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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 00:04

Comme souvent, j'ai trouvé l'article de Michel de Poncins (Toqueville Magazine) du 29 novembre 2010 très intéressant. L'auteur sait dénicher, presque partout où ils se cachent, le collectivisme et les catastrophes qu'il engendre inéluctablement. Qui, mieux que lui, a su présenter une analyse libérale de cette information récente relative au classement de la cuisine française par l'UNESCO ?

Pour s'inscrire à la liste de diffusion du Toqueville Magazine, il suffit d'en faire la demande, par courriel (micheldeponcins@orange.fr) à l'auteur.

Vous retrouverez cet article, ainsi que d'autres tout aussi instructifs, sur le site de TOCQUEVILLE MAGAZINE ((www.libeco.net).

 

 

LA CUISINE FRANCAISE AU PATRIMOINE MONDIAL 

 

Un fait stupéfiant vient d'intervenir le 16 novembre 2010 : le classement par l'Unesco au patrimoine mondial du « repas gastronomique des Français », ce classement étant réalisé au titre du patrimoine culturel et immatériel de l'humanité (sic). Les autorités françaises ne se tiennent plus de joie car c'est la fin d'un long processus. Pour arriver à leurs fins les autorités ont déployé les grands moyens. Une foule de démarches diplomatiques pendant quatre ans ont été entreprises pour décrocher cette décoration de pacotille à grand renfort de dépenses publiques, c'est-à-dire d'impôts qui ruinent les restaurateurs petits ou grands ainsi que leurs clients. Une « mission » spéciale fut créée avec à sa tête Jean-Robert Pitte, alors Président de la Sorbonne. Mais la ruine vient aussi de l'existence de ce prétendu patrimoine mondial et de l'Unesco elle-même qui est un échelon avancé du pouvoir totalitaire mondial en accroissement permanent.

C'est l'occasion d'analyser cette gigantesque arnaque internationale.

COMMENT ET POURQUOI LE PATRIMOINE MONDIAL ?

L'origine remonte à 1972 date à laquelle l'ensemble des États ont donné à l'Unesco le droit exorbitant de classer des monuments dans un prétendu patrimoine mondial ; c'était une atteinte grave au droit de propriété déjà très souvent réduit pour les monuments historiques par les interventions abusives des États. L'avidité des « Unescocrates » pour l'extension rémunératrice de leurs pouvoirs voyait un champ illimité s'ouvrir eux.

Après les monuments, vinrent les sites comme les rivages de la Seine ou le val de Loire et puis les « odeurs » : la fameuse place El Djamena à Marrakech fut « distinguée » pour son atmosphère et ses odeurs ; en fait d'ailleurs il y a aujourd'hui beaucoup d'odeurs d'essence sur la fameuse place ! Et maintenant nous voici dans l'immatériel : le flamenco se met sur les rangs avec bien d'autres.

Comme dans toute entreprise publique le miroir aux alouettes est tendu savamment aux futures victimes. Pour les monuments, il est facile de séduire les élus locaux ardents comme toujours pour dépenser de l'argent enlevé par la force à leurs concitoyens : il leur est facile de faire célébrer par la presse subventionnée le supposé « honneur » que la ville recevra et d'annoncer de mensongers bénéfices pour les habitants !

Pour bien montrer l’utilité du classement de la Loire, les fonctionnaires viennent de planter tout au long du fleuve des panneaux dénommés « girouets » (sic). Quant aux propriétaires privés de monuments, il est facile de les allécher par la promesse de grasses subventions.

Du coté des « Unescocrates » pas de problème pour exciter leur enthousiasme. Quoi de plus « grand et délicieux » que de se donner d'une façon illégitime le droit de juger d'un tel classement ? De multiples voyages dans de luxueux hôtels s'imposent pour apprécier de visu la valeur de tel monument ou de tel site. Notons que, dès lors qu'il s'agit de gastronomie, les fourchettes sont en état d'alerte maximum ; la régalade est générale au détriment de tous les affamés de la planète, ceci par une suite de conséquences bien connues des économistes.

LA SUPPOSEE GOUTTE D'EAU

La ruine vient inévitablement et d'abord par la richesse de l'Unesco dont le budget est en accroissement constant. Dans ce budget, les salaires et avantages particuliers des 175 directeurs et 1000 consultants comptent pour une large part comme dans tout dinosaure international conscient de sa dignité. La richesse fait dégouliner les impôts dans le monde entier. L'organisation, seule maitresse de sa communication, montrera facilement que les frais sont minimes par rapport à la population mondiale : c'est le faux raisonnement de la goutte d'eau utilisé sans arrêt par les prédateurs publics, qui omettent de rappeler que des milliards de gouttes d'eau forment le torrent qui engloutit la richesse générale.

Un collectif africain a écrit un memorandum à Frédéric Mayor, directeur général de l'Unesco : « Les structures de cette organisation papivore sont ankylosées et garnies de personnel essentiellement carriériste au sens primaire de la déontologie administrative. Les États se contentent de meubler et de truffer les différents services de l'organisation d'éléments qui n'ont d'autres qualifications que celle des liens de parenté qui les attachent aux dirigeants ou ministres des gouvernements qui les affectent.

L'organisation est, ainsi, gangrenée par une ignorance que nous n'osons pas dire cancéreuse, mais pour correspondre à l'actualité « sidéenne », parce que généralisée et paralysante, toute activité des départements de l'organisation se confinant en gestion administrative et en la reproduction de vieux documents non actualisés, de rejet systématique de tout document nouveau comportant des projets de renouvellement ou d'enrichissement de la réflexion et de la pensé créatrices... . »

S'agissant du prétendu patrimoine mondial il s'ajoute dans les causes de ruine le choix arbitraire des lieux, des odeurs ainsi que de l'immatériel : pourquoi tel monument et pas tel autre ? Pourquoi pas la cuisine chinoise ou indienne ?

Les règlementations sont particulièrement nocives. Derrière le classement se cache une réduction grave du droit de propriété. En France le logement souffre épouvantablement de la règlementation ubuesque qui entoure le permis de construire. Le classement des rives de la Seine et de bien d'autres lieux ajoute une couche de délais et de servitudes propres qui renchérissent le coût des logements.

Pour la cuisine française il convient de s'interroger sur les futures règlementations : le bœuf bourguignon et le gratin dauphinois seront-ils soumis à des normes fixées pour l'éternité avec sanctions à l'appui ? D'autres perspectives ne sont guère encourageantes. La France s'est engagée pour obtenir le classement à « une politique de promotion, de sensibilisation, d'information et de transmission aux plus jeunes ainsi qu'à nos descendants » . Il nous est promis une « cité de la gastronomie » qui sera la source de fromages « succulents » dans tout les sens du terme !

LA DERIVE IDEOLOGIQUE

Quand il s'agit de dinosaures internationaux dans la mouvance de l'ONU, les dérives idéologiques ne sont jamais loin.

En 1984 les USA avaient quitté l’organisation pour deux raisons ; d’abord la gestion était catastrophique avec une foule de malversations à l’appui. En plus l’Unesco était un repère de marxistes et elle l’est restée.

Pour se distraire et illustrer en même temps le propos sur la ruine, voici un scoop. Quand les USA partirent avec fracas, l’Unesco avait de ce fait un gros problème de budget les malheureux contribuables Américains contribuant à hauteur de 22 % au budget du monstre ; il fallait à tout prix revoir les dépenses, d’autant plus que la Grande-Bretagne et Singapour avaient suivi en 1985. Les 175 Directeurs n'étaient pas capables de prendre les décisions d'économie nécessaires sans partir d'urgence en séminaire lointain pour les étudier. Où eut lieu le séminaire ? A Taormines, ce lieu parfaitement magique en Sicile d’où on voit les fumerolles de l’Etna sans risquer d'avoir trop chaud.

La Grande-Bretagne a pour sa part réintégré l’organisation en 1997. Les Américains sont revenus peu après sou le prétexte que depuis la chute du mur de Berlin le marxisme n’était plus dangereux, ce qui est évidemment faux. Quant aux malversations il est des chances qu'elles continuent de plus belle, car elles sont « monnaie courante » si l'on peut dire dans ces organismes où les vrais contrôles n'existent pas.

Au titre des dérives idéologiques l'Unesco a innové d'une façon terrifiante en rendant public le texte des « droits de l’animal » :

« Considérant que la vie est une, tous les êtres vivants ayant une origine commune et s'étant différenciés au cours de l'évolution des espèces. Considérant que tout être vivant possède des droits naturels et que tout animal doté d'un système nerveux possède des droits particuliers »... . » Après avoir dit que l'espèce humaine n'est qu'une espèce animale parmi les autres, elle termine en exigeant que « la défense et la sauvegarde de l’animal aient des représentants au sein des gouvernements et organismes ».

Autre dérive à signaler le panthéisme. Un document de l'Unesco de 1991 condamne « La tradition judéo chrétienne envers l'environnement...Les judéo chrétiens ont soutenu que, selon la genèse, l'Homme est créé à l'image de Dieu qui lui a ordonné d'assujettir la terre. La Genèse confère manifestement à l'homme un droit venu de Dieu d'exploiter la terre sans restrictions morales » Le Secrétaire Général de l'ONU, à l'époque Boutros Ghali, avait fait, à la conférence de Rio, l'apologie du polythéisme : « La nature est la demeure des divinités. Celles-ci ont conféré à la forêt, au désert, à la montagne, une personnalité, qui inspire le respect. La terre a une âme, la ressusciter, telle est l'essence de Rio ». Après les animaux, voici la forêt : pourquoi pas les druides ?

SORTIR DE L'UNESCO ?

Si la France en toute sagesse et logique sortait de l'Unesco les idiots utiles du prétendu patrimoine mondial se déchaineraient. Parmi eux les intérêts conjugués signalés plus haut feraient barrage ; ils ne savent pas qu'en fait les intéressés paient par leurs impôts bien plus que ce qu'ils croient recevoir. Les prétentieux et les cuistres crieraient à l'attentat contre la culture. Il faudrait leur rappeler que la culture ne saurait être imposée par la force et qu'elle n'est valable que si elle s'exerce dans la liberté qu'offre l'économie de marché.

Il est vrai que les Unescocrates ne peuvent comprendre un tel raisonnement. A force de se considérer comme des animaux, ils doivent voir se rétrécir leurs capacités cognitives, ce qui ne les empêchent pas de partager avec leurs frères jumeaux une voracité bien connue.

Michel de Poncins

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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 23:22

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE - Isaïe 35 , 1...10

1 - Le désert et la terre de la soif, qu'ils se réjouissent !
2 - Le pays aride, qu'il exulte et fleurisse,
qu'il se couvre de fleurs des champs,
qu'il exulte et crie de joie !
La gloire du Liban lui est donnée,
la splendeur du Carmel et de Sarône.
On verra la gloire du Seigneur,
la splendeur de notre Dieu.
3 - Fortifiez les mains défaillantes,
affermissez les genoux qui fléchissent.
4 - Dites aux gens qui s'affolent :
« Prenez courage, ne craignez pas.
Voici votre Dieu :
c'est la vengeance qui vient,
la revanche de Dieu.
Il vient lui-même
et va vous sauver. »
5 - Alors s'ouvriront les yeux des aveugles
et les oreilles des sourds.
6 - Alors le boiteux bondira comme un cerf
et la bouche du muet criera de joie.

10 - Ils reviendront, les captifs rachetés par le Seigneur,
ils arriveront à Jérusalem dans une clameur de joie,
un bonheur sans fin illuminera leur visage ;
allégresse et joie les rejoindront,
douleur et plainte s'enfuiront.

Je commence tout de suite par le mot difficile de ce texte : au milieu de promesses magnifiques, Isaïe parle de la vengeance de Dieu. Voilà pour nous l'occasion de découvrir une fois pour toutes ce que veut dire ce mot dans la Bible ! Car Isaïe lui-même l'explique très clairement. Il prêche au sixième siècle, au moment de l'Exil à Babylone : à cette époque-là, visiblement, il y a des gens qui s'affolent, puisque le prophète dit : « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent. Dites aux gens qui s'affolent... » Et c'est pour les rassurer qu'il annonce la vengeance de Dieu : « Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. » Et il en donne aussitôt la définition : « Votre Dieu vient lui-même et va vous sauver. » Il continue : « Alors s'ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds, alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. »

Cela veut dire qu'au moment où ce texte a été écrit, l'expression « vengeance de Dieu » est non un épouvantail mais une promesse de salut. C'est donc un sens extrêmement positif du mot « vengeance » ; dans ce texte, il est bien clair que Dieu ne se venge pas des hommes, il ne prend pas sa revanche contre les hommes, mais contre le mal qui atteint l'homme, qui abîme l'homme ; sa revanche c'est la suppression du mal, c'est comme dit Isaïe « les aveugles qui voient et les sourds qui entendent, les boiteux qui bondissent et les muets qui crient de joie, les captifs qui sont libérés ». Quelle que soit l'humiliation physique ou morale que nous ayons subie, il veut nous libérer, nous relever.

Mais il faut bien dire qu'on n'a pas toujours pensé comme cela ! Le texte d'Isaïe est assez tardif dans l'histoire biblique (6ème siècle) ; il a fallu tout un long chemin de révélation pour en arriver là. Au début de son histoire, le peuple de la Bible imaginait un Dieu à l'image de l'homme, un Dieu qui se venge comme les humains.

Puis, au fur et à mesure de la Révélation, grâce à la prédication des prophètes, on a commencé à découvrir Dieu tel qu'il est, et non pas tel qu'on l'imaginait ; alors le mot « vengeance » est resté dans le vocabulaire mais son sens a complètement changé ; nous avons déjà vu plusieurs fois dans la Bible ce phénomène de retournement complet du sens d'un mot : c'est le cas pour le sacrifice, par exemple, et aussi pour la crainte de Dieu.
Très concrètement, quand Isaïe écrit le texte de ce dimanche, le salut auquel aspirent ses contemporains, c'est le retour au pays de tous ceux qui sont exilés à Babylone ; ils ont vécu les atrocités du siège de Jérusalem par les armées de Nabuchodonosor ; et maintenant, l'exil n'en finit pas ! Cinquante années, de quoi perdre courage. Ce n'est pas par hasard qu'Isaïe leur dit « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s'affolent : Prenez courage, ne craignez pas ». Pendant ces cinquante années, on a rêvé de ce retour, sans oser y croire. Et voilà que le prophète dit « c'est pour bientôt » : « Ils reviendront les captifs rachetés par le Seigneur, ils arriveront à Jérusalem dans une clameur de joie ».

Pour rentrer au pays, le chemin le plus direct entre Babylone et Jérusalem traverse le désert d'Arabie ; mais cette traversée du désert, Isaïe la décrit comme une véritable marche triomphale... mieux, une procession grandiose : le désert se réjouira, le pays aride exultera et criera de joie, il « jubilera » dit même le texte hébreu... Le désert sera beau... et alors là on pense à ce qui est le plus beau au monde pour un habitant de la Terre Sainte à l'époque : ce qui est le plus beau au monde, ce sont les montagnes du Liban, les collines du Carmel, la plaine côtière de Sarône ! Alors on dit : le désert sera beau comme cela ! beau comme les montagnes du Liban, beau comme les collines du Carmel, beau comme la plaine côtière de Sarône...

Et tout cela sera l'oeuvre de Dieu : « Il vient lui-même et va vous sauver... » ; c'est cette œuvre de salut que le prophète appelle « la gloire de Dieu ». Il dit : « On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. » Et Isaïe continue : « Ils reviendront les captifs rachetés par le Seigneur » ; et l'on sait que le mot « rachetés », dans la Bible, veut dire « libérés » ; tout comme le mot « rédemption » signifie « libération ».
La Loi juive prévoyait une règle qu'on appelait le « rachat » : lorsqu'un débiteur était obligé de vendre sa maison ou son champ pour payer ses dettes, son plus proche parent payait le créancier à sa place et le débiteur gardait donc sa propriété (Lv 25, 25) ; si le débiteur avait été obligé de se vendre lui-même comme esclave à son créancier parce qu'il ne possédait plus rien, de la même manière son plus proche parent intervenait auprès du créancier pour libérer le débiteur, on disait qu'il le « revendiquait ». Il y avait bien un aspect financier, mais il était secondaire : ce qui comptait avant tout, c'était la libération du débiteur.

Le génie d'Isaïe a été d'appliquer ces mots à Dieu lui-même pour nous faire comprendre deux choses : premièrement, Dieu est notre plus proche parent ; deuxièmement, il veut nous libérer de tout ce qui nous emprisonne. Et c'est pourquoi nous chantons si volontiers « Alleluia » qui veut dire « Dieu nous a amenés de la servitude à la libération ».

***
Compléments
- Le racheteur s'appelait le « Go'el » ; ce mot ne se trouve pas dans les versets lus ce dimanche, mais il apparaît au verset 9 ; (au verset 10, c'est un synonyme). Nous sommes donc bien dans ce cadre-là.

PSAUME 145 ( 146 )

7 - Le Seigneur fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le pain, le Seigneur délie les enchaînés.
8 - Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes.
9 - Le Seigneur protège l'étranger. il soutient la veuve et l'orphelin.
10 - Le Seigneur est ton Dieu pour toujours.

Nous n'avons lu ici que quatre versets de ce psaume qui en comporte dix et nous n'avons donc pas entendu les Alleluia du premier et du dernier versets. Pour être ainsi encadré par le mot « Alleluia » qui signifie littéralement « Louez Dieu », ce psaume est tout entier un chant de louange et de reconnaissance. Il a été écrit après le retour de l'Exil à Babylone, peut-être pour la dédicace du Temple restauré.

Le Temple avait été détruit en 587 av.J.C. par les troupes du roi de Babylone, Nabuchodonosor. Cinquante ans plus tard (en 538 av. J.C.), quand Cyrus, roi de Perse, a vaincu Babylone à son tour, il a autorisé les Juifs, qui étaient esclaves à Babylone, à rentrer en Israël et à reconstruire leur Temple. Vous savez que cela n'a pas été sans mal, de graves dissensions étant apparues entre ceux qui rentraient au pays, pleins d'ardeur et ceux qui s'y étaient installés entre temps. Il a fallu l'énergie et l'obstination des prophètes Aggée et Zacharie pour que les travaux soient quand même menés à bien : ils ont duré de 520 à 515 sous le règne de Darius. La dédicace de ce Temple rebâti a été célébrée dans la joie et dans la ferveur. Le livre d'Esdras raconte : « Les fils d'Israël, les prêtres, les lévites et le reste des déportés firent dans la joie la Dédicace de cette Maison de Dieu ». (Esd 6, 16).

Ce psaume est donc tout imprégné de la joie du retour au pays. Une fois de plus, Dieu vient de prouver sa fidélité à son Alliance : déjà au moment de l'Exode et de la sortie d'Egypte, et maintenant, avec la sortie de Babylone, il a relevé son peuple, il l'a « vengé » au sens où l'entend Isaïe (voir la première lecture). Quand Israël relit son histoire, il peut témoigner que Dieu l'a accompagné tout au long de sa lutte pour la liberté : « Le Seigneur fait justice aux opprimés, le Seigneur délie les enchaînés ». Au cours de sa marche au désert, pendant l'Exode, Dieu lui avait envoyé la manne et les cailles pour sa nourriture : « Aux affamés, il donne le pain ». Et c'est ainsi que, peu à peu, on a découvert ce Dieu qui, systématiquement, prend parti pour la libération des enchaînés et pour la guérison des aveugles, pour le relèvement des petits de toute sorte.

Ce n'était pas l'idée que l'on se faisait spontanément du Créateur de l'univers et il a bien fallu toute la révélation biblique pour accepter cette représentation surprenante de Dieu : c'est l'honneur et la fierté du peuple d'Israël d'avoir révélé à l'humanité le Dieu d'amour et de miséricorde ; « miséricorde », cela veut dire « des entrailles qui vibrent à la souffrance ». Vous vous souvenez peut-être de cette phrase superbe que nous avions lue il y a quelques semaines dans le livre du Siracide « Les larmes de la veuve coulent sur les joues de Dieu » (Si 35,18) . Notre psaume ne dit pas autre chose : « Le Seigneur soutient la veuve et l'orphelin ».

A son tour, le peuple était invité à imiter Dieu, à se conduire avec la même miséricorde vis-à-vis de tous les opprimés de toute sorte. Et vous savez bien que, pour être sûr que le peuple se conforme peu à peu à la miséricorde de Dieu, la Loi d'Israël comportait beaucoup de règles de protection des veuves, des orphelins, des étrangers. Quant aux prophètes, c'est sur ces critères-là entre autres qu'ils jugeaient de la fidélité d'Israël à l'Alliance.

A un autre niveau de lecture, au fur et à mesure qu'il vit dans l'Alliance avec Dieu, le peuple croyant découvre peu à peu que Dieu le transforme en profondeur :
« Aux affamés, il donne le pain », le pain matériel, oui... mais il y a au coeur de chacun d'entre nous une faim plus profonde ; à ces affamés-là, Dieu donne le pain de sa parole...
« Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles » ; il y a des aveuglements d'un autre ordre et beaucoup plus graves en définitive ; à ceux-là aussi, Dieu ouvre les yeux.
« Le Seigneur délie les enchaînés », il y a d'autres chaînes que celles des prisons, les chaînes de la haine, de l'orgueil, de la jalousie... et le croyant peut témoigner que Dieu peu à peu, le délivre de son coeur de pierre.

Alors on comprend que ce psaume soit encadré par des Alleluia ; je vous rappelle le sens que la tradition juive attache à ce simple mot « Alleluia » : « Dieu nous a amenés de la servitude à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil au jour de fête, des ténèbres à la brillante lumière, de la servitude à la rédemption. C'est pourquoi, chantons devant lui l'Alleluia ».

Bien sûr, les Chrétiens relisent ce psaume en l'appliquant à Jésus-Christ : non seulement il a nourri ses contemporains en multipliant pour eux les pains ; mais désormais il offre à chaque génération de baptisés le pain de son eucharistie ; c'est lui aussi qui a affirmé « Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres ; il aura la lumière qui conduit à la vie. » (Jn 8, 12). C'est en lui, enfin, que l'humanité peut accéder pleinement à la liberté et à la vie ; sa résurrection est la preuve que la mort biologique n'enchaîne pas les baptisés : « le Seigneur délie les enchaînés. »

Dernière remarque sur ce psaume : la Bible affirme que nous avons été créés à l'image et à la ressemblance de Dieu ; il nous arrive de nous demander en quoi. Nous avons ici au moins une réponse et un encouragement : la réponse, c'est chaque fois que nous intervenons en faveur d'un malheureux, quel qu'il soit, aveugle, sourd ou muet, prisonnier, étranger, nous sommes l'image de Dieu.

L'encouragement c'est : chaque fois que vous avez fait quelque chose pour le plus petit d'entre les miens, vous avez hâté le jour du Règne de Dieu... Vous connaissez l'histoire de cette catéchumène découvrant le récit de la multiplication des pains par Jésus et demandant « pourquoi ne le fait-il pas aujourd'hui pour tous les affamés du monde ? » Après un petit silence, elle avait murmuré : « Il compte peut-être sur nous pour le faire ?... »

DEUXIEME LECTURE - Jacques 5 , 7 - 10

7 - Frères,
en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience.
Voyez le cultivateur : il attend les produits précieux de la terre avec patience,
jusqu'à ce qu'il ait fait la première et la dernière récoltes.
8 - Ayez de la patience vous aussi, et soyez fermes,
car la venue du Seigneur est proche.
9 - Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres,
ainsi vous ne serez pas jugés.
Voyez : le Juge est à notre porte.
10 - Frères, prenez pour modèles d'endurance et de patience
les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur.

Il y avait au moins trois Jacques dans l'entourage proche de Jésus : le premier, c'est Jacques, fils de Zébédée (c'est celui qu'on retrouve avec Jean son frère à la Transfiguration et à Gethsémani) ; Jésus avait surnommé les deux frères « fils du tonnerre », ce qui nous laisse imaginer pour le moins un caractère volcanique !) ; nous, nous l'appelons Jacques le Majeur ; c'est celui qu'on prie à Saint Jacques de Compostelle... le second, c'est Jacques, fils d'Alphée, lui aussi membre du groupe des Douze apôtres et enfin le troisième, c'est Jacques, cousin de Jésus, (on disait frère de Jésus) qui fut l'un des premiers responsables de la communauté de Jérusalem. Généralement c'est à ce dernier qu'on attribue la lettre qu'on appelle de Saint Jacques ; mais on n'est sûr de rien.

En tout cas, on retrouve dans cette lettre un thème qui était habituel pour les premières générations chrétiennes, celui de l'attente : l'horizon, pour lui, la perspective si vous préférez, c'est la venue du Seigneur. Déjà dans les lettres de Saint Paul, nous avons souvent remarqué qu'il avait sans cesse les yeux tournés vers le but à atteindre, l'accomplissement définitif du projet de Dieu.

Je remarque au passage que, paradoxalement, c'est au début de la prédication chrétienne qu'on était le plus impatient de voir la fin du monde... peut-être parce que la vue du Christ ressuscité en avait donné un avant-goût ?
J'ai employé le mot « impatient »... et justement, Jacques recommande la patience : il y insiste quatre fois dans ces quelques lignes ; et si je le comprends bien, patience rime avec espérance : « En attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience » : l'espérance, c'est la certitude de la venue du Seigneur, une certitude telle qu'elle nous tient en éveil, tendus vers ce but comme on l'est dans une course selon une comparaison habituelle chez Paul.

Mais cette course est une course de fond, nous dit Jacques, il y faut du souffle : le verbe grec que Jacques emploie ici et qui a été traduit par « ayez de la patience » signifie justement « avoir le souffle long »... Il faut croire que le délai de ce qu'on appelait la parousie, l'avènement définitif du Royaume de Dieu, était vécu comme une épreuve d'endurance... Au tout début, après la Résurrection du Christ et son Ascension, on a cru que son retour glorieux était pour très bientôt ; et puis, les années passant, il a bien fallu s'installer dans la durée. C'est là que l'espérance est devenue une affaire de patience : on pourrait dire peut-être que l'espérance, c'est la foi à l'épreuve du temps... (quand l'attente est devenue une course de fond).

Une course de fond, cela demande du souffle, et le souffle, demandez aux coureurs, aux chanteurs, ou aux flûtistes, il y faut de l'entraînement. Pour leur entraînement, Jacques donne deux modèles à ses chrétiens : la sagesse du cultivateur, le courage du prophète. D'année en année, le cultivateur a appris le retour des saisons : il sait que « Dieu donne en son temps la pluie qu'il faut pour la terre » comme dit le livre du Deutéronome.
Quant aux prophètes, tous ont eu à affronter l'hostilité de ceux à qui ils annonçaient ce qui était pourtant la parole de salut. Ils ont tous dû apprendre la fermeté et la patience pour rester fidèles à leur mission. La communauté chrétienne de Saint Jacques a elle aussi une mission prophétique qui ressemble à une épreuve d'endurance ; il lui faut du souffle, il lui faut aussi un coeur solide ; Jacques répète : « soyez fermes », l'expression exacte, c'est « Affermissez votre coeur ».

Curieusement, dans le verset suivant, que nous n'avons pas entendu aujourd'hui, Jacques cite un modèle d'endurance de l'Ancien Testament ; et qui choisit-il ? Job ; c'est la seule et unique fois où le Nouveau Testament cite le personnage de Job, cela mérite donc d'être souligné. « Voyez : nous félicitons les gens endurants ; vous avez entendu l'histoire de l'endurance de Job... » (Jc 5, 11)... Sous-entendu, si vous êtes aussi patients que lui, et fermes dans votre espérance, vous aussi vous rencontrerez le Seigneur comme Job l'a rencontré.

Concrètement, c'est dans leurs relations mutuelles que les chrétiens ont à remplir une mission prophétique : « C'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres que l'on vous reconnaîtra pour mes disciples » avait dit Jésus. Jacques dit quelque chose d'analogue : « Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. » Ce qui, évidemment, nous renvoie à une autre phrase de Jésus : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » (Mt 7, 1 ; Lc 6, 37) sous-entendu Dieu seul est juge. Et d'ailleurs la traduction plus littérale dit « ne vous posez pas en juges » ce qui montre mieux que juger c'est usurper un droit qui ne nous appartient pas.
Jacques emploie l'expression « Le Juge est à votre porte » : d'abord c'est une image, car effectivement, dans les temps anciens, les juges siégeaient aux portes des villes, ils n'étaient pas dans la ville. Ensuite, cela veut dire deux choses : premièrement, la venue du Seigneur sera l'heure du Jugement, sous-entendu « vivez dans cette perspective » ; et là nous retrouvons bien les thèmes prophétiques, en particulier, la prédication de Jean-Baptiste ; deuxièmement, le Juge, ce n'est pas vous.

Apparemment, ce rappel n'était pas superflu car, dans sa lettre, Jacques y revient plusieurs fois : « Ne médisez pas les uns des autres » ou bien encore « Qui es-tu, toi, pour juger ton prochain ? »
Et Jacques continue « Le Juge (sous-entendu le seul vrai juge) est à notre porte ». Celui qui regarde le coeur et non les apparences, celui qui seul peut sonder les reins et les coeurs... le vrai moissonneur qui ne précipite pas la moisson de peur de déraciner le blé avec l'ivraie (Mt 13, 29)...

La leçon est valable pour nous : d'un côté, nous sommes si bien installés dans la durée que nous manquons peut-être bien du souffle qui fait les prophètes ; mais de l'autre, nous nous posons parfois en juges, ce qui n'est pas notre métier, ou notre vocation, si vous préférez, et nous risquons de confondre l'ivraie et le bon grain.
Décidément, l'histoire de la paille et de la poutre est de tous les temps !

EVANGILE - Matthieu 11, 2 - 11

2 Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ.
Il lui envoya demander par ses disciples :
3 « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
4 Jésus leur répondit :
« Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez :
5 Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés,
les sourds entendent, les morts ressuscitent,
et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
6 Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! »
7 Tandis que les envoyés de Jean se retiraient,
Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean :
« Qu'êtes-vous allés voir au désert ?
Un roseau agité par le vent ?...
8 Alors qu'êtes-vous donc allés voir, un homme aux vêtements luxueux ?
Mais ceux qui portent de tels vêtements
vivent dans les palais des rois.
9 Qu'êtes-vous donc allés voir ?
Un prophète ?
Oui, je vous le dis, et bien plus qu'un prophète.
10 C'est de lui qu'il est écrit :
Voici que j'envoie mon messager en avant de toi,
pour qu'il prépare le chemin devant toi.
11 Amen, je vous le dis :
Parmi les hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean-Baptiste ;
et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. »


Dimanche dernier, l'évangile nous a présenté Jean-Baptiste baptisant dans le Jourdain tous ceux qui venaient à lui. Il disait : « quelqu'un vient après moi ». Et il semble bien que lorsque Jésus lui a demandé le baptême, Jean-Baptiste a reconnu en lui le Messie que tout le monde attendait. Et puis les mois ont passé.

Jean-Baptiste a été mis en prison par Hérode. Les historiens de l'époque situent cet emprisonnement autour de l'année 28 et Saint Matthieu dans son évangile dit que c'est à partir de ce moment-là que Jésus a commencé vraiment sa prédication. Il a quitté la région du Jourdain et est parti vers le Nord en Galilée. C'est là qu'il a commencé sa vie publique. Matthieu nous rapporte toute une série de discours, y compris le fameux discours sur la montagne, les Béatitudes, et puis des actes : des quantités de guérisons d'abord, mais aussi des manières d'être un peu étranges ; par exemple, Jésus s'est entouré de disciples, pas tous très recommandables (il y a un publicain) et plutôt disparates. Sur le plan religieux (comme sur le plan politique) ils ne sont pas tous du même bord, c'est le moins qu'on puisse dire...

Et puis pour un prophète, il n'est pas très ascète ! Jean-Baptiste en était un, tout le monde admirait ça au moins. Jésus, lui, mange et boit comme tout le monde mais plus grave encore, il s'affiche avec n'importe qui. Le plus décevant encore, dans tout cela, c'est que Jésus lui-même ne revendiquait pas le titre de messie : il ne cherchait pas le pouvoir, d'aucune manière.

Dans sa prison, Jean-Baptiste entendait parler de tout ce qui se passait : il faut savoir que la détention dans les prisons antiques n'était pas nécessairement inhumaine. On a de nombreux exemples de relations des prisonniers avec l'extérieur et dans la prison. On peut donc très bien imaginer que les disciples le tenaient au courant des faits et gestes du Nazaréen. Si bien que Jean-Baptiste se posait des questions.
Et il a fini par se demander : est-ce que je me serais trompé de Messie ? Donc il envoie des disciples à Jésus avec une question : le Messie, c'est toi, oui ou non ?
La question de Jean-Baptiste est réellement cruciale, pour Jean-Baptiste bien sûr puisqu'il la pose, mais aussi pour Jésus. Lui aussi a été obligé de se la poser très certainement et plusieurs fois dans sa vie, il a eu des choix à faire ; (l'épisode des Tentations, par exemple, le dit clairement).

Cette question au fond c'est : le messie, on est tous sûrs qu'il va venir. On sait qu'il apportera à tous le salut : mais comment sera-t-il ?

Il y avait deux sortes de textes dans l'Ecriture pour annoncer le messie : les textes qui parlaient de ses oeuvres, les textes qui parlaient de ses titres. Pour les titres, certains le présentaient comme un roi, d'autres comme un prophète, d'autres comme un prêtre. Jésus ne cite aucun des textes sur les titres du messie, il n'en revendique aucun, une fois encore.

En revanche, il cite bout à bout plusieurs textes qui parlaient des oeuvres du Messie : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. »

Jésus ne répond donc pas par oui ou par non à la question de Jean-Baptiste. Il cite les prophéties que Jean-Baptiste connaissait comme tout le monde et il lui dit : vérifie par toi-même si c'est bien ça que je suis en train de faire. Sous-entendu : oui, je suis bien le Messie, le vrai Fils de Dieu, tu ne t'es pas trompé. Seulement si tu es surpris, choqué par mes manières de faire, c'est qu'il te reste à découvrir le Vrai visage de Dieu... un Dieu avec les hommes au service de l'homme. Ce n'était pas comme cela qu'on l'imaginait.

Enfin, Jésus termine sa phrase par un mot d'admiration et d'encouragement pour le prisonnier « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! » Car Jean-Baptiste nous donne un exemple en quelque sorte : Au lieu d'entretenir son doute en ruminant les bribes d'informations qu'il a reçues, au lieu de se faire sa propre opinion sur Jésus, Jean-Baptiste a pris le chemin direct en envoyant à Jésus lui-même quelques-uns de ses disciples... Par cette démarche, Jean-Baptiste manifeste qu'il n'a pas perdu confiance. La foi, il l'a toujours, et il demande à Jésus lui-même de l'éclairer. Bienheureux homme qui reste debout même dans le doute !

Alors Jésus demande à ses auditeurs : en fait, pourquoi êtes-vous allés là-bas, pour faire du tourisme, pour rêver ?

Non, dit-il, sans le savoir peut-être, vous êtes allés vers le plus grand des prophètes, celui qui dit la parole finale de l'Ancien Testament : celui que Dieu envoie comme messager pour ouvrir la voie au Messie. C'est lui que la Bible avait plusieurs fois annoncé et qu'on appelle le précurseur, celui qui court devant pour ouvrir la route. Il est le plus grand des prophètes parce qu'il apporte le message décisif : ça y est, la promesse de Dieu se réalise. Mais Jésus ajoute : « cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que Jean-Baptiste ! »

Parole étrange, mais qui dit bien qu'avec la venue de Jésus, l'histoire humaine vient de basculer : Jean-Baptiste n'est que le porteur d'un message et le contenu de ce message le dépasse infiniment. Ce qu'il ne sait pas et que le plus petit des disciples de Jésus va découvrir, c'est le contenu du message : « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous ».

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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 22:36

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE - Isaïe 11 , 1 - 10

Parole du Seigneur Dieu.
1 Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David,
un rejeton jaillira de ses racines.
2 Sur lui reposera l'esprit du Seigneur :
esprit de sagesse et de discernement,
esprit de conseil et de force,
esprit de connaissance et de crainte du Seigneur
qui lui inspirera la crainte du Seigneur.
3 Il ne jugera pas d'après les apparences,
il ne tranchera pas d'après ce qu'il entend dire.
4 Il jugera les petits avec justice,
il tranchera avec droiture en faveur des pauvres du pays.
Comme un bâton, sa parole frappera le pays,
le souffle de ses lèvres fera mourir le méchant.
5 Justice est la ceinture de ses hanches ;
fidélité, le baudrier de ses reins.
6 Le loup habitera avec l'agneau,
le léopard se couchera près du chevreau,
le veau et le lionceau seront nourris ensemble,
un petit garçon les conduira.
7 La vache et l'ourse auront même pâturage,
leurs petits auront même gîte.
Le lion, comme le boeuf, mangera du fourrage.
8 Le nourrisson s'amusera sur le nid du cobra,
sur le trou de la vipère l'enfant étendra la main.
9 Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu
sur ma montagne sainte ;
car la connaissance du Seigneur remplira le pays
comme les eaux recouvrent le fond de la mer.
10 Ce jour-là, la racine de Jessé, père de David,
sera dressée comme un étendard pour les peuples,
les nations la chercheront,
et la gloire sera sa demeure.


Visiblement, on parlait déjà d'arbres généalogiques à l'époque du prophète Isaïe ! Car c'est bien de cela qu'il s'agit ici : quand Isaïe parle de la racine de Jessé, ou de la souche de Jessé, cela vise évidemment la dynastie du roi David.
Vous connaissez l'histoire : Jessé avait huit fils. Et, parmi les huit, Dieu a envoyé son prophète Samuel choisir un roi ; or, curieusement, sur les conseils de Dieu, Samuel n'a choisi ni le plus âgé, ni le plus grand, ni le plus fort... mais le plus jeune, celui qui était berger, dans les champs, avec les bêtes. Et c'est ce petit David qui est devenu le plus grand roi d'Israël. Et c'est là que Jessé est devenu célèbre : il est le père du roi David ; il est l'ancêtre d'une longue lignée ; cette lignée, on la représente souvent comme un arbre : un arbre promis à un grand avenir, un arbre qui ne devait jamais mourir.

Car un autre prophète, Natan, avait été jusqu'à dire à David : Dieu te promet que tes descendants régneront pour toujours et que le peuple connaîtra enfin l'unité parfaite et la paix.

Pour être francs, les fruits de cet arbre ont été plutôt décevants : aucun roi de la dynastie de David n'a pleinement réalisé ces belles promesses ; mais on a toujours et même de plus en plus, continué d'espérer. Puisque Dieu l'a promis, on peut être certains que cela se réalisera, tôt ou tard. C'est comme cela, d'ailleurs, que le mot « Messie » a changé de sens.

Je m'explique : tous les rois, qu'ils soient bons ou mauvais, méritaient le titre de messie puisque « messie » (en hébreu) veut dire tout simplement « frotté d'huile » ; c'est une allusion à l'onction d'huile que recevait le roi le jour de son sacre. Mais, avec le temps, le mot « messie » a fini par être synonyme de « roi idéal », celui qui apporterait le bonheur et la justice sur la terre.

Je peux reprendre maintenant la première phrase du texte d'Isaïe : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton sortira de ses racines ». Ce qu'il dit à ses contemporains, c'est : pour l'instant , vous avez l'impression que toutes ces belles promesses sont envolées et que l'arbre généalogique de David ne produit rien de bon ! Mais, même d'un arbre mort, d'une souche, vous savez bien, Dieu peut faire ressurgir un rejeton inattendu. Soyez-en sûrs, tôt ou tard, le messie viendra.

Je reprends le texte : un cadre formé par les deux phrases sur l'arbre de Jessé, et à l'intérieur de ce cadre, deux parties ; la première parle de ce roi-messie sur qui reposera l'esprit du Seigneur ; et vous l'avez remarqué, les dons de l'Esprit sont au nombre de 7 parce que, dans la Bible, c'est le chiffre de la plénitude ; vous avez noté aussi l'insistance sur la « crainte du Seigneur » : « Sur lui reposera l'esprit du Seigneur, esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur qui lui inspirera la crainte du Seigneur. » A l'époque d'Isaïe, quand on parle de « crainte de Dieu », cela veut dire une attitude filiale, faite de confiance et de respect. Le roi-messie, quand il viendra, se conduira envers Dieu comme un fils, c'est-à-dire qu'il gouvernera son peuple comme Dieu le veut.

Nous comprenons alors l'insistance du prophète sur la justice : elle sera le mot d'ordre de ce roi idéal : « Justice est la ceinture de ses hanches, fidélité le baudrier de ses reins... Il ne jugera pas d'après les apparences, il ne tranchera pas d'après ce qu'il entend dire. Il jugera les petits avec justice, il tranchera avec droiture envers les pauvres du pays ». On sait qu'Isaïe avait de gros reproches à faire à ses contemporains sur ce sujet.
Isaïe continue : « Comme un bâton, sa parole frappera le pays, le souffle de ses lèvres fera mourir le méchant » ; la formule est un peu surprenante pour nous parce que, dans notre langage moderne, le mot « méchant » semble viser des personnes ; en fait il suffit de le remplacer par le mot « méchanceté » ou injustice ; il nous arrive d'employer l'expression « faire la guerre à la guerre », là on pourrait dire : le roi-messie fera la guerre à l'injustice.

- La deuxième partie de ce texte, c'est ce que l'on pourrait appeler la « fable des animaux » : cette merveilleuse image de l'harmonie universelle ; il ne s'agit pas d'un retour au Paradis terrestre, il s'agit au contraire de l'aboutissement final du projet de Dieu : le jour où l'Esprit aura fini de nous mener vers la vérité tout entière, comme dit Jésus ; ce jour où enfin « la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. »

- Enfin, Isaïe rappelle une fois de plus que le projet de Dieu concerne bien l'humanité tout entière : « Ce jour-là, la racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront ». Plus tard, Jésus dira « Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi ».

***
NB . Le texte de Martin Luther King « Je fais le rêve » est directement inspiré de ce passage d'Isaïe 11 ainsi que de Isaïe 2, 1-5.

PSAUME 71 ( 72 ) , 1...17

1 Dieu donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice.
2 Qu'il gouverne ton peuple avec justice, qu'il fasse droit aux malheureux !

7 En ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu'à la fin des lunes !
8 Qu'il domine de la mer à la mer, et du fleuve jusqu'au bout de la terre !

12 Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours
13 Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie.

17 Que son nom dure toujours ; sous le soleil, que subsiste son nom ! En lui, que soient bénies toutes les familles de la terre ; que tous les pays le disent bienheureux !

« Dieu donne au roi tes pouvoirs » : c'est une prière ... « Qu'il gouverne ton peuple avec justice », c'est un souhait. Ce sont les mots mêmes que l'on disait lors du sacre d'un nouveau roi... Nous sommes au Temple de Jérusalem... mais curieusement, ce psaume a été composé et chanté après l'Exil à Babylone, (donc entre 500 et 100 av.J.C.) c'est-à-dire à une époque où il n'y avait déjà plus de roi en Israël ; ce qui veut dire que cette prière, ce souhait ne concernent pas un roi en chair et en os... ils concernent le roi qu'on attend, que Dieu a promis, le roi-messie. Et puisqu'il s'agit d'une promesse de Dieu, on est sûr qu'elle se réalisera.

- La Bible tout entière est traversée par cette espérance indestructible : l'histoire humaine a un but, un sens ; et le mot « sens » veut dire deux choses : à la fois « signification » et « direction ». Dieu a un projet. Ce projet inspire toutes les lignes de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments : il porte des noms différents selon les auteurs. Par exemple, c'est le « Jour de Dieu » pour les prophètes, le « Règne des cieux » pour Saint Matthieu, le « dessein bienveillant » pour Saint Paul, mais c'est toujours du même projet qu'il s'agit. Comme un amoureux répète inlassablement des mots d'amour, Dieu propose inlassablement son projet de bonheur à l'humanité. Ce projet sera réalisé par le Messie et c'est ce Messie que les croyants appellent de tous leurs voeux lorsqu'ils chantent ce psaume au Temple de Jérusalem.

- Son projet de bonheur, Dieu l'avait déjà annoncé dès sa première parole à Abraham, au chapitre 12 de la Genèse, alors que celui-ci ne s'appelait encore que Abram ; Dieu lui avait promis : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » (Gn 12, 3*). Je crois qu'il est très important de ne jamais oublier que dès le début de la révélation biblique, il est clair que l'humanité tout entière est concernée, même si on ne l'a pas compris tout de suite. Le peuple d'Israël a découvert peu à peu qu'il est élu non pas pour garder son beau secret pour lui tout seul, mais pour annoncer au monde le projet de Dieu.

- Notre psaume ne dit pas autre chose : « En lui (sous-entendu le roi-messie) que soient bénies toutes les familles de la terre ; que tous les pays le disent bienheureux ».

- Un autre verset que nous avons lu également reprend une autre promesse de Dieu à Abraham, au chapitre 15 de la Genèse cette fois : « Le Seigneur conclut une Alliance avec Abram en ces termes : C'est à ta descendance que je donne ce pays, du Fleuve d'Egypte au grand fleuve, le fleuve Euphrate ». Et le psaume répond en écho : « Qu'il domine de la mer à la mer et du Fleuve jusqu'au bout de la terre ! » (Gn 15, 18).

- Plus tard, le livre de Ben Sirac (« l'Ecclésiastique ») rapprochera toutes ces promesses faites à Abraham ; on y lit : « Dieu assura par serment à Abraham que les nations seraient bénies en sa descendance, qu'il les multiplierait comme la poussière de la terre, qu'il exalterait sa descendance comme les étoiles et qu'ils recevraient le pays en héritage de la mer jusqu'à la mer et depuis le Fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. » (Si 44, 21).

- Nous qui sommes assez chatouilleux sur la démocratie, sommes peut-être un peu surpris qu'on puisse tant rêver d'un roi et d'un roi qui domine sur toute la planète « de la mer à la mer et du Fleuve jusqu'au bout de la terre ! » ; nos empereurs les plus ambitieux n'ont jamais osé rêvé jusque-là. Mais il ne faut pas oublier que, dans la Bible, c'est en définitive le peuple qui est au centre de la promesse : le roi n'est qu'un instrument dans la main de Dieu, un instrument au service du peuple. Et ce peuple aura la dimension de l'humanité.
- Une humanité enfin fraternelle et pacifique où plus personne ne connaîtra l'humiliation : « En ces jours-là fleurira la justice, grande paix jusqu'à la fin des lunes ! ».

- Enfin sera réalisé le rêve de justice et de paix qui hante toute l'humanité depuis les origines : ce n'est pas pour rien que le nom même de « Jérusalem », en hébreu, veut dire « ville de la paix » ; mais Bagdad, aussi veut dire « demeure de la paix », ou Dar-Es-Salam ; parce que tous les peuples en rêvent depuis toujours. Et c'est la force incroyable, l'audace de la Bible d'affirmer contre vents et marées, et contre toutes les apparences contraires, que le jour de la paix viendra. Et comme justice et paix vont ensemble, « justice et paix s'embrassent » dit même un autre psaume, il n'y aura plus de pauvre à la surface de la terre ; alors la terre sera vraiment « sainte » comme elle doit être ; cet idéal-là court lui aussi tout au long de la Bible ; le livre du Deutéronome disait « Il n'y aura pas de pauvre chez toi » (Dt 15, 4). Le psaume s'inscrit dans cette ligne : « Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie. »

- Tout ce psaume rappelle donc la promesse de Dieu et lui demande de hâter ce jour... non pas que Dieu risque d'oublier ses promesses ! Au contraire, si les pèlerins assemblés au temple de Jérusalem redisent ce psaume sur le roi-messie, c'est parce qu'ils savent que Dieu n'oublie pas son projet. Quand nous prions, il ne s'agit pas de rappeler à Dieu quelque chose qu'il risquerait d'ignorer ou d'oublier... Quand nous prions, nous apprenons à regarder le monde avec les yeux de Dieu ; nous nous replaçons devant le projet de Dieu pour raviver notre espérance et pour trouver la force de travailler à l'accomplissement de la promesse. Car la paix, la justice, le salut des pauvres et des malheureux ne viendront pas par un coup de baguette magique : à nous de prier, de faire nôtre le projet de Dieu, et de nous laisser guider par l'Esprit Saint pour nous engager dans ce combat. Avec sa lumière, avec sa force, avec sa grâce, nous y arriverons.

****
* A partir du texte hébreu, ce verset (Gn 12, 3) peut s'entendre de deux manières, et ces deux manières ne s'excluent pas l'une l'autre, au contraire elles s'additionnent : d'abord « Par toi se béniront toutes les familles de la terre » : c'est-à-dire, quand elles se souhaiteront du bien, toutes les familles de la terre feront référence à toi comme un modèle de réussite ; on dira « puisses-tu réussir comme notre père Abraham » ; deuxième traduction : « A travers toi, Abraham, grâce à toi, toutes les familles de la terre seront bénies, c'est-à-dire connaîtront le bonheur. » (à condition qu'elles veuillent bien entrer dans ce projet, bien sûr)

 

DEUXIEME LECTURE - Romains 15 , 4 - 9

Frères,
4 tout ce que les livres saints ont dit avant nous
est écrit pour nous instruire,
afin que nous possédions l'espérance
grâce à la persévérance et au courage que donne l'Ecriture.
5 Que le Dieu de la persévérance et du courage
vous donne d'être d'accord entre vous
selon l'esprit du Christ Jésus.
6 Ainsi d'un même coeur, d'une même voix,
vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.
7 Accueillez-vous donc les uns les autres
comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu,
vous qui étiez païens.
8 Si le Christ s'est fait le serviteur des Juifs,
c'est en raison de la fidélité de Dieu,
pour garantir les promesses faites à nos pères ;
mais je vous le déclare,
9 c'est en raison de la miséricorde de Dieu
que les nations païennes peuvent lui rendre gloire ;
comme le dit l'Ecriture :
je te louerai parmi les nations,
je chanterai ton nom

Voilà une phrase à écrire en lettres d'or : « Frères, tout ce que les livres saints ont dit avant nous est écrit pour nous instruire afin que nous possédions l'espérance... »
Etre convaincu que l'Ecriture n'a qu'un but, celui de nous instruire, qu'elle est pour nous source d'espérance, c'est la meilleure clé pour l'aborder. A partir du moment où nous abordons la Bible avec cet a priori positif, les textes s'éclairent. Pour le dire autrement, l'Ecriture est toujours Bonne Nouvelle ; concrètement, cela veut dire que si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris. Ce n'est pas un péché de ne pas comprendre, il faut seulement continuer à travailler pour découvrir la Bonne Nouvelle qui est toujours dans l'Ecriture.

Quand nous acclamons la Parole de Dieu à la Messe, ou bien quand nous disons « Evangile, (c'est-à-dire Bonne Nouvelle) de Jésus-Christ notre Seigneur », ce n'est pas une simple façon de parler. C'est le contenu même de notre foi ; comme dirait La Fontaine « Un trésor est caché dedans » ; à nous de creuser le texte pour le découvrir.
Pas étonnant que l'Ecriture nourrisse notre espérance puisqu'elle n'a en définitive qu'un seul sujet, l'annonce du fantastique projet de Dieu, ce que Paul appelle le « dessein bienveillant de Dieu », c'est-à-dire la parole d'amour de Dieu à l'humanité.

Revenons à notre lettre aux Romains : Paul continue par un rappel à l'ordre bien concret adressé aux Chrétiens de Rome : « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a accueillis » ; on peut en déduire aussitôt qu'il y avait un problème. On ne sait pas par qui Paul était informé de ce qui se passait dans cette communauté où il n'était jamais allé...

Mais à lire entre les lignes, on devine qu'il y avait un conflit entre deux camps, les Chrétiens d'origine juive et ceux d'origine païenne : les premiers restaient attachés à l'observance de toutes les pratiques juives, en matière de nourriture notamment, et les seconds trouvaient ces exigences périmées.

Nous connaissons bien ce problème qui a empoisonné très vite la vie des communautés chrétiennes : selon les lieux et les communautés, il pouvait jouer dans les deux sens : soit les Chrétiens d'origine juive voulaient imposer les pratiques juives à ceux qui étaient issus du paganisme ; soit les Chrétiens issus du paganisme se considéraient comme des esprits supérieurs parce qu'ils ne s'astreignaient pas à des pratiques jugées surannées. A Rome il s'agit peut-être de ce second cas. En tout cas il est clair que la discorde et peut-être le mépris s'installait.
Nous-mêmes au vingt-et-unième siècle, ne sommes pas exempts de querelles de ce genre : les camps portent d'autres noms mais à l'intérieur de la seule Eglise catholique, les diversités de sensibilités sont devenues des divergences et de véritables conflits parfois. La différence, c'est qu'aujourd'hui, pour éviter les conflits, chacun choisit sa paroisse ou son groupe, le lieu qui lui convient... Il n'est pas sûr qu'à terme, ce soit la solution la plus pacifique...

A Rome on essayait l'autre solution, celle de la cohabitation. Paul ne leur dit pas : séparez-vous, coupez la communauté en deux, les Chrétiens d'origine juive d'un côté, et ceux d'origine païenne de l'autre ; il leur donne, au contraire, des conseils de cohabitation : « soyez d'accord entre vous selon l'esprit du Christ Jésus. Ainsi d'un même coeur, d'une même voix, vous rendrez gloire à Dieu. »
Dans les versets qui précèdent notre passage d'aujourd'hui, il leur a dit : « Recherchons donc ce qui convient à la paix et à l'édification mutuelle » (14, 19) et « Que chacun de nous cherche à plaire à son prochain en vue du bien, pour édifier » (sous-entendu pour édifier la communauté) (15, 2). « Edifier », c'est un mot du vocabulaire de la construction : Paul veut dire par là que chacune de nos communautés chrétiennes est un édifice à construire au jour le jour ; encore faut-il que nous y mettions un peu du ciment de la patience et de la tolérance.

Comme toujours, la règle de la conduite des Chrétiens doit être d'imiter le Christ lui-même : « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a accueillis ».
Et qu'a fait le Christ ? Paul précise : « le Christ s'est fait le Serviteur des Juifs », ce qui est une allusion au personnage du serviteur décrit par Isaïe. Vous vous souvenez de ces quatre textes des chapitres 42 à 53 du livre d'Isaïe qui décrivent le Serviteur de Dieu : choisi par Dieu, (le texte dit même qu'il est « l'Elu » de Dieu), le Serviteur, instruit chaque matin par la Parole, donne sa vie pour ses frères et grâce au don de sa vie, il sauve ses frères, et mieux encore, le salut de Dieu parvient à toutes les nations.

Manifestement quand Paul écrit aux Romains, il est imprégné de ces quatre textes. Et il relit la vie du Christ à leur lumière. Grâce au don que Jésus a fait de sa vie, tous sont sauvés, les Juifs à cause de l'Alliance avec Israël, les anciens païens par pure grâce. Il n'est donc pas question pour qui que ce soit d'invoquer une quelconque supériorité, tout est l'oeuvre du Christ : « Si le Christ s'est fait le Serviteur des Juifs, c'est en raison de la fidélité de Dieu à ses promesses... mais c'est en raison de la miséricorde de Dieu que les nations païennes peuvent lui rendre gloire ».
Conclusion : accueillez-vous mutuellement, juifs ou païens devenus chrétiens, ne vous occupez plus de votre passé respectif, chantez seulement la gloire de Dieu, sa fidélité pour les uns, sa miséricorde pour les autres.

****
N.B. Voici les références des quatre « Chants du Serviteur » dans le livre d'Isaïe :
Is 42 , 1-7 ; Is 49, 1-6 ; Is 50, 4-7 ; Is 52,13 - 53, 12

 

EVANGILE Matthieu 3 , 1 - 12

1 En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste,
qui proclame dans le désert de Judée :
2 « Convertissez-vous,
car le Royaume des cieux est tout proche ! »
3 Jean est celui que désignait la parole
transmise par le prophète Isaïe :
A travers le désert, une voix crie :
Préparez le chemin du Seigneur,
aplanissez sa route.
4 Jean portait un vêtement de poils de chameau,
et une ceinture de cuir autour des reins ;
il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
5 Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain
venaient à lui,
6 et ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain
en reconnaissant leurs péchés.
7 Voyant des pharisiens et des sadducéens
venir en grand nombre à ce baptême,
il leur dit : « Engeance de vipères !
Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
8 Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion,
9 et n'allez pas dire en vous-mêmes :
Nous avons Abraham pour père ;
car je vous le dis : avec les pierres que voici,
Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
10 Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres :
tout arbre qui ne produit pas de bons fruits
va être coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l'eau,
pour vous amener à la conversion.
Mais celui qui vient derrière moi
est plus fort que moi,
et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales.
Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu ;
12 il tient la pelle à vanner dans sa main,
il va nettoyer son aire à battre le blé,
et il amassera le grain dans son grenier.
Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas. »

Quand Jean-Baptiste commence sa prédication, l'occupation romaine dure depuis 90 ans à peu près : le roi Hérode a été laissé en place par les Romains mais il est unanimement détesté ; les partis religieux sont divisés et on ne sait plus très bien qui croire ; il y a les collaborateurs et les résistants... régulièrement un exalté fait parler de lui, promet le salut, mais cela se termine toujours mal.

C'est dans ce contexte que Jean-Baptiste se met à prêcher ; il vit dans le « désert » de Judée (entre le Jourdain et Jérusalem) ; à vrai dire cette région n'est pas totalement désertique, mais ce qui intéresse Matthieu, ce n'est pas le degré de sécheresse, c'est le sens spirituel du désert : il a en tête toute la résonance de l'expérience d'Israël au désert pendant l'Exode et la méditation des prophètes sur l'Alliance conclue là-bas dans la ferveur de ce que le prophète Osée appelle des fiançailles.

Jean-Baptiste paraît et tout, son vêtement comme sa nourriture, l'apparente aux grands prophètes de l'Ancien Testament. Certains même ont pensé qu'il était peut-être le prophète Elie dont on attendait le retour pour la fin des temps. Par sa prédication aussi, Jean-Baptiste rejoint les prophètes : comme eux, il a un double langage, doux, encourageant pour les humbles, dur, menaçant pour les orgueilleux. Le but, c'est de rassurer les petits, mais de réveiller ceux qui se croient arrivés, comme on dit... ou plus exactement d'attirer leur attention sur leurs comportements. Par exemple, plus qu'une insulte, l'expression « Engeance de vipères » est une mise en garde : cela revient à dire « vous êtes de la même race que le tentateur, le « diviseur » du Paradis terrestre ».

Ses auditeurs, habitués au langage des prophètes, savent bien qu'au fond, ce n'est pas à des personnes ou à des catégories de personnes qu'il s'en prend, mais à des manières d'être. Jean-Baptiste annonce donc le jugement comme un tri qui se fera non pas entre des personnes, mais à l'intérieur de chacun de nous. Pour cela il emploie l'image du feu : nous l'avions rencontrée dans le même sens chez Malachie, il n'y a pas longtemps (Ml 3, 19-20 ; 33ème dimanche de l'année C) : tout ce qui est mort, desséché, (entendons dans nos manières d'être), sera coupé, brûlé... mais on sait bien que si le jardinier fait ce tri, c'est pour permettre aux branches bonnes de se développer.

Le cultivateur fait un tri analogue au moment de la moisson : le grain sera amassé dans le grenier, la paille sera brûlée ; ce qui est bon, en chacun de nous, même si c'est très peu, sera précieusement engrangé.
Cela aussi, c'est une Bonne Nouvelle : il y a en chacun de nous des comportements, des manières d'être, dont nous ne sommes pas très fiers... ceux-là, nous en serons débarrassés. Mais tout ce qui, en chacun de nous, peut être sauvé sera sauvé.

Jean-Baptiste dit bien que c'est Jésus qui fera ce tri : « celui qui vient derrière moi...vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu ; il tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas. » Cela revient à dire que Jésus de Nazareth est Dieu. Car dans tout l'Ancien Testament, Dieu a été présenté comme le seul juge, celui qui sonde les reins et les coeurs, celui qui connaît tout homme en vérité.

Jean-Baptiste a encore une autre manière très imagée de nous dire qui est Jésus : « Celui qui vient derrière moi est plus fort que moi » (il faut savoir que dans la Bible, l'adjectif « fort » est habituellement appliqué à Dieu) « et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales ». Il faut imaginer la scène : bien évidemment, pour entrer dans le Jourdain, si on est chaussé, il faut se déchausser ; quand un homme important avait un esclave, c'était l'esclave qui défaisait ses sandales ; mais s'il avait un disciple, le disciple considérait qu'il était au-dessus de l'esclave et il ne s'abaissait pas à défaire les sandales de son maître.

Jean-Baptiste dit : « moi, je ne mérite pas d'être considéré comme un disciple de Jésus ; je ne mérite même pas d'être considéré comme son esclave, je ne suis même pas digne de dénouer ses sandales ». Le plus piquant dans l'histoire, c'est que celui qui jusque-là était en position de maître suivi par des disciples, c'était justement Jean-Baptiste et non Jésus. Pourquoi Jean-Baptiste s'efface-t-il ainsi devant le nouveau venu ? Parce que Jésus est celui qui baptisera, c'est-à-dire qui plongera l'humanité dans le feu de l'Esprit Saint : « Moi, je baptise dans l'eau (sous-entendu parce que je ne suis qu'un homme), lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint ». Qui dispose à son gré de l'Esprit de Dieu, sinon Dieu lui-même ? Si le prophète Joël était là, au bord du Jourdain, il pourrait dire : vous voyez, je vous l'avait bien dit, le jour est enfin venu où Dieu répand son esprit sur toute chair.

A nous de nous laisser emporter dans ce feu.

****
Complément
Matthieu a commencé son Evangile par l'arbre généalogique de Jésus, histoire de nous montrer que celui-ci est vraiment le Messie puisqu'il descend directement de David ; puis il a raconté l'annonce à Joseph, la visite des mages, la fuite en Egypte et le massacre des saints innocents, et enfin le retour d'Egypte et l'installation de la Sainte famille à Nazareth. Ce sont ses deux premiers chapitres, une sorte de prologue qui dit déjà tout du mystère de Jésus ; fils de David, fils de Dieu, roi véritable... mais aussi déjà persécuté : l'affrontement final est déjà esquissé dans ces épisodes du début de sa vie terrestre. Dans le texte d'aujourd'hui, Matthieu nous dit de plusieurs manières que Jésus est Dieu.

Nous voilà donc au chapitre 3 qui commence par « En ces jours-là paraît Jean le Baptiste ». Les deux chapitres 3 et 4 sont certainement une charnière dans l'évangile de Matthieu : c'est là, avec Jean-Baptiste, que commence la prédication du Règne des cieux. Et si l'on compare l'entrée en scène, si j'ose dire, de Jean-Baptiste et de Jésus, il est clair que Matthieu a volontairement fait un parallèle entre les deux. Pour n'en donner qu'un exemple, quelques versets plus bas, il emploie pour Jésus la même formule : « Alors paraît Jésus » ...
De Jean-Baptiste lui-même, Matthieu nous dit : « A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ». C'est une citation d'Isaïe (40, 3).

« Ils se faisaient baptiser » Un rite de baptême, c'est-à-dire de plongée dans l'eau, était donc déjà pratiqué avant Jésus-Christ, il ne l'a pas inventé. Mais il en a changé le sens.
« Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? » Entendons-nous bien, Jean-Baptiste ne dit pas aux sadducéens, ni aux pharisiens, pas plus qu'au petit peuple, que tout est perdu. Il n'a de haine ni pour les uns ni pour les autres. Je crois bien qu'à tous il dit : « de vous tous, de toutes vos souches, comme de la racine de Jessé, un rejeton peut encore sortir ». (cf la première lecture).

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 08:59

Un de mes amis, Xavier Collet, a écrit l'article suivant, auquel je souscris, à propos de l'enseignant suspendu à Manosque. On peut retrouver ici cet article publié sur Le Post.

 

Cet article a été cité par un autre, sur le même sujet, écrit par Tugdual Derville (délégué général de l’Alliance pour les droits de la vie) et que l'on peut trouver sur le site de Liberté Politique.

 

Tous deux pourraient insister davantage, à mon avis, sur le fait que dans une société de liberté, ce n'est pas aux hommes de l'Etat de décider de ce qu'un enseignant peut ou ne peut pas faire dans le cadre de sa mission. C'est aux dirigeants de l'établissement de se mettre d'accord avec les enseignants, dans le cadre du contrat de travail, et en tenant compte des attentes des parents, qui sont les clients de l'établissement. Ceci suppose, bien sûr, que nous sortions du système collectiviste actuel, aussi bien pour le marché de l'enseignement que celui de l'emploi.

C'est cette idée que j'aurais aimé trouver sur le site Internet de mon amie Chantal Brunel, députée de la 8e circonscription de Seine-et-Marne, qui lance un débat "Pour ou contre la suppression des notes à l'école ?"

 

Ainsi parlait Luc Chatel : « J'ai demandé au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de suspendre le professeur à titre conservatoire, une procédure disciplinaire va être engagée à son encontre, parce que ce qui s'est passé dans ce lycée de Manosque est absolument inacceptable (…). Ce qui me choque c'est que les professeurs sont tenus à un principe de neutralité, de respect de la personne, et l'enseignant - même si c'est dans le cas d'éducation civique, qui fait l'objet de débats entre les élèves, et entre les élèves et l'enseignant -, l'enseignant doit toujours veiller à ne jamais heurter la sensibilité et les convictions des jeunes."  

 

On ne peut que suivre Luc Chatel dans sa défense de la neutralité de l’éducation nationale tant il doit être rappelé que les professeurs n’ont pas à se substituer à la mission de transmission des valeurs des parents.  

On ne peut qu’être choqué que des professeurs développent à longueur de cours des thématiques violemment anti-capitalistes auprès de leurs élèves, lancent des campagnes destinées à démontrer que le libéralisme serait un danger pour la société, invitent les élèves à venir manifester avec eux et les fassent participer à des activités destinées à soutenir des idéologies de gauche et d’extrême gauche.

On ne peut donc qu’exiger que de tels enseignants soient suspendus puis fassent l’objet de procédures disciplinaires permettant de les exclure à tout jamais de l’école …

 

Mais figurez-vous que ce n’est pas contre des enseignants fanatiques de l’anti-mondialisation, pourfendeurs de l’économie marchande et propagandistes de Besancenot que le recteur est appelé à sanctionner. Non, que de tels enseignants aient été maintes fois signalés par des parents d’élèves aux autorités académiques et au ministère n’y change rien, Luc Chatel ne s’en prend pas à eux. Notre ministre s’empourpre d’indignation vertueusement, certes, mais contre une cible tout à fait improbable. 

 

Les cours sponsorisés Attac,  OCCE, CCFD,  Alternatives Economiques n’ont rien à craindre du ministère. Ils sont dispensés dans toutes les écoles et tous les jours de cours dans la plus parfaite impunité et avec le soutien des « associations complémentaires de l’éducation nationale » financées par le ministère.  Monsieur Luc Chatel le sait, mais que fait Monsieur Chatel contre cet affront au principe de la neutralité de l’éducation ? Rien, il a mieux à faire en servant la soupe aux lobbies de la gauchisation de l’éducation, le ministre « normalise » en s’en prenant à un professeur atypique qui a choisi d’expliquer des réalités habituellement édulcorées.  

 

Mais en quoi consiste le délit pédagogique commis ?  

Tout simplement en un débat organisé par ce professeur d’histoire-géographie du lycée des Iscles de Manosque dans le cadre d’un cours d’éducation civique à des classes de seconde et de première. Le débat aurait été orienté par la projection du documentaire « No need to argue » montrant des fœtus avortés.

Cette video a choqué les élèves, le but était peut-être un peu là puisqu’il s’agissait de révéler la réalité d’une pratique et de faire réagir. Que l’on soit pour ou contre l’avortement, on ne peut remettre là en cause la liberté pédagogique de l’enseignant.

 

Et pourtant cet enseignant devait être politiquement incorrect pour que la meute se jette sur lui et règle ses comptes, le proviseur précise en effet qu’il y aurait eu de petits problèmes avec ce professeur depuis son arrivée dans l’établissement en 2005.

On l’accuse ainsi pêle-mêle d’avoir fait preuve de "prosélytisme religieux constant" et d’avoir critiqué la loi Veil comme je critique la loi Gayssot. La belle affaire que voila !

Car il faut le dire, ne pas être de gauche dans un établissement peut désigner l’enseignant comme la personne à abattre. Nul doute que dans cette affaire une cabale politique soit à l’œuvre.

 

ET LE MINISTRE SUIT, ce qui démontre bien, comme le disait Claude Allègre, que le ministre de l’éducation nationale ne peut décider de rien, il suit ou il est cassé et qui dirige l’éducation nationale sinon les syndicats d’enseignants, FSU en tête ?

 

Mais alors que le ministre ne vienne pas s’exprimer au nom de la neutralité ! Avec ce deux poids deux mesures, il est démontré ici la partialité de l’éducation nationale et le suivisme du ministère qui s’aligne sur les positions gauchistes des syndicats d’enseignants. 

 

Pourtant la neutralité doit bien être restaurée dans l’éducation nationale, mais ces écuries d’Augias ne peuvent être nettoyées qu’en renversant le rapport de force et en informant la population des réalités de l’école. Si l’affaire est sortie c’est déjà positif, mais le journal « La Provence » ne fait filtrer que pour s’acharner, ainsi dans son numéro du 25 novembre 2010, Nadia Thidet écrit : « L'annonce est tombée hier, comme une délivrance pour les parents d'élèves du lycée des Iscles à Manosque: le professeur d'histoire-géographie qui a diffusé des vidéos anti-avortement (La Provence d'hier) a été suspendu. »

D’autres journalistes louent la réponse de l’institution qui a mis en place une cellule d’écoute psychologique pour les élèves ayant visionné la video. Eh oui une cellule d’écoute psychologique, sans rire, la réalité est effectivement difficile à supporter, à quand l’interdiction de Nuit et Brouillard pour la même raison ?

 

Heureusement dans un rapport de force si négatif, la résistance s’organise à travers la parole des parents. Une mère d’élève, très satisfaite de ce bon professeur a mis en place une pétition pour qu’il conserve son poste (je ne parviens pas à ce jour à la trouver). Voulant protéger ceux qui le soutiennent, le professeur a conseillé à ses élèves solidaires de signer d’une croix cette pétition, il sait ce que risquent ceux qui s’opposent à la lie.

 

Lui-même a conscience de ce qui lui arrive et analyse la situation de façon réaliste : « Nous sommes dans un Etat totalitaire, les seules opinions qui peuvent s'exprimer sont celles de l'Etat. Lorsqu'on se pose en faveur de l'avortement, c'est normal, mais si on essaye d'instaurer un vrai débat critique et contradictoire, là, c'est mal ! »

 

Nous exigeons donc que le Ministre prenne conscience de la gravité de cette suspension et du message qu’il envoie à tous les parents. Nous demandons à ce que le professeur d’histoire géographie retourne dans ses classes et nous conseillons à ce professeur de poursuivre tout ceux qui auront mis en cause sa personne et son honneur. Il peut compter sur nous pour que cette affaire n’en reste pas là !

 

Xavier Collet,

professeur à Gien (45)

 

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 23:06

2740-auto-entrepreneur.jpgUne personne de mon entourage m'a transmis aujourdh'hui copie de la lettre suivante, adressée à son député :

 

Monsieur le Député,

M'étant inscrit comme autoentrepreneur pour rendre service à l'IAE Lyon 3 et à l'IUT de Saint-Etienne pour y faire des formations, je me vois contraint aujourd'hui de cesser cette activité qui n'a cessé de m'attirer des ennuis et tracasseries, m'a compliqué la vie.

La dernière (j'ose espérer!) tracasserie datant d'aujourd'hui où je reçois une imposition foncière des entreprises de 479€  pour un chiffre d'affaires total de 442€. (La somme de 479€ étant la cotisation minimum votée dont 317€ pour l'intercommunalité et 38€ pour la région...)

Travailler pour payer plus d'impôts que son chiffre d'affaires!

Vive la France !

Bien cordialement,

Xxxxxxxx Xxxxxx,
99, rue du Yyyyyyyy
69000 LYON
09 99 99 99 99
06 99 99 99 99

PJ: déclaration de ma cessation d'activité.
 

  Un peu plus tard dans la journée, j'ai reçu le commentaire suivant de la part de cette même personne, qui venait de comprendre la cause de cette situation ubuesque :

 

"Quand tu ne coches pas une case dans un formulaire de l'administration, il faut savoir que tu fais des choix par défaut :

Par exemple si tu ne coches pas la case "masculin", tu décides en fait que tu veux être condamné à mort parce que c'est écrit dans la notice à la 42ème page, paragraphe 238, alinéa 57, ligne 6, mot 12 que tous ceux qui ne sont pas masculins sont condamnés à mort de droit.

C'est la nouvelle pratique de l'administration fiscale, te faire faire des choix non consentis par défaut.

Donc je suis condamné à payer 479 € de taxe foncière des entreprises parce que je n'ai pas coché la case : "j'opte pour le versement libératoire de l'impôt sur le revenu calculé en pourcentage du chiffre d'affaires ou des recettes." 

 

Cette histoire a retenu mon attention pour deux raisons :

  • elle est un des exemples de situations ridicules et injustes auxquelles conduisent les mesures étatistes, constructivistes, telles que le statut d'autoentrepreneur, pourtant salué comme un progrès dans la liberté d'entreprendre ;
  • elle met en lumière un point important de la doctrine libérale : pour être en mesure de prendre une décision libre, il faut disposer d'une information vraie. En l'espèce, la personne ne disposait pas d'une information vraie, du fait de l'omission (peut-être involontaire) par l'administration, de données importantes relatives au choix proposé. Dans ce cas, la décision n'ayant pas été prise librement, sur la base d'informations complètes, devrait pouvoir être modifiée.

Complément du 29/11/2010 : une dépêche de l'AFP, trouvée sur le site Internet de Boursorama, donne des explications complémentaires. En voici le début :

 

Une taxe inattendue risque de plomber le statut d'auto-entrepreneur :

 


Le ministre des PME Frédéric Lefebvre, le 17 novembre 2010 à l'Elysée, à Paris
© afp.com  Lionel Bonaventure

De nombreux auto-entrepreneurs vont devoir payer une cotisation au titre de la taxe professionnelle réformée, sans même avoir réalisé de chiffre d'affaires, une mauvaise surprise susceptible de plomber l'engouement pour ce dispositif qui a dopé les créations d'entreprises.

"Que d'énergie dépensée inutilement ! Je termine mes engagements d'ici à la fin décembre et ensuite, je ferme", lâche un auto-entrepreneur sur un forum internet, où les titulaires de ce statut sont nombreux à faire part de leur "écoeurement".

La Fédération des Auto-Entrepreneurs (FEDAE) s'est émue du problème : des milliers d'inscrits ont reçu un avis d'imposition pour régler la Cotisation foncière des Entreprises (CFE), qui remplace la taxe professionnelle.

Cette cotisation, fixée par les communes, est en effet calculée non pas en fonction du chiffre d?affaires déclaré, mais sur la base de la valeur locative du lieu de travail des auto-entrepreneurs, même s'il s'agit, dans la plupart des cas, de leur domicile.

Résultat : ils se retrouvent à payer une taxe, alors même qu'ils n'ont pas réalisé de chiffre d'affaires, souligne Grégoire Leclercq, qui préside la FEDAE. "D'autres doivent payer une cotisation bien trop élevée - jusqu'à 2.000 euros - sans rapport avec leur niveau d'activité", poursuit-il.

 

 

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 07:36

marie-nolle-thabut.jpgJe suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE Isaïe 2 , 1 - 5

1 Le prophète Isaïe a reçu cette révélation au sujet de Juda et de Jérusalem :
2 Il arrivera dans l'avenir que la montagne du temple du Seigneur
sera placée à la tête des montagnes
et dominera les collines.
Toutes les nations afflueront vers elle,
3 des peuples nombreux se mettront en marche,
et ils diront :
« Venez, montons à la montagne du Seigneur,
au temple du Dieu de Jacob.
Il nous enseignera ses chemins
et nous suivrons ses sentiers.
Car c'est de Sion que vient la Loi,
de Jérusalem la parole du Seigneur. »
4 Il sera le juge des nations,
l'arbitre de la multitude des peuples.
De leurs épées ils forgeront des socs de charrue,
et de leurs lances, des faucilles.
On ne lèvera plus l'épée nation contre nation,
on ne s'entraînera plus pour la guerre.
5 Venez, famille de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur.

On sait que les auteurs bibliques aiment les images ! En voici deux, superbes, dans cette prédication d'Isaïe : d'abord celle d'une foule immense en marche ; ensuite celle de toutes les armées du monde qui décident de transformer tous leurs engins de mort en outils agricoles. Je reprends ces deux images l'une après l'autre.

La foule en marche gravit une montagne : au bout du chemin, il y a Jérusalem et le Temple. Le prophète Isaïe, lui, est déjà dans Jérusalem et il voit cette foule, cette véritable marée humaine arriver. C'est une image, bien sûr, une anticipation. On peut penser qu'elle lui a été suggérée par l'affluence des grands jours de pèlerinage des Israélites à Jérusalem.

Car, chaque année, il était témoin de cette extraordinaire semaine d'automne, qu'on appelle la fête des Tentes. On vit sous des cabanes, même en ville, pendant huit jours, en souvenir des cabanes du séjour dans le désert du Sinaï pendant l'Exode ; à cette occasion, Jérusalem grouille de monde, on vient de partout, il y a même des étrangers ; le livre du Deutéronome, parlant de cette fête, disait « Tu seras dans la joie de ta fête avec ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, le lévite, l'émigré, l'orphelin et la veuve qui sont dans tes villes . Sept jours durant, tu feras un pèlerinage pour le Seigneur ton Dieu... et tu ne seras que joie « (Dt 16 , 14 - 15).
Devant ce spectacle, Isaïe a eu l'intuition que ce grand rassemblement annuel, plein de joie et de ferveur, en préfigurait un autre : alors, inspiré par l'Esprit-Saint, il a pu annoncer avec certitude : oui, un jour viendra où ce pèlerinage, pratiqué jusqu'ici uniquement par le peuple d'Israël, rassemblera tous les peuples, toutes les nations. Le Temple ne sera plus uniquement le sanctuaire des tribus israélites : désormais, il sera le lieu de rassemblement de toutes les nations. Parce que toute l'humanité enfin aura entendu la bonne nouvelle de l'amour de Dieu.

Pour bien montrer à quel point le destin d'Israël et celui des nations sont mêlés, le texte est construit de manière à imbriquer les évocations ; il ne parle jamais d'Israël sans les nations et inversement. Il commence par Israël : « Le prophète Isaïe a reçu cette révélation au sujet de Juda et de Jérusalem. Il arrivera dans l'avenir que la montagne du temple du Seigneur sera placée à la tête des montagnes et dominera les collines. » Je vous signale au passage que cette manière de parler est déjà symbolique : la colline du temple n'est pas la plus élevée de Jérusalem et cela reste de toute façon bien modeste par rapport aux grandes montagnes de la planète ! Mais c'est d'une autre élévation qu'il s'agit, on l'a bien compris.

Ensuite le texte évoque ceux qu'il appelle « les nations », c'est-à-dire tous les autres peuples : « Toutes les nations afflueront vers elle, des peuples nombreux se mettront en marche, et ils diront : Venez, montons à la montagne du Seigneur, au temple du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses chemins et nous suivrons ses sentiers. » Cette dernière phrase est une formule typique de l'Alliance : c'est donc l'annonce de l'entrée des autres peuples dans l'Alliance jusqu'ici réservée à Israël. Le texte continue : « Car c'est de Sion que vient la Loi, de Jérusalem la parole du Seigneur. » Cela veut dire l'élection (le choix que Dieu a fait) d'Israël, mais cela dit tout autant la responsabilité du peuple élu ; son élection fait de lui le collaborateur de Dieu pour intégrer les nations dans l'Alliance.

Dans ces quelques lignes on a très nettement cette double dimension de l'Alliance de Dieu avec l'humanité : d'une part, Dieu a choisi librement ce peuple précis pour faire Alliance avec lui (c'est ce qu'on appelle l'élection d'Israël) et en même temps ce projet de Dieu concerne l'humanité tout entière, il est universel. Pour l'instant, dit Isaïe, seul le peuple élu reconnaît le vrai Dieu, mais viendra le jour où ce sera l'humanité tout entière.

Je note, au passage, que cette entrée dans le Temple de Jérusalem n'évoque pas la célébration d'un sacrifice, comme il en est question si souvent à propos du temple ; les nations se réunissent pour écouter la Parole de Dieu et apprendre à vivre selon sa Loi. Nous le savons bien que notre fidélité au Seigneur se vérifie dans notre vie quotidienne, mais il me semble que le prophète Isaïe le dit déjà ici très fortement : « Des peuples nombreux se mettront en marche, et ils diront : Venez, montons à la montagne du Seigneur, au temple du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses chemins et nous suivrons ses sentiers. »
La deuxième image découle de la première : si les nations toutes ensemble écoutent la parole de Dieu au beau sens du mot « écouter » dans la Bible, c'est-à-dire décident d'y conformer leur vie, alors elles entreront dans le projet de Dieu qui est un projet de paix. Elles le choisiront comme juge, comme arbitre, dit Isaïe : « Dieu sera le juge des nations, l'arbitre de la multitude des peuples ».

Dans un conflit, l'arbitre est celui qui arrive à mettre les deux parties d'accord, pour enfin faire taire les armes... au moins pour un temps, jusqu'au prochain conflit. On sait bien que certaines paix ne sont pas durables, parce que l'accord conclu n'était pas juste ; dans ce cas, le conflit n'est pas vraiment résolu, il est seulement masqué ; et alors, un jour ou l'autre, le conflit renaît. Mais si l'arbitre des peuples est Dieu lui-même, c'est une paix durable qui s'établira. On n'aura plus jamais besoin de préparer la guerre. Tout le matériel de guerre pourra être reconverti...

Et cela nous vaut cette expression superbe de la paix future : « De leurs épées, ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances des faucilles. On ne lèvera plus l'épée nation contre nation, on ne s'entraînera plus pour la guerre ».

La dernière phrase conclut le texte par une invitation concrète : « Venez, famille de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur. » Sous-entendu « pour l'instant, toi, peuple d'Israël, remplis ta vocation propre » ; et elle est double : « monter au Temple du Seigneur », d'une part, c'est-à-dire célébrer l'Alliance, et d'autre part « marcher à la lumière du Seigneur », c'est-à-dire se conformer à la Loi de l'Alliance.

*********
Compléments
Chose curieuse, ces quelques versets que nous venons d'entendre se retrouvent exactement dans les mêmes termes chez un autre prophète... Aujourd'hui nous les avons lus sous la plume d'Isaïe qui est un prophète du huitième siècle avant J.C. à Jérusalem ; mais nous aurions tout aussi bien pu les lire dans le livre de Michée qui est son contemporain dans la même région. Lequel des deux a copié sur l'autre ? Ou bien se sont-ils tous les deux inspirés à la même source ? Personne n'en sait rien ; en tout cas, il faut croire que Jérusalem avait bien besoin d'entendre ces paroles pour se rappeler le projet de Dieu !
Isaïe nous projette dans l'avenir... et il faudrait écrire avenir en deux mots : « A-Venir ». Entre parenthèses, pendant tout le temps de l'Avent, nous entendrons des lectures qui nous projettent dans l'avenir : l'Avent tout entier est une mise en perspective de ce qui nous attend. Le texte d'aujourd'hui, d'ailleurs, commence par « Il arrivera dans l'avenir » : et cette phrase-là n'est pas une prédiction, c'est une promesse de Dieu. Les prophètes ne sont pas des voyants, des devins, pour la simple bonne raison que la divination est strictement interdite en Israël ! Par conséquent leur mission n'est pas de prédire l'avenir ; ils sont, comme on dit, la « bouche de Dieu », ils parlent de la part de Dieu. Et donc, finalement, ils ne peuvent pas dire autre chose que le projet de Dieu. C'est très exactement ce que fait Isaïe ici .

PSAUME 121 (122)

1 Quelle joie quand on m'a dit : « Nous irons à la maison du Seigneur ! »
2 Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !
3 Jérusalem, te voici dans tes murs : ville où tout ensemble ne fait qu'un.
4 C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur. C'est là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.
5 C'est là le siège du droit, le siège de la maison de David.
6 Appelez le bonheur sur Jérusalem : « Paix à ceux qui t'aiment !
7 Que la paix règne dans tes murs, le bonheur dans tes palais ! »
8 A cause de mes frères et de mes proches, je dirai : « Paix sur toi ! »
9 A cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien.

- Nous avons là la meilleure traduction possible du mot « Shalom » : « Paix à ceux qui t'aiment ! Que la paix règne dans tes murs, le bonheur dans tes palais... » Quand on salue quelqu'un par ce mot « Shalom », on lui souhaite tout cela!

- Ici, ce souhait est adressé à la ville de Jérusalem : « Appelez le bonheur sur Jérusalem... A cause de mes frères et de mes proches, je dirai : Paix sur toi! A cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien ». Dans le nom même de « Jérusalem » il y a le mot « shalom » ; elle est, elle devrait être, elle sera la ville de la paix.

- Ce souhait de paix, de bonheur adressé à Jérusalem est encore bien loin d'être réalisé ! L'a-t-il jamais été ? Vous connaissez l'histoire plutôt mouvementée de cette ville : vers l'an 1000 av.J.C. c'était une bourgade sans importance, qui s'appelait Jébus et ses habitants les Jébusites ; c'est elle que David a choisie pour y installer la capitale de son royaume ; dimanche dernier, nous avions vu que la première capitale de David a été Hébron tant qu'il n'était roi que de la seule tribu de Juda ; mais un beau jour, et c'était notre lecture de dimanche dernier, les onze autres tribus se sont ralliées ; alors, très sagement, il a choisi une nouvelle capitale dont aucune tribu ne pouvait se réclamer. C'est donc Jébus devenue Jérusalem ; désormais on l'appellera la « ville de David » (2 S 6, 12) ; il y transporte l'Arche d'Alliance, puis, sur l'ordre de Dieu, il achète un champ à Arauna le Jébusite avec l'intention d'y installer l'Arche d'Alliance ; ce champ, c'est Dieu lui-même qui en a choisi l'emplacement : Jérusalem est donc aux yeux de tous la Ville Sainte, le lieu que Dieu a choisi pour y planter sa tente.

- « Ville sainte », comme « terre sainte » ne veut pas dire « ville magique » ou « terre magique » ; elle est sainte parce qu'elle appartient à Dieu. Elle est, ou elle devrait être, elle sera la ville où l'on vit à la manière de Dieu, comme la « terre sainte » est la terre qui appartient à Dieu et où l'on doit vivre à la manière de Dieu.

- Avec David, puis avec Salomon, Jérusalem connaît ses plus belles heures, mais elle est encore d'étendue modeste ; aujourd'hui elle couvre toutes les collines, mais au début elle n'occupait qu'un tout petit éperon rocheux. David y a construit son palais, puis tout naturellement il a voulu construire un Temple pour que Dieu ait lui aussi son palais.

- Mais Dieu avait d'autres projets : le prophète Natan a été chargé de calmer les élans de David et de lui annoncer que Dieu s'intéressait à son peuple beaucoup plus qu'à un Temple, si beau soit-il. Vous connaissez le fameux jeu de mots de Natan : « tu veux construire une maison (traduisez un temple) à Dieu, mais c'est Dieu qui te construira une maison (au sens de descendance) ». On retrouve ce jeu de mots dans notre psaume : « C'est là le siège du droit, le siège de la maison de David... (et un peu plus loin) A cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien. » La maison de David, c'est la dynastie royale ; la maison du Seigneur notre Dieu, c'est le Temple. Et parce que Dieu a promis de prolonger pour toujours la dynastie de David, on attend un descendant de David qui instaurera le royaume de Dieu sur la terre et son trône sera à Jérusalem.

- Vous vous rappelez que ce n'est pas David qui y a construit le Temple finalement ; c'est Salomon et désormais Jérusalem est devenue le centre de la vie cultuelle : trois fois par an les Juifs pieux montaient en pèlerinage à Jérusalem et, en particulier, pour la fête des Tentes à l'automne.

- Vous connaissez la suite : les horreurs commises par les troupes de Nabuchodonosor, en 587 av. J. C., la destruction du Temple, et de la ville... l'Exil à Babylone, puis le retour autorisé en 538 par le nouveau maître du Moyen-Orient, Cyrus. Jérusalem a été reconstruite et c'est pour cela que notre pèlerin du psaume 121 s'écrie « Jérusalem, te voici dans tes murs, ville où tout ensemble ne fait qu'un ! »

- Mais surtout, le Temple de Salomon a été reconstruit, et Jérusalem a retrouvé son rôle de centre religieux : sa grandeur, sa sainteté lui viennent de ce qu'elle est comme un écrin pour la chose la plus précieuse du monde pour un croyant : le Temple qui est le signe visible de la Présence du Dieu invisible.
Vous avez remarqué la construction de ce psaume : comme bien souvent il y a une inclusion : le premier et le dernier versets se répondent et cette insistance est volontaire. Je vous les redis : premier verset « Nous irons à la maison du Seigneur » ; dernier verset « A cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien ».

- Cette Maison du Seigneur, ce temple, a connu bien d'autres malheurs : la fameuse persécution d'Antiochus Epiphane l'avait transformé en temple païen (en 167 av.J.C.) et il avait fallu se battre les armes à la main pour le récupérer et y restaurer le culte ; puis il a été détruit une deuxième fois en 70 ap. J.C., date à laquelle les Romains l'ont incendié ; jusqu'à présent le Temple n'a jamais été reconstruit, mais Jérusalem reste la Ville Sainte, et l'on attend sa restauration en même temps que la venue du Messie.

- Le plus étonnant est la force de cette espérance qui s'est maintenue malgré toutes les vicissitudes de l'histoire ! Aujourd'hui encore, il est demandé à chaque Juif, où qu'il soit dans le monde, de laisser près de l'entrée de sa maison, une pièce non aménagée, ou au moins un pan de mur non peint, en souvenir de Jérusalem non encore reconstruite. Ou bien encore, où qu'ils soient, les Juifs se tournent vers Jérusalem pour la prière, et tous les jours, dans la prière, on dit « Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite dépérisse ».

- On ne peut pas oublier Jérusalem, parce qu'on sait que Dieu lui-même ne peut pas oublier la promesse faite à David : les prophètes, en particulier Isaïe et Michée, nous l'avons lu dans la première lecture, ont annoncé que Jérusalem serait le lieu du rassemblement de toute l'humanité ; puisque c'est la Parole de Dieu, cette révélation est toujours valable ! Aujourd'hui encore, le peuple élu reste le peuple élu. Dieu ne peut être infidèle à ses promesses ; comme dit Saint Paul, « Dieu ne peut pas se renier lui-même ».

DEUXIEME LECTURE Romains 13, 11 - 14

Frères,
11 vous le savez : c'est le moment,
l'heure est venue de sortir de votre sommeil.
Car le salut est plus près de nous maintenant
qu'à l'époque où nous sommes devenus croyants.
12 La nuit est bientôt finie,
le jour est tout proche.
Rejetons les activités des ténèbres,
revêtons-nous pour le combat de la lumière.
13 Conduisons-nous honnêtement,
comme on le fait en plein jour,
sans ripailles ni beuveries,
sans orgies ni débauches,
sans dispute ni jalousie,
14 mais revêtez le Seigneur Jésus Christ.

- « Le salut est plus près de nous maintenant qu'à l'époque où nous sommes devenus croyants » ... Cette phrase de Saint Paul est toujours vraie ! L'un des articles de notre foi, c'est que l'histoire n'est pas un perpétuel recommencement, mais au contraire que le projet de Dieu avance irrésistiblement. Chaque jour, nous pouvons dire que le dessein bienveillant de Dieu est plus avancé qu'hier : il est en train de s'accomplir, il progresse... lentement mais sûrement. Oublier d'annoncer cela, c'est oublier un article essentiel de la foi chrétienne. Les chrétiens n'ont pas le droit d'être moroses, parce que chaque jour, « le salut est plus près de nous », comme dit Paul.

- Or ce dessein bienveillant a besoin de nous : ce n'est donc pas le moment de dormir : nous qui avons la chance de connaître le projet de Dieu, nous ne pouvons pas courir le risque de le retarder ; je pense ici à la deuxième lettre de Pierre : « Non, le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, (alors que certains prétendent qu'il a du retard), mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent, mais que tous parviennent à la conversion ». (2 Pi 3, 9). Ce qui veut dire que notre inaction, notre « sommeil » comme dit Saint Paul a des conséquences sur l'avancement du projet de Dieu : laisser nos capacités, nos possibilités en sommeil, c'est compromettre ou au moins retarder le projet de Dieu.

- C'est ce qui fait la gravité de ce que nous appelons les péchés par omission : le dessein bienveillant de Dieu n'attend pas. Comme dit Saint Paul, la nuit est bientôt finie, le jour est tout proche ; ailleurs, dans la première lettre aux Corinthiens, Paul dit « Le temps est écourté » et il emploie un terme technique de la navigation « le temps a cargué ses voiles » comme fait le bateau quand il approche du port. (1 Co 7 , 26 . 29).

- Vous allez me dire que c'est un peu prétentieux de nous donner tant d'importance : comme si notre conduite influait sur le projet de Dieu... et pourtant, je n'invente rien : c'est ce qui fait la grandeur, j'aurais envie de dire la gravité de nos vies : si j'en crois Saint Paul, notre conduite quotidienne est de la plus haute importance ; je reprends le texte : « Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans ripailles ni beuveries, ni orgies ni débauches, sans dispute ni jalousie ... ». Ces choses-là, ce sont des « activités de ténèbres », comme il dit.

- Il y a des manières chrétiennes de se comporter et des manières qui ne méritent pas le nom de chrétiennes. Il y a des activités de ténèbres et des activités de lumière ; ce qui ne veut pas dire que nous chrétiens avons toujours des comportements dignes de notre baptême et que les non-chrétiens n'auraient pas des comportements dignes de l'évangile... on peut fort bien être chrétien, c'est-à-dire baptisé, et se comporter de manière non-conforme à l'évangile... comme on peut fort bien ne pas être baptisé et se comporter de manière évangélique.

- Mais en fait, et c'est sûrement important, Paul ne dit pas « Rejetons les activités des ténèbres et choisissons les activités de lumière » comme s'il suffisait à chaque instant d'exercer notre liberté de choix ; il dit « Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière ». Il me semble que cela veut dire deux choses :

- Première chose, bien sûr, c'est ce choix que nous devons refaire chaque jour, un choix qui peut parfois prendre l'allure d'un vrai combat ; actuellement, nous ne manquons pas d'exemples : devant les questions de société, entre autres, le choix d'un comportement évangélique peut nous placer complètement à contre-courant de notre entourage, parfois très proche. Le choix du pardon, aussi, nous le savons bien, peut être dans certains cas un véritable combat intérieur... Le refus des compromissions, des privilèges, des commissions, du « piston » comme on dit, autant de combats contre nous-mêmes et contre les habitudes faciles de notre société ... : « enfants de Dieu sans tache, au milieu d'une génération dévoyée (c'est-à-dire qui a perdu son chemin) et pervertie, vous apparaissez comme des sources de lumière dans le monde, vous qui portez la parole de vie »... (Phi 2 , 12).

- Deuxième chose : dans cette phrase « revêtons-nous pour le combat de la lumière », il y a aussi l'image du vêtement de combat, et ce n'est pas la première fois que Paul l'emploie : aux Corinthiens, par exemple, il a parlé des « armes de la justice » (2 Co 6 , 7) et aux Thessaloniciens, il écrivait « nous qui sommes du jour, soyons sobres, revêtus de la cuirasse de la foi et de l'amour, avec le casque de l'espérance du salut ». (1 Thess 5 , 8). C'est donc tout un équipement militaire qu'il nous propose...(c'est une image évidemment)

- Ici il parle d'un vêtement de lumière et ce vêtement de lumière n'est autre que Jésus-Christ lui-même dont la lumière nous enveloppe comme un manteau ; puisque, après avoir dit « revêtons-nous pour le combat de la lumière », il ajoute « revêtez le Seigneur Jésus-Christ ».

- Au fond, cette phrase « Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière » est certainement une allusion à la célébration du Baptême : vous savez que le Baptême était donné par immersion ; pour être plongé dans le baptistère, le baptisé rejetait d'abord ses vêtements pour être revêtu ensuite de l'aube blanche, signe que le baptisé était désormais un être nouveau en Jésus-Christ. Vous connaissez la phrase de la lettre aux Galates « Vous tous qui avez été baptisés en Christ , vous avez revêtu le Christ ».

- Ce qui veut dire que ce combat du comportement chrétien, qui dépasse nos forces, il faut bien le reconnaître, ce combat n'est pas notre combat, mais celui du Christ en nous. Alors nous nous souvenons de cette phrase de Jésus lui-même : « Quand on vous persécutera, mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à préparer votre défense. Car moi, je vous donnerai un langage et une sagesse que ne pourront contrarier, ni contredire aucun de ceux qui seront contre vous ».

- Dans le langage courant, il nous arrive bien de parler d'un « habit de lumière », mais c'est à propos du toréador ; Saint Paul nous dit que nous pourrions tout aussi bien l'employer pour les baptisés.

EVANGILE Matthieu 24, 37 - 44

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
37 « L'avènement du Fils de l'homme ressemblera
à ce qui s'est passé à l'époque de Noé.
38 A cette époque, avant le déluge,
on mangeait, on buvait, on se mariait,
jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche.
39 Les gens ne se sont doutés de rien,
jusqu'au déluge qui les a tous engloutis :
tel sera aussi l'avènement du Fils de l'homme.
40 Deux hommes seront aux champs :
l'un est pris, l'autre laissé.
41 Deux femmes seront au moulin :
l'une est prise, l'autre laissée.
42 Veillez donc,
car vous ne connaissez pas le jour
où votre Seigneur viendra.
43 Vous le savez bien :
si le maître de maison
avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait,
il aurait veillé
et n'aurait pas laissé percer le mur de sa maison.
44 Tenez-vous donc prêts, vous aussi :
c'est à l'heure où vous n'y penserez pas,
que le Fils de l'homme viendra. »

- Une chose est sûre, ce texte n'a pas été écrit pour nous faire peur, mais pour nous éclairer : on dit de ce genre d'écrits qu'ils sont « apocalyptiques » : ce qui veut dire littéralement qu'ils « lèvent un coin du voile », ils dévoilent la réalité. Et la réalité, la seule qui compte, c'est la venue du Christ : vous avez certainement remarqué le vocabulaire : venir, venue, avènement, toujours à propos de Jésus ; « Jésus parlait à ses disciples de sa venue... L'avènement du Fils de l'Homme ressemblera à ce qui s'est passé à l'époque de Noé... Tel sera l'avènement du Fils de l'Homme... Vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra... C'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'Homme viendra ». Ce qui veut bien dire que le centre de ce passage, c'est l'annonce que Jésus-Christ « viendra ».

- Chose curieuse, c'est au futur que Jésus parle de sa venue... « Le Fils de l'Homme viendra » ... on comprendrait mieux qu'il parle au passé ! S'il parle, c'est qu'il est déjà là, il est déjà venu...
A moins que le mot « venue », ici, ne soit pas synonyme de naissance ; la suite du texte nous en dira plus.

- Pour l'instant, je voudrais m'arrêter sur ce qui, d'habitude, nous dérange dans cet évangile ; c'est la comparaison avec le déluge, au temps de Noé et la mise en garde qui va avec : « Deux hommes seront aux champs, l'un est pris, l'autre laissé. Deux femmes seront au moulin : l'une est prise, l'autre laissée ». Comment faire pour entendre là un évangile, au vrai sens du terme, c'est-à-dire une Bonne Nouvelle ?

- Comme toujours, il faut faire un acte de foi préalable : ou bien nous lisons ces lignes à la manière du serpent de la Genèse, c'est-à-dire avec soupçon... ou bien nous choisissons la confiance : quand Jésus nous dit quelque chose, c'est toujours pour nous révéler le dessein bienveillant de Dieu, ce ne peut pas être pour nous effrayer.

- En fait, c'est un conseil que Jésus nous donne ; il prend l'exemple de Noé : à l'époque de Noé, personne ne s'est douté de rien ; et ce qu'il faut retenir, c'est que Noé qui a été trouvé juste a été sauvé ; tout ce qui sera trouvé juste sera sauvé.

- Et là, on retrouve un thème habituel, celui du jugement (du tri si vous préférez), entre les bons et les mauvais, entre le bon grain et l'ivraie : « Deux hommes seront aux champs, l'un est pris, l'autre laissé. Deux femmes seront au moulin : l'une est prise, l'autre laissée »... Cela revient à dire que l'un était bon et l'autre mauvais. Evidemment, parler des bons et des mauvais comme de deux catégories distinctes de l'humanité, c'est une manière de parler : du bon et du mauvais, du bon grain et de l'ivraie, il y en a en chacun de nous : c'est donc au coeur de chacun de nous que le bon sera préservé et le mal extirpé.

- Je remarque autre chose, c'est que Jésus s'attribue le titre de Fils de l'Homme : trois fois dans ces quelques lignes. C'est une expression que ses interlocuteurs connaissaient bien, mais Jésus est le seul à l'employer, et il le fait souvent : 30 fois dans l'évangile de Matthieu. Si vous vous souvenez, c'est le prophète Daniel, au deuxième siècle avant Jésus-Christ, qui disait : « Je regardais dans les visions de la nuit, et voici qu'avec les nuées du ciel, venait comme un fils d'homme ; il arriva jusqu'au Vieillard, et on le fit approcher en sa présence. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous peuples, nations et langues le servaient ; sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas, et sa royauté une royauté qui ne sera pas détruite. » (Daniel 7, 13-14). En hébreu, l'expression « fils d'homme » veut dire tout simplement « homme » : cet être dont le prophète Daniel parle est donc bien un homme, et en même temps il vient sur les nuées du ciel, ce qui en langage biblique, signifie qu'il appartient au monde de Dieu, et enfin il est consacré roi de l'univers et pour toujours.

- Mais ce qui est le plus curieux dans le récit de Daniel, c'est que l'expression « Fils d'homme » a un sens collectif, elle représente ce que Daniel appelle « le peuple des Saints du Très-Haut » c'est-à-dire que le fils de l'homme est un être collectif ; il dit par exemple, « La royauté, la souveraineté et la grandeur de tous les royaumes qu'il y a sous tous les cieux ont été données au peuple des Saints du Très-Haut : sa royauté est une royauté éternelle ... » (Dn 7, 27) ou encore : « Les Saints du Très-Haut recevront la royauté et ils possèderont la royauté pour toujours et à jamais » (7, 18).

- Quand Jésus parle de lui en disant « le Fils de l'Homme », il ne parle donc pas de lui tout seul. il annonce son rôle de Sauveur, de porteur du destin de toute l'humanité. Saint Paul exprime autrement ce même mystère quand il dit que le Christ est la tête d'un Corps dont nous sommes les membres.
Saint Augustin, lui, parle du Christ total, Tête et Corps, et il dit « notre Tête est déjà dans les cieux, les membres sont encore sur la terre ».

- Si bien que, en fait, quand nous disons « Nous attendons le bonheur que tu promets qui est l'avènement de Jésus-Christ notre Seigneur »... c'est du Christ total que nous parlons. Et alors nous comprenons que Jésus puisse parler de sa venue au futur : l'homme Jésus est déjà venu mais le Christ total (au sens de Saint Augustin) est en train de naître. Et là, je relis encore Saint Paul :
« La création tout entière gémit dans les douleurs d'un enfantement qui dure encore » ou bien le Père Teilhard de Chardin : « Dès l'origine des Choses un Avent de recueillement et de labeur a commencé... Et depuis que Jésus est né, qu'Il a fini de grandir, qu'Il est mort, tout a continué de se mouvoir, parce que le Christ n'a pas achevé de se former. Il n'a pas ramené à Lui les derniers plis de la Robe de chair et d'amour que lui forment ses fidèles ... »

****
Il nous revient de veiller, comme dit Jésus, c'est-à-dire de nous trouver prêts pour le jour où « le Fils de l'Homme viendra ».

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16 novembre 2010 2 16 /11 /novembre /2010 09:00

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE - 2 Samuel 5 , 1 - 3

1 Toutes les tribus d'Israël vinrent trouver David à Hébron
et lui dirent :
« Nous sommes du même sang que toi !
2 Dans le passé, déjà, quand Saül était notre roi,
tu dirigeais les mouvements de l'armée d'Israël,
et le Seigneur t'a dit :
Tu seras le pasteur d'Israël mon peuple,
tu seras le chef d'Israël. »
3 C'est ainsi que tous les anciens d'Israël
vinrent trouver le roi à Hébron.
Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur.
Ils donnèrent l'onction à David
pour le faire roi sur Israël.

Un mot sur la ville d'Hébron d'abord : on l'appelle aussi Qiryat-Arba ; c'est une ville des montagnes de Judée ; elle se trouve à 1000 m d'altitude, à environ quarante kilomètres au Sud de Jérusalem. Elle est très importante encore aujourd'hui pour les croyants des trois religions parce que c'est là qu'Abraham a acheté un tombeau pour Sara, à la caverne de Makpéla. Et donc c'est là, à Hébron, que reposent plusieurs des patriarches (des ancêtres du peuple élu, si vous préférez) : Abraham et Sara, Isaac et Rébecca, Jacob et sa première femme, Léa et enfin Joseph, dont le corps a été ramené d'Egypte jusque-là.

Un peu d'histoire maintenant, pour comprendre le texte d'aujourd'hui : le texte est un peu compliqué à première vue parce que David est appelé roi et en même temps on voit les anciens d'Israël qui viennent le trouver à Hébron pour leur demander de devenir leur roi : en fait, David est déjà reconnu comme roi par une partie du peuple, mais une partie seulement. Et ce jour-là, à Hébron, il est devenu le roi de l'ensemble des douze tribus.
Alors, comment en est-on arrivés là ? Vous savez que les fils d'Israël sont entrés en Palestine vers 1200 av. J.C., après la mort de Moïse. Pendant un peu plus d'un siècle, les douze tribus ont vécu indépendantes ; pas complètement tout de même parce qu'elles gardaient entre elles un lien très fort : celui de leur histoire commune, et surtout la reconnaissance du même Dieu qui les avait fait « monter d'Egypte », comme on disait. Pendant la période qu'on appelle des « Juges », quand un danger menaçait une tribu, un chef temporaire, qu'on appelait un « juge », prenait la direction des opérations jusqu'à ce que le danger soit écarté. Les « juges » en question assuraient les fonctions de gouverneur, parfois même de prophète ; c'était le cas de Samuel justement, celui dont le livre que nous lisons aujourd'hui porte le nom.

Mais il n'était pas question d'avoir un roi, les tribus n'étaient pas assez unies pour cela et puis Dieu seul était le roi d'Israël. Mais peu à peu, une idée de fédération est née et l'envie les a pris d'avoir un roi, comme tous les autres peuples. Au moment où il a fallu songer à assurer la succession de Samuel lui-même qui semble avoir acquis une très large autorité, la question s'est reposée et ils ont demandé à Samuel de choisir un roi pour lui succéder. Samuel a très mal pris la chose parce qu'il y voyait un acte d'insoumission envers Dieu, mais rien n'y a fait.

Samuel a tout fait pour les dissuader (relisez le chapitre 8 du livre de Samuel), mais il a eu beau parler, il a bien fallu en arriver là. Ce premier roi d'Israël fut Saül. Il a régné une vingtaine d'années, environ de 1030 à 1010 av. J. C. Après un début glorieux, la fin de son règne est triste, il perd peu à peu la raison, il désobéit aux ordres du prophète Samuel : de son vivant il est désavoué et Samuel, sur ordre de Dieu, choisit déjà David, le petit berger de Bethléem pour être son successeur. David a donc reçu l'onction d'huile une première fois de la main de Samuel, à Bethléem ; mais il n'est pas roi pour autant : dans un premier temps, c'est encore Saül le roi en titre. On connaît la suite : David, dont on sait les talents de musicien, est appelé au service de Saül pour le distraire ; puis, peu à peu, ses attributions augmentent quand on découvre ses talents de chef de guerre. De plus, il conquiert l'affection de tous et, en particulier, noue une grande amitié avec Jonathan, le fils de Saül.

Le roi décline, un jeune à qui tout réussit est entré à la cour : cela ne peut que mal tourner ; Saül devient mortellement jaloux et cherche à plusieurs reprises à se débarrasser de ce rival : David, lui, reste toujours d'une parfaite loyauté à son roi, parce qu'il respecte en lui le roi choisi par Dieu.

Après la mort de Saül, il y a une querelle de succession : le pays se divise en deux : David est reconnu comme roi, mais seulement par une partie du peuple, la tribu de Juda, dans le Sud, dont il est originaire. Il règne à Hébron. Au Nord, en revanche, c'est encore un fils de Saül qui règnera quelque temps, sept ans et demi, nous dit la Bible : après des quantités d'intrigues, de complots, de meurtres dans le royaume du Nord, le fils de Saül est assassiné et c'est à ce moment-là que les tribus du Nord, privées de roi se tournent vers David. Avec le texte d'aujourd'hui, nous assistons donc à la scène du ralliement des tribus du Nord : « Toutes les tribus d'Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : Nous sommes du même sang que toi ! Dans le passé, déjà, quand Saül était notre roi, tu dirigeais les mouvements de notre armée... Et le Seigneur t'a dit : Tu seras le pasteur d'Israël mon peuple... Le roi David fit alliance avec les Anciens d'Israël, à Hébron devant le Seigneur et eux donnèrent l'onction à David pour le faire roi ».

Voilà donc les douze tribus enfin réunies sous la houlette d'un unique pasteur, à la fois choisi par Dieu et reconnu par ses frères comme un des leurs. Sa désignation par Dieu est manifestée par l'onction qui lui est faite avec l'huile sainte et désormais il porte le titre de « Messie » qui veut dire justement le « frotté d'huile ». Cette onction d'huile est le signe que Dieu l'a choisi et que l'Esprit de Dieu est avec lui ; et c'est Dieu qui lui a fixé sa tâche : être un pasteur, un berger pour son peuple. Bel idéal pour un roi !

On sait bien ce qu'il en est ! Cet idéal d'un roi, à la fois issu de son peuple et choisi par Dieu, qui soit un pasteur c'est-à-dire uniquement préoccupé d'offrir à son troupeau l'unité et la sécurité, restera malheureusement tout au long de l'histoire d'Israël un rêve. Mais la foi dans les promesses de Dieu l'emportera toujours sur les déceptions de l'histoire : on continuera d'attendre celui qui porterait dignement le nom de Messie. En grec, la traduction du mot « Messie », c'est le mot « Christos », Christ... Mille ans après David, un de ses lointains descendants qu'on appellera souvent « Fils de David » inaugurera enfin ce règne définitif : il dira de lui-même « Je suis le bon pasteur »... Dans l'Eucharistie de chaque dimanche, c'est lui qui nous dit « Vous êtes du même sang que moi ».

PSAUME 121 ( 122 ) , 1... 7

1 Quelle joie quand on m'a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
2 Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !

3 Jérusalem, te voici dans tes murs ! Ville où tout ensemble ne fait qu'un !
4 C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur, là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

5 C'est là le siège du droit, le siège de la maison de David.
6 Appelez le bonheur sur Jérusalem :
7 « Que la paix règne dans tes murs ! »

« Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! » C'est un pèlerin qui parle : son groupe vient d'arriver aux portes de la ville sainte, enfin ! Nous sommes après l'Exil à Babylone : le Temple détruit, dévasté, profané par les troupes de Nabuchodonosor, a été reconstruit vers 515 av.J.C. La ville aussi a été rebâtie : notre pèlerin constate avec joie : « Jérusalem, te voici dans tes murs ! » Et il continue « ville où tout ensemble ne fait qu'un » ; il parle de l'assemblage des constructions, bien sûr ; mais aussi de l'unité du peuple autour de cette ville où l'on s'assemble pour renouveler l'Alliance avec Dieu. Une promesse commune, un destin commun maintiennent ce peuple dans l'unité.

Et si Dieu a ordonné de venir régulièrement en pèlerinage à Jérusalem, c'est pour maintenir justement l'unité du peuple dans la ferveur et la joie de l'Alliance. Car ce pèlerinage, comme tous les autres, obéit à un ordre de Dieu : « C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur, c'est là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur ». Le mot « tribus » est un rappel de l'Exode ; le mot « monter » également : Jérusalem est située sur la hauteur, il faut y monter, c'est vrai ; mais le mot « monter » est aussi une allusion à la libération d'Egypte : quand on parle de cette libération, on dit « Dieu nous a fait monter du pays d'Egypte ».

Désormais on monte à Jérusalem en pèlerinage : et on « monte » vraiment : le pèlerinage se fait à pied, parfois de très loin, dans la fatigue, la chaleur, la soif, mais aussi la ferveur du coude à coude et des difficultés surmontées ensemble ; (nos parcours en autocar, de Jéricho à Jérusalem, par exemple, ne peuvent pas assurer, de la même manière cette cohésion du groupe et cette ferveur commune). Quand le pèlerin de notre psaume s'exclame « Maintenant, notre marche prend fin ! », il exprime tout à la fois l'émerveillement devant le spectacle de la ville et le soulagement d'être arrivés, enfin!... Donc, on monte à Jérusalem, comme les tribus sont montées du pays d'Egypte, sous la conduite de Moïse, puis de Josué, grâce à la protection du Dieu libérateur. Dans le verset : « c'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur », l'expression « tribus du Seigneur », elle aussi, est un rappel de l'Alliance, au moins pour deux raisons : d'abord l'emploi du nom « Seigneur » : c'est le fameux Nom révélé à Moïse dans le buisson ardent ; quant à la préposition « du » (« les tribus du Seigneur »), elle dit l'appartenance qui est justement caractéristique de l'Alliance : l'une des formules de l'Alliance, on pourrait dire presque dire sa devise, était « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ».

Et si l'on monte à Jérusalem, chaque année pour la fête des tentes, c'est pour se retremper dans la ferveur de l'Alliance au cours des multiples célébrations qui en déploieront tous les aspects. Mais le point commun de toutes ces célébrations, ce sera l'action de grâce au Dieu d'Israël pour son Alliance et sa fidélité. « C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur, c'est là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur. » « Rendre grâce au nom du Seigneur » c'est précisément la vocation d'Israël ; tant que l'humanité tout entière n'aura pas reconnu son Seigneur, c'est le rôle d'Israël au milieu des nations d'être le peuple de l'action de grâce. En même temps, on donne l'exemple, en quelque sorte, en attendant le jour béni où toutes les nations seront ici rassemblées. Il faut relire le magnifique texte d'Isaïe où Israël et les nations sont évoqués tour à tour : manière de montrer à quel point le destin d'Israël et celui des nations sont imbriqués ; si Israël a été choisi, ce n'est pas pour son bénéfice propre, c'est pour être au milieu du monde le témoin de Dieu : « Il arrivera dans l'avenir que la montagne de la Maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes et dominera sur les collines. Toutes les nations y afflueront. Des peuples nombreux se mettront en marche et diront : Venez à la montagne du Seigneur, à la Maison du Dieu de Jacob. Il nous montrera ses chemins et nous marcherons sur ses routes. Oui, c'est de Sion que vient l'instruction, et de Jérusalem la parole du Seigneur. » (Is 2, 2-3).

« C'est là le siège du droit, le siège de la maison de David » : là, c'est toute l'espérance attachée à la famille de David qui est redite ; on se souvient de la promesse faite à David par le prophète Natan : « Lorsque tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j'élèverai ta descendance après toi, celui qui sera issu de toi-même et j'établirai fermement sa royauté... » (2 S 7, 16). Depuis cette promesse, on attend le roi idéal qui gouvernera selon le coeur de Dieu, c'est-à-dire selon le droit et la justice. Quand ce psaume est chanté après l'exil à Babylone, il n'y a plus de roi sur le trône de David, mais la promesse demeure car Dieu ne peut se renier lui-même, comme dira Saint Paul ; et si on rappelle solennellement cette promesse dans les célébrations, c'est pour raviver l'espérance : le jour de Dieu viendra ; ce jour-là, il y aura de nouveau un roi sur le trône de David, un roi juste...

Un roi qui permettra enfin à Jérusalem d'accomplir sa vocation : « ville de la paix ». Car le souhait adressé à Jérusalem « Que la paix règne dans tes murs ! » n'est pas seulement un voeu pieux, une phrase gentille comme on peut s'en dire en se retrouvant. C'est le cri du coeur : le peuple d'Israël sait qu'il a vocation à être déjà sur cette terre le témoin de la paix que seul Dieu peut donner. Des siècles plus tard, nous fêtons celui qui a inauguré le règne tant espéré par des générations de pèlerins de la ville sainte : « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d'amour et de paix », comme le dit la superbe préface de la fête du Christ-Roi. C'est déjà cette espérance qui soulève les pèlerins, dès le début du pèlerinage : « Quelle joie quand on m'a dit : Nous irons à la maison du Seigneur ».

DEUXIEME LECTURE - Colossiens 1 , 12 - 20

Frères,
12 rendez grâce à Dieu le Père
qui vous a rendus capables
d'avoir part, dans la lumière,
à l'héritage du peuple saint.
13 Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres,
il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé,
14 par qui nous sommes rachetés
et par qui nos péchés sont pardonnés.
15 Lui, le Fils, il est l'image du Dieu invisible,
le premier-né par rapport à toute créature,
16 car c'est en lui que tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
les êtres visibles
et les puissances invisibles :
tout est créé par lui et pour lui.
17 Il est avant tous les êtres,
et tout subsiste en lui.
18 Il est aussi la tête du corps,
c'est-à-dire de l'Eglise.
Il est le commencement,
le premier-né d'entre les morts,
puisqu'il devait avoir en tout la primauté.
19 Car Dieu a voulu que dans le Christ,
toute chose ait son accomplissement total.
20 Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui,
sur la terre et dans les cieux,
en faisant la paix par le sang de sa croix.

Ce texte est à la fois magnifique et terriblement difficile ; mais nous pressentons bien qu'il va très loin dans la contemplation du mystère de notre foi : il résonne comme un credo, une synthèse du mystère du Christ tel que Paul et ses disciples* ont pu le découvrir. On a là une grande fresque du projet de Dieu et l'affirmation que cette oeuvre de Dieu est accomplie en Jésus-Christ. Tout a été créé en lui ET tout a été recréé, réconcilié en lui. Jésus-Christ est vraiment le centre du monde et de l'histoire.

D'abord une remarque, tout ce qui est dit du projet de Dieu est dit au passé : « Il vous a rendus capables... Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres... Il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé »... et à la fin du texte : « Dieu a voulu que dans le Christ, toute chose ait son accomplissement total...Dieu a voulu tout réconcilier par lui et pour lui... » Manière de dire que ce projet de Dieu est conçu de toute éternité.
En revanche, tout ce qui concerne le Christ est dit au présent : « En lui nous sommes rachetés, en lui nous sommes pardonnés... Il est l'image du Dieu invisible, Il est avant tous les êtres... Il est la tête du corps qui est l'Eglise... Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts »... Ce mystère du Christ se déploie en chacun de nous tout au long de notre histoire humaine.

« Il est l'image du Dieu invisible » : c'est peut-être la clé de la pensée de Paul : à la première création, Dieu a fait l'homme à son image et à sa ressemblance ; la vocation de tout homme, c'est d'être l'image de Dieu. Or le Christ est l'exemplaire parfait, si l'on ose dire, il est véritablement l'homme à l'image de Dieu : en contemplant le Christ, nous contemplons l'homme, tel que Dieu l'a voulu. « Voici l'homme » (Ecce homo) dit Pilate à la foule, sans se douter de la profondeur de cette déclaration !

Mais, en Jésus, nous contemplons également Dieu lui-même : dans l'expression « image du Dieu invisible » appliquée à Jésus-Christ, il ne faudrait pas minimiser le mot « image » : il faut l'entendre au sens fort ; en Jésus-Christ, Dieu se donne à voir ; ou pour le dire autrement, Jésus est la visibilité du Père : « Qui m'a vu a vu le Père » dira-t-il lui-même à Philippe (dans l'évangile de Jean : Jn 14, 9). Un peu plus bas dans cette même lettre, Paul dit encore : « En Christ habite toute la plénitude de la divinité » (Col 2 , 9). Il réunit donc en lui la plénitude de la créature et la plénitude de Dieu : il est à la fois homme et Dieu. En contemplant le Christ, nous contemplons l'homme... en contemplant le Christ, nous contemplons Dieu.

Reste à savoir pourquoi le sang de la croix du Christ, comme dit Saint Paul, nous réconcilie avec Dieu. Et là, le problème, semble-t-il, c'est que ce texte peut être lu de deux manières : première manière, mais qui donne de Dieu une idée complètement fausse : Dieu aurait voulu que Jésus souffre beaucoup pour mériter l'effacement de nos péchés... Mais il faut tourner résolument le dos à des explications de ce genre ; on sait bien qu'il ne s'agit pas de payer une dette à Dieu. Deuxième manière de comprendre ce texte, et c'est celle que je vous propose : c'est la haine des hommes qui tue le Christ, mais, par un mystérieux retournement, cette haine est transformée par Dieu en un instrument de réconciliation, de pacification.

A l'échelle humaine, nous avons parfois des exemples de cet ordre : je pense à des hommes comme Itzak Rabin, Martin Luther King, Gandhi, Sadate... Ils ont prêché la paix, l'égalité entre les hommes, et cela leur a coûté la vie ; ils ont été victimes de la haine des hommes ; mais, paradoxalement, leur mort a inauguré un progrès de la paix et de la réconciliation. Un témoignage d'amour et de pardon, qui va parfois jusqu'au sacrifice de sa vie, est un ferment de paix. Parce qu'il nous montre le chemin, il attendrit notre coeur, si nous voulons bien.

Mais cela ne suffit pas à réconcilier l'humanité tout entière avec Dieu car ils ne sont que des hommes. Jésus, lui, est l'homme - Dieu : il est à la fois le Dieu qui pardonne et l'humanité qui est pardonnée ; ce qui nous réconcilie, c'est que le pardon accordé par le Christ à ses bourreaux, est le pardon même de Dieu. C'est Dieu qui pardonne... par pure miséricorde de sa part. Désormais, nous savons, parce que nous l'avons vu de nos yeux, jusqu'où va l'amour et le pardon de Dieu. C'est pour cela que nous avons des crucifix dans nos maisons. Ajoutons que seul Jésus, parce qu'il est Dieu, peut nous transmettre l'Esprit de Dieu pour que nous devenions capables de pardonner à notre tour.

Comme dit Saint Paul, il a plu à Dieu de nous pardonner à travers Jésus-Christ : « Il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude et de tout réconcilier par lui et pour lui et sur la terre et dans les cieux en faisant la paix par le sang de sa croix ». Au jour du Vendredi-Saint sur le Calvaire, celui que nous appelons « le bon larron » fut le premier bénéficiaire de cette réconciliation (c'est l'évangile de cette fête du Christ-Roi).

Ce n'est pas magique pour autant, on ne le sait que trop : cette Nouvelle Alliance inaugurée en Jésus-Christ est offerte mais nous demeurons libres de ne pas y adhérer ; pour nous, baptisés, elle devrait être un sujet sans cesse renouvelé d'émerveillement et d'action de grâce ; c'est pourquoi Paul commençait sa contemplation par : « Rendez grâce à Dieu le Père qui vous a rendus capables d'avoir part, dans la lumière, à l'héritage du peuple saint ». Il s'adressait à ceux qu'il appelle « les saints », c'est-à-dire les baptisés. L'Eglise, par vocation, c'est le lieu où l'on rend grâce à Dieu. Ne nous étonnons pas que notre réunion hebdomadaire s'appelle « Eucharistie » (littéralement en grec « action de grâce »).

****
* Personne, aujourd'hui, ne sait dire avec certitude si cette lettre émane de Paul ou d'un de ses très proches disciples.

EVANGILE - Luc 23 , 35 - 43

On venait de crucifier Jésus,
35 et le peuple restait là à regarder.
Les chefs ricanaient en disant :
« Il en a sauvé d'autres :
qu'il se sauve lui-même,
s'il est le Messie de Dieu, l'Elu ! »
36 Les soldats aussi se moquaient de lui.
S'approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée,
37 ils lui disaient :
« Si tu es le roi des Juifs,
sauve-toi toi-même ! »
38 Une inscription était placée au-dessus de sa tête :
« Celui-ci est le roi des Juifs. »
39 L'un des malfaiteurs suspendus à la croix
l'injuriait :
« N'es-tu pas le Messie ?
Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »
40 Mais l'autre lui fit de vifs reproches :
« Tu n'as donc aucune crainte de Dieu !
Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
41 Et puis, pour nous, c'est juste :
après ce que nous avons fait,
nous avons ce que nous méritons.
Mais lui, il n'a rien fait de mal. »
42 Et il disait :
« Jésus, souviens-toi de moi
quand tu viendras inaugurer ton Règne. »
43 Jésus lui répondit :
« Amen, je te le déclare :
aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »



Trois fois retentit la même interpellation à Jésus crucifié : « Si tu es... » ; « Si tu es le Messie » ricanent les chefs... « Si tu es le roi des Juifs », se moquent les soldats romains ... « Si tu es le Messie » injurie l'un des deux malfaiteurs crucifiés en même temps que lui. Au passage, on note que chacun interpelle Jésus à partir de sa situation personnelle : les chefs religieux du peuple juif attendent le Messie, l'Elu de Dieu... et à leurs yeux, il en a bien peu l'air. Les soldats romains, membres de l'armée d'occupation ricanent sur ce prétendu roi, si mal défendu... Quant au malfaiteur, il attend quelqu'un qui le sauve de la mort : lui aussi en appelle au Messie.
Ces trois interpellations ressemblent étrangement au récit des Tentations dans le désert, au début de la vie publique de Jésus (Luc 4) : trois interpellations, là aussi... par le diable cette fois : « Si tu es le Fils de Dieu... » : « Si tu es le Fils de Dieu, change donc ces pierres en pain »... « Si tu es le Fils de Dieu... jette-toi en bas, Dieu donnera ordre à ses anges de te garder »... et la troisième tentation concerne justement le titre de roi : « Je te donnerai toute la gloire des royaumes de la terre, si tu te prosternes devant moi ».

Dans ces deux étapes de la vie du Christ (telle qu'elle est rapportée par saint Luc), la question est au fond la même : quel est le rôle du Messie ? Est-ce un chef politique ou religieux ? Quelqu'un qui a tout pouvoir pour tout arranger ? Un roi tout-puissant ? Si c'est cela, Jésus ne répond évidemment pas à ce schéma : ce condamné, crucifié comme un malfaiteur n'a pas grand chose apparemment d'un roi de l'univers. Il ne répond rien d'ailleurs à ces mises en demeure de montrer enfin son pouvoir. Dans l'épisode des Tentations, à chacune des provocations du diable, Jésus avait répondu par une phrase de l'Ecriture. « Il est écrit : l'homme ne se nourrit pas seulement de pain »... « Il est écrit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu »... « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, c'est à lui seul que tu rendras un culte ». L'Ecriture était sa référence pour résister ; et on peut bien penser que, tout au long de sa vie terrestre, chaque fois qu'il a affronté des tentations concernant sa mission de Messie, c'est la référence à l'Ecriture qui lui a permis de tenir le cap.

Sur la croix, au contraire, Jésus ne répond pas, il ne dit rien tout au long de cette scène de provocations. Et pourtant l'interpellation est de taille : Messie, il l'est et il le sait ; or le Messie est celui qui sauvera le monde : il devrait donc bien se sauver lui-même ! Cela, c'est notre logique humaine, c'est la logique de ses interlocuteurs. Et c'est de cela qu'il meurt : il meurt de n'avoir pas été conforme à leur logique, à leur idée du Messie. Mais Jésus sait, lui, que Dieu seul sauve ; il attend son propre salut de Dieu seul. D'ailleurs son nom le dit bien : « Jésus » cela veut dire « C'est Dieu qui sauve ». Il n'a donc rien à ajouter, rien à répondre ; il attend dans la confiance ; il sait que Dieu ne l'abandonnera pas à la mort. Les Tentations sont une fois pour toutes surmontées : il est resté fidèle à sa mission, il ne s'est pas dérobé aux conséquences. Le voilà livré totalement aux mains des hommes : que pourrait-il répondre de plus à ses adversaires ?

En revanche, cet épisode des injures est encadré dans l'évangile de Luc par deux paroles de Jésus, deux paroles de pardon : la deuxième, nous venons de l'entendre, c'est la phrase adressée à celui que nous appelons « le bon larron » ; la première est rapportée par Luc juste avant le passage d'aujourd'hui : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font ». Parole humaine et divine à la fois ; puisqu'il est l'homme-Dieu : le pardon accordé par le Christ à ses bourreaux est le pardon même de Dieu. En Jésus, homme et Dieu, c'est Dieu qui pardonne... nous sommes réconciliés, il nous suffit d'accueillir cette réconciliation. C'est très exactement ce que fait celui qui nous est donné en exemple, le « bon larron » : il reconnaît Jésus comme le Messie, il l'appelle au secours... prière d'humilité et de confiance... Il lui dit « Souviens-toi », ce sont les mots habituels de la prière que l'on adresse à Dieu : à travers Jésus, c'est donc au Père qu'il s'adresse : « Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras inaugurer ton règne » ; on a envie de dire « Il a tout compris ». Et Jésus lui répond : « Amen, je te le déclare : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». « Aujourd'hui » : l'attitude de vérité et d'humilité de cet homme qui n'était sûrement pas un enfant de choeur (comme on dit) est la seule condition pour que ce jour soit l'aujourd'hui du salut pour lui.

Au-delà même des Tentations au désert, on se souvient d'un autre homme (Adam), dans un autre jardin, qu'on appelait Eden, le lieu du bonheur, le lieu de délices ; il avait été créé pour être le roi de la création : « Dominez la terre et soumettez-la » ; il était libre mais il n'était pas tout-puissant : il dépendait de Dieu. Mais il a voulu être « comme un dieu ».
« Si tu es le Fils de Dieu » : au fond c'est toujours la même histoire ; Adam s'est trompé : il a cru qu'être fils de Dieu, on le décidait soi-même... il a cru le diable qui disait « vous serez comme des dieux » et il a été chassé du Paradis ; Jésus, au contraire, dont le nom veut dire « C'est Dieu qui sauve », Jésus a attendu le salut de Dieu seul... il nous ouvre les portes du Paradis.

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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 22:40

Au cours des 15 derniers jours, 3 articles m'ont appris des tas de choses sur le fameux Tea Party. Je les présente ici dans l'orde où je les ai lus.

 

Le premier provient du remarquable blog de Francis Richard, un Français vivant en Suisse. Il fait le lien entre le Tea Party d'origine et celui d'aujourd'hui.

 

 

Jeudi 28 octobre 2010 4 28 /10 /2010 23:10

9-12 in WashingtonL'amateur d'infusion de feuilles de théier que je suis ne peut que s'affliger que 45 tonnes de thé de Chine aient été jetées dans le port de Boston le 16 décembre 1773. Certes cela remonte à 237 ans, mais, tout de même, quel gâchis !

 

Pourtant ce geste indélicat était une manière de s'opposer au gouvernement britannique de l'époque qui avait pris deux décisions successives, fautives à la fois sur le plan économique et sur le plan du droit.

 

Pour renflouer sa trésorerie, sans que les colonies américaines n'aient leur mot à dire, puisqu'elles n'étaient pas représentées du tout au Parlement de la métropole, il avait fortement augmenté les taxes et plus particulièrement la taxe sur le thé.

 

N'arrivant pas à écouler ses stocks pléthoriques de thé, la Compagnie anglaise des Indes orientales avait obtenu l'exorbitant privilège d'être exemptée de cette taxe, ce qui lui permettait d'être moins chère que les petits marchands et, même, que les contrebandiers. Du coup un boycott avait été organisé contre elle par les habitants des colonies américaines, avec pour conséquence de l'empêcher de débarquer du thé dans les ports américains.

 

A Boston la Compagnie essaya donc de passer en force avec l'appui du gouverneur et de l'armée. Un commando de 60 habitants de la ville, déguisés en redoutables amérindiens, monta à bord des trois navires de la Compagnie avant qu'elle ne débarque sa marchandise et répandit dans le port le thé contenu dans 342 caisses avant de les remettre en place, vides. C'était la première Tea Party de l'histoire.

 

A l'origine, la Tea Party, celle de Boston, est donc une manifestation de la société civile contre une fiscalité confiscatoire et ruineuse, décidée par l'Etat, sans son consentement, et contre des passe-droits accordés par l'Etat à certains au détriment des autres.

 

A la suite du ruineux plan de relance de 789 milliards de dollars adopté par le Congrès américain en janvier 2009, le Président Barack Obama annonce le 18 février 2010 qu'une aide de 75 milliards de dollars supplémentaires sera accordée aux propriétaires de maisons risquant d'être saisis en raison de leur insolvabilité. (lire la suite)

 

J'ai lu le second dans l'hebdomadaire "Valeurs actuelles". Comme son titre l'indique, il parle du premier Tea Party de l'histoire et de son coup d'éclat de 1773.

 

1773. L'acte fondateur de la Révolution américaine.

La première Tea Party

Tea PartyC’est à Boston que la révolution américaine a commencé. Par une rébellion fiscale. L’actuel mouvement du Tea Party s’y réfère explicitement. Voici ce qui la provoqua.

La Boston Tea Party du 16 décembre 1773 est à peu près, pour la révolution américaine, ce que la prise de la Bastille est pour la française. L’événement premier. Et le symbole dont les citoyens ne cesseront désormais de se réclamer. Seule différence : la bonne humeur y est de mise. D’où, d’ailleurs, le nom qui lui est resté : en anglais, party signifie à la fois un groupe de personnes, un parti politique et une fête. Le sang n’y a pas coulé. Et l’on n’y a pas promené de têtes au bout d’une pique.

Fondée en 1630, Boston est un siècle plus tard, dans les années 1730-1760, la capitale du Massachusetts et le port principal de la Nouvelle-Angleterre. Exploitant le bois de l’arrière-pays, les charpentiers locaux construisent en série les meilleurs bateaux de commerce de l’Empire britannique : pas moins de trois cent cinquante unités par an. Les menuisiers, pour leur part, taillent des poutres, des madriers, des planches. Les charrons façonnent des roues, des charrettes, des voitures. Les tonneliers, des tonneaux, des barriques, des baquets et des seaux.

Ces objets sont exportés aux Antilles anglaises, françaises, néerlandaises, espagnoles, qui sont alors, grâce à leurs plantations de cannes à sucre, au coeur du commerce mondial. Ils sont négociés contre la mélasse, le résidu brut de la canne après l’extraction du sucre et surtout le rhum, qui sert, dans un troisième temps, à acheter des esclaves en Afrique.

Un cycle “vertueux”, qui enrichit presque tout le monde, et dont on veut croire qu’il assure même, à terme, le bonheur des Noirs asservis, puisque le maître chrétien qui les acquiert ne peut être aussi mauvais que le maître païen qui les vend…

Cette activité incessante fait du port de Boston une forêt de mâts, de ses quais une suite d’entrepôts, de ses rues un dédale d’ateliers, de ses financiers les correspondants de ceux de Londres. La ville compte 16 000 habitants. Ses familles les plus anciennes et les plus riches sont éduquées dans d’excellents collèges locaux, Harvard ou la Boston Latin School, calqués sur ceux d’Oxford et de Cambridge. Certains de ses enfants sont célèbres en Europe, comme Benjamin Franklin, l’inventeur du paratonnerre. (Lire la suite).

 

Enfin, le troisième, écrit par philosophe Henri Hude, est publié par le site Liberté Politique. Il nous parle de l'actuel mouvement Tea Party. C'est surtout la première partie que j'ai appréciée, mais rien ne vous interdit d'aller jusqu'au bout.

 

Quand la presse française prend le Tea-Party pour de la camomille

12 Novembre 2010 | Henri Hude*

Lire ce qu’écrit la grande presse nationale française depuis les USA sur le mouvement Tea-Party vous donne l’impression de dormir debout : l'impression d’être en présence d’une Idée philosophique, et non face à une réalité politique complexe ; l'impression, aussi, que ce mouvement serait une frange, extrémiste et marginale, du Parti républicain. Voici une contribution à cette réduction du déficit d'analyse et de quantification de ce phénomène.

1/ Analyse d’une réalité politique complexe

Ce qu’on appelle « Tea-Party movement » est un ensemble qui comporte deux sous-ensembles.

Le premier, c’est le mouvement Tea Party Express. Le second sous-ensemble, c’est le mouvement Freedom works.

L’ensemble formé par ces deux sous-ensembles porte dans le langage courant le nom d’un des deux sous-ensembles. Il faut donc distinguer le Tea-Party au sens large, et le Tea-Party Express au sens strict. Le vocabulaire ne facilite pas une claire analyse du phénomène. N'importe qui peut aller sur leurs sites et se faire personnellement une idée de ce qu'ils sont. Il existe de bons articles, notamment au sujet de Freedom Works (comme celui de notre ami Damien Theillier, surtout sur les blogs. L'essentiel peut se résumer en peu de mots.

Réseaux sociaux, renouveau de la démocratie et puissance d’Internet

Ces deux organisations sont deux réseaux sociaux, qui semblent être nés à peu près ensemble, indépendamment, mais sous la pression des mêmes besoins impérieux, dans une situation devenue intolérable, inspirés par les mêmes idéaux, réglés par les mêmes principes.

Ils ont des structures voisines, très décentralisées, et néanmoins une doctrine commune, renfermée en particulier dans un livre intitulé Give Us Liberty. A Tea-Party Manifesto.

Ces organisations aux structures légères sont animées par un élan puissant, qui s’est révélé irrésistible dans le dernier affrontement électoral. Ce sont des soulèvements populaires, enracinés dans la classe moyenne, composés de gens très remontés mais pacifiques et sûrs de leur bon droit, extraordinairement sûrs d’aller au succès et de remettre leur pays sur les rails. Si l'on veut avoir une idée précise de ce qu'est une révolution, il faut prêter attention à ce phénomène. Ce n'est pas un mouvement politique. C'est une révolution.

Non pas un mouvement, mais une révolution

Ce mouvement est une vraie révolution, en ce sens qu’il est né, à l’évidence, spontanément, au sens où il est un élan qui se dote d'une organisation et non une organisation qui fabrique un mouvement. Son ampleur phénoménale s'explique par la rencontre entre

1/ la mentalité traditionnelle fondatrice de l’Amérique, qui s’y réaffirme avec puissance,
2/ une situation jugée absolument intolérable et
3/ l'innovation technologique de l'Internet.

L’Internet et les blogs ont peu à peu réduit à néant dans le peuple l'autorité intellectuelle et morale des médias libéraux (au sens américain du mot). La culture authentique, recouverte par l'idéologie, a resurgi. Le réel, dissimulé par l'apparence infosphérique, s'est réimposé. Le sens commun est revenu. La crise a joué le rôle de déclencheur. Et maintenant, rien ne va plus et ça ne fait que commencer et je suis prêt à parier que rien ne sera plus comme avant. Ce qui est la vraie définition d'une révolution.

Sans leur action, pensent les militants Tea-Party, les USA vont à la perte de leur identité, à la faillite et au déclassement. Les citoyens ont pris conscience avec effarement de l’énormité de l’endettement du pays, au moment même où le président Obama portait les déficits à des niveaux sans précédent.(Lire la suite).

 

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 18:03

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE - Malachie 3, 19 - 20 a

19 Voici que vient le jour du Seigneur,
brûlant comme une fournaise.
Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l'impiété,
seront de la paille.
Le jour qui vient les consumera,
déclare le Seigneur de l'univers,
il ne leur laissera ni racine ni branche.
20 Mais pour vous qui craignez mon Nom,
le Soleil de justice se lèvera ;
il apportera la guérison dans son rayonnement.


- Quand Malachie écrit ces lignes, les croyants ne savent plus très bien où ils en sont : nous sommes vers 450 av. J.C. dans un contexte de découragement général ; tout le monde a l'air de perdre la foi, y compris les prêtres de Jérusalem qui en sont venus à célébrer le culte un peu n'importe comment. Et tout le monde ou presque se pose des questions du genre « Que fait Dieu ?... Nous oublie-t-il ?... » La vie est tellement injuste ! A ceux qui font le mal, tout réussit... A quoi sert d'être soi-disant le peuple élu, à quoi sert de respecter les commandements ? Il n'y a pas de justice... Dieu est-il vraiment juste, finalement ?

- Alors Malachie fait son travail de prophète, c'est-à-dire qu'il s'emploie à galvaniser les énergies. Il rappelle à l'ordre d'abord, les prêtres comme les laïcs, mais surtout, et c'est le texte d'aujourd'hui, il proclame que Dieu est juste... et que son projet d'instaurer la justice entre les hommes progresse irrésistiblement. Le JOUR du Seigneur approche.

- « Voici que vient le jour du Seigneur », cela veut dire que l'histoire n'est pas un perpétuel recommencement, elle progresse ; pour les croyants, juifs ou chrétiens, c'est un article de foi. « Il vient le jour du Seigneur », c'est certainement le thème de ce dimanche. Le « jour » du Seigneur, sous-entendu le jour de sa venue. Evidemment, selon l'idée que l'on se fait de Dieu, on va, soit redouter, soit attendre impatiemment sa venue. Le croyant, lui, attend impatiemment, ardemment, activement cette venue du jour du Seigneur. Car pour le croyant, celui qui a compris une fois pour toutes que Dieu est Père, l'annonce de la venue du jour de Dieu est une bonne nouvelle.

- L'image employée par Malachie est celle du soleil : « Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise » : il ne faut surtout pas entendre cette phrase comme une menace ! Car le livre de Malachie commence par une déclaration d'amour de Dieu : « Je vous aime, dit le Seigneur » (Ml 1, 2) et une autre : « Je suis Père » (Ml 1, 6). Le texte que nous venons d'entendre est de la même veine : « une fournaise », quelle image superbe pour dire l'incandescence de l'amour infini ! Cette image de fournaise, nous la retrouvons dans l'évangile : « Notre coeur n'était-il pas tout brûlant...? » se redisaient, tout émus, les deux disciples d'Emmaüs après leur rencontre avec le Ressuscité.

- Et il est vrai que les images de lumière et de chaleur nous viennent spontanément pour exprimer l'amour qui envahit parfois notre coeur. Alors, quand viendra pour chacun de nous le jour de la grande rencontre, c'est dans l'océan brûlant de l'amour de Dieu que nous serons plongés. Que pourrions-nous craindre ? Il suffit de nous rappeler les premières lignes de Malachie : « Je vous aime, dit le Seigneur » ; nous serons bien exposés tout entiers, mais c'est au soleil de l'amour ; et que peut faire Celui qui n'est qu'amour, sinon aimer ? Et aimer de préférence ce qui est exposé, pauvre, nu, sans défense. C'est le merveilleux sens du mot « miséricorde » : un coeur attiré par la misère ; et miséreux, nous le sommes, indiscutablement ; alors le coeur de Dieu nous est acquis !

- N'empêche que Malachie parle bien ici de jugement : là encore l'image du soleil est suggestive : on sait bien que le soleil est tantôt brûlant, dangereux, tantôt au contraire bienfaisant. Il apporte, selon les cas, brûlure ou guérison. C'est ce que nous appelons l'ambivalence du soleil : son action est double. Dans le domaine de la santé, par exemple, il aggrave certaines maladies, (le cancer par exemple), il en guérit d'autres : avant la découverte des antibiotiques, on employait l'héliothérapie dans le traitement de certaines tuberculoses...

- Pour le Soleil de Dieu, dont parle Malachie, c'est la même chose : rien n'échappe à sa lumière ; pas question de nous montrer sous le jour le plus avantageux : aucune tache, aucune imperfection ne restera dans l'ombre. Nous voilà exposés sans défense, semble-t-il, au regard de Dieu, le souverain juge.

- C'est notre vie tout entière, notre être tout entier, qui sera exposée au soleil purificateur : il brûlera les uns, guérira les autres ; je reprends le texte : « Tous les arrogants, ceux qui commettent l'impiété, seront de la paille, le jour qui vient les consumera... Mais pour vous qui craignez mon nom, il apportera la guérison ».
Le jugement de Dieu révélera ce que nous sommes en vérité :

- Sommes-nous « arrogants » comme dit Malachie, hommes au coeur sec ? Alors nous verrons ce que nous sommes en réalité : de la paille qui sera emportée dans l'incendie...

- Sommes-nous humbles devant Dieu, « craignant son Nom », c'est-à-dire attendant tout de lui, comme le publicain de l'autre jour ? Alors nous serons comblés.

- Reste une question de taille : comment savoir de quelle catégorie nous sommes, tant qu'il est encore temps ? Aucun d'entre nous n'est totalement bon, nous le savons bien... Mais aucun d'entre nous, non plus, n'est totalement mauvais. Il y a en chacun de nous un peu d'arrogance, et un peu de crainte de Dieu, pour reprendre les termes de Malachie, un peu d'orgueil et un peu d'humilité, un peu de haine ou d'indifférence et un peu d'amour, un peu de service de nous-mêmes et un peu de service des autres...

- C'est donc en chacun de nous que le tri va s'opérer : ce qui est bonne graine va germer au soleil de Dieu, ce qui n'est que paille va brûler ; ce qui, en chacun de nous, est reflet ou attente de l'amour de Dieu, ce que Malachie appelle « crainte de Dieu », sera comblé, transfiguré. Ce qui, en chacun de nous, est obstacle à l'amour de Dieu, ce que Malachie appelle « arrogance » fondra comme neige au soleil, ou « brûlera comme de la paille » pour reprendre les termes de notre texte. Ce jugement de Dieu, en fait, c'est une opération de purification, et alors, enfin, en chacun de nous Dieu reconnaîtra son image et sa ressemblance.

- Je reprends deux autres images employées ailleurs par Malachie pour décrire l'oeuvre de jugement de Dieu : celles du fondeur et du blanchisseur ; quand le blanchisseur s'attaque aux taches, ce n'est pas pour détruire la nappe des jours de fête, c'est pour qu'elle soit éclatante ; quand le fondeur purifie l'or ou l'argent, ce n'est pas pour supprimer le bijou tout entier, mais pour qu'il rayonne de toute sa beauté. De la même manière, tout ce qui est amour, service sera grandi, épanoui, transfiguré... ce qui n'est pas amour disparaîtra tout simplement.

- Au fond, que la paille brûle... quelle importance ? Tout ce qui est bonne graine lèvera au soleil. Non, vraiment, nous n'avons rien à craindre du jour de Dieu.

PSAUME 97 ( 98 ) , 5 ... 10

5 Jouez pour le Seigneur sur la cithare,
sur la cithare et tous les instruments ;
6 au son de la trompette et du cor,
acclamez votre roi, le Seigneur !

7 Que résonnent la mer et sa richesse,
le monde et tous ses habitants ;
8 que les fleuves battent des mains,
que les montagnes chantent leur joie.

9 Acclamez le Seigneur, car il vient
pour gouverner la terre,
pour gouverner le monde avec justice,
et les peuples avec droiture !



- Ce psaume nous transporte en pensée à la fin du monde : c'est la création tout entière renouvelée qui crie sa joie parce que le règne de Dieu est enfin arrivé. J'ai dit « la création tout entière » car je lis dans le psaume « La mer et sa richesse, le monde et ses habitants, les fleuves et les montagnes ... »

- Saint Paul dit bien dans sa lettre aux Ephésiens que c'est le projet de Dieu depuis toujours de « réunir l'univers entier » ; je vous rappelle ce texte : « Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu'il a d'avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement, tout réunir sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre ».

- « Tout réunir », la création, le cosmos et les créatures : et le mot « réunir » est à prendre au sens fort d'union. Le projet de Dieu, de toute éternité, c'est l'harmonie entre tous ; dans ce psaume, on le chante, comme s'il était déjà réalisé : la mer et toutes les créatures aquatiques résonnent, s'associent au son de la trompette et du cor, les fleuves battent des mains, les montagnes chantent leur joie. Vous vous souvenez du vieux rêve d'Isaïe au chapitre 11 : « Le loup habitera avec l'agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l'ourse auront même pâturage, leurs petits même gîte. Le lion, comme le boeuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s'amusera sur le nid du cobra, sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main. Il ne se fera ni mal ni destruction sur ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux. » (Is 11, 6 - 9).

- Un rêve bien différent de la réalité qu'on connaît : Israël connaît les dangers de la mer et, d'habitude, la Bible évoque plutôt les mugissements de la tempête, les abîmes de la mort. Et que ce soit entre les éléments et l'homme, entre les animaux, ou entre les hommes eux-mêmes, on assiste à des luttes de toutes sortes, parfois à une guerre sans merci. Où est passé notre beau rêve d'harmonie ? Où est passé le beau rêve de Dieu, surtout ? Mais parce que c'est le projet de Dieu, l'homme de la Bible sait que le jour viendra où le rêve sera réalité. A toutes les époques, c'est le rôle des prophètes de raviver cette espérance.

- C'est le rôle des psaumes, aussi, de nous faire inlassablement répéter nos motifs d'espérance : ici, dans le psaume 97, on chante le règne de Dieu et cela signifie rétablissement de l'harmonie universelle. Et après tant de rois décevants au Nord comme au Sud du pays, après tant d'injustices de toute sorte, un règne de justice et de droiture va commencer. Si on le chante déjà, c'est par anticipation. En chantant cela, on imagine déjà (parce qu'on sait qu'il viendra) le jour où Dieu sera vraiment le roi de toute la terre, c'est-à-dire reconnu par toute la terre. « Acclamez le Seigneur car il vient pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture ».
- C'est encore Isaïe qui parlait du règne du Messie, en disant « La justice sera la ceinture de ses han ches et la fidélité le baudrier de ses reins ». (Is 11, 5) Isaïe parlait au futur... Mais cette fois le psaume parle au présent. Nous en avions lu les premiers versets il y a quelques semaines : « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles; par son bras très saint, par sa main puissante, il s'est assuré la victoire ». C'était au passé, on rappelait les hauts faits de Dieu en faveur de son peuple, c'est-à-dire l'exploit de la sortie d'Egypte, d'abord, puis toute la présence de Dieu auprès de son peuple au milieu de toutes les péripéties de son histoire.

- Mais, ici le psaume parle au présent : « Acclamez votre roi, le Seigneur ! Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice, et les peuples avec droiture ! » Car c'est l'expérience du passé, justement, qui permet à Israël d'anticiper l'avenir. Dieu a fait ses preuves, en quelque sorte ; de la même manière qu'il a délivré son peuple de la servitude en Egypte, il délivrera l'humanité de toutes les chaînes qui l'emprisonnent, celles de la haine et de l'injustice. On peut donc déjà acclamer le règne de Dieu comme accompli parce qu'on sait, sans aucune hésitation possible, que ce n'est qu'une affaire de délai.

- C'est le psaume 89 (90) qui dit : « Mille ans, à tes yeux, sont comme hier, un jour qui s'en va, comme une heure de la nuit. » Et saint Pierre reprend à peu de choses près les mêmes termes : à des chrétiens qui s'impatientent devant la longueur du délai de la venue du Royaume, Pierre répond : « Il y a une chose en tout cas, mes amis, que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu'il a du retard, mais il fait preuve de patience envers vous... » (2 Pi 3, 8-9).

- On retrouve ici un écho des promesses de Malachie, que nous entendons ce dimanche en première lecture : « Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise... Pour vous qui craignez mon Nom, le Soleil de justice se lèvera ; il apportera la guérison dans son rayonnement. » Ceux qui chantent ce psaume, ce sont les humbles, les pauvres du Seigneur, justement, ceux qui attendent avec impatience sa venue, son rayonnement, comme dit Malachie.

- Pour l'instant, c'est le peuple élu tout seul qui chante au Temple de Jérusalem « Acclamez le Seigneur, terre entière, acclamez votre roi, le Seigneur ». Mais quand les temps seront accomplis, c'est la création tout entière qui chantera et pas seulement le peuple élu... Et je vous avais dit la dernière fois, que le mot « chanter » est trop faible ; en fait, par le vocabulaire employé en hébreu, ce psaume est un cri de victoire, le cri que l'on pousse sur le champ de bataille après la victoire, la « terouah ».

- Mais dans les cieux nouveaux et la terre nouvelle que Dieu va créer, ce cri de victoire va se transformer : il n'y aura plus de place pour des cris de guerre car, et c'est encore Isaïe qui parle « La justice de Dieu sera là pour toujours et son salut, de génération en génération. » Nous comprenons pourquoi Jésus nous fait répéter : « Que ton Règne vienne ! »

DEUXIEME LECTURE - 2 Thessaloniciens 3 , 7 - 12

Frères,
7 vous savez bien, vous,
ce qu'il faut faire pour nous imiter.
Nous n'avons pas vécu parmi vous dans l'oisiveté ;
8 et le pain que nous avons mangé,
nous n'avons demandé à personne de nous en faire cadeau.
Au contraire, dans la fatigue et la peine, nuit et jour,
nous avons travaillé pour n'être à charge d'aucun d'entre vous.
9 Bien sûr, nous en aurions le droit ;
mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter.
10 Et quand nous étions chez vous,
nous vous donnions cette consigne :
si quelqu'un ne veut pas travailler,
qu'il ne mange pas non plus.
11 Or, nous apprenons que certains parmi vous
vivent dans l'oisiveté,
affairés sans rien faire.
12 A ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ
cet ordre et cet appel :
qu'ils travaillent dans le calme
pour manger le pain qu'ils ont gagné.

- « Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus » : voilà une phrase que Saint Paul ne redirait certainement pas telle quelle aujourd'hui ! Ceux qui ont la chance d'avoir du travail (c'était le cas de Saint Paul), n'oseraient jamais dire une chose pareille aux millions de chômeurs d'aujourd'hui. On a là, une fois de plus, la preuve qu'il ne faut jamais sortir une phrase biblique de son contexte !

- Le contexte, aujourd'hui, c'est le chômage de quantité de gens de bonne volonté dont les compétences, le savoir-faire, sont inutilisés... Le contexte à l'époque de Paul était tout autre ! On n'avait certainement pas de mal à trouver du travail, puisque Saint Paul qui n'a séjourné que quelques semaines à Thessalonique, peut parler du métier qu'il y a exercé. S'il a pu trouver du travail en si peu de temps, c'est qu'il n'y avait pas de chômage. Et, rappelez-vous, à Corinthe, il avait trouvé de l'embauche très vite chez Priscille et Aquilas qui pratiquaient le même métier que lui.

- Nous le savons par le livre des Actes des Apôtres : « En quittant Athènes, Paul se rendit ensuite à Corinthe. Il rencontra là un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont, qui venait d'arriver d'Italie avec sa femme Priscille. (L'empereur) Claude, en effet, avait décrété que tous les Juifs devaient quitter Rome. (on est en 50 ap J.C. environ). Paul entra en relations avec eux et, comme il avait le même métier - c'était des fabricants de tentes - il s'installa chez eux et il y travaillait. » (Ac 18, 1-3).

- Les oisifs dont parle Paul ne sont donc pas des chômeurs au sens moderne du terme ; mais vous vous rappelez que Paul partait en guerre contre ceux qui prétextaient la venue imminente du royaume de Dieu pour se mettre en vacances.

- Paul, lui, pratiquait donc un métier manuel, celui de tisseur de toiles de tentes ; les toiles étaient tissées en poils de chèvre, c'était une technique qu'il avait apprise en Cilicie, sa patrie natale (vous vous souvenez que Paul est de Tarse, en Cilicie, c'est-à-dire le Sud-Est de la Turquie actuelle). Les poils de chèvre, cela devait faire une toile plutôt rugueuse, notre mot « cilice » pour désigner un vêtement de pénitence, vient de là.

- Ce n'était pas un métier bien glorieux : dans le monde grec, on avait plus de considération pour les artistes ou les intellectuels ; tandis que les rabbins, au contraire, ne dédaignaient pas les métiers manuels ; et la phrase « Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus », Paul ne l'a pas inventée, elle était courante dans les milieux rabbiniques.

- Le métier de Paul n'était pas bien lucratif non plus : Paul n'a pas dû gagner grand chose puisqu'il a dû travailler nuit et jour ; il dit : « Dans la fatigue et la peine, nuit et jour, nous avons travaillé pour n'être à la charge d'aucun d'entre vous ». Et encore, malgré ce travail incessant, il ne subvenait à ses besoins que grâce à un complément envoyé par ses amis de la ville de Philippes. (C'est la lettre aux Philippiens qui nous l'apprend).

- C'est cet acharnement au travail qui autorise Paul à en parler à ceux qui se contentent de l'oisiveté sous prétexte que le Christ ne va pas tarder à revenir.

- Nous avons déjà eu l'occasion de voir que, tout convaincus que le Royaume était déjà commencé avec Jésus-Christ, les chrétiens de Thessalonique avaient perdu leur motivation pour leur travail quotidien... il est vrai que si le Christ devait revenir dans quelques semaines ou quelques mois, on se poserait la question du bien-fondé de beaucoup de nos occupations... les Thessaloniciens en étaient là... Et c'est précisément parce qu'il sait leur démotivation (comme on dirait aujourd'hui) que Paul met son point d'honneur à travailler de ses mains, pour ne pas leur donner le mauvais exemple : « nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter ».

- Le premier argument, pour Paul, semble bien être le souci de n'être à charge de personne... c'est donc une affaire de respect des autres. Il n'est pas question de prendre l'imminence du Royaume comme prétexte pour rester inactifs.

- Mais il y a aussi une deuxième raison : oui, le monde, tel que nous le connaissons, n'est que provisoire, mais c'est de ce monde que Dieu fait son Royaume : ce n'est pas pour rien que Dieu a donné le commandement du livre de la Genèse « Dominez la terre et soumettez-la »... sous-entendu, faites-en votre Royaume.

- Vous vous souvenez peut-être de la chanson du père Aimé Duval « Ton ciel se fera sur terre avec tes bras... » Dans un autre style, l'écrivain Libanais, Khalil Gibran dit dans « le Prophète » : Lorsque vous travaillez, vous accomplissez une part du rêve de la terre... » Un croyant traduit : le rêve de la terre, c'est le Royaume ; Dieu a créé la terre pour en faire le Royaume... son Royaume et le nôtre, le Royaume de l'amour.

- Chaque fois que nous agissons, de quelque manière que ce soit, même si ce n'est pas par un travail rémunéré, pour faire grandir l'homme, pour répandre de l'amour, nous accomplissons une part de ce rêve, de ce projet du Royaume ; Khalil Gibran continue : « cette part de rêve vous fut assignée lorsque ce rêve naquit », c'est-à-dire depuis l'origine. Je reprends sa phrase en entier : « Lorsque vous travaillez, vous accomplissez une part du rêve le plus lointain de la terre, (une part) qui vous fut assignée lorsque ce rêve naquit... Le travail est l'amour rendu visible ».

- Or notre participation à la construction du Royaume de Dieu semble bien indispensable. Je reprends, mais cette fois en entier, la phrase de Pierre que nous lisions à propos du psaume de ce dimanche : « Il y a une chose en tout cas, mes amis, que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu'il a du retard, mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent mais que tous parviennent à la conversion. » (2 Pi 3, 8-9). Si je comprends bien, si nous voulons que le Règne de Dieu arrive plus vite, nous n'avons pas une minute à perdre !

EVANGILE - Luc 21 , 5 - 19

5 Certains disciples de Jésus parlaient du Temple,
admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles.
Jésus leur dit :
6 « Ce que vous contemplez,
des jours viendront
où il n'en restera pas pierre sur pierre :
tout sera détruit. »
7 Ils lui demandèrent :
« Maître, quand cela arrivera-t-il,
et quel sera le signe que cela va se réaliser ? »
8 Jésus répondit :
« Prenez garde de ne pas vous laisser égarer,
car beaucoup viendront sous mon nom
en disant : C'est moi,
ou encore : Le moment est tout proche.
Ne marchez pas derrière eux !
9 Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements,
ne vous effrayez pas :
il faut que cela arrive d'abord,
mais ce ne sera pas tout de suite la fin. »
10 Alors Jésus ajouta :
« On se dressera nation contre nation,
royaume contre royaume.
11 Il y aura de grands tremblements de terre,
et çà et là des épidémies de peste et des famines ;
des faits terrifiants surviendront,
et de grands signes dans le ciel.
12 Mais avant tout cela,
on portera la main sur vous et on vous persécutera ;
on vous livrera aux synagogues,
on vous jettera en prison,
on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs,
à cause de mon Nom.
13 Ce sera pour vous l'occasion de rendre témoignage.
14 Mettez-vous dans la tête
que vous n'avez pas à vous soucier de votre défense.
15 Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse
à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer
ni résistance ni contradiction.
16 Vous serez livrés même par vos parents,
vos frères, votre famille et vos amis,
et ils feront mettre à mort certains d'entre vous.
17 Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom.
18 Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.
19 C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »



- La première chose qui frappe dans ce passage, c'est que la prédiction sur le Temple ne s'est pas complètement réalisée ! Je reprends la phrase de Jésus : « Ce Temple que vous contemplez... des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre ; tout sera détruit ». Or, si vous êtes allés à Jérusalem, vous avez quand même trouvé des ruines du Temple, il en reste quelques pierres les unes sur les autres... J'en déduis qu'il ne s'agissait pas d'une prédiction au sens où nous l'entendons habituellement. Il ne faut pas prendre ces expressions au pied de la lettre ; elles sont une manière de parler.

- Mais au fait, aucun de nous ne prend au pied de la lettre l'expression « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu »!... Depuis notre naissance, nous avons quand même perdu beaucoup de cheveux.

- Et voilà, je crois, une bonne leçon pour nous ; ce genre de discours ne doit pas être pris au pied de la lettre, il n'est pas fait pour prédire l'avenir de manière exacte : il est fait pour nous aider à surmonter les épreuves du présent. Le message, en définitive, c'est « Quoi qu'il arrive... Ne vous effrayez pas... »

- C'est aussi : « ne vous appuyez pas sur de fausses valeurs ». Le Temple en était un bon exemple ; restauré par Hérode, agrandi, embelli, couvert de dorures, il était magnifique ; mais lui aussi fait partie de ce monde qui passe...

- Inutile de chercher dans les paroles de Jésus des précisions sur les dates ou les modalités du Royaume ; qu'il s'agisse de la résurrection de la chair dans sa réponse aux Sadducéens, dimanche dernier, qu'il s'agisse de la fin des temps, aujourd'hui, il ne donne pas de précision ; si j'ose dire, il répond à côté : on lui demande « Quand cela arrivera-t-il ? Quel sera le signe que cela va se réaliser ? Il ne répond pas à ces questions pourtant bien précises : il dit « prenez garde de ne pas vous laisser égarer.. » ce qui n'est pas vraiment une réponse à la question posée. Il faut croire que ce n'est pas le genre de précisions dont nous avons besoin pour mener notre vie de chrétiens ...

- Ailleurs il dira qu'il ne lui appartient pas, même à lui, le Christ, de connaître ces choses-là ; mais il nous dit très clairement quelle doit être notre attitude : une attitude de confiance que rien n'ébranle : ni les catastrophes, ni les persécutions.

- Si j'entends bien, les persécutions viendront vite : Jésus décrit des catastrophes et il dit : « mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l'on vous persécutera, on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera paraître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom. » Et un peu plus bas, « Vous serez détestés de tous à cause de mon Nom ». Luc sait à quel point c'est venu vite, effectivement : d'Etienne à Paul en passant par Jacques et tant d'autres... persécution de la part des Juifs d'abord, puis des Romains.

- Au passage, vous avez remarqué deux fois l'expression « à cause de mon Nom » : à elle seule, elle dit la divinité du Christ ; dans le langage des Juifs, très souvent, pour parler de Dieu lui-même, on disait simplement ces deux mots « Le Nom ».

- La parole qui suit, nous la connaissons bien : « Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à vous soucier de votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction ». Cela ne veut pas dire que les chrétiens persécutés échapperont forcément à leurs persécuteurs... Certains mourront, Jésus le dit bien « ils feront mettre à mort certains d'entre vous » mais il ajoute « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu », ce qui veut dire que tout notre être, corps et âme, est dans la main de Dieu. A travers la mort même, nous sommes assurés de rester vivants de la vie de Dieu. Et, quelles que soient les persécutions, la Parole de Dieu poursuivra sa course, comme dit saint Paul.

- Dans les perturbations du monde, ensuite, seule une confiance tenace nous évitera les égarements, et nous évitera aussi de nous laisser effrayer quels que soient les événements ; et Jésus cite les tremblements de terre, les épidémies, les faits terrifiants, les guerres... Et c'est notre assurance même, notre tranquillité, le fait de ne pas nous laisser effrayer qui sera témoignage. Le même évangéliste, Luc raconte dans les Actes des Apôtres la joie ressentie par Pierre et Jean poursuivis par les autorités juives : « Ils étaient tout heureux d'avoir été trouvés dignes de subir des outrages pour le Nom. » (Ac 5, 41).
- Saint Jean le dit autrement « Confiance ! J'ai vaincu le monde ! » Ou Saint Paul le dit aussi à sa manière ; vous connaissez ce texte : « ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs , ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur. » (Rm 8, 38-39).

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5 novembre 2010 5 05 /11 /novembre /2010 23:29

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté)

 

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE -2ème livre des Martyrs d'Israël 7, 1... 14

1 Sept frères avaient été arrêtés avec leur mère.
A coups de fouet et de nerf de boeuf,
le roi Antiochus
voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite.
2 L'un d'eux déclara au nom de tous :
« Que cherches-tu à savoir de nous ?
Nous sommes prêts à mourir
plutôt que de transgresser les lois de nos pères. »

9 Le deuxième frère lui dit,
au moment de rendre le dernier soupir :
« Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente,
mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois,
le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. »
10 Après celui-là, le troisième fut mis à la torture.
Il tendit la langue aussitôt qu'on le lui ordonna,
et il présenta les mains avec intrépidité,
11 en déclarant avec noblesse :
« C'est du Ciel que je tiens ces membres,
mais à cause de sa Loi je les méprise,
et c'est par lui que j'espère les retrouver. »
12 Le roi et sa suite
furent frappés du courage de ce jeune homme
qui comptait pour rien les souffrances.
13 Lorsque celui-ci fut mort,
le quatrième frère fut soumis aux mêmes tortures.
14 Sur le point d'expirer, il parla ainsi :
« Mieux vaut mourir par la main des hommes,
quand on attend la résurrection promise par Dieu,
tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection
pour la vie éternelle. »

Ce texte marque une étape capitale dans le développement de la foi juive : c'est l'une des premières affirmations de la Résurrection des morts. Nous sommes vers 165 avant J.C., en un moment de terrible persécution déclenchée par le roi Antiochus Epiphane. Il était très certainement mégalomane et voulait être révéré comme un dieu. Pour obliger les Juifs à renier leur foi, il exigeait d'eux des gestes de désobéissance à la Loi de Moïse : cesser de pratiquer le sabbat, offrir des sacrifices à d'autres dieux que le Dieu d'Israël, manquer aux règles alimentaires de la Loi juive... Leur fidélité a conduit de nombreux Juifs au martyre : plutôt mourir que de désobéir à la Loi de Dieu ; mais paradoxalement, c'est au sein même de cette persécution qu'est née la foi en la Résurrection : car une évidence est apparue... qu'on pourrait exprimer ainsi : puisque nous mourons par fidélité à la loi de Dieu, lui qui est fidèle nous rendra la vie.

Aujourd'hui, nous lisons un passage de l'histoire de sept martyrs, sept frères, torturés et exécutés par Antiochus Epiphane. C'est cette extraordinaire découverte de la foi en la Résurrection qui les a soutenus : « Puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde (sous-entendu le véritable Roi du monde) nous ressuscitera pour une vie éternelle ». On a donc là une affirmation très claire de la Résurrection ; et une résurrection, on l'aura remarqué, très charnelle : l'un des frères parle de « retrouver ces membres »... « C'est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de sa Loi je les méprise, et c'est par lui que j'espère les retrouver ».

C'est presque la première affirmation de cette foi dans la Bible* : jusque-là, on y parlait relativement peu de l'après-mort ; l'intérêt se concentrait sur cette vie et sur le lien vécu ici-bas entre Dieu et son peuple. Ce lien qu'on appelait l'Alliance. On s'intéressait à l'aujourd'hui du peuple, au lendemain du peuple, et non au lendemain de l'individu... Après la mort, le corps était déposé dans la tombe, « couché avec ses pères », selon la formule habituelle. On pensait que seule une ombre subsistait dans le « shéol », lieu de silence, de ténèbres, d'oubli, de sommeil.

Peu à peu, parce qu'on sait que Dieu est le Dieu de la vie, on commence à espérer qu'un jour l'humanité sera délivrée de la mort ; c'est Isaïe, par exemple, qui dit « Dieu fera disparaître la mort pour toujours ; le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et dans tout le pays, il enlèvera la honte de son peuple. Il l'a dit, lui, le Seigneur » (Is 25, 6). Mais pendant bien longtemps, la résurrection d'un corps mort a paru comme le type même des choses impossibles ; Ezéchiel, par exemple, prend cette image pour annoncer quelque chose d'incroyable, la restauration du peuple (il ne parle pas de l'individu) ; il parle au moment du désastre de l'Exil à Babylone : alors que le peuple a tout perdu, Ezéchiel annonce contre toutes les apparences, le sursaut du peuple, son renouveau : oui, le peuple revivra, il retrouvera sa force, il se relèvera ; pour oser dire une chose pareille, Ezéchiel s'appuie sur sa foi : Dieu ne peut manquer à sa promesse, le peuple élu reste le peuple élu. Cette annonce de relèvement du peuple, Ezéchiel la dit en images : il décrit un immense champ de bataille jonché d'ossements, les cadavres d'une armée vaincue ; tout le monde sait que rien ne les ressuscitera ; eh bien, moi je vous dis (c'est Ezéchiel qui parle), votre peuple ressemble à cela : il est anéanti comme ces cadavres et à vues humaines, il n'y a plus aucun espoir... mais aussi vrai que Dieu est le Dieu de la vie, votre peuple va se relever, comme si ces ossements se recouvraient soudainement de chair, de muscles, de peau, comme si le sang, à nouveau, coulait dans leurs veines. » Dans cette fameuse vision d'Ezéchiel, qu'on appelle la vision des ossements desséchés (Ezéchiel 37), il ne s'agit donc pas encore de résurrection individuelle. Bien sûr, après coup, on se dit « Ezéchiel ne croyait pas si bien dire » : par sa bouche l'Esprit-Saint annonçait beaucoup plus qu'Ezéchiel n'en avait lui-même conscience.

On a donc aujourd'hui avec le texte des Martyrs d'Israël une étape beaucoup plus avancée du développement de la foi d'Israël : la découverte de la foi en la résurrection des corps n'a été possible qu'après une longue expérience de la fidélité de Dieu : et alors tout d'un coup, c'est devenu une évidence que le Dieu fidèle, celui qui ne nous a jamais abandonnés, ne peut pas nous abandonner à la mort... quand nous acceptons de mourir par fidélité justement.

C'est donc une étape capitale sur le chemin de la découverte de Dieu ; mais seulement une étape : une étape provisoire, qui sera, à son tour, dépassée : pour l'instant, on envisage la résurrection seulement pour les justes. Ceux qui sont morts de leur fidélité à Dieu, le Dieu fidèle les ressuscitera. C'est ce que dit le quatrième frère : « Mieux vaut mourir par la main des hommes quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie éternelle. » Il faudra encore des siècles d'éducation patiente de Dieu pour que la foi en la Résurrection des morts soit affirmée sans restriction. Aujourd'hui nous l'affirmons dans le « je crois en Dieu » : « J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir » : cette affirmation, nous la devons entre autres à ces sept frères anonymes (du livre des Maccabées) morts en 165 avant Jésus-Christ sous Antiochus Epiphane.

****

* Il semble bien que la toute première affirmation de la Résurrection se trouve dans le Livre du prophète Daniel (Dn 12, 2-3), écrit précisément au moment de cette terrible persécution d'Antiochus Epiphane ; et les sept frères se seraient inspirés de lui justement. Le Livre des Martyrs d'Israël (autrement appelé Livre des Maccabées), lui, qui relate cette phase de l'histoire, est plus tardif.

PSAUME 16 ( 17 )

1 Seigneur, écoute la justice !
Entends ma plainte, accueille ma prière.
3 Tu sondes mon coeur, tu me visites la nuit,
tu m'éprouves sans rien trouver.

5 J'ai tenu mes pas sur tes traces,
jamais mon pied n'a trébuché.
6 Je t'appelle, toi, le Dieu qui répond :
écoute-moi, entends ce que je dis.

8 Garde-moi comme la prunelle de l'oeil ;
à l'ombre de tes ailes, cache-moi.
15 Et moi, par ta justice, je verrai ta face :
au réveil, je me rassasierai de ton visage.

« A l'ombre de tes ailes cache-moi » : cette toute petite phrase nous donne le cadre précis de ce psaume : il s'agit des ailes des chérubins qui surplombent le coffret de l'arche d'Alliance ; nous sommes donc en pensée au Temple de Jérusalem, dans l'endroit le plus sacré, le Saint des Saints, là où, seul, le grand-prêtre pénétrait une fois par an, le jour du Grand pardon, (Yom Kippour). Ici, il ne s'agit pas du grand-prêtre, mais de quelqu'un qui se cache, qui vient chercher refuge près de l'autel du Temple de Jérusalem. Il est sûrement traqué puisqu'il vient chercher refuge près de l'autel du Temple et qu'il en appelle à la justice de Dieu ; c'est le sens du premier verset : « Seigneur, écoute la justice » et du dernier : « par ta justice, je verrai ta face » ; s'il est contraint de remettre sa cause à Dieu, c'est qu'il est victime d'une erreur judiciaire : ce n'est certainement pas un cas isolé puisque l'on se souvient que le prophète Amos avait des paroles très sévères sur le fonctionnement de la justice ; en parlant des juges, il disait : « Ils changent le droit en poison, ils traînent la justice à terre ». Amos prêchait dans le royaume du Nord ; dans celui du Sud, ce n'était pas mieux : voici ce que dit Isaïe au chapitre 5 : « Malheur ! Ils déclarent bien le mal et mal le bien. Ils font de l'obscurité la lumière et de la lumière l'obscurité. Ils font passer pour amer ce qui est doux et pour doux ce qui est amer. » (Is 5, 20).

Et d'ailleurs, si Jésus a pu raconter une parabole mettant en scène un juge inique, refusant de rendre justice à une veuve, c'est que le cas n'était pas improbable ; et lui-même sera victime de faux témoignages. On en a une trace ici dans la phrase « Je t'appelle, toi le Dieu qui répond : écoute-moi, entends ce que je dis ... » sous-entendu les juges d'ici-bas, cela ne sert à rien de les appeler, ils ne répondent pas, ils n'écoutent pas... Dans des cas pareils, quand un innocent était injustement accusé, il ne lui restait qu'un seul refuge, le Temple, qui était un asile inviolable ; et là il se soumettait à ce que notre Moyen-Age a appelé le « jugement de Dieu ». C'était sa seule chance. Ici, il s'agit certainement de quelque chose de cet ordre, puisque notre accusé plaide non coupable « J'ai tenu mes pas sur tes traces, jamais mon pied n'a trébuché » ; aujourd'hui, nous dirions qu'il n'a pas fait de faux pas.

Comment se passait concrètement le jugement de Dieu, on ne le sait pas très bien ; mais il s'agit bien de cela : « Tu sondes mon coeur, tu me visites la nuit, tu m'éprouves sans rien trouver ». Le simple fait d'accepter de dormir dans le Temple, complètement abandonné au jugement de Dieu était déjà une présomption d'innocence ; le roi Salomon, lui, avait prévu une formule de serment qu'on faisait prononcer à l'accusé : du genre « si j'ai commis le crime que vous croyez, alors qu'il m'arrive tel malheur »... si l'accusé acceptait de prêter ce serment, c'est qu'il était réellement innocent ; la superstition était telle à l'époque qu'aucun coupable n'aurait couru le risque !

Celui qui parle dans notre psaume est donc bien certain de son innocence puisqu'il est prêt à tous les jugements de Dieu qu'on voudra ; il sait qu'il n'a rien à craindre. Au contraire, Dieu va le protéger, le « garder comme la prunelle de ses yeux » ; nous retrouvons ici la superbe expression du livre du Deutéronome (Dt 32, 10) et qui est passée comme telle en français ; encore aujourd'hui nous disons que nous tenons à quelqu'un ou à quelque chose « comme à la prunelle de nos yeux ».

Il est si sûr de son innocence, notre accusé, qu'il attend le matin avec tranquillité : « Moi, par ta justice, je verrai ta face ; au réveil, je me rassasierai de ton visage ». On retrouve ici l'assurance de Job qui ose affirmer : « Je sais bien, moi, que mon libérateur est vivant, que le dernier, il surgira sur la poussière. Et qu'après qu'on aura détruit cette peau qui est mienne, c'est bien dans ma chair que je contemplerai Dieu ». (Jb 19, 25-26).
Quand le peuple d'Israël, assemblé au Temple de Jérusalem, chante ce psaume, il proclame sa foi : il sait qu'il survivra à tous ceux qui lui veulent du mal (comme dira Paul aux Thessaloniciens dans la deuxième lecture) ; car, une fois de plus, on sait bien que cet homme (dont parle le psaume) cet homme traqué, cherchant refuge et justification dans le Temple, n'est autre que le peuple tout entier. « J'ai tenu mes pas sur tes traces, jamais mon pied n'a trébuché », c'est sa protestation de fidélité ; au milieu de toutes les tentations des peuples voisins, Israël est resté fidèle au Dieu Unique. Et c'est dans le Temple de Jérusalem et seulement là qu'il cherchait refuge. « Moi, par ta justice, je verrai ta face ; au réveil, je me rassasierai de ton visage ». Il ne s'agit pas encore de résurrection individuelle, mais le peuple élu sait que rien ne pourra l'écraser totalement ; car Dieu ne peut se renier lui-même.

« Au réveil, je me rassasierai de ton visage » : ce psaume n'a probablement pas été écrit pour annoncer la Résurrection : mais quand nous le redisons aujourd'hui, à la lumière de la Résurrection du Christ, nous reconnaissons qu'il s'y applique tellement bien ; après la nuit de la mort, nous nous éveillerons dans la lumière de Dieu. Déjà, les frères dont nous lisions l'histoire dans le livre des Maccabées en première lecture, ont pu dire cela en affrontant Antiochus Epiphane.

En attendant le sommeil définitif, chaque nuit est l'occasion pour nous de nous abandonner à la vigilance de Dieu ; on comprend pourquoi notre chant des Complies reprend chaque soir la prière de ce psaume : « Garde-moi comme la prunelle de l'oeil, à l'ombre de tes ailes cache-moi »...

DEUXIEME LECTURE - 2 Thessaloniciens 2, 16 - 3, 5

Frères,
2, 16 laissez-vous réconforter
par notre Seigneur Jésus Christ lui-même
et par Dieu notre Père,
lui qui nous a aimés
et qui, dans sa grâce,
nous a pour toujours donné réconfort et joyeuse espérance ;
17 qu'ils affermissent votre coeur
dans tout ce que vous pouvez faire et dire de bien.
3, 1 Priez aussi pour nous, frères,
afin que la parole du Seigneur poursuive sa course,
et qu'on lui rende gloire partout comme chez vous.
2 Priez pour que nous échappions à la méchanceté
des gens qui nous veulent du mal,
car tout le monde n'a pas la foi.
3 Le Seigneur, lui, est fidèle :
il vous affermira et vous protégera du Mal.
4 Et, dans le Seigneur, nous avons pleine confiance en vous :
vous faites et vous continuerez à faire ce que nous vous ordonnons.
5 Que le Seigneur vous conduise à l'amour de Dieu
et à la persévérance pour attendre le Christ.

Nous qui sommes parfois à court d'idées pour composer nos prières universelles, voilà un bon modèle ! Tout y est : d'abord, c'est une prière des uns pour les autres, les Thessaloniciens prient pour Paul et Paul pour les Thessaloniciens.

Ensuite celui qui prie n'a qu'un seul objectif : « Que la parole de Dieu poursuive sa course ». On retrouve ici la passion de Paul pour l'annonce de la Parole à toutes les nations ; on sait qu'il aime l'image de la course ; dans le monde grec, très amateur des jeux du cirque, c'était un spectacle familier. On imagine bien un coureur portant la parole comme une torche pour enflammer le monde le plus loin possible. L'apôtre est un porte-parole, (on pourrait dire le « haut-parleur »), le simple témoin d'une parole qui le précède et qui le dépasse et qui lui survivra. Cela suggère une autre comparaison : le musicien qui interprète une oeuvre la fait résonner le temps que dure sa carrière ; il la fait connaître et aimer ; la partition lui survivra. Le nom de l'interprète s'oubliera, c'est le nom de l'auteur qu'on retiendra. Et les applaudissements vont bien davantage à l'oeuvre qu'à l'interprète. Les noms de Bach ou de Mozart ou de Beethoven sont restés, les noms de leurs interprètes sont oubliés.

Saint Paul dit bien : « Priez afin que la parole de Dieu poursuive sa course, et qu'on lui rende gloire partout comme chez vous ». Paul cherche la gloire pour la Parole de Dieu, pas pour lui. Et il est vrai que chez les Thessaloniciens la Parole de Dieu a été accueillie d'une manière exemplaire : on se souvient que Paul n'est resté que trois semaines à Thessalonique et qu'en trois semaines déjà une communauté chrétienne était née, à laquelle il peut déjà dire « Nous avons pleine confiance en vous : vous faites et vous continuerez à faire ce que nous vous ordonnons ». Cela nous rappelle la première lettre à Timothée (que nous avons lue récemment) dans laquelle Paul s'émerveillait que le Christ lui ait fait confiance alors qu'il n'avait encore rien fait pour mériter cette confiance : « Je suis plein de reconnaissance envers celui qui m'a donné la force, Christ Jésus notre Seigneur ; c'est lui qui m'a jugé digne de confiance en me prenant à son service, moi qui étais auparavant blasphémateur, persécuteur et violent ». A son tour, Paul fait confiance aux tout jeunes baptisés de Thessalonique qui n'ont guère eu le temps de faire leurs preuves, pourtant. Mais au fait, ce n'est pas à eux tout seuls qu'il fait confiance, c'est à eux assistés de la grâce de Dieu... Au fait, peut-être avons-nous du mal à faire confiance aux autres parce que nous oublions que la grâce de Dieu est à l'oeuvre en eux ?...

Enfin, la prière de Paul est guidée par une seule certitude : « Le Seigneur est fidèle ; il vous affermira et vous protègera du mal » ; le mal dont il souhaite protéger les Thessaloniciens, ce n'est pas la persécution en elle-même ; il sait qu'elle fait partie de la vie du chrétien ; et l'on sait bien que si lui-même n'est resté à Thessalonique que trois semaines, c'est parce que la persécution des Juifs l'a contraint à partir. Mais ce dont les Thessaloniciens ont besoin, c'est du réconfort du Seigneur pour affronter cette persécution et tenir dans la durée. Paul insiste : « Priez pour que nous échappions à la méchanceté des gens qui nous veulent du mal, car tout le monde n'a pas la foi... » Echapper ici, ne veut pas dire éviter : s'il avait voulu éviter la persécution, il aurait changé de métier ! Echapper veut dire « surmonter », avoir le courage de tenir bon ; le seul objectif, encore une fois, c'est que la propagation de l'Evangile (la course, comme il dit), ne soit pas entravée.

Et ce réconfort, il sait qu'il peut compter dessus ; la fidélité, c'est le nom même de Dieu, « Le Dieu de tendresse et de fidélité » ; c'est sous ce nom que Dieu s'est révélé à Moïse. Cette fidélité de Dieu, Paul l'a lui-même expérimentée ; à preuve sa phrase superbe du début : « Laissez-vous réconforter par Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même et par Dieu notre Père, lui qui nous a aimés, et, dans sa grâce, nous a pour toujours donné réconfort et joyeuse espérance ». Réconfort et joyeuse espérance, il semble bien que ce soit synonyme pour lui. Là il nous fait toucher du doigt à quel point l'espérance est enracinée dans le passé ou plutôt dans une expérience. Car l'espérance n'est pas une affaire d'imagination ; comme si on s'inventait des jours meilleurs, parce que l'aujourd'hui est difficile ; au contraire, l'espérance est une affaire de mémoire, (c'est la vertu de la mémoire), c'est la foi (ou la mémoire) conjuguée au futur. Nous l'avons vu, par exemple, avec l'histoire des sept martyrs du livre des Maccabées : s'ils ont pu découvrir la foi en la Résurrection, c'est parce qu'ils avaient l'expérience de la fidélité de Dieu.

Encore faut-il être accueillants à cette présence de Dieu ; c'est pour cela que Paul dit aux Thessaloniciens : « Laissez-vous réconforter par Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même » ... On retrouve encore une fois ici la leçon du pharisien et du publicain : chez le pharisien, plein de lui-même, il n'y avait plus de place pour Dieu ; le publicain, lui, a pu être comblé parce que son coeur était ouvert.

EVANGILE - Luc 20, 27 - 38

27 Des Sadducéens
- ceux qui prétendent qu'il n'y a pas de résurrection -
vinrent trouver Jésus,
28 et ils l'interrogèrent : « Maître, Moïse nous a donné cette loi :
si un homme a un frère marié
mais qui meurt sans enfant,
qu'il épouse la veuve pour donner une descendance à son frère.
29 Or, il y avait sept frères :
le premier se maria et mourut sans enfant ;
30-31 le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve,
et ainsi tous les sept :
ils moururent sans laisser d'enfant.
32 Finalement la femme mourut aussi.
33 Eh bien, à la résurrection,
cette femme, de qui sera-t-elle l'épouse,
puisque les sept l'ont eue pour femme ? »
34 Jésus répond :
« Les enfants de ce monde se marient.
35 Mais ceux qui ont été jugés dignes
d'avoir part au monde à venir
et à la résurrection d'entre les morts
ne se marient pas,
36 car ils ne peuvent plus mourir :
ils sont semblables aux anges,
ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection.
37 Quant à dire que les morts doivent ressusciter,
Moïse lui-même le fait comprendre
dans le récit du buisson ardent,
quand il appelle le Seigneur :
Le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob.
38 Il n'est pas le Dieu des morts mais des vivants ;
tous vivent en effet pour lui. »

Quand un problème n'a pas de solution, c'est qu'il est mal posé. Et là vraiment le problème posé par les « Sadducéens » semble bien insoluble ; on a envie de dire « cherchez l'erreur ». L'erreur, ce serait de vouloir tendre un piège à Jésus, d'abord. Ce n'est certainement pas le meilleur moyen de découvrir la Parole de Dieu, puisqu'il est la Parole faite chair ; mais peut-être les Sadducéens ne cherchent-ils pas à tendre un piège à Jésus ? Peut-être ne sont-ils pas mal intentionnés ? Leur question nous paraît un peu artificielle aujourd'hui, mais elle ressemble aux discussions interminables qu'on développait dans les écoles de théologie. C'est un cas d'école un peu poussé sur un sujet qui était à l'ordre du jour.

Encore faut-il se rappeler qu'au temps du Christ, la foi en la Résurrection était toute neuve ; elle n'était pas encore partagée par tout le monde. Les Pharisiens y croyaient fermement ; pour eux c'était une évidence que le Dieu de la vie n'abandonnerait pas ses fidèles à la mort. Mais on pouvait très bien être un bon Juif sans croire à la résurrection de la chair. C'était le cas des Sadducéens. Pour justifier leur refus de la résurrection, ils cherchent à démontrer qu'une telle croyance conduit à des situations ridicules : leur logique est imparable ; une femme ne peut pas avoir sept maris à la fois, on est tous d'accord ; si vous croyez à la résurrection, disent-ils à Jésus, c'est pourtant ce qui va se passer : elle a eu sept maris successifs, qui sont morts les uns après les autres ; mais si tous ressuscitent, vous voyez à quoi cela mène !

L'erreur, Jésus va le leur dire, c'est de chercher nos articles de foi dans nos raisonnements ; Isaïe l'a dit depuis longtemps : « Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, et ses chemins ne sont pas nos chemins » (Is 55, 8). Jésus au contraire appuie sa foi uniquement sur l'Ecriture : chaque fois qu'une question lui est posée, il cherche sa réponse dans l'Ecriture. Depuis le récit des tentations jusqu'à la rencontre des disciples d'Emmaüs, sa seule référence est l'Ecriture ; c'est à partir d'elle qu'il ouvre l'intelligence de ses auditeurs ; il l'avait bien dit au tentateur « l'homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de la parole de Dieu ». Ici, il dit en quelque sorte : ne nourrissez pas votre foi de raisonnements et de discussions mais de la Parole de Dieu.

Ici, sa référence à l'Ecriture, il la prend dans les paroles de Moïse : tout comme ses interlocuteurs d'ailleurs ; les Sadducéens commencent en disant : « Moïse nous a donné une loi. » Mais ils se servent de l'Ecriture, ils l'utilisent pour prouver ce dont ils sont déjà persuadés par ailleurs. Ils utilisent l'Ecriture, ils ne se mettent pas à son école ; ils citent l'Ecriture au lieu de la scruter. Jésus au contraire cherche dans l'Ecriture quelle révélation elle nous apporte sur Dieu ; or Moïse l'a bien dit : dans le buisson ardent (Ex 3) Dieu s'est révélé à lui comme le Dieu de nos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob : Dieu ne peut pas être Dieu pour un temps seulement ; la mort ne peut pas faire échec aux engagements qu'il a pris envers les Patriarches, Abraham, Isaac, Jacob, et leurs descendants. Son Alliance traverse la mort : il noue avec chacun de nous et nous tous ensemble un lien d'amour que rien ne pourra détruire. Or, au-delà de la mort, comme dit Saint Jean « nous lui serons semblables » (1 Jn). Pour l'instant, « Ce que nous serons ne paraît pas encore clairement »... Mais alors, nous serons enfin à son image des vivants, des aimants.

Une autre erreur est de parler de cette résurrection, de la vie dans l'au-delà comme si c'était la pure continuation de l'ici-bas. La réponse de Jésus montre bien au contraire qu'il y a une rupture complète entre notre vie actuelle et la vie des ressuscités : les enfants de ce monde se marient, c'est entendu ; mais les ressuscités ne se marient pas. Ils ne sont pas des anges (lisons bien le texte) mais ils sont « comme des anges », c'est-à-dire qu'ils ont un point commun avec les anges : ce point commun, justement, c'est qu'ils ne peuvent plus mourir ; la mort n'a plus sur eux aucun pouvoir ; désormais ils sont « fils de Dieu », c'est-à-dire qu'ils sont vivants de la vie de Dieu. Dans leur question, les Sadducéens avaient lié le mariage à la reproduction : si cette femme avait été épousée par tous ses beaux-frères, c'est parce qu'elle n'avait pas pu être mère ; Jésus leur répond : votre problème est désormais sans objet ; dans le monde à venir tout est différent : il n'est plus question de mort et il n'est plus question de reproduction ; mais les Sadducéens avaient oublié que le mariage est aussi et d'abord une affaire d'amour : nos amours humaines, d'ici-bas, ne peuvent pas mourir : elles sont l'image de Dieu, elles sont ce qui en nous est à l'image de Dieu ; elles traversent la mort ; nous les retrouverons transfigurées sur l'autre rive.
Comme dit saint Augustin : « On ne peut perdre celui qu'on aime si on l'aime en Celui qu'on ne peut perdre. »

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