuser de croire, prendre le parti des « moqueurs » (« Mais on se moquait de lui », verset 40), c'est « nous ranger dans le parti de la mort », comme dit le livre de la Sagesse (notre première lecture) : refuser d'entrer dans le chemin de la vie, c'est rester loin de Dieu et donc loin de la vie. Encore un thème très important pour Marc ; il faut croire que ses lecteurs avaient besoin de l'entendre : un peu plus loin, il sera le seul à rapporter la phrase de Jésus : « Tout est possible à celui qui croit. » (Mc 9, 23).

Pour l'instant, Jésus prend grand soin d'éduquer ses disciples à la foi : nous retrouvons les trois disciples les plus proches, toujours les mêmes : Pierre, Jacques et Jean, ceux de la première heure (1, 16-20), ceux qui seront témoins de la Transfiguration (9, 2) et de Gethsémani (14, 33) ; ceux également à qui il dispense parfois un enseignement particulier, à l'écart (chapitre 13) ; ce seront eux plus tard les grandes figures de la première Eglise : « Jacques, Céphas et Jean, considérés comme des colonnes » (Ga 2, 9) : quand Marc écrit son évangile, il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer la prédilection que Jésus leur a toujours manifestée.

Enfin, dernière particularité de Marc, la force avec laquelle il rapporte les consignes de silence données par Jésus après chacune de ses manifestations de puissance : « Jésus leur recommanda avec insistance que personne ne le sache » ; peut-être faut-il voir là une fois de plus le « secret messianique » : le fait que Jésus ne puisse être reconnu comme Messie sans risque de malentendu qu'après la Passion ; mais il y a une autre explication : Jésus est en plein succès ; nous en avons la preuve dans deux phrases de Marc avant et après notre récit d'aujourd'hui : au chapitre 3 « Il en avait tant guéris que tous ceux qui étaient frappés de quelque mal se jetaient sur lui pour le toucher. » (Mc 3, 10)... et au chapitre 6 : « Partout où il entrait, villages, villes ou hameaux, on mettait les malades sur les places ; on le suppliait de les laisser toucher seulement la frange de son vêtement, et ceux qui le touchaient étaient tous sauvés. » (Mc 6, 56). Marc ne s'est pas étendu comme Matthieu (4) et Luc (4) sur le contenu des tentations que Jésus a dû affronter tout au long de sa vie ; nul doute qu'il ait connu celle de la gloire ; Matthieu le montre au sommet du Temple résistant à celui qui l'incitait à faire un coup d'éclat ; Marc ne nous fait pas un tel récit, mais il s'ingénie à montrer l'humilité de Jésus qui fuit toute mise en valeur personnelle. Bien au contraire, détournant l'attention de lui-même, il tourne les regards de tous vers la jeune fille qui se réveille et, tout simplement, « leur dit de la faire manger ».

 

L'intelligence des écritures

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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 09:08

marie-nolle-thabut.jpgJe suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

PREMIERE LECTURE - Isaïe 49, 1 - 6

1 Ecoutez-moi, îles lointaines !
Peuples éloignés, soyez attentifs !
J'étais encore dans le sein maternel
quand le Seigneur m'a appelé ;
j'étais encore dans les entrailles de ma mère
quand il a prononcé mon nom.
2
Il a fait de ma bouche une épée tranchante,
il m'a protégé par l'ombre de sa main ;
il a fait de moi sa flèche préférée,
il m'a serré dans son carquois.
3
Il m'a dit :
« Tu es mon serviteur, Israël,
en toi je me glorifierai. »
4
Et moi, je disais :
« Je me suis fatigué pour rien,
c'est pour le néant, c'est en pure perte que j'ai usé mes forces. »
Et pourtant, mon droit subsistait aux yeux du Seigneur,
ma récompense auprès de mon Dieu.
5
Maintenant, le Seigneur parle,
lui qui m'a formé dès le sein de ma mère
pour que je sois son serviteur,
que je lui ramène Jacob
et que je lui rassemble Israël.
Oui, j'ai du prix aux yeux du Seigneur,
c'est mon Dieu qui est ma force.
6
Il parle ainsi :
« C'est trop peu que tu sois mon serviteur
pour relever les tribus de Jacob
et ramener les rescapés d'Israël :
je vais faire de toi la lumière des nations,
pour que mon salut
parvienne jusqu'aux extrémités de la terre. » 

Au sixième siècle av. J.C., le peuple d'Israël a connu la terrible épreuve de la déportation : les armées de Nabuchodonosor ont tout détruit sur leur passage et la majorité des survivants a pris le chemin d'un exil qui devait durer cinquante ans.
Pendant toute cette période de souffrance et d'angoisse, les prêtres et les prophètes d'Israël ont uni leurs forces pour soutenir la foi et l'espérance de leurs compagnons d'infortune. Une bonne manière de le faire consistait à convaincre ce peuple qu'il avait encore un rôle à tenir ; ce rôle est exprimé ici par le titre de « serviteur de Dieu ». Il faut savoir que ce titre de serviteur est le plus beau que l'on puisse décerner à quelqu'un dans l'Ancien Testament. Dans un autre passage, le même Isaïe, celui qui prêchait pendant l'Exil dit cette très belle phrase : « Toi, Israël, mon serviteur, toi que j'ai choisi, descendance d'Abraham, mon ami... je t'ai choisi et non pas rejeté, ne crains pas car je suis avec toi, n'aie pas ce regard anxieux, car je suis ton Dieu. » (Is 41, 8... 10).

Dans notre texte d'aujourd'hui, Dieu parle à son serviteur comme il avait parlé à Jérémie le jour où il l'avait appelé. Voici comment Jérémie raconte sa vocation : « La parole du SEIGNEUR s'adressa à moi : Avant de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu ne sortes de son ventre, je t'ai consacré. » (Jr 1, 4-5). Ici, Isaïe dit au nom du groupe des déportés d'Israël : « J'étais encore dans le sein maternel quand le SEIGNEUR m'a appelé ; j'étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom. » Cela revient à dire que la mission du peuple en exil est une mission de prophète, de porte-parole de Dieu. Et cette parole que le serviteur doit annoncer ne sera peut-être pas toujours facile à dire puisqu'elle ressemble à une épée ou à une flèche : « Il a fait de ma bouche une épée tranchante, il m'a protégé par l'ombre de sa main ; il a fait de moi sa flèche préférée, il m'a serré dans son carquois. » On sait bien que les prophètes ont parfois dû faire preuve de courage pour remplir leur rôle de témoins de la volonté de Dieu ! Après de nombreux prophètes de l'Ancien Testament, Saint Jean-Baptiste en est à son tour un bon exemple !

Et comment le peuple en exil aura-t-il l'occasion d'être prophète ? De deux manières peut-être. Tout simplement d'abord en résistant à la tentation d'idolâtrie : à Babylone, on était plongé dans une société polythéiste ; or ce peuple était le grand vainqueur ! On était tenté de se demander si ses divinités n'étaient pas plus puissantes que le Dieu d'Israël ? Certains s'éloignaient donc peut-être de la religion d'Israël. Le petit noyau fidèle, ce qu'on appelait le Reste est donc appelé à ramener spirituellement ses frères vers le Seigneur : « Maintenant, le SEIGNEUR parle, lui qui m'a formé dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob et que je lui rassemble Israël. »

On voit donc que dans ce texte, le mot Israël peut être employé dans deux sens un peu différents : au sens large c'est l'ensemble des déportés qui porte le titre de serviteur de Dieu ; dans un sens plus restreint, c'est le noyau fidèle, le Reste, dont la foi n'a pas chancelé, malgré les années d'exil et de captivité, qui est chargé de ramener les autres dans la communauté des croyants.

Il y aura ensuite une deuxième manière d'être prophètes, une manière passive, si j'ose dire. Car, et c'est la deuxième annonce d'Isaïe dans ce texte, le retour des déportés au pays ne fait aucun doute. Parce que le Dieu fidèle ne peut pas abandonner son peuple, donc il le sauvera inévitablement tôt ou tard. Et, à ce moment-là, les autres nations seront témoins de cette œuvre de salut de Dieu et donc elles sauront que Dieu est sauveur, elles mettront leur confiance en lui. Elles seront donc sauvées à leur tour.

C'est le sens de la phrase « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je me glorifierai » : on pourrait traduire : « En toi, mon serviteur, je serai manifesté, reconnu, révélé ». C'est-à-dire ma présence sera manifestée à travers toi. C'est en ce sens-là qu'Israël aura été prophète du salut de Dieu.
Ce souci du salut de toutes les nations est dit très fortement dans ce texte, comme une sorte de parallèle (on dit une inclusion) au début et à la fin. Pour commencer, le prophète s'adresse à elles dès les premiers mots : « Ecoutez-moi, îles lointaines ! Peuples éloignés, soyez attentifs ! » Et, à la fin de ce passage, il insiste en précisant au peuple sa vocation : « C'est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d'Israël : je vais faire de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre. »
Car, on le sait, le projet de Dieu est un projet de salut, de bonheur, et il concerne l'humanité tout entière « jusqu'aux extrémités de la terre ».
Dernière remarque : être lumière pour les nations, être l'instrument de Dieu « pour que son salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre », c'était exactement la vocation du Messie, telle qu'on l'entrevoyait depuis toujours ; seulement ici, le Messie n'est pas présenté comme un roi ; il est présenté comme un serviteur, ce qui n'est pas la même chose ! Cela veut dire qu'avec Isaïe au temps de l'Exil à Babylone, au moment où justement, on n'a plus de roi, l'attente du Messie prend désormais un autre visage.


Compléments

- Voir Ga 1, 15 : « celui qui m'a mis à part depuis le sein de ma mère et m'a appelé par sa grâce... »
- C'est la première fois que la parole de Dieu (ou de son prophète) est comparée à une épée tranchante, mais, par la suite, cette image a été reprise plusieurs fois : dans le livre de la Sagesse (Sg 18, 15), dans la lettre aux Hébreux (He 4, 12) et deux fois dans l'Apocalypse (Ap 1, 16 ; 19, 15).
He 4,12 : « Vivante, en effet, est la parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu'aucun glaive à double tranchant. Elle pénètre jusqu'à diviser âme et esprit, articulations et moelles. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du coeur. »

- « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je me glorifierai » : C'est une nouvelle théologie qui est dite là par Isaïe, dans cette phrase. Cette théologie qui apparaît ici sera reprise à l'avenir par d'autres prophètes.
He 4,12 : « Vivante, en effet, est la parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu'aucun glaive à double tranchant. Elle pénètre jusqu'à diviser âme et esprit, articulations et moelles. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du coeur. »

PSAUME 138 ( 139 ), 1-3a, 13-14b, 14c-15

1 Tu me scrutes, SEIGNEUR, et tu sais :
2 tu sais quand je m'assois, quand je me lève ;
de très loin, tu pénètres mes pensées ;
3 tous mes chemins te sont familiers.

13 C'est toi qui as créé mes reins,
tu m'as tissé dans le sein de ma mère.
14 Je reconnais devant toi le prodige,
l'être étonnant que je suis.

Etonnantes sont tes oeuvres,
toute mon âme le sait.
15 Mes os n'étaient pas cachés pour toi
quand j'étais façonné dans le secret.
On peut, bien sûr, imaginer que Jean-Baptiste a fait cette expérience mystique décrite par ce psaume : celle de la présence permanente, douce et irrésistible de son Dieu ; mais, encore une fois, le psaume n'a pas été écrit pour un homme particulier, fût-il Jean-Baptiste. Nous commencerons donc par là. Il y a peut-être bien plusieurs manières de lire ce psaume 138/139 : le découpage liturgique en a privilégié une, évidente, qui est l'admiration du croyant pour la Création. « Etonnantes sont tes oeuvres, toute mon âme le sait. » On entend résonner ici le psaume 8, tout aussi émerveillé : « A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme (pour) que tu en prennes souci ? Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu, le couronnant de gloire et d'honneur ; tu l'établis sur les oeuvres de tes mains, tu mets toutes choses à ses pieds. » Nous sommes bien ici dans la même veine : « Je reconnais devant toi le prodige, l'être étonnant que je suis. » Oui, mais... Il y a plus grand encore que la création de l'homme ; il y a la création du peuple : car, ici, dans le psaume 138/139, une fois de plus, il s'agit du peuple d'Israël tout entier. Lui qui ne conçoit nul orgueil mais infinie reconnaissance de l'oeuvre de Dieu à son égard. Jérémie le dit très bien : « Vous êtes dans ma main, gens d'Israël, comme l'argile dans la main du potier » (Jr 18, 6) ; l'image du potier étant, pour Jérémie, comme on sait, l'image privilégiée du créateur.

A lire donc, ce psaume, de cette deuxième manière, c'est-à-dire comme l'histoire du peuple, alors tous les versets s'agencent de façon lumineuse. Mais il faut déborder le découpage liturgique ; c'est ce que nous allons faire ici ; à commencer par un verset que nous connaissons bien et qui est peut-être la clé de l'ensemble : « Ta main me conduit, ta droite me saisit, tu as posé sur moi ta main. » Le nom même de Dieu (YHVH) révélé à Moïse promettait cette vigilance ; depuis toujours Dieu a conduit ce petit peuple ; il a commencé par le faire naître, disions-nous : « C'est toi qui as créé mes reins, tu m'as tissé dans le sein de ma mère. » Plus tard, Osée commentait : « Quand Israël était jeune, je l'ai aimé et d'Egypte j'ai appelé mon fils... C'est moi qui avais appris à marcher à Ephraïm, les prenant par le bras... Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d'amour, j'étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson contre leur joue et je lui tendais de quoi se nourrir. » (Os 11, 1... 4).

Cette présence de Dieu ne s'est jamais démentie : le verset 5 (« Tu me devances et me poursuis, tu m'enserres, tu as mis la main sur moi ») est la reconnaissance que, depuis toujours, Dieu connaît, Dieu accompagne l'histoire de son peuple ; l'opposition « tu me devances, tu me poursuis » figurant l'avenir et le passé. Autre manifestation de la présence de Dieu, la colonne de feu qui n'abandonna jamais le peuple dans sa marche difficile ; et cela nous vaut un autre verset merveilleux « la ténèbre n'est pas ténèbre devant toi, la nuit comme le jour est lumière » (v. 12). Dans tout ceci, Dieu poursuivait un projet, on le sait bien, un projet qui nous dépasse : « Que tes pensées sont pour moi difficiles, Dieu, que leur somme est imposante ! » (v. 17). Il faut citer ici le psaume 39/40 : « Qu'ils sont grands, Seigneur mon Dieu, les projets et les miracles que tu as faits pour nous ! Tu n'as pas d'égal. Je voudrais l'annoncer, le répéter, mais il y en a trop à dire. » (Ps 39/40, 6). Car si Dieu a fait des prodiges en faveur de son peuple (« Je reconnais devant toi le prodige, l'être étonnant que je suis. »), c'est pour que toute l'humanité en profite.

Et on se souvient que le geste de poser la main (v. 5) est un geste de consécration ; c'est dire la vocation d'Israël. Cette vocation qui consiste à témoigner du Dieu unique au milieu des nations. Comme le disait André Chouraqui : « Le peuple de l'Alliance est destiné à devenir le futur instrument de l'Alliance des peuples. »

Cette vocation est exigeante, on ne le sait que trop. On en devine le poids derrière des versets comme celui-ci : « Tu me scrutes, SEIGNEUR, et tu sais : tu sais quand je m'assois, quand je me lève ; de très loin, tu pénètres mes pensées. » Impossible d'échapper à l'exigence et au regard perspicace de Dieu. Affronté à l'idolâtrie, le peuple a continuellement dû choisir le rude chemin de la fidélité. C'est le sort de tout prophète, peut-être, et Israël a souvent médité l'expérience de Jérémie qui est un bon exemple sur ce point ; on trouve chez lui exactement les mêmes accents : il a connu cette présence de Dieu dès l'enfance : « Avant de te façonner dans le sein de ta mère, avant que tu ne sortes de son ventre, je te connaissais. » (Jr 1, 5). Mais il a aussi connu la solitude et l'incompréhension ; devant l'insuccès de sa prédication, il en appelle au jugement de Dieu : « Toi, SEIGNEUR, tu es juste ! Mais je veux quand même plaider contre toi... Toi, SEIGNEUR, tu me connais, tu me vois et tu examines mes pensées : elles sont avec toi. » (Jr 12, 3) : chez Jérémie, ce n'est plus seulement de l'émerveillement, c'est une plaidoirie, manière de dire à Dieu : « Reconnais que je te suis resté fidèle ».

Jean-Baptiste a certainement connu cette expérience forte et douce à la fois : de l'émerveillement d'être choisi pour être serviteur de Dieu mais aussi des exigences rudes parfois que cela comporte inévitablement. Il a certainement dit plus d'une fois les derniers versets de ce psaume qui sont une prière pour la persévérance, et que nous pouvons faire nôtre à notre tour : « Dieu ! scrute-moi et connais mon coeur ; éprouve-moi et connais mes soucis. Vois donc si je prends le chemin périlleux, et conduis-moi sur le chemin de toujours. »

 

DEUXIEME LECTURE - Actes des Apôtres 13, 22 - 26

Dans la synagogue d'Antioche de Pisidie,
Paul disait aux Juifs :
22 « Le Seigneur a suscité David pour le faire roi,
et il lui a rendu ce témoignage :
J'ai trouvé David, fils de Jessé,
c'est un homme selon mon coeur ;
il accomplira toutes mes volontés.
23 Et, comme il l'avait promis,
Dieu a fait sortir de sa descendance
un sauveur pour Israël :
c'est Jésus,
24 dont Jean-Baptiste a préparé la venue
en proclamant avant lui un baptême de conversion
pour tout le peuple d'Israël.
25 Au moment d'achever sa route,
Jean disait :
Celui auquel vous pensez,
ce n'est pas moi.
Mais le voici qui vient après moi,
et je ne suis pas digne de lui défaire ses sandales.
26 Fils de la race d'Abraham,
et vous qui adorez notre Dieu,
frères, c'est à nous tous que ce message de salut a été envoyé. »
Ceci se passe au cours du premier voyage missionnaire de Paul en Anatolie, plus précisément à Antioche de Pisidie, c'est-à-dire à peu près exactement au centre de ce que nous appelons aujourd'hui la Turquie.

Paul et Barnabé se rendent à la synagogue le samedi matin pour la célébration du shabbat ; la célébration se déroule comme d'habitude : il y a des prières, des psaumes, et des lectures. Et, comme d'habitude, également, lorsqu'il y a des hôtes de passage, les responsables de la synagogue leur proposent de prendre la parole.1

Alors, Paul prend la parole, effectivement, car il a vraiment quelque chose à dire, on s'en doute, mais ce n'est peut-être pas ce qu'attendaient les chefs de la synagogue ! Car Paul entreprend aussitôt un grand discours pour expliquer que Jésus de Nazareth est le Messie qu'on attendait.

Malheureusement, aujourd'hui, nous n'avons entendu qu'une partie de sa démonstration : je vous résume l'ensemble. Il brosse une grande fresque du projet de Dieu, depuis Abraham jusqu'à Jésus. Il raconte le séjour de son peuple en Egypte, et le miracle de la sortie d'Egypte ; puis le séjour au désert pendant quarante ans et l'entrée en terre promise ; il rappelle la période des Juges puis la naissance de la monarchie. C'est ici que commence notre lecture d'aujourd'hui : « Le Seigneur a suscité David pour le faire roi ».

J'ai dit : « Paul raconte » ; mais en fait, il fait beaucoup plus que raconter comme s'il s'agissait tout simplement de rappeler une histoire passée. En réalité, Paul choisit ses mots très soigneusement pour évoquer ce qui fait la mémoire de ce peuple, la foi de ce peuple. Car la foi d'Israël est d'abord et avant tout la mémoire de l'œuvre de Dieu depuis les origines, la mémoire de la sollicitude de Dieu pour son peuple. Chacune des phrases de Paul fait partie des professions de foi habituelles qu'on se répète en famille et dans les célébrations. Par exemple, pour dire la sortie miraculeuse d'Egypte, le fameux soir du passage de la mer, Paul emploie l'expression « A la force de son bras, Dieu les a fait sortir d'Egypte. » Pour nous, cela ne signifie peut-être rien d'extraordinaire, mais pour tout Juif, cela évoque aussitôt les récits épiques de cette sortie et le fameux cantique de Moïse et de Myriam. Et, à ce moment-là, chacun dans l'assistance, est plein d'émotion et de reconnaissance pour la sollicitude extraordinaire que Dieu a déployée pour son peuple à chacune des étapes de cette longue histoire.

Arrivé à David, Paul emploie également une expression très particulière : j'ai cité déjà : « Le Seigneur a suscité David pour le faire roi, et il lui a rendu ce témoignage : J'ai trouvé David, fils de Jessé, c'est un homme selon mon coeur ; il accomplira toutes mes volontés. » Pour tous les assistants, cela rappelle d'abord le choix de David, huitième fils de Jessé, par le prophète Samuel, au grand étonnement de tout le monde. Mais c'était le choix de Dieu car David n'était pas comme ses sept frères, il était, lui, un homme « selon le cœur de Dieu ». Et la phrase suivante : « Il accomplira toutes mes volontés » est le rappel de la fameuse promesse faite à David ; lorsque le jeune roi avait pensé à construire à Jérusalem un temple pour l'arche d'Alliance, Dieu lui avait fait savoir par le prophète Natan que ce n'était pas son affaire ; Dieu ne lui avait rien demandé. En revanche, dans le même temps, le prophète avait annoncé à David : « C'est moi, Dieu, qui te construirai une maison » au sens de dynastie. Et, peu à peu, au long des siècles, on avait compris que la fidélité de Dieu à cette dynastie se réaliserait un jour pleinement par la venue au monde d'un roi qui apporterait enfin à tous et à chacun la paix, la justice, le bonheur. Ce roi idéal, on l'appelait le Messie. « Il accomplira toutes mes volontés », cela veut dire : par lui, par sa dynastie, s'accomplira ma volonté de salut.

Voilà où Paul veut en venir ; il continue : « Comme il l'avait promis, Dieu a fait sortir de la descendance de David un sauveur pour Israël : c'est Jésus. » Le but de ce long discours de Paul, de cette grande rétrospective, c'est de replacer la venue du Messie-Jésus dans l'ensemble du grand projet de Dieu ; car c'est le meilleur argument pour convaincre ses contemporains. Ils ne pourront croire en Jésus de Nazareth et devenir Chrétiens que s'ils sont convaincus que Jésus accomplit vraiment ce qu'on appelle les Ecritures, c'est-à-dire le projet de Dieu, les promesses de Dieu.

Paul sait bien que c'est une réelle difficulté pour ses contemporains, comme cela a été pendant tout un temps une difficulté pour lui-même ; c'est pour cela qu'il prend grand soin d'évoquer à chaque instant le long déroulement du projet de Dieu dans l'histoire de son peuple. Dans ce long cheminement de l'histoire du salut, Jean-Baptiste a sa place : Paul dit : « Le sauveur pour Israël, c'est Jésus dont Jean-Baptiste a préparé la venue en proclamant avant lui un Baptême de conversion pour tout le peuple d'Israël. »

La vocation de Jean-Baptiste est donc claire : il a été le « Précurseur », l'annonciateur ; et Paul rappelle une phrase de Jean-Baptiste que nous connaissons bien : « Celui auquel vous pensez (c'est-à-dire le Messie), ce n'est pas moi. Mais le voici qui vient après moi, et je ne suis pas digne de lui défaire ses sandales. »

Pour finir, rendons à Jean-Baptiste l'hommage que Jésus lui-même lui a rendu en public : « Qu'êtes-vous allés regarder au désert ? Un roseau agité par le vent ? Alors, qu'êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d'habits élégants ? Mais ceux qui sont vêtus d'habits somptueux et qui vivent dans le luxe se trouvent dans les palais des rois. Alors, qu'êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu'un prophète. Il est celui dont il est écrit : Voici, j'envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi. Je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d'une femme, aucun n'est plus grand que Jean. » (Lc 7, 24-28).
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Note

1 - C'est ce qui s'est passé pour Jésus, on s'en souvient, à la synagogue de Nazareth, quelques années plus tôt ; Luc 4. Luc raconte : « Après la lecture de la Loi et des prophètes, les chefs de la synagogue envoyèrent quelqu'un pour leur dire : Frères, si vous avez un mot d'exhortation pour le peuple, prenez la parole. »

Complément

- Nous sommes ici à Antioche de Pisidie ; un peu plus tard, à Ephèse, Paul fera cette même mise au point : « Jean donnait un baptême de conversion et il demandait au peuple de croire en celui qui viendrait après lui, c'est-à-dire en Jésus. » (Ac 19, 4).

 

EVANGILE - Luc 1, 57 - 66. 80

57 Quand arriva le moment où Elisabeth devait enfanter,
elle mit au monde un fils.
58 Ses voisins et sa famille
apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde,
et ils se réjouissaient avec elle.
59 Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l'enfant.
Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père.
60 Mais sa mère déclara :
« Non, il s'appellera Jean. »
61 On lui répondit :
« Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! »
62 On demandait par signes au père comment il voulait l'appeler.
63 Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit :
« Son nom est Jean. »
Et tout le monde en fut étonné.
64 A l'instant même sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia :
il parlait et il bénissait Dieu.
65 La crainte saisit alors les gens du voisinage,
et dans toute la montagne de Judée
on racontait tous ces événements.
66 Tous ceux qui les apprenaient
en étaient frappés et disaient :
« Que sera donc cet enfant ? »
En effet, la main du Seigneur était avec lui.
80 L'enfant grandit
et son esprit se fortifiait.
Il alla vivre au désert
jusqu'au jour où il devait être manifesté à Israël.

 

Dès les premières lignes de son évangile, Luc prévient son lecteur supposé, Théophile, qu'il entreprend un récit ordonné des événements ; effectivement, les deux premiers chapitres, dont nous lisons un extrait ce dimanche, sont particulièrement structurés : deux annonciations (l'ange Gabriel chez Zacharie, puis chez Marie), deux naissances (celle de Jean-Baptiste, celle de Jésus), deux circoncisions. Le tout émaillé de trois discours, ou plutôt trois cantiques d'action de grâces, le Magnificat (chant de Marie), le Bénédictus (celui de Zacharie), et le « Nunc dimittis » (celui de Syméon : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix »). Clairement, Luc nous propose de faire un parallèle entre Jean-Baptiste et Jésus.

Ces deux naissances qui pourraient bien n'avoir d'autre portée que familiale sont en réalité l'accomplissement des grandes promesses de Dieu pour l'humanité : avant même que les trois cantiques ne le proclament, tous les détails du texte et le vocabulaire choisi par Luc nous mènent à cette découverte.

Tout avait commencé par l'annonce à Zacharie, dont le nom, ne l'oublions pas, signifie « Dieu se souvient ». Alors qu'il officiait à l'intérieur du temple de Jérusalem, l'ange Gabriel lui annonce la naissance prochaine d'un fils : « Sois sans crainte, Zacharie, car ta prière a été exaucée. Ta femme Elisabeth t'enfantera un fils et tu lui donneras le nom de Jean. » Cette annonce avait de quoi surprendre Zacharie, car non seulement, lui et sa femme, Elisabeth, avaient largement passé l'âge d'avoir des enfants, mais, de surcroît, l'ange précisait que le garçon serait porteur d'une vocation exceptionnelle : « Il sera grand devant le Seigneur... Il sera rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère. Il ramènera beaucoup de fils d'Israël au Seigneur leur Dieu ; et il marchera par-devant sous le regard de Dieu, avec l'esprit et la puissance d'Elie, pour ramener le coeur des pères vers leurs enfants. » Zacharie qui était prêtre reconnaissait probablement là les expressions mêmes du prophète Malachie : « Voici que je vais vous envoyer Elie, le prophète, avant que ne vienne le jour du SEIGNEUR, jour grand et redoutable. Il ramènera le coeur des pères vers leurs fils, celui des fils vers leurs pères... » (Ml 3, 23-24).

Mais l'homme est libre ; tout ceci était très cohérent, mais encore fallait-il faire confiance à l'ange et à travers lui, à la parole de Dieu ; moins bien inspiré que ne le sera Marie, quelque temps plus tard, Zacharie demande une preuve : « A quoi le saurai-je ? Car je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge. » L'ange lui répond : « Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu. J'ai été envoyé pour te parler et t'annoncer cette bonne nouvelle. » Et vous savez que, de ce jour, Zacharie s'est retrouvé muet, incapable d'annoncer la bonne nouvelle en laquelle il n'avait pas su croire.

Tout ceci explique le texte d'aujourd'hui : « Quand arriva le moment où Elisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. » La miséricorde dont parlent les voisins, c'est une naissance accordée à une femme stérile. Mais Luc nous invite à replacer cet événement dans la longue miséricorde de Dieu pour son peuple : le même mot (« eleos » qui veut dire miséricorde, bonté, amour, tendresse) revient quatre fois dans les cantiques de Zacharie et de Marie : « Son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent » (1, 50) ; « il se souvient de son amour » (1, 54) ; « Il a montré sa miséricorde envers nos pères » (1, 72) ; « Telle est la tendresse du coeur de notre Dieu » (1, 78).

Arriva le jour où l'enfant devait être circoncis et où il devait recevoir son nom : deux coutumes qui inscrivent le nouveau-né dans la longue suite des fidèles de l'Alliance conclue par Dieu avec Abraham. Voici ce que Dieu avait dit au patriarche : « Toi, tu garderas mon alliance, et après toi, les générations qui descendront de toi. Voici mon alliance que vous garderez entre moi et vous, c'est-à-dire ta descendance après toi : tous vos mâles seront circoncis... ce qui deviendra le signe de l'alliance entre moi et vous. Seront circoncis à l'âge de huit jours tous vos mâles de chaque génération. (Gn 17, 9-12). Et on sait l'importance que revêt pour l'homme biblique l'imposition du nom ; quand Dieu donne lui-même un nom, c'est pour une révélation et une mission : le nom de Jean (« Yo-hanan ») avait été précisé par l'ange et signifiait « Dieu a fait grâce ». Zacharie, toujours privé de la parole, en est réduit à communiquer par écrit ; mais à peine a-t-il accompli cet acte de foi, il retrouve la parole et se met à chanter ce que nous appelons le « Benedictus ». Notre lecture de ce dimanche l'annonce seulement : « Zacharie se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : Son nom est Jean. Et tout le monde en fut étonné. A l'instant même sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. »

« Et tout le monde en fut étonné », dit Luc : il emploie ici un mot (« Thaumazô ») qui traduit plutôt l'émerveillement ; on le retrouve à plusieurs reprises dans ce même évangile pour exprimer le sentiment de spectateurs mis en présence de quelque chose qui dépasse leur entendement, particulièrement devant les événements qui paraissent avoir une dimension divine ; ce mot apparaît plusieurs fois accompagné du mot « crainte ». Par exemple, lors de la tempête apaisée « Saisis de crainte, ils s'émerveillèrent et ils se disaient entre eux : Qui donc est-il pour qu'il commande même aux flots et qu'il lui obéissent ? » (Lc 8, 25) ; ici, on trouve également, un peu plus bas, le mot « crainte » : « La crainte saisit alors les gens du voisinage, et dans toute la montagne de Judée on racontait tous ces événements. Tous ceux qui les apprenaient en étaient frappés. » En réalité, il faudrait traduire « Tous ceux (les gens du voisinage) qui les apprenaient les écoutaient dans leur coeur ». Cette insistance sur l'écoute du coeur est intéressante, en regard du manque de foi de Zacharie : manière de nous dire que les petits sont ceux qui accueillent le plus facilement l'évangile.

 

L'intelligence des écritures

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12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 21:35

marie-nolle-thabut.jpgJe suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus importants ou enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

 

PREMIERE LECTURE - Ezéchiel 17, 22 - 24

22 Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu :
A la cime du grand cèdre, à son sommet,
je cueillerai un jeune rameau,
et je le planterai moi-même sur une montagne très élevée.
23 Sur la haute montagne d'Israël je le planterai.
Il produira des branches, il portera du fruit,
il deviendra un cèdre magnifique.
Tous les passereaux y feront leur nid,
toutes sortes d'oiseaux habiteront à l'ombre de ses branches.
24 Et tous les arbres des champs sauront que c'est moi, le SEIGNEUR :
je renverse l'arbre élevé
et relève l'arbre renversé,
je fais sécher l'arbre vert
et reverdir l'arbre sec.
Moi, le SEIGNEUR,
je l'ai dit,
et je le ferai.
Pour comprendre la parabole d'Ezéchiel, il faut se rappeler le contexte historique dans lequel parle le prophète : en 597, Nabuchodonosor, roi de Babylone, s'est emparé de Jérusalem ; il a déporté le roi et une partie des habitants (parmi eux, Ezéchiel). Dix ans plus tard, en 587, nouvelle vague, cette fois, Jérusalem est complètement détruite et pillée, une nouvelle partie de ses habitants déportés à leur tour à Babylone.

Le peuple juif semble avoir tout perdu : sa terre, signe concret de la bénédiction de Dieu, son roi, médiateur entre Dieu et le peuple, son Temple, lieu de la Présence divine. D'où la question qui, désormais, taraude tous les coeurs : Dieu aurait-il abandonné son peuple ? C'est, au sens propre du terme, la « question de confiance ».
Le miracle de la foi, justement, c'est qu'au sein même de l'épreuve, elle se purifie et s'approfondit : c'est exactement ce qui s'est passé pour Israël. L'exil a Babylone a été l'occasion d'un sursaut extraordinaire de la foi juive ; Ezéchiel est l'un des artisans de ce sursaut : avant la catastrophe, il avait alerté le peuple sur les conséquences désastreuses et inévitables de sa conduite. Il avait multiplié les menaces, dans l'espoir d'obtenir une conversion. Désormais, la catastrophe étant survenue, il se consacre à relever l'espoir défaillant. A ce peuple humilié, en exil, il apporte une parole d'espérance. Cette parabole du cèdre que nous lisons aujourd'hui en est une.
Pourquoi un cèdre, d'abord ? Parce que le cèdre était le symbole de la dynastie royale. Ezéchiel prend l'image du cèdre pour parler du roi, comme La Fontaine prenait celle du lion. Le roi en exil est comme un cèdre renversé (on emploie bien en français l'expression « renverser un roi »), il est comme un arbre desséché... Mais Dieu va prélever un rameau tendre du vieil arbre et le replanter lui-même.

« Sur la haute montagne d'Israël, je le planterai » : la « haute montagne d'Israël », c'est évidemment Jérusalem ; topographiquement, ce n'est pas la plus haute montagne du pays, mais c'est d'une autre élévation qu'il est question ! Cette phrase annonce donc deux choses : le retour au pays et la restauration du royaume de Jérusalem.
Et la petite bouture deviendra un cèdre magnifique. Tellement vaste que tous les passereaux du monde viendront y faire leur nid, toutes sortes d'oiseaux habiteront à l'ombre de ses branches. « Tous les arbres des champs sauront que c'est moi, le SEIGNEUR ». « Tous les arbres des champs », c'est-à-dire le monde entier, même les païens, ceux qui n'ont rien à voir avec le cèdre de la royauté. Quant à l'expression « ils sauront que c'est moi, le SEIGNEUR », nous l'avons déjà rencontrée ; elle signifie « Je suis le SEIGNEUR, il n'y en a pas d'autre ». Thème très fréquent chez les prophètes, dans le cadre de leur lutte contre l'idolâtrie. La suite du texte va dans le même sens : quand un prophète insiste sur la puissance de Dieu, c'est toujours pour marquer le contraste avec les idoles qui, elles, sont incapables du moindre geste, de la moindre action.

« C'est moi, le SEIGNEUR, je renverse l'arbre élevé, je relève l'arbre renversé, je fais sécher l'arbre vert, et reverdir l'arbre sec. » Il ne s'agit pas du tout de présenter Dieu comme jouant pour son plaisir avec la création, au gré de quelque caprice... ce qui serait, tout compte fait, très inquiétant ; au contraire, c'est une manière de nous rassurer, du style « rien n'est impossible à Dieu ». Vous, les croyants, ne vous laissez pas impressionner par qui que ce soit, ou quoi que ce soit, faites confiance, tout est dans la main de Dieu.

« Moi, le SEIGNEUR, je l'ai dit et je le ferai » : cela veut dire au moins deux choses : d'abord, bien sûr, dans le même sens que tout ce que je viens de dire, la puissance de Dieu, l'efficacité de sa Parole. Le poème de la Création, au premier chapitre de la Genèse, qui a été écrit sensiblement à la même époque, ré-pète comme un refrain : « Dieu dit... et il en fut ainsi ». Ensuite, il y a certainement là, pour le peuple juif, un rappel de ce que l'on pourrait appeler la grande promesse, ou la grande espérance ; ce qu'Ezéchiel dit là, c'est quelque chose comme « c'est vrai, apparemment, tout est perdu ; mais n'oubliez jamais que Dieu est fidèle à ses promesses ; donc, quelles que soient les apparences, la promesse faite au roi David est tou-jours valable. » Je l'ai dit et je le ferai, cela revient à dire « J'ai promis, donc je tiendrai ».

Cette promesse faite à David, par le prophète Natan, quatre cents ans plus tôt, annonçait un roi idéal né de sa descendance. On la trouve au deuxième livre de Samuel : « Lorsque tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j'élèverai ta descendance après toi, celui qui sera issu de toi-même, et j'établirai fermement sa royauté... Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils... Ta maison et ta royauté seront à jamais stables, ton trône à jamais affermi. » (2 S 7, 12... 17).

Cette promesse répercutée de siècle en siècle par les prophètes a nourri l'espérance d'Israël aux heures les plus sombres. La parabole du cèdre, chez Ezéchiel, en est la reprise imagée. Au moment où le peuple dépositaire de la promesse expérimente cruellement son impuissance, l'insistance du prophète sur l'oeuvre de Dieu et de Dieu seul, est la meilleure source de confiance.

PSAUME 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16

2 Qu'il est bon de rendre grâce au SEIGNEUR,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
3 d'annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits,

13 Le juste grandira comme un palmier,
il poussera comme un cèdre du Liban ;
14 planté dans les parvis du SEIGNEUR,
il grandira dans la maison de notre Dieu.

15 Vieillissant, il fructifie encore,
il garde sa sève et sa verdeur
16 pour annoncer : « Le SEIGNEUR est droit !
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »
« Pas de ruse en Dieu, mon Rocher » : le peuple d'Israël sait bien qu'il lui est arrivé d'accuser Dieu de ruse ; dans le désert du Sinaï, par exemple, un jour de grande soif, quand la déshydratation menaçait bêtes et gens, on avait accusé Moïse et Dieu sur le thème : ils nous ont fait sortir d'Egypte, en nous faisant miroiter la liberté, mais en réalité, c'était pour nous perdre ici. C'est le fameux épisode de Massa et Meriba (Ex 17, 1-7) ; or, malgré ces murmures, ces bruits de révolte, Dieu avait été plus grand que son peuple en colère ; il avait fait couler l'eau d'un rocher. Désormais, on appelait Dieu « notre Rocher », manière de rappeler la fi-délité de Dieu plus forte que tous les soupçons de son peuple.

Dans ce rocher, Israël a puisé l'eau de sa survie... Mais surtout au long des siècles la source de sa foi, de sa confiance... C'est la même chose de dire à la fin du psaume « Dieu est mon Rocher » ou au début du psaume « J'annonce dès le matin, ton amour, ta fidélité, au long des nuits ». Le rappel du rocher, c'est le rappel de l'expérience du désert, et de la fidélité de Dieu plus forte que toutes les révoltes... Et l'expression « ton amour et ta fidélité », est également le rappel de l'expérience du désert : c'est l'expression employée par Dieu lui-même pour se faire connaître à son peuple : « Le SEIGNEUR, le SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté. » (Ex 34, 6). Bien souvent, cette expression a été reprise dans la Bible, et en particulier dans les Psaumes, comme un rappel de l'Alliance entre Dieu et son peuple : « Dieu d'amour et de fidélité, lent à la colère et plein d'amour... ».

Cet épisode de Massa et Meriba (ou plutôt cette séquence), épreuve du désert, soupçon du peuple, intervention de Dieu, s'est répété bien des fois, quand on a eu soif, mais aussi quand l'eau n'était pas bonne, ou quand on a eu faim (rappelez-vous la manne et les cailles et les eaux amères de Mara). Cela s'est répété si souvent qu'on a fini par comprendre que c'était presque inévitable, si on n'y prenait pas garde... Parce que l'homme est tenté d'accuser Dieu de ruse chaque fois que quelque chose ne va pas selon ses désirs.

C'est alors que, pour bien retenir cette leçon capitale, on a écrit le récit du Jardin d'Eden : un serpent, particulièrement rusé, fait croire à l'homme et à la femme que c'est Dieu qui ruse avec eux ; il insinue : « Dieu vous interdit les meilleurs fruits sous prétexte de vous garder du danger, il prétend que ces fruits sont vénéneux, alors que c'est tout le contraire. » Et l'homme et la femme tombent dans le piège. Et c'est toujours la même histoire depuis que le monde est monde.

Comment se prémunir une fois pour toutes contre ce danger ? Ce psaume nous dit le moyen de nous protéger : il suffit de se planter dans le Temple comme un cèdre et de chanter pour Dieu. Vous avez en-tendu le premier verset : « Qu'il est bon de rendre grâce au SEIGNEUR, de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut » ; on devrait traduire : « Il est bon pour nous de rendre grâce au SEIGNEUR, il est bon pour nous de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut ». Car, en fait, le peuple d'Israël ne nous a pas attendus pour comprendre que notre chant POUR Dieu, c'est à nous qu'il fait du bien ! Saint Augustin dira : « Tout ce que l'homme fait pour Dieu profite à l'homme et non à Dieu ». Chanter pour Dieu, résolument, ouvrir les yeux sur son amour et sa fidélité, dès le matin et au long des nuits, c'est se protéger des ruses du serpent.
Pour le dire, le psalmiste emploie l'expression : « Qu'il est bon... » ; c'est le même mot « bon » (tôv en hébreu), qui est employé pour dire « bon à manger » ; encore faut-il y avoir goûté pour pouvoir en parler ! Le psaume dit un peu plus loin (dans un verset qui n'est pas lu ce dimanche) : « L'homme borné ne le sait pas... l'insensé ne peut pas le comprendre »... mais le croyant, lui le sait : oui il est bon pour nous de chanter l'amour de Dieu et sa fidélité. Parce que c'est la vérité et que seule cette confiance invincible dans l'amour de Dieu, dans son dessein bienveillant peut illuminer notre vie... en toutes circonstances... alors que la méfiance, le soupçon fausse complètement notre regard. Soupçonner Dieu de ruse, c'est le piège dans lequel il ne faut pas tomber, un piège mortel.
Celui qui se protège ainsi est, dit notre psaume, comme un arbre qui garde sa sève et sa verdeur : en Terre Sainte, c'est une image très suggestive ; si les cèdres du Liban, les palmiers des oasis font rêver, c'est parce que là-bas, le problème de l'eau est crucial ; l'eau est vitale et par endroits, tellement rare. On attend avec impatience la moindre pluie d'automne qui fait reverdir les paysages désertiques tout près de Jérusalem : pour le croyant, l'eau vivifiante, c'est la présence de son Dieu. Si bien que, quand Jésus, plus tard, parlera d'eau vive, il ne fera que reprendre une image déjà bien connue.
Il est bon pour nous de prendre conscience et de chanter que Dieu est Amour... mais il est bon aussi pour les autres que nous le leur disions... C'est le sens de la répétition du mot « annoncer » au dé-but et à la fin du psaume : on a ici une « inclusion » : au début « Qu'il est bon de rendre grâce au SEIGNEUR, de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut, d'annoncer dès le matin ton amour » et à la fin « Le juste est comme un cèdre du Liban... vieillissant, il fructifie encore pour annoncer « le SEIGNEUR est droit ! » Ici, le mot « annoncer » signifie « annoncer aux autres, aux non-croyants »... Au long des siècles, le peuple d'Israël a découvert sa mission d'être témoin de l'amour de Dieu pour tous les hommes.
Dernière remarque : ce psaume porte une suscription  [1] : on nous dit que c'est un psaume pour le jour du sabbat, le jour par excellence où on chante l'amour et la fidélité de Dieu. C'est le jour ou jamais de le faire, bien sûr. Nous, Chrétiens, pourrions bien en faire le psaume du dimanche ; car notre dimanche chré-tien ne fait pas autre chose : chanter l'amour et la fidélité de Dieu qui se sont manifestés de manière totale et définitive en Jésus-Christ.

******
Note
[1] : la suscription : dans certains psaumes, le premier verset ne fait pas partie de la prière ; il est une indication pour sa mise en œuvre ou bien une présentation du thème et de l'esprit dans lequel il doit être chanté. On rencontre souvent, par exemple, la formule « De David ». Cela ne signifie pas que David est l'auteur incontesté du psaume en question, mais qu'il aurait pu partager la prière ou les sentiments qui y sont exprimés.

DEUXIEME LECTURE - 2 Corinthiens 5, 6 - 10

Frères,
6 nous avons pleine confiance,
tout en sachant que nous sommes en exil loin du Seigneur
tant que nous habitons dans ce corps ;
7 en effet, nous cheminons dans la foi,
nous cheminons sans voir.
8 Oui, nous avons confiance,
et nous aimerions mieux être en exil loin de ce corps
pour habiter chez le Seigneur.
9 Que nous soyons chez nous ou en exil,
notre ambition, c'est de plaire au Seigneur.
10 Car il nous faudra tous apparaître à découvert
devant le tribunal du Christ,
pour que chacun reçoive ce qu'il a mérité,
soit en bien soit en mal,
pendant qu'il était dans son corps.

 

Qui sait ce que pense le bébé qui va naître ; est-il conscient, seulement ? Et s'il l'est, appréhendetil ce passage ? Il paraît qu'une fois né, la lumière du jour l'aveugle, lui qui était dans l'obscurité ; jusqu'ici, il entendait quelques voix, désormais, il verra face à face ceux qui l'ont aimé, ceux qui lui ont parlé, ceux qui lui ont donné son nom avant même qu'il le sache.
Eh bien, pour Paul, la mort est une naissance. Jusque-là, nous sommes comme l'enfant qui va naître ; nous aussi, nous sommes dans l'obscurité : « Nous cheminons sans voir », dit-il. Mais quand nous naîtrons à la vraie vie, nous serons en pleine lumière : « A présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors ce sera face à face. » (1 Co 13,12). Tout comme le temps de la gestation n'a de sens qu'en fonction de la naissance qui se prépare, notre vie terrestre n'a de sens qu'en fonction de la vie définitive auprès du Seigneur.

En attendant, heureusement, dans cette obscurité, il y a un rayon de lumière, c'est la foi. C'est elle qui nous aide à cheminer, qui nous aide à préparer la naissance qui approche : « Nous cheminons dans la foi, nous cheminons sans voir ». C'est la foi qui nous révèle le sens de notre vie actuelle, le sens de notre mort. C'est dans la foi que nous savons que notre mort est une naissance : Paul la compare ici à un passage de frontière entre l'exil et la mère patrie. Pour l'instant, nous dit-il, nous sommes « en exil loin du Seigneur ». Car notre vraie patrie, c'est Lui.

C'est dans la foi, aussi, que nous savons que notre vie a un sens, c'est-à-dire à la fois une direction et une signification. La direction, on la connaît : pour le bébé, c'est le jour de l'accouchement, de la naissance... pour nous, le jour de notre mort biologique ; la signification, on risque peut-être plus de l'oublier ; alors Paul y insiste ; car sur ce point, notre situation est très différente de celle du bébé qui va naître : lui ne peut rien faire pour activer les choses ; tout se déroule en-dehors de lui ; tandis que nous, nous avons un rôle capital à jouer : notre vie terrestre est vraiment le temps d'une gestation ; tout ce que nous faisons aujourd'hui prépare demain.

Paul s'en explique dans la lettre aux Philippiens : « Pour moi, vivre, c'est Christ, et mourir m'est un gain. Mais si vivre ici-bas doit me permettre un travail fécond, je ne sais que choisir. Je suis pris dans ce dilemne : j'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ, et c'est de beaucoup préférable, mais demeurer ici-bas est plus nécessaire à cause de vous. » (Ph 1, 2123).
On voit bien ici que Paul a dépassé la crainte de la mort, au contraire il la désire. Pour autant, notre vie terrestre n'est pas ignorée, méprisée, elle est orientée ; elle n'est pas dépréciée, car c'est son but, au contraire, qui lui donne tout son prix. Un peu comme quand on est en voyage, il est essentiel de ne jamais perdre de vue le but du voyage ; et c'est le but qu'on s'est fixé qui justifie tout le reste, la route choisie, les étapes, et même les difficultés du chemin... Or, quel est le but du voyage du Chrétien ? Demeurer auprès du Seigneur, de façon totale et définitive et faire entrer dans cette demeure, dans cette mère-patrie tous les exilés que nous avons rencontrés sur notre route.

Or l'efficacité de nos efforts n'est pas toujours évidente ! Sur ce point aussi nous sommes dans l'obscurité... Peut-être ici, pour comprendre ce texte, faut-il essayer d'imaginer ce que peuvent être les sentiments d'un apôtre qui consacre toutes ses forces à sa mission et qui n'en voit guère les fruits. Combien ont eu l'impression de travailler en pure perte, de prêcher dans le désert, comme on dit ? C'est à eux que Paul s'adresse. Et c'est pour cela qu'il insiste tellement sur la confiance : « Nous avons pleine confiance... Oui, nous avons confiance... ». S'il doit le répéter, c'est que cela ne va peut-être pas de soi tous les jours pour tout le monde !

Nous ne verrons que plus tard la récolte, pour l'instant, il ne faut pas se lasser de semer. Quel genre de graines ? On s'en doute, évidemment. Paul emploie l'expression : « Mon ambition, c'est de plaire au Seigneur » ; il suffit d'avoir un peu lu l'Ancien Testament pour savoir ce qui plaît au Seigneur. A commencer par le prophète Michée : « On t'a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR attend de toi : rien d'autre que de pratiquer le droit, d'aimer la justice et de marcher humblement avec ton Dieu ». (Mi 6, 8).

Jérémie dit exactement la même chose, il dit, ce qui plaît au Seigneur, c'est le droit, la solidarité, la justice ; « Ainsi parle le SEIGNEUR : que le sage ne se vante pas de sa sagesse ! Que l'homme fort ne se vante pas de sa force ! Que le riche ne se vante pas de sa richesse ! Si quelqu'un veut se vanter, qu'il se vante de ceci : d'être assez malin pour me connaître, moi, le SEIGNEUR, qui mets en oeuvre la solidarité, le droit et la justice sur la terre. Oui, c'est cela qui me plaît oracle du SEIGNEUR ». (Jr 9, 2223).

Isaïe a même poussé l'audace jusqu'à dire qu'un païen comme le roi Cyrus pouvait plaire au Seigneur parce qu'il travaillait dans le bon sens si j'ose dire, quand il avait contribué à la reconstruction de la ville de Jérusalem et du Temple après l'Exil à Babylone.

Peut-être aurons-nous des surprises en passant la frontière ? Comme les hommes de la parabole rapportée par Saint Matthieu ; à certains, le Seigneur dira : « Venez, les bénis de mon Père... Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire... Alors ils demanderont : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ?... » Eux aussi, comme dirait Paul, cheminaient sans voir. Et dans la lettre aux Ephésiens, il nous le promet : « Vous le savez, ce qu'il aura fait de bien, chacun le retrouvera auprès du Seigneur. » (Ep 6, 8).

 

EVANGILE - Marc 4, 26 - 34

Parlant à la foule en paraboles,
26 Jésus disait :
« Il en est du règne de Dieu
comme d'un homme
qui jette le grain dans son champ :
27 nuit et jour,
qu'il dorme ou qu'il se lève,
la semence germe et grandit,
il ne sait comment.
28 D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe,
puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.
29 Et dès que le grain le permet,
on y met la faucille,
car c'est le temps de la moisson. »
30 Jésus disait encore :
« A quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ?
Par quelle parabole allons-nous le représenter ?
31 Il est comme une graine de moutarde :
quand on la sème en terre,
elle est la plus petite de toutes les semences du monde.
32 Mais quand on l'a semée,
elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ;
et elle étend de longues branches,
si bien que les oiseaux du ciel
peuvent faire leur nid à son ombre. »
33 Par de nombreuses paraboles semblables,
Jésus leur annonçait la Parole,
dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre.
34 Il ne leur disait rien sans employer de paraboles,
mais en particulier, il expliquait tout à ses disciples.
Jésus ne disait rien à la foule sans employer de paraboles, nous dit Marc ; c'était certainement la seule manière d'avoir un petit espoir d'être compris ! Car la leçon était quand même rude à faire passer ! Jésus lui-même annonce d'entrée de jeu qu'il va parler du Royaume de Dieu, mais tout le monde a déjà des idées là-dessus ; et les idées des hommes ne coïncident pas du tout avec les siennes, apparemment ! Alors il lui faut déployer toute une pédagogie dans la ligne de la conversion que l'Ancien Testament avait déjà entre-prise.
Au début, le peuple d'Israël, comme tous les peuples, ne pouvait envisager le Règne de Dieu qu'en termes de Souveraineté. Les psaumes, par exemple, chantent la souveraineté de Dieu sur le monde : « Le SEIGNEUR a établi son trône dans les cieux et sa royauté domine tout. » (Ps 102/103, 19)... « Le Seigneur, le Très-Haut est terrible ; il est le grand roi sur toute la terre. » (Ps 46/47, 3)... « Le SEIGNEUR est roi, il est vêtu de majesté. » (Ps 92/93, 1)... « Le SEIGNEUR est roi, que la terre exulte, que tous les rivages se réjouissent. » (Ps 96/97, 1).
Dans cette optique, dire « A toi le règne, la puissance et la gloire » revient à dire « c'est toi le plus fort ! » Si les textes du livre de l'Exode nous présentent toujours les rencontres de Moïse avec Dieu dans l'orage, les éclairs, le feu et le tremblement de la montagne, c'est que sans toutes ces preuves de grandeur et de puissance, le peuple n'aurait jamais pu prendre ce Dieu au sérieux !
Même le grand prophète Elie, au début de sa carrière, ne peut pas imaginer Dieu autrement que dans des manifestations grandioses : et c'est le feu du ciel qu'il implore pour impressionner les prophètes des idoles. On se souvient de cette grande démonstration qui devait faire taire à tout jamais les incrédules : « A l'heure de l'offrande, le prophète Elie s'approcha et dit : SEIGNEUR, Dieu d'Abraham et d'Israël, fais que l'on sache aujourd'hui que c'est toi qui es Dieu en Israël... Réponds-moi, réponds-moi : que ce peuple sache que c'est toi, SEIGNEUR, qui es Dieu... Et le feu du SEIGNEUR tomba et dévora l'holocauste, le bois, les pierres, la poussière, et il absorba même l'eau qui était dans le fossé. A cette vue, tout le peuple se jeta face contre terre et dit : C'est le SEIGNEUR qui est Dieu ; c'est le SEIGNEUR qui est Dieu ! » (1 R 18, 36-39).
Ce jour-là, Dieu n'a pas désavoué son prophète, mais, quelque temps après, il lui a révélé que sa puissance n'est pas ce que l'homme croit spontanément. C'est le fameux épisode d'Elie à l'Horeb : « Le SEIGNEUR dit à Elie : Sors et tiens-toi sur la montagne devant le SEIGNEUR ; voici, le SEIGNEUR va passer. Il y eut devant le SEIGNEUR un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le SEIGNEUR n'était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le SEIGNEUR n'était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le SEIGNEUR n'était pas dans le feu. Et après le feu, le bruissement d'un souffle ténu (une brise légère). Alors, en l'entendant, Elie se voila le visage avec son manteau. » (1 R 19, 11-13). Cette fois, Elie avait tout compris : Dieu n'est pas dans les démonstrations de puissance que nous aimons tant, il est dans la brise légère.
Ce paradoxe, si on y réfléchit, parcourt toute la Bible, dès l'Ancien Testament : à commencer par le choix surprenant d'un tout petit peuple pour porter au monde la plus grande des nouvelles. Et que dire du choix d'un homme bègue (Moïse) comme porte-parole et d'un couple stérile (Abraham et Sara) pour por-ter l'espoir d'une descendance nombreuse comme les étoiles. Dieu a choisi un petit berger de Bethléem pour vaincre le géant Goliath ; et des siècles plus tard, c'est aussi de Bethléem, petit village insignifiant que sortira le Fils de Dieu lui-même ; lequel va vivre caché pendant trente ans dans uns bourgade perdue dont on se demandait « Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? »
Ce qui sort de Nazareth, justement, c'est le Verbe, comme dit Saint Jean, la Parole : comme une semence, elle est jetée à tous les vents, aux risques de la mauvaise terre et des piétinements ; et Dieu sait si le Verbe a été piétiné ; au risque même de se faire traiter de possédé du démon (Béelzéboul : Mc 3, 22) ; mais il court le risque quand même, simplement parce que c'est la seule chose à faire. A travers même les échecs apparents du Christ, la déchéance et la mort sur la Croix, s'est levé sur le monde le triomphe de l'amour.

Telle est la leçon de ces paraboles, une magnifique leçon de confiance : Dieu agit, le royaume est une semence qui germe irrésistiblement, il est peut-être encore invisible, mais la moisson viendra. Jésus nous dit quelque chose comme : « Vous savez la puissance de vie qui se cache même dans une toute peti-te graine. Contentez-vous de semer : c'est votre travail de jardiniers. Dieu vous fait confiance pour culti-ver son jardin. A votre tour, faites-lui confiance : la semence poussera toute seule, car c'est Dieu qui agit... C'est votre meilleure garantie. »

Jésus l'avait bien dit en parlant de lui-même : « En vérité, en vérité je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si, au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. » (Jn 12, 24). C'est là que se manifeste la vraie puissance de Dieu : la parole semée dans la pauvreté et l'humilité devient peu à peu un arbre immense dont les bras sont assez grands pour accueillir l'humanité tout entière. Voilà le dessein bienveillant de Dieu : « Réunir l'univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. »
« La graine de moutarde, quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères, et elle étend de lon-gues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »

 

L'intelligence des écritures

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12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 12:53

LETTRE AUX ÉLECTEURS DE LA 8e CIRCONSCRITION DE SEINE-ET-MARNE

 

 

Je tiens à remercier les personnes qui m’ont soutenu à l’occasion de ces élections législatives : les 157 personnes qui ont ajouté leur suffrage au mien, celles qui m’ont encouragé et/ou apporté leur aide d’une façon ou d’une autre. Je leur suis extrêmement reconnaissant pour leur soutien au seul candidat de la 8e circonscription défendant ouvertement les droits de l’homme que sont la vie, la sécurité, la liberté, la propriété, le droit (des enfants) de grandir dans une famille unie, fondée par un homme et une femme.

Mes remerciements vont, notamment,

 

En ce qui concerne le second tour, ma position est la suivante. J’ai demandé aux deux candidats restant en lice, par courriel, de me dire quels engagements, parmi les 15 figurant sur ma profession de foi, ils étaient prêts à reprendre à leur compte. Les réponses de Chantal Brunel[1] me conviennent sur un certain nombre de points importants (elle refuse l’euthanasie, elle combat la polygamie et l’adoption par les couples homosexuels, elle propose une baisse des rémunérations de certains élus - qu’elle a même votée par le passé et s’applique à elle-même -, elle est favorable à l’ouverture à la concurrence des monopoles tels que celui du courrier et des transports publics, mais aussi à une plus grande autonomie des lycées et à un pouvoir accru, ainsi qu’à moins de fiscalité et plus de liberté en matière de logement.

 

En ce qui concerne Eduardo Rihan Cypel, je n’ai reçu aucune réponse de sa part ! Toutefois, les positions du Parti Socialiste sont bien connues (François Hollande ne s’est-il pas, par exemple, engagé à légaliser le mariage homosexuel et l’adoption par des couples homosexuels ?) et je n’ai pas de doute quant à l’incapacité du candidat socialiste à reprendre à son compte le moindre de mes engagements.

 

Dans ces conditions, deux attitudes seulement me paraissent envisageables au second tour :

  1. M’abstenir, pour manifester mon rejet du système politique français, que je crois être un simulacre de démocratie : le peuple n’a en réalité aucun pouvoir, la classe politique refuse à chacun le droit de gouverner librement sa propre vie, elle piétine allègrement les droits naturels de chaque personne humaine (vie, sécurité, liberté, propriété) et tente de lui faire croire que le droit de mettre de temps à autre un bulletin dans une urne compense ce mépris desdits droits. L’inconvénient d’une telle attitude est qu’elle ne permet pas de marquer ma nette préférence pour l’un des deux candidats.
  2. Soutenir résolument Chantal Brunel. L’inconvénient de cette attitude est de laisser penser que je me satisfais d’un système politique et de positions de l’UMP aussi peu respectueux de la loi naturelle, si chère aux libéraux et aux catholiques.

 

C’est la seconde solution que j’ai choisie. Ce qui a emporté ma décision, c’est que je connais Chantal Brunel depuis de nombreuses années et j’apprécie nombre de ses qualités personnelles, parmi lesquelles l’ardeur au travail, le courage de s’opposer, la générosité et l’ouverture d’esprit. Je sais qu’elle est capable d’évoluer. J’ai bon espoir, par exemple, qu’elle rejoigne un jour le camp de ceux qui veulent en finir avec les violences faites aux enfants à naître ou qui luttent en faveur du respect intégral de la liberté et de la propriété.

 

En tout état de cause, le catholique que je suis ne peut envisager d’apporter son soutien au candidat prônant le socialisme[2], doctrine toujours condamnée par l’Église pour des raisons exposées dans les encycliques sociales[3] depuis Rerum Novarum.

 

 

                                                                                       Ozoir-la-Ferrière, le 11 juin 2012,

                                                                                                          Signature-bleue-1.jpg



[1] Voici la déclaration que je suis autorisé à reproduire :

1) Chantal Brunel est décidée à continuer sa lutte contre la polygamie et à se battre à nouveau pour l'adoption des mesures qui avaient été votées sur sa proposition puis retirées. Elle est désireuse que le terme "mariage" s'applique à l'union d'un homme et d'une femme et est hostile à l'adoption par un couple homosexuel (engagement n° 11 de Thierry Jallas).

2) Elle a proposé et voté une baisse de 10% de toutes les indemnités des "grands élus"(parlementaires, présidents de région ou de département, maires des très grandes villes).La gauche n'a pas voté ce texte. Elle se l'applique d'ores et déjà en versant tous les mois 10% à des associations seine-et-marnaises (Lutte contre le cancer, Restos du Cœur, Secours Catholique, Secours Populaire etc.)(14)

3) CB est en faveur de l'ouverture à la concurrence des monopoles tels que : courrier, transports .Cette ouverture est lancée mais elle est trop lente (13).

4) L'inconvénient de la proportionnelle tient au pouvoir des partis politiques et singulièrement des partis politiques établis. L'électeur a une faible capacité de choix : il suffit d'être bien placé par le parti sur la liste pour être élu et rapidement, il n'y a plus aucun lien entre l'élu et l'électeur. Qui connaît les élus à la proportionnelle : élus régionaux ou européens? L'élu est totalement dépendant du parti pour être reconduit. Son vote à l'Assemblée sera dicté par le parti (9).

5) Éducation : CB est en faveur d'une plus grande autonomie des Lycées et un pouvoir accru des chefs d'établissement (4).

6) Logement : moins de fiscalité et plus de liberté (3).

7) Euthanasie : CB pense que la loi Leonetti représente un équilibre satisfaisant et qu'il convient de la laisser s'appliquer, d'en faire ensuite le bilan avant de chercher à la modifier.

 

[2] Larousse 2001 : « Socialisme : dénomination de diverses doctrines économiques, sociales et politiques condamnant toutes la propriété privée des moyens de production et d’échange ».

[3] Voir, par exemple, Centesimus annus, (Jean-Paul II, 1991) articles 12 à 15.

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