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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 23:16
Le projet de création d'une organisation syndicale professionnelle, que j'avais évoqué ici même il y a près de deux ans, est en train de voir le jour. Avec un groupe d'amis, nous en avons posé les premières pierres. J'espère que cette organisation sera bientôt plus nombreuse que la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CGC réunies !

J'invite mes lecteurs à aller voir le site www.aecspl.oxatis.com et à y laisser leurs commentaires (menu "Echangeons !", sous menu
"Témoignages, commentaires"). Je les en remercie par avance, car ces commentaires nous sont indispensables pour améliorer notre concept.

Notre organisation assure que les principales attentes de Français, à savoir le plein emploi et la hausse du pouvoir d'achat, ne peuvent être obtenus qu'en laissant les marchés fonctionner librement, le marché de l'emploi en tête. Elle explique pourquoi, en faisant de la vulgarisation auprès des salariés et des demandeurs d'emploi.

Hier soir, j'ai assisté à une réunion organisée par les associations seine-et-marnaises SYNACTION et SENART ENTREPRISES.
Thème de la soirée : Les syndicats patronaux
       - 
Qui sont-ils ? Qui représentent-ils ? Que font-ils ?
       - 
La crise de 2009/2010 a t-elle changé leurs actions ?
       - Pourquoi adhérer à un syndicat professionnel ?

       - Y a t-il opposition entre Syndicats professionnels et Associations d'entreprises ?
        
Comment mieux travailler ensemble ?
 Ø avec la participation de :
        - M. Adel NEDJA             Délégué Général du MEDEF 77,
        - M. Yannick LEBOEUF   Secrétaire Général de la CGPME 77
        - M. Gilles LAOT             UPA - Secrétaire Général CAPEB 77  
        - M. Denis ANDRE           Président de SENART ENTREPRISES,
        - M. Dominique LONZI    Président de SYNACTION
   soirée animée par Arnaud MICHEL - LABEL PRESSE

J'ai entendu (avec satisfaction) M. Adel Nedja expliquer qu'il était favorable à la (libre) concurrence, puis (avec stupéfaction) que nous étions dans un régime libéral, avant que la discussion se déplace sur le thème de la crise. Le thème a eu tellement de succès auprès de l'auditoire que je n'ai pas pu poser les nombreuses questions qui me brûlaient les lèvres. Parmi celles-ci : "Pourquoi n'entend-on pas les organisations syndicales patronales contester les multiples entraves à la libre concurrence comme, par exemple :
- le monopole de la Sécurité Sociale;
- le monopole de chaque salarié sur son propre emploi;
- le monopole de Poste, de la SNCF, de la RATP, etc. ?
"

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13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 21:53
marie-nolle-thabut.jpgJe suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.


Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consistera à surligner les passages qui me semblent les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog seront consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté).

 

PREMIERE LECTURE - Baruc 5, 1 - 9

1 Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère,
et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours,
2 enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu,
mets sur ta tête le diadème de la gloire de l'Eternel.
3 Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel,
4 car Dieu pour toujours te donnera ces noms :
« Paix-de-la-justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu ».
5 Debout, Jérusalem ! Tiens-toi sur la hauteur,
et regarde vers l'Orient :
vois tes enfants rassemblés du Levant au Couchant
par la parole du Dieu Saint ;
ils se réjouissent parce que Dieu se souvient.
6 Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis,
et Dieu te les ramène, portés en triomphe,
comme sur un trône royal.
7 Car Dieu a décidé
que les hautes montagnes
et les collines éternelles seraient abaissées,
et que les vallées seraient comblées :
ainsi la terre sera aplanie,
afin qu'Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu.
8 Sur l'ordre de Dieu,
les forêts et leurs arbres odoriférants
donneront à Israël leur ombrage ;
9 car Dieu conduira Israël dans la joie,
à la lumière de sa gloire,
lui donnant comme escorte
sa miséricorde et sa justice.



Il est magnifique, ce texte ! En même temps, nous avons une impression de déjà vu ! Pas étonnant, puisque, par endroits, il recopie des phrases entières du prophète Isaïe ; on ne sait pas qui était l'auteur du livre de Baruch : c'est certainement un prophète, vers le deuxième siècle av.J.C. ; on ne connaît pas son nom, mais il avait une admiration sans borne pour Jérémie et il a repris comme nom d'auteur celui du secrétaire de Jérémie, Baruch. Cela se faisait couramment à l'époque. Et prendre le nom de Baruch, c'était surtout une manière de s'inscrire dans la filiation spirituelle de Jérémie, le grand prophète de l'espérance.

Car, à l'époque où notre prophète écrit, la tentation est grande de désespérer : toutes les belles promesses de Dieu, inlassablement répercutées par ses prophètes, s'accompliront-elles un jour ? Au contraire, le fameux « Jour de Dieu » dont parlait Jérémie, le temps de la Nouvelle Alliance, celui du règne de Dieu, c'est-à-dire de la justice et de la paix pour tous et pour toujours semble s'éloigner un peu plus chaque matin.

Alors, pour regonfler les énergies de ses contemporains, l'auteur reprend à son tour les grands oracles d'espérance du livre d'Isaïe. Ce n'est pas du plagiat, c'est une profession de foi dans la validité des promesses. Nous avons rencontré exactement ce phénomène la semaine dernière avec un texte inséré dans le livre de Jérémie, des siècles après sa mort.

Les textes que l'auteur du livre de Baruc a copiés du livre d'Isaïe datent tous de l'Exil à Babylone, et sont empruntés soit au deuxième, soit au troisième Isaïe. Certains concernent la gloire future de Jérusalem, d'autres annoncent le retour des exilés. Commençons par les promesses de retour au pays : pour annoncer que les juifs déportés à Babylone par Nabuchodonosor allaient être bientôt libérés, et prendre le chemin du retour, Isaïe avait raconté que le désert qui sépare Jérusalem de Babylone allait devenir une véritable autoroute : voici les mots d'Isaïe : « Une voix proclame : dans le désert dégagez un chemin pour le Seigneur, nivelez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu. Que tout vallon soit relevé, que toute montagne et toute colline soient abaissées, que l'éperon devienne une plaine et les mamelons, une trouée ! Alors la gloire du Seigneur sera dévoilée et tous les êtres de chair ensemble verront que la bouche du Seigneur a parlé. » (Is 40, 3 - 4). « De toutes les montagnes je me ferai un chemin, et les chaussées seront pour moi surélevées » (Is 49, 11). Et Baruc reprend en écho : « Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu'Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu. »

Autre image : dans le désert, par hypothèse, il n'y a pas de végétation ; pour annoncer le retour, comme un miracle de Dieu, Isaïe disait : « Je mettrai dans le désert le cèdre, l'acacia, le myrte et l'olivier (dit Dieu) ; j'introduirai le cyprès et le buis ensemble, afin que les gens voient et sachent, (afin) qu'ils s'appliquent et saisissent ensemble que la main du Seigneur a fait cela, que le Saint d'Israël l'a créé. » (Is 41, 19). Baruc dit à son tour : « Sur l'ordre de Dieu, les forêts et leurs arbres odoriférants donneront à Israël leur ombrage ; car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice. » (Cette fois ce sont les talus de l'autoroute qui sont boisés d'arbres odoriférants !)

Quant à la gloire future de Jérusalem, le deuxième Isaïe disait : « Surgis, surgis, revêts-toi de puissance, ô Sion, revêts tes habits de splendeur, Jérusalem, ville de la sainteté. » (Is 52, 1). Et nous entendons chaque année pour la fête de l'Epiphanie le fameux « Debout, Jérusalem, resplendis, elle est venue ta lumière et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi » (traduction liturgique) (du troisième Isaïe 60, 1). Ce que Baruc reprend pour ses contemporains : « Debout, Jérusalem ! ... Quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours... Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel... »

Il faut prendre le temps de s'arrêter sur ces phrases inouïes si on veut bien y réfléchir « Revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours » : il s'agit ni plus ni moins de devenir porteurs du rayonnement même de Dieu !

Evidemment, on peut se poser la question : si le livre de Baruc est beaucoup plus tardif que celui d'Isaïe, pourquoi la reprise de toutes ces promesses ? L'Exil à Babylone est fini depuis bien longtemps ! Ce n'est donc plus aux déportés du sixième siècle qu'il promet le retour. Pour qui donc alors reprend-il les thèmes et même les mots des prophètes du passé ? En fait, les « exilés » auxquels il s'adresse sont les Juifs de la Dispersion (ce qu'on appelle la « Diaspora »), toutes ces communautés juives répandues dans le monde gréco-romain, et qui se sentent comme exilées de Jérusalem. Le prophète sait bien que, malgré les vicissitudes de l'histoire, le projet de Dieu sur Jérusalem et sur l'humanité tout entière se réalisera.

Tout comme Isaïe, Baruc prêchait donc dans une période de découragement et de morosité : voilà une belle leçon de foi et d'espérance pour nous : tous les drames de notre temps, quels qu'ils soient, ne doivent pas entamer nos énergies... Au contraire, ils doivent les décupler.

 

PSAUME 125 ( 126 )

1 Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
2 Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
3 Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

4 Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
5 Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

6 Il s'en va, il s'en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s'en vient, il s'en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.




Ce psaume est précédé du titre « chant des montées », ce qui veut dire qu'il était chanté non pas dans le temple de Jérusalem, au cours des célébrations de la fête des Tentes, mais pendant le trajet même du pèlerinage. La route de Jéricho à Jérusalem monte suffisamment pour justifier cette appellation. Et un pèlerinage, d'autre part, c'est une véritable montée spirituelle. Deux bonnes raisons pour appeler ces chants de pèlerinage, cantiques des montées.

Dans ce psaume, il est beaucoup question de l'Exil à Babylone et du retour d'Exil, à commencer par « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion », mais c'est au passé : lorsqu'on le chantait, l'Exil à Babylone était bien fini, le Temple reconstruit ; mais alors pourquoi en reparler ? C'est qu'il fallait bien puiser dans cette merveilleuse expérience la force de croire encore aux autres promesses de Dieu. « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie. » Cette joie bien réelle du retour au pays n'est rien auprès de la jubilation qui remplira nos coeurs lors de la grande montée finale à Jérusalem (dans ce psaume Sion, ou Jérusalem, c'est la même chose). Toujours en Israël, quand on rappelle le passé, on a les yeux tournés vers l'avenir. Dieu a déjà accompli des « merveilles » pour son peuple : la libération d'Egypte, d'abord, celle de l'Exil ensuite, mais il en accomplira bien d'autres : car il y a encore bien des captifs à ramener à Sion !

Il y a tous ceux qui sont encore dispersés en terre étrangère, ceux pour lesquels a été écrit le livre de Baruc que nous lisons ce dimanche en première lecture ; mais surtout, il y a tous les captifs du monde : dans les chaînes des dominations de toute sorte, de la violence, de la haine, de l'injustice ou du mépris.

A force de relire les vieux oracles, on a compris qu'ils promettaient beaucoup plus et beaucoup mieux que ce qu'on avait osé croire au début. Oui, Dieu a promis le retour de l'Exil à Babylone, mais on découvre peu à peu que c'est de tous nos exils qu'il promet de nous faire revenir. Parce que la fidélité de Dieu est sans limites, et aussi parce que son amour ne se limite pas à son peuple. Bel exemple de relecture des textes au long des siècles, c'est-à-dire au fur et à mesure que la foi d'Israël mûrit et s'ouvre à une compréhension de plus en plus grande du mystère de Dieu.

C'est Dieu, ce n'est pas l'homme qui a choisi Jérusalem comme point de ralliement pour son peuple. C'est bien pour cela que l'attachement du peuple juif pour Jérusalem est si fort, si passionné : c'est parce que c'est la ville choisie par Dieu lui-même ; car c'est sur un ordre de Dieu, transmis par le prophète Gad que David a construit l'autel du Seigneur sur la colline où se dresse encore l'esplanade du Temple de Jérusalem. Souvent on parle de Jérusalem ou de la colline du Temple en disant « le lieu où Dieu a choisi de faire habiter son Nom ». Et Dieu lui-même parle de Jérusalem en l'appelant « la ville que j'ai choisie ». C'est dire le poids symbolique accumulé sur le nom de Jérusalem au long des générations. Puisqu'elle est le lieu visible de la présence de Dieu, elle est la Ville Sainte par excellence ; la Ville de Dieu lui-même, bien plus que la ville de son peuple !

Et puis, au long ses siècles, la foi biblique va continuer à se développer dans le sens d'une ouverture croissante sur l'ensemble de l'humanité : au fur et à mesure qu'on découvre que l'élection d'Israël est au service du salut de l'humanité tout entière, on entrevoit Jérusalem non plus seulement comme la patrie des fils d'Israël, mais comme le point de ralliement ultime de tous les peuples. Isaïe ouvre souvent de telles perspectives ; par exemple : « Les nations vont marcher vers ta lumière et les rois vers la clarté de ton aurore (traduction TOB « de ton lever »). Porte tes regards sur les alentours et vois... Alors tu verras et tu seras rayonnante, ton coeur frémira et se dilatera, car vers toi sera détournée l'opulence des mers, la fortune des nations viendra jusqu'à toi. Un afflux de chameaux te couvrira, (et là l'auteur cite les nations les plus opulentes du monde connu) de tout jeunes chameaux de Madian et d'Epha ; tous les gens de Saba viendront, ils apporteront de l'or et de l'encens, et se feront les messagers des louanges du Seigneur. Tout le petit bétail de Qédar sera rassemblé pour toi, les béliers de Nébayoth seront pour tes offices ; ils monteront sur mon autel, ils y seront en faveur ; oui, je rendrai splendide la Maison de ma splendeur. Qui sont ceux-là ? Ils volent comme un nuage, comme des colombes vers leur pigeonnier... » (Is 60, 3. 5 - 8). Et encore : « Il arrivera dans l'avenir que la montagne de la Maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes et dominera sur les collines. Toutes les nations y afflueront. Des peuples nombreux se mettront en marche et diront : Venez, montons à la Montagne du Seigneur, à la Maison du Dieu de Jacob... » (Is 2, 2 - 3).

Si bien que quand notre psaume est chanté sur la route qui mène à Jérusalem, on a conscience de se diriger vers le centre de la vie d'Israël, mais aussi vers l'aboutissement du projet de Dieu pour toute l'humanité : car un jour, ce ne seront plus les seuls exilés qui emprunteront cette route, ce ne seront plus les seuls pèlerins d'Israël, ce seront tous les peuples ! Citons encore une fois Isaïe : « Le Seigneur, le tout-puissant, va donner sur cette montagne un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes grasses et de vins décantés. Il fera disparaître sur cette montagne le voile tendu sur tous les peuples, l'enduit plaqué sur toutes les nations. » (Is 25, 6 - 7). C'est l'humanité tout entière qui est invitée au banquet de Dieu !
 

DEUXIEME LECTURE - Philippiens 1, 4-6. 8-11

Frères,
4 chaque fois que je prie pour vous tous,
c'est toujours avec joie,
5 à cause de ce que vous avez fait pour l'Evangile
en communion avec moi,
depuis le premier jour jusqu'à maintenant.
6 Et puisque Dieu a si bien commencé chez vous son travail,
je suis persuadé qu'il le continuera
jusqu'à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus.
8 Dieu est témoin de mon attachement pour vous tous
dans la tendresse du Christ Jésus.
9 Et, dans ma prière,
je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus
dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance
10 qui vous feront discerner ce qui est plus important.
Ainsi, dans la droiture,
vous marcherez sans trébucher
vers le jour du Christ ;
11 et vous aurez en plénitude la justice
obtenue grâce à Jésus-Christ
pour la gloire et la louange de Dieu.



Paul a fondé la communauté de Philippes juste avant celle de Thessalonique dont nous parlions la semaine dernière ; mais à Philippes, il a pu rester un peu longuement. Paul était accompagné de Silas et de Luc : celui-ci qui raconte ce voyage dans les Actes des Apôtres, dit « nous avons passé quelque temps dans cette ville. » (Ac 16). Très vite une petite communauté s'est formée autour d'eux ; une certaine Lydie, marchande de pourpre en fit partie, et les hébergea chez elle. Mais Paul accomplit là un miracle qui ne fut pas du goût de tout le monde ; Luc nous le raconte :

Un jour où ils se rendaient au lieu de la prière, ils rencontrèrent une jeune servante qui était voyante (à l'époque on disait qu'elle avait un esprit de divination) ; visiblement, par ses dons de voyance et ses prédictions, elle faisait gagner beaucoup d'argent à ses maîtres. Or vous savez que toute forme de voyance, de magie, de divination était strictement interdite par la loi juive.

Mais, à Philippes, bien sûr, on n'est pas en pays juif. Or ce jour-là, la servante-voyante en question s'est mise à suivre Paul, Silas et Luc en criant : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut ; ils vous annoncent la voie du salut ». Et elle recommença le même manège pendant plusieurs jours. A la fin,Paul fut excédé, et Luc raconte : « Paul finit par se retourner et dit à l'esprit : Au nom de Jésus Christ, je te l'ordonne : Sors de cette femme ! A l'instant même l'esprit sortit. »
Mais voilà, si la servante cessait ses activités de voyance, cela ne faisait pas l'affaire de ses maîtres ! Du coup, ils se vengèrent et dénoncèrent Paul et ses compagnons aux autorités romaines sous prétexte qu'ils jetaient le trouble dans la ville et qu'ils portaient atteinte aux bonnes moeurs !

Ensuite de quoi, Paul et Silas furent roués de coups et jetés en prison mais délivrés miraculeusement dès la nuit suivante par un tremblement de terre : leurs juges virent là un signe du ciel et préférèrent les libérer tout en les priant bien poliment de déguerpir.
Les Actes des Apôtres ne reparleront pas de la ville de Philippes ; on ne saura donc plus rien d'elle sinon ce que Paul en dit lui-même dans cette lettre. Il est clair seulement qu'il y a laissé une partie de son coeur : « Dieu est témoin de mon attachement pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus. » Et le mot « tendresse » ici, en grec, devrait être traduit par « les entrailles ». Là encore, une fois de plus, Paul est très proche du vocabulaire hébreu. Notons ici au passage qu'il parle de la tendresse (des entrailles) du Christ Jésus. C'est lui, le Christ Jésus, et non une quelconque sentimentalité qui est la source des relations fraternelles au sein de la communauté chrétienne.


Revenons à notre lettre : on ne sait pas non plus d'où Paul écrit à ses chers Philippiens : il dit qu'il est en prison, mais comme il a été emprisonné plusieurs fois, en particulier à Césarée et à Rome, et peut-être à Ephèse, on ne peut préciser ni le lieu ni la date.
En tout cas, bien qu'en prison, Paul est dans la joie : « Même si mon sang doit être versé en libation dans le sacrifice et le service de votre foi, j'en suis joyeux et m'en réjouis avec vous tous ; de même, vous aussi, soyez joyeux et réjouissez-vous avec moi. » (2, 17 - 18). Et cette joie imprègne toute sa lettre : « chaque fois que je prie pour vous tous, c'est toujours avec joie ».

Et Paul détaille le contenu de sa prière qui est peut-être bien une leçon pour nous, lorsque nous prions pour ceux que nous aimons : « Dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance qui vous feront discerner ce qui est le plus important. » Vous avez remarqué : l'amour est premier ; c'est lui qui fait progresser dans la connaissance : « je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie » ; et quand Paul parle de connaissance, il l'entend au sens biblique. D'ailleurs, il n'emploie pas le mot habituel en grec (gnôsis), il invente un terme (epignôsis) qui dit une connaissance d'ordre supérieur à celui de l'intelligence. Il emploiera exactement le même mot dans la première lettre à Timothée : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4). Et l'on sait bien qu'il faut traduire : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés c'est-à-dire parviennent à la connaissance de la vérité ».

Quant à la « clairvoyance » dont parle Paul ici, il faut l'entendre elle aussi au sens biblique : il ne s'agit pas de raisonnement intellectuel, mais des yeux du coeur, on pourrait dire les yeux de la foi. Il y a toute une symbolique du regard qui est développée dans la Bible ; cela commence avec Adam dont les yeux sont faussés par les discours du serpent ; et il y a tous les fils d'Adam qui ont des yeux pour voir et ne voient pas, comme disent les prophètes ; mais il y a aussi les fils d'Abraham qui savent « lever les yeux vers le Seigneur », comme dit un psaume, c'est-à-dire l'aimer, l'adorer, lui faire confiance.

Ainsi, les yeux bien ouverts, les croyants marchent sans trébucher vers le jour du Christ ; ici, comme dans la lettre aux Thessaloniciens que nous lisions dimanche dernier, la perspective de Paul, c'est le Jour du Christ. Le Chrétien est l'homme de l'attente... Il attend le Jour du Christ, c'est-à-dire le Jour du triomphe de l'Amour. Toute l'histoire humaine et toute histoire personnelle y puisent leur sens.

Dans cette croissance du monde nouveau qui ne sera plus bâti que sur l'amour, nous avons notre rôle à jouer : car l'oeuvre de Dieu et l'oeuvre de l'homme ne sont pas en concurrence ! Au contraire il s'agit d'une collaboration. Ce qui revient à dire : nous faisons notre petit possible, Dieu fait le reste.
 

EVANGILE - Luc 3, 1-6

1 L'an quinze du règne de l'empereur Tibère,
Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée,
Hérode, prince de Galilée,
son frère Philippe, prince du pays d'Iturée et de Traconitide,
Lysanias, prince d'Abilène,
2 les grands prêtres étant Anne et Caïphe,
la parole de Dieu fut adressée dans le désert
à Jean, fils de Zacharie.
3 Il parcourut toute la région du Jourdain ;
il proclamait un baptême de conversion
pour le pardon des péchés,
4 comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe :
A travers le désert, une voix crie :
Préparez le chemin du Seigneur,
aplanissez sa route.
5 Tout ravin sera comblé,
toute montagne et toute colline seront abaissées ;
les passages tortueux deviendront droits,
les routes déformées seront aplaties ;
6 et tout homme verra le salut de Dieu.


Reprenons le texte dans l'ordre : Luc a ses raisons, certainement, pour se montrer aussi précis, tout d'un coup, sur la date, les lieux, les personnages du décor qu'il est en train de planter. On remarque au passage que ce sont déjà les acteurs du drame de la Passion de Jésus, manière de nous dire entre autres qu'elle se profile déjà à l'horizon.

Il reste que la donnée de date, « l'an 15 du règne de l'empereur romain Tibère » n'est pas très claire pour nous, mais ce n'est pas la faute de Luc : rien n'est plus difficile que de reconstituer les dates de cette époque-là ; en tout cas, à quelques mois près, une chose est sûre, nous sommes ici en 27 ou 28 après J.C.*

Luc présente aussi les personnages politiques, d'abord, les personnages religieux ensuite qui noueront le drame autour de Jean-Baptiste, puis de Jésus. Un gouverneur romain, Pilate, pour la Judée** (c'est-à-dire la région de Jérusalem), des rois issus du pays pour les autres provinces. Pourquoi la Judée a-t-elle un régime à part ? Tout simplement pour que Rome ait directement la mainmise sur cette province particulièrement difficile à gouverner ; et Pilate est réputé pour sa sévérité. Dernière remarque, le roi Hérode dont il est question ici, est Hérode Antipas, fils d'Hérode le Grand ; ce dernier était au pouvoir au moment de la naissance de Jésus, mais au moment de sa vie publique (comme de celle de Jean-Baptiste), c'est Hérode Antipas.
Quant aux lieux, Luc nomme deux provinces juives, la Galilée et la Judée, et trois provinces non-juives, au Nord du pays : l'Iturée, la Traconitide et l'Abilène ; il ne couvre cependant pas toute la région ; mais il ne cherche pas à être exhaustif, il ne nous donne pas un cours de géographie politique ; il veut nous suggérer que le salut qui vient concerne à la fois les Juifs et les païens, ce qui sera une insistance très forte de tout son évangile. On ne s'étonne pas que Luc, l'ancien païen converti, soit particulièrement sensible à l'accès des païens au salut.

Enfin il nomme les autorités religieuses, les grands prêtres, Anne et Caïphe. Dans le texte grec, il dit même « le » grand prêtre, Anne et Caïphe, formule plutôt curieuse ! Il est vrai qu'il n'y avait jamais qu'un seul grand prêtre en exercice. Anne l'a été de l'an 6 à l'an 15 et son gendre Caïphe de l'an 18 à l'an 36 ; mais Anne exerçait une très grande influence sur son gendre et c'est peut-être cela que Luc a voulu noter. Tous les deux, d'ailleurs, joueront un rôle dans le procès de Jésus (Jn 18, 13).


Continuons le texte : « La parole de Dieu fut adressée à Jean » littéralement « Il y eut une Parole de Dieu sur Jean » ; or c'est exactement la même formule qui est employée dans la Bible grecque (la Septante) pour Jérémie (Jr 11,1) et pour Osée (Os 1,1) ; Luc l'a évidemment fait exprès ; il veut nous présenter d'emblée Jean (celui que nous appelons Jean-Baptiste) comme un authentique prophète. Il avait raconté un peu plus haut dans son évangile, la naissance miraculeuse de Jean, le fils de Zacharie et d'Elisabeth. Jean-Baptiste est donc fils de prêtre, chose banale à l'époque, mais, comme beaucoup de juifs fervents, il a pris ses distances par rapport au Temple de Jérusalem. Et il invite ses frères à le rejoindre au désert pour retrouver la ferveur de Josué et du peuple hébreu traversant le Jourdain. Ce faisant, il accomplit une véritable mission de prophète : « Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés ». La conversion a toujours été le thème de prédication favori des prophètes. Nous reparlerons plus longuement du baptême de Jean et du baptême chrétien la semaine prochaine à propos des versets suivants de l'évangile de Luc ; pour aujourd'hui, notons seulement que Jésus n'a pas inventé le baptême puisque, avant lui, Jean baptisait déjà !

La prédication de Jean est placée sous le meilleur patronage qui soit : « comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe » ; manière de dire : Jean-Baptiste est un prophète authentique, celui qui vous ouvre les yeux sur l'accomplissement des antiques promesses. Car le grand objectif des écrits du Nouveau Testament est de révéler que Jésus est bien celui qui accomplit le projet de Dieu annoncé dans l'Ancien Testament. Chaque auteur le fait à sa manière avec son génie propre, mais l'objectif est toujours le même. La citation choisie par Luc est tirée du chapitre 40 du livre d'Isaïe***, donc du deuxième Isaïe, le prophète qui prêchait pendant l'Exil à Babylone et annonçait la fidélité de Dieu et le retour au pays.

Soyons clairs : cette annonce d'Isaïe s'adressait d'abord à ses contemporains ; leur premier souci était d'ordre immédiat ; c'est donc un oracle de circonstance ; à des exilés qui risquaient bien de se croire abandonnés de Dieu, il annonçait : vous allez bientôt prendre le chemin du retour. Il le faisait à travers des images extrêmement expressives pour eux : chaque année, pour la grande fête nationale, la fête du dieu Mardouk, les esclaves juifs déportés à Babylone étaient contraints à de véritables travaux forcés ; il fallait tracer une autoroute en plein désert : combler les ravins, raser les collines, redresser les chemins tortueux... tout cela, pénible physiquement et plus encore moralement puisque c'était en l'honneur d'une idole païenne ! Or que disait Isaïe ? Désormais c'est la route du Seigneur qui va traverser le désert : traduisez, Dieu prend la tête du cortège de votre retour triomphal au pays.

Jean-Baptiste, relisant la prophétie de son lointain père spirituel, y découvre l'annonce d'un autre chemin de libération : désormais ce ne sont plus seulement les exilés à Babylone, c'est tout homme qui verra le salut de Dieu.


******
* Complément sur les problèmes de datation : rien n'est plus difficile que de reconstituer les dates de cette époque-là pour deux raisons ; tout dépend d'abord du jour choisi pour le début de l'année : est-ce octobre ? Est-ce janvier ? De plus, d'un pays à l'autre, on n'avait pas la même manière de compter ; ou encore Luc envisage-t-il la date anniversaire de l'accession de Tibère au pouvoir ? Deuxième raison, il y a eu de nombreux changements de calendrier depuis ! D'où notre incertitude sur l'âge de Jésus, au commencement de sa vie publique : bienheureuse incertitude, peut-être, qui nous pousse à chercher ailleurs ce qui est réellement important.
** En l'an 6, Rome a destitué le roi Archélaüs, (fils d'Hérode le grand et frère d'Hérode Antipas et de Philippe), et ne l'a pas remplacé.
*** Voici le texte d'Isaïe : « Une voix proclame : dans le désert dégagez un chemin pour le Seigneur, nivelez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu. Que tout vallon soit relevé, que toute montagne et toute colline soient rabaissées, que l'éperon devienne une plaine et le mamelon une trouée ! Alors la gloire du Seigneur sera dévoilée... » (Is 40, 3 - 5). (On notera que, dans sa citation d'Isaïe, Luc a, certainement intentionnellement, remplacé le mot « gloire » par le mot « salut » : « tout homme verra le salut de Dieu ». Pour lui, clairement, la gloire de Dieu, c'est le salut du monde, ce que notre liturgie eucharistique affirme au moment de la prière sur les offrandes.


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29 novembre 2009 7 29 /11 /novembre /2009 23:49

Voici la suite du témoignage d'un candidat à la vaccination H1N1.

 

J’ai été vacciné ce soir après mon 4e déplacement au centre de vaccination. Mais, pour ce faire, j’ai été dans l’obligation, au bout d’une heure, de poser un ultimatum à la Direction du centre : personne ne savait où étaient les dossiers médicaux remplis à la dernière séance par le médecin qui avait examiné les patients. Ni non plus leurs demandes de vaccination pour obtenir un bon (qui n’avait pas été envoyé, malgré nos priorités). Comme d’autres j’ai du recommencer ma page d’écriture. Les gens comme moi, qui avaient été renvoyés sans être vaccinés pour cause, je cite, « de non-réception des vaccins sans adjuvant », citation dite à moi personnellement, tant par le Directeur que par le médecin, ce jour là, ont appris par le même Directeur et le nouveau médecin qu’en fait les vaccins étaient bien là mais pas le protocole de vaccination les accompagnant normalement (l’administration n’avait donc pas dit la vérité pour ne pas perdre la face. Ainsi elle l’a perdue deux fois).

Des fonctionnaires présents avaient été réquisitionnés dans d’autres ministères. Celle qui, après mon ultimatum, a été chargée de m’accompagner  de bout en bout, venait de l’équipement.

A mes questions elle a répondu « Non, Monsieur, je n’ai reçu aucune information ni aucune formation. Je suis là uniquement aujourd’hui de 17h00 à 21h00 »

Ce matin  même la fonctionnaire à qui je me suis adressé à la Direction médicale du SDIS (c’est le SDIS qui est chargé de la conduite des opérations dans les centres de vaccination) à qui j’ai téléphoné « Je suis Monsieur S, j’habite rue de Bonnel, dans le 3earrondissement. Le centre de vaccination Rosset a-t-il reçu  les vaccins sans adjuvant ? Et pouvez-vous me confirmer les heures d’ouverture de ce centre ce jour ?» m’a répondu mot à mot « Monsieur, êtes vous une femme enceinte ? Il y a un seul centre aujourd’hui qui aura des vaccins sans adjuvant. Ces vaccins  sont réservés aux femmes enceintes. Je ne sais lequel. »

 Je passe sur toutes les autres âneries, entendues et vues, dont j’ai été  le témoin ce soir comme les 3 autres fois, ainsi qu’à l’assurance maladie (services normaux et cellule de crise) et à la préfecture (cellule de crise). Notre République est bien malade.


N.B : Naturellement, personne (Direction, médecin, infirmière, contrôle médical) ne sait s’il faudra ou non une 2e injection.

 

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29 novembre 2009 7 29 /11 /novembre /2009 23:28

 

Ce matin, j'ai répondu positivement à l'invitation de l'EAP (Équipe d'Animation Paroissiale) de Pontault-Combault, qui organisait une matinée de réflexion au centre paroissial des Pèlerins d'Emmaüs. Elle avait demandé au Seine-et-Marnais Alain Deleu, Président honoraire de la CFTC, de nous aider à réfléchir à cette question : « Vivre sa foi dans le monde du travail ».


Participer à cette réunion a été pour moi, comme je m'y attendais, un mélange de plaisir et de souffrance.

Plaisir de se retrouver avec des chrétiens convaincus, sympathiques, pour parler d'un sujet qui ne peut laisser aucun d'entre nous indifférent. Si notre foi n'avait aucune importance quant à notre façon de nous comporter dans les différents cadres (amical, familial, professionnel, associatif , ...) de notre vie, c'est que quelque chose clocherait.

J'ajoute que j'ai trouvé Alain Deleu, que je rencontrais pour la seconde fois, très agréable, très simple, modeste1.

Souffrance de constater l'aveuglement de la plupart des chrétiens, leur inculture économique, leur raisonnements à courte vue, leur absence de logique. J'ai bien conscience, en écrivant ça, de passer pour un prétentieux de la pire espèce. D'autant plus qu'en matière de logique, d'aveuglement, je n'ai de leçon à donner à personne (comme le prouve, entre autres exemples, l'arnaque dont j'ai été victime 10 jours plus tôt).

Effectivement, je n'ai de leçon à donner à personne, et pourtant.... Je suis persuadé qu'en matière économique et sociale l'enfer est pavé de bonnes intentions et que les hommes politiques et les syndicalistes salariés (ceux de la CFTC inclus), même lorsqu'ils sont pétris de bons sentiments, provoquent le malheur de nos concitoyens au lieu du bonheur qu'ils ambitionnent de répandre. J'ai été vivement intéressé par une idée figurant dans les premiers paragraphes (3 et 4) de « Caritas in Veritate », de Benoît XVI : « La vérité est une lumière qui donne sens et valeur à l'amour. Cette lumière est, en même temps, celle de la raison et de la foi (...) Dépourvu de vérité, l'amour bascule dans le sentimentalisme. (...) Il est la proie des émotions et de l'opinion contingente des êtres humains; il devient un terme galvaudé et déformé, jusqu'à signifier son contraire. La vérité libère l'amour des étroitesses de l'émotivité (...) ». Je crois que l'amour d'Alain Deleu et des dirigeants de la CFTC (pour "le prochain") est sincère, mais qu'il ne s'appuie pas sur la vérité, qu'il en est dépourvu. Je vais tâcher de vous expliquer pourquoi.


J'ai été heureux de constater qu'Alain Deleu faisait souvent référence à la Doctrine sociale de l'Église (mentionnant le compendium, les encycliques sociales et, notamment, « Caritas in Veritate »).

Je l'ai entendu dire que le principe fondamental de la Doctrine sociale de l'Église, c'était « l'égale dignité de toutes les personnes », en insistant sur le mot « égale ». J'en ai été surpris, non pas que je conteste cette égale dignité ni le fait que la Doctrine sociale de l'Église pose ce principe, mais parce que je m'attendais plutôt à ce qu'en parlant de ce principe, dit « principe personnaliste », Alain Deleu insiste plutôt sur d'autres caractéristiques de cette dignité. Voici, dans l'ordre où ils se présentent, les différents attributs (soulignés par moi) de cette dignité, selon le Compendium (TROISIEME CHAPITRE) :

Article 105 : « L'Église voit dans l'homme, dans chaque homme, l'image vivante de Dieu lui-même; image qui trouve et est appelée à retrouver toujours plus profondément sa pleine explication dans le mystère du Christ, Image parfaite de Dieu, Révélateur de Dieu à l'homme et de l'homme à lui-même. C'est à cet homme, qui a reçu de Dieu une dignité incomparable et inaliénable (...) ».

Article 107 : « L'homme, considéré sous son aspect historique concret, représente le cœur et l'âme de l'enseignement social catholique. Toute la doctrine sociale se déroule, en effet, à partir du principe qui affirme l'intangible dignité de la personne humaine. ».

Article 128: « (...) en raison de sa dignité unique d'interlocuteur de Dieu (...) ».

Article 132: « Une société juste ne peut être réalisée que dans le respect de la dignité transcendante de la personne humaine ».

Ce n'est qu'après qu'est mentionnée « l'égale dignité de tous les hommes », à partir de l'article 144 :

« D) L'ÉGALE DIGNITÉ DE TOUTES LES PERSONNES

144 « Dieu ne fait pas acception des personnes » (Ac 10, 34; cf. Rm 2, 11; Ga 2, 6; Ep 6, 9), car tous les hommes ont la même dignité de créature à son image et à sa ressemblance. ».

Je crois qu'il ne faut pas donner plus d'importance qu'il n'en mérite au fait qu'Alain Deleu donne priorité à l'attribut « égale », en ce qui concerne la dignité de toutes les personnes. C'est bien son droit et je ne veux en aucun le chicaner pour ça.


Ce qui m'a bien davantage surpris, voire choqué, c'est de ne pas entendre Alain Deleu exprimer l'idée que la composante essentielle (ou sa conséquence ?) de la dignité, c'est la liberté de la personne humaine! Ceci est pourtant exprimé par le Compendium avant même l'article 144 précité:

C) LA LIBERTÉ DE LA PERSONNE

a) Valeur et limites de la liberté

135 L'homme ne peut tendre au bien que dans la liberté que Dieu lui a donnée comme signe sublime de son image: « Dieu a voulu le laisser à son propre conseil (cf. Si 15, 14) pour qu'il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à Lui, s'achever ainsi dans une bienheureuse plénitude. La dignité de l'homme exige donc de lui qu'il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d'une contrainte extérieure ».


Tout lecteur qui ne serait pas convaincu de l'importance donnée à la liberté de l'homme par la Doctrine sociale de l'Église est renvoyé à un article précédent de mon blog.


Si nous en avions eu le temps, voici quelques unes des questions que j'aurais aimé poser à Alain Deleu, sans ironie ni agressivité (qui sont antinomiques avec l'amour du prochain):

« Trouvez-vous conforme à ma liberté, donc à ma dignité, qu'il me soit interdit, à la demande des syndicats, notamment, de postuler à un emploi déjà tenu par un salarié, fonctionnaire ou non (parce que celui-ci, à moins de commettre une faute grave ou lourde, dispose d'un monopole de durée illimitée sur son emploi)? »

« Trouvez-vous conforme à ma liberté, donc à ma dignité, qu'il me soit interdit, à la demande des syndicats, notamment, de négocier librement un contrat de travail avec un employeur (en prévoyant, par exemple, que chacune des parties est libre de mettre un terme au contrat à tout moment, avec un préavis mais sans justification ni indemnisation de l'autre partie, ou en prévoyant qu'en cas de conflit avec mon employeur, lui et moi ne nous adresserons pas aux Prud'hommes mais à un arbitre? »

« Trouvez-vous conforme à ma liberté, donc à ma dignité, qu'il me soit interdit, à la demande des syndicats, notamment, de travailler le dimanche, en tant que salarié, si mon entreprise ne fait pas partie d'un secteur d'activité ou n'est pas implantée dans une ville dont la liste est dressée par les pouvoirs publics ? »

« Trouvez-vous conforme à notre égale dignité que votre emploi de permanent syndical soit financé majoritairement par les contribuables, dont l'avis n'a pas été demandé, alors que le mien est entièrement et librement financé par mes seuls clients ? »

1Trouver le personnage modeste ne m'empêche pas de considérer comme prétentieuse une croyance des leaders syndicalistes : celle qu'il est normal que les accords sociaux qu'ils signent s'imposent à tous les salariés, que ceux-ci le veuillent ou non (comme si ces leaders savaient à coup sûr mieux que les salariés ce qui est bon pour eux), au mépris du principe de subsidiarité.

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29 novembre 2009 7 29 /11 /novembre /2009 09:04

Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.


Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • donnant le sens passé de certains mots ou expressions dont la signification a changé depuis ou peut être mal comprise (aujourd'hui, "Germe de justice", "Parole du Seigneur", "Jérusalem", "Apocalypse", "Rédemption" ; j'envisage de consacrer une page de mon blog à recenser tous ces mots ou expressions) ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consistera à surligner les passages qui me semblent les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog seront consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté).

PREMIERE LECTURE - Jérémie 33, 14 - 16

14 Parole du Seigneur.
Voici venir des jours
où j'accomplirai la promesse de bonheur
que j'ai adressée à la maison d'Israël
et à la maison de Juda :
15 En ces jours-là, en ce temps-là,
je ferai naître chez David un Germe de justice,
et il exercera dans le pays le droit et la justice.
16 En ces jours-là, Juda sera délivré,
Jérusalem habitera en sécurité
,
et voici le nom qu'on lui donnera :
« Le Seigneur est notre Justice. »

« Je ferai naître chez David un Germe de justice » : en langage biblique, cela veut dire que « un nouveau roi, descendant de David, va naître et régner à Jérusalem ». Or, quand le prophète Jérémie prononçait ces paroles, le roi David était mort depuis bien longtemps et sa dynastie (on l'appelait l'arbre de Jessé) semblait définitivement éteinte. Car le roi Nabuchodonosor avait déporté successivement à Babylone les deux derniers rois de Jérusalem (vers 600 av.J.C). Désormais, la ville était occupée, le Temple détruit, le pays dévasté, la population décimée. La plupart des survivants avaient été faits prisonniers et emmenés en exil à Babylone : après la longue marche forcée entre Jérusalem et Babylone, la petite colonie juive semblait condamnée à mourir là-bas, loin du pays. Et l'on pouvait se poser bien des questions : Israël serait-il bientôt rayé de la carte ? Qu'étaient donc devenues les belles promesses des prophètes ? Depuis Natan qui avait annoncé à David et à sa descendance une royauté éternelle, on rêvait du roi idéal qui instaurerait la sécurité, la paix, la justice pour tous. Devait-on, à tout jamais, s'interdire de rêver ?

C'est alors que l'Esprit-Saint avait soufflé à Jérémie le langage de l'espoir ; il commençait par cette formule bien connue : « Parole du Seigneur ». Je m'y arrête un instant : lorsque la prédication d'un prophète commence par la formule « Parole du Seigneur », il faut être particulièrement attentif. Cela veut dire que ce qui suit est difficile à croire ou à comprendre pour les auditeurs. Si un prophète prend la peine de préciser qu'il s'agit bien d'une parole du Seigneur, et non pas seulement de lui-même, c'est parce que ses contemporains sont découragés. Et toute parole d'espoir leur paraît un pieux mensonge ! Pourquoi sont-ils découragés ? Parce que la période est rude, parce que le bonheur promis par Dieu à son peuple depuis Abraham semble s'éloigner tous les jours davantage, parce que le trône de Jérusalem est désespérément vacant...

Jérémie continuait : « Voici venir des jours où je ferai naître chez David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda (c'est la région autour de Jérusalem) sera délivré, Jérusalem habitera en sécurité, et voici le nom qu'on lui donnera : Le Seigneur est notre Justice. »

C'est donc justement à ce moment précis où le peuple juif était privé de roi, et où la royauté (et la Promesse qui s'y attache depuis David) semblait définitivement éteinte que le prophète osait proclamer : contre toute apparence, la promesse faite par Dieu à David se réalisera. Un nouveau roi viendra qui fera régner la justice. Et alors Jérusalem, dont le nom signifie « Ville de la Paix » remplira sa vocation. Notre prophète allait même encore plus loin puisqu'il disait « la promesse de bonheur que j'ai adressée à la maison d'Israël et à la maison de Juda » comme si ces deux royaumes ne faisaient qu'un ; or, à l'époque de Jérémie, il y avait bien longtemps que le royaume de Salomon avait été divisé en deux royaumes distincts, plus souvent ennemis que frères, Israël et Juda ; et depuis les conquêtes assyriennes le royaume d'Israël dont la capitale était Samarie a été rayé de la carte. Et notre prophète osait parler de réunification ! C'est un pur défi au bon sens, mais c'est cela la foi ! Belle leçon d'espérance et bel exemple de ce qu'est une parole prophétique : celle qui, dans les jours sombres, annonce la lumière.

Mais voici une autre leçon d'espérance ! Je viens de commenter une prédication que Jérémie a prononcée au sixième siècle, très probablement à Jérusalem. Le texte que nous lisons ce dimanche, lui, n'est pas de Jérémie lui-même. Il en est la répétition. A vrai dire, on ne sait pas très bien quand ces lignes ont été écrites, mais on pense qu'il s'agit de la prédication d'un auteur très tardif de l'Ancien Testament, probablement au deuxième siècle av.J.C. (Plus tard, son discours a été inséré dans le livre du prophète Jérémie, au chapitre 33, parce que ce prédicateur anonyme est de toute évidence un fils spirituel de Jérémie).

Il commence par la formule dont je parlais en commençant : « Parole du Seigneur » et on comprend maintenant mieux la suite ; il dit : « Voici venir des jours où j'accomplirai la promesse de bonheur que j'ai adressée à la maison d'Israël et à la maison de Juda. » Cette promesse de bonheur, c'est celle que son illustre prédécesseur, le prophète Jérémie a prononcée à Jérusalem quelques siècles auparavant, dans un autre moment de découragement. Cette promesse de Jérémie figure au chapitre 23 de son livre (nous l'avons lu pour le 16ème dimanche - année B).

Nous ne connaissons donc pas le nom de ce prédicateur qui reprend les propos de Jérémie plusieurs siècles après lui. Ce qui est admirable, c'est que dans une nouvelle période morose, ce prophète anonyme rappelle à ses contemporains les promesses de Dieu annoncées quelques siècles auparavant par Jérémie. « Voici venir des jours où j'accomplirai la promesse de bonheur que j'ai adressée à la maison d'Israël... » Le secret de l'espérance invincible des croyants tient en ces quelques mots : notre attente n'est pas du domaine du rêve, mais de la promesse de Dieu. Lui, le fidèle, saura faire naître un nouveau germe sur l'arbre de Jessé.

A vrai dire, il nous arrive à nous aussi, de connaître le découragement. Depuis des siècles et des siècles, c'est toujours la même question : pourquoi la paix, l'harmonie, la fraternité dont nous rêvons, semblent-elles inaccessibles, en un mot pourquoi le Royaume de Dieu tarde-t-il tant à s'installer ? Il est bien vrai que le retard dans la venue du royaume de Dieu est un défi pour notre foi et pour la foi de tous les croyants de tous les temps.

Rassurons-nous : notre foi s'appuie sur deux raisons absolument invincibles : la première c'est que Dieu ne peut pas manquer à une promesse... Mais surtout : et c'est le dernier mot de ce texte : « Le Seigneur est notre justice. » Cela, c'est la meilleure raison de ne jamais perdre l'espoir. Si nous comptions sur nos propres forces pour transformer le monde, l'entreprise semble bien perdue d'avance... Mais justement, la merveilleuse nouvelle de ce texte, c'est que la justice qui règnera à Jérusalem et sur toute la terre ne sera pas au bout de nos efforts : elle viendra de Dieu lui-même !

Psaume 24 (25), 4-5, 8-9, 10-14

4 Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
5 Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi
car tu es le Dieu qui me sauve.

8 Il est droit, il est bon, le Seigneur,
Lui qui montre aux pécheurs le chemin.
9 Sa justice dirige les humbles,
Il enseigne aux humbles son chemin.

10 Les voies du Seigneur sont amour et vérité
pour qui veille à son Alliance et à ses lois.
14 Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ;
à ceux-là Il fait connaître son Alliance.



Du magnifique psaume 24 qui comporte 22 versets (chiffre hautement symbolique dont nous avons souvent parlé), nous n'avons entendu que quelques pauvres lignes tronquées ; cela ne nous facilite pas la compréhension. En particulier, nous n'avons pas entendu la dernière phrase de ce psaume, et pourtant elle nous aurait expliqué tout le reste. La voici : « Libère Israël, ô mon Dieu, de toutes ses angoisses ! » L'environnement de cette prière, le terreau dans lequel elle est née, c'est donc une situation d'angoisse, peut-être l'Exil à Babylone. Ce qui nous met du coup dans une véritable ambiance de prière ! Parce qu'alors c'est vraiment le cri du coeur ! N'oublions pas que « prier » (en latin « precari ») est de la même racine que précarité. D'autres versets de ce psaume, d'ailleurs, traduisent bien cette détresse, par exemple : « Epargne-moi la honte ; ne laisse pas triompher mon ennemi... Prends pitié de moi qui suis seul et misérable. L'angoisse grandit dans mon coeur : tire-moi de ma détresse... Vois mes ennemis si nombreux, la haine violente qu'ils me portent. »

Tout cela peut très bien qualifier les douleurs de l'Exil à Babylone ; mais si vous consultez votre Bible, vous verrez qu'au début de ce psaume, il est écrit « de David », traduction tout-à-fait discutable de la formule en hébreu « LeDavid » ; on risque de supposer que ce psaume est en relation avec l'histoire de David, ce qui le situerait plus de quatre cents ans avant l'Exil ; mais, à vrai dire, personne ne sait exactement ce que veut dire l'expression hébraïque « LeDavid » : « Le » est une préposition qui signifie « à », mais aussi « pour » ou « par rapport à »... Ce qui est sûr, c'est que David n'est pas l'auteur de quantité de psaumes (précédés de cette formule) qui sont remplis d'allusions bien trop claires à la période de l'Exil. Du coup, la formule « de David » ne doit pas être considérée comme une attribution ou une signature, mais elle nous indique un état d'esprit : le peuple d'Israël, puisque c'est toujours du peuple entier qu'il s'agit dans les psaumes, se coule dans la prière et dans la foi du grand ancêtre.

Or quel souvenir David a-t-il laissé ? Celui, non pas d'un homme sans faute (tout le monde connaît l'histoire de Bethsabée), mais celui d'un croyant et d'un humble devant Dieu. Un homme qui savait reconnaître ses fautes et demander le pardon de Dieu. C'est probablement la clé de ce psaume : il suffit d'entendre le vocabulaire employé pour deviner qu'il s'agit d'un psaume composé pour une célébration de pénitence ! Aujourd'hui, quand nous préparons une célébration de Baptême, de Mariage, de Funérailles, ou encore une célébration Pénitentielle, ou simplement la Messe du dimanche, nous cherchons dans les livres de chants ceux qui seront le mieux adaptés à la circonstance ; et le choix ne manque pas ! Les chants ont même des cotes qui indiquent l'utilisation prévue par les compositeurs. Pour les psaumes, c'est la même chose, et ce psaume 24 est visiblement prévu pour accompagner une démarche de pénitence ; il emploie le vocabulaire du chemin, typique des psaumes pénitentiels : parce que le péché, au fond, c'est une fausse route. Et on sait que le mot « conversion » signifie « demi-tour ». Dans la Bible, le pécheur qui se convertit, fait un véritable demi-tour ; on dit qu'il « revient de son mauvais chemin ». Moïse déjà utilisait la même image, il disait au peuple : « Vous veillerez à agir comme vous l'a ordonné le Seigneur notre Dieu sans vous écarter ni à droite ni à gauche. Vous marcherez toujours sur le chemin que le Seigneur votre Dieu vous a prescrit... » (Dt 5, 32 - 33).

Ce chemin, c'est la Loi : n'oublions pas que, pour un Juif croyant, la Loi est un cadeau de Dieu, une très grande preuve de sa tendresse pour l'homme. Le mot même « Loi » (Torah) ne vient pas d'une racine qui signifierait « prescrire », mais du verbe « enseigner ». Elle enseigne la voie par laquelle aller à Dieu. Le thème « enseigne-moi tes voies » est d'ailleurs très présent dans ce psaume. Car on sait bien que si Dieu a donné la loi à l'homme, c'est pour son bonheur : la Loi est le mode d'emploi de notre liberté pour que nous soyons heureux puisque Dieu n'a pas d'autre but. A l'inverse, le peuple d'Israël reconnaît qu'il a été infidèle à l'Alliance et que beaucoup de ses malheurs viennent de là ; l'Exil à Babylone a bien souvent été considéré comme une conséquence de ses infidélités. Et ce psaume est justement une demande de pardon pour cette infidélité perpétuelle, originelle pourrait-on dire... Au milieu du psaume, le verset 11 dit clairement « pardonne ma faute, elle est grande ».

Or, le premier commandement de la Loi était l'interdiction des idoles ; c'est donc le premier objet de la « conversion » dans la Bible : l'objectif de tous les prophètes est d'abord d'écarter le peuple des idoles. La première conversion demandée à Israël, c'est de se détourner des idoles pour se tourner vers le seul Dieu vivant, le seul Dieu qui sauve. Dans ce psaume, la phrase « car tu es le Dieu qui me sauve » est bien l'expression de la résolution de ne se tourner désormais que vers le Dieu d'Israël. D'autres versets redisent cette ferme décision : « Vers toi, Seigneur, j'élève mon âme... C'est toi que j'espère tout le jour... J'ai les yeux tournés vers le Seigneur. »


La recherche de la perfection morale vient en second lieu ; en second lieu seulement, car si on met la recherche de la perfection morale en premier, cela peut bien être un piège, une façon de nous occuper de nous-mêmes, de nous préoccuper de notre sainteté personnelle avant tout et, finalement, de nous prendre pour le centre du monde. C'est le piège que Jésus dénonce dans la parabole du pharisien et du publicain : « Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : ô Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, voleurs, malfaisants, adultères. Je jeûne deux fois par semaine, je paie la dîme de tout ce que je me procure. » Le publicain, lui, se tourne simplement vers Dieu avec des accents semblables à ceux de notre psaume : « O Dieu, prends pitié du pécheur que je suis. »

Le véritable chemin de conversion, c'est d'abord de se tourner vers Dieu et lui nous tournera vers nos frères.

DEUXIEME LECTURE - 1 Thessaloniciens 3, 12 - 4, 2

Frères,
3, 12 que le Seigneur vous donne,
entre vous et à l'égard de tous les hommes,
un amour de plus en plus intense et débordant,
comme celui que nous avons pour vous.
13 Et qu'ainsi il vous établisse fermement
dans une sainteté sans reproche
devant Dieu notre Père,
pour le jour où notre Seigneur Jésus
viendra avec tous les Saints.
4, 1 Pour le reste, vous avez appris de nous
comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ;
et c'est ainsi que vous vous conduisez déjà.
Faites donc de nouveaux progrès,
nous vous en prions, frères,
nous vous le demandons dans le Seigneur Jésus.
2 D'ailleurs, vous savez bien quelles instructions
nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus.





Paul est arrivé à Thessalonique probablement en l'an 50, c'est-à-dire environ vingt ans après la mort et la résurrection du Christ ; c'était un port de commerce très important, et la capitale de la province de Macédoine, occupée par les Romains. Beaucoup d'étrangers y vivaient, dont une importante colonie juive. Par les Actes des Apôtres, on sait que Paul a fait là ce qu'il faisait chaque fois qu'il arrivait dans une nouvelle ville : il commençait par se rendre à la synagogue le samedi matin, pour l'office du sabbat ; cette fois il était accompagné de Silas et de Timothée et les Actes nous disent qu'ils se sont rendus à la synagogue trois samedis de suite. Sa prédication a eu un certain succès, puisque le livre des Actes nous dit encore : « A partir des Ecritures, il expliquait et établissait que le Messie devait souffrir, ressusciter des morts, et le Messie disait-il, c'est ce Jésus que je vous annonce. Certains des Juifs se laissèrent convaincre et furent gagnés par Paul et Silas, ainsi qu'une multitude de grecs adorateurs de Dieu et bon nombre de femmes de la haute société. » (Ac 17, 3 - 4).

Il a converti aussi des païens qui, jusque-là, étaient adorateurs des idoles, puisque dans cette lettre Paul leur dit : « Vous vous êtes tournés vers Dieu en vous détournant des idoles pour servir le Dieu vivant et véritable » (1 Th 1, 9). Mais ce beau succès soulevait la colère des Juifs hostiles à Jésus. Ils dénoncèrent Paul et ses amis aux autorités comme ennemis de l'empereur. Et il parut plus prudent de s'enfuir. Paul est donc parti pour Bérée, non loin de Thessalonique, puis à Athènes et enfin à Corinthe. On ne sait pas exactement combien de temps il a passé à Thessalonique, mais il est clair qu'il y a laissé une communauté chrétienne toute neuve pour laquelle il se faisait du souci. Si bien que, quelques mois plus tard, « n'y tenant plus » (ce sont ses propres termes), il envoya Timothée à Thessalonique pour voir cette communauté et la soutenir dans la foi.

Le chapitre 3 de cette lettre que nous lisons ici commence par ces mots : « Aussi, n'y tenant plus, nous avons pensé que le mieux était de rester à Athènes, et nous vous avons envoyé Timothée, notre frère, le collaborateur de Dieu dans la prédication de l'évangile du Christ pour vous affermir et vous encourager dans votre foi, afin que personne ne soit ébranlé au milieu des épreuves présentes, car vous savez bien que nous y sommes destinés. Quand nous étions chez vous, nous vous prévenions qu'il faudrait subir des épreuves, et c'est ce qui est arrivé, vous le savez. C'est pour cela que, n'y tenant plus, j'ai envoyé prendre des nouvelles de votre foi, dans la crainte que le Tentateur ne vous ait tentés et que notre peine ne soit perdue. » Les épreuves dont il parle, c'est la persécution qui continue de la part des Juifs. Or Timothée est revenu avec d'excellentes nouvelles : « Maintenant Timothée vient de nous arriver de chez vous et de nous apporter la bonne nouvelle de votre foi et de votre amour ; il dit que vous gardez un bon souvenir de nous, et que vous désirez nous revoir, autant que nous désirons vous revoir. Ainsi frères, nous avons trouvé en vous un réconfort, grâce à votre foi, au milieu de toutes nos angoisses et de toutes nos épreuves, et maintenant nous revivons puisque vous tenez bon dans le Seigneur. »

Les versets que nous lisons ce dimanche sont donc en quelque sorte la réaction à chaud de Paul tout ému par ces excellentes nouvelles. Que peut-il souhaiter de mieux ? Les Thessaloniciens sont sur la bonne voie, il s'en réjouit et il leur dit quelque chose comme : il ne vous reste qu'à persévérer. Persévérer jusqu'à quand ? Jusqu'au jour du retour du Christ : c'est le projet de Dieu qui donne sens à toute notre vie ; voilà encore un défi au bon sens, comme celui de Jérémie dans la première lecture ; dans un monde qui ne sait plus où il va, le « défi » chrétien, c'est de vivre toute sa vie « en perspective ». Toute la pensée de Paul est dominée par cette attente de la venue du Christ en gloire au dernier Jour. Et c'est bien la clé du texte qui nous est proposé ici : il invite les chrétiens à mettre toute leur existence en perspective de ce « jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les Saints ». La prière que nous disons dans toutes nos célébrations liturgiques, le Notre Père, nous oriente bien vers ce but : « Que ton Règne vienne, ta Volonté soit faite, ton Nom soit sanctifié... « Les Chrétiens ne sont pas tournés vers le passé mais vers l'avenir ; et l'on sait bien qu'il faut écrire « A-VENIR » en deux mots : c'est cet « A-VENIR » qui donne sens à notre vie d'aujourd'hui ; c'est très exactement ce que dit Paul ici : « Que le Seigneur vous établisse dans une sainteté sans reproche devant Dieu notre Père, pour le jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les Saints ». C'est également le sens de la prière qui suit le Notre Père dans la liturgie eucharistique : « Rassure-nous devant les épreuves en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets et (c'est-à-dire) l'avènement de Jésus-Christ notre Sauveur. »

Concrètement, mettre toute notre vie « en perspective », c'est la vivre déjà en misant uniquement sur les valeurs du royaume ; et voilà le deuxième aspect du « défi chrétien » : toujours et uniquement miser sur l'amour. Quand Paul écrit, nous l'avons vu, la vie n'est pas plus rose qu'aujourd'hui. C'est pour cela que c'est vraiment un défi... C'est d'ailleurs tellement un défi que nous ne pouvons pas y arriver tout seuls ! C'est un don de Dieu ; Paul dit : « Que Dieu vous donne, entre vous et à l'égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant... »

C'est cela être saint : il n'y a pas d'autre sainteté, on le sait bien, que celle de l'amour... puisque « Dieu est amour », comme dit Saint Jean... » quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jn 1). C'est ce qui explique le lien entre les deux phrases de Paul : « Que Dieu vous donne, entre vous et à l'égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant »... « et qu'ainsi il vous établisse fermement dans une sainteté sans reproche... » Alors nous pourrons « plaire à Dieu », comme dit encore Paul : « Vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu » ; ce qui revient tout simplement à accomplir notre vocation de fils, à l'image du Fils bien-aimé en qui Il se « complaît ».

EVANGILE : Luc 21, 25-28, 34-36

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
25 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles.
Sur terre, les nations seront affolées
par le fracas de la mer et de la tempête.
26 Les hommes mourront de peur
dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde,
car les puissances des cieux seront ébranlées.
27 Alors on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée,
avec grande puissance et grande gloire.
28 Quand ces événements commenceront,
redressez-vous et relevez la tête,
car votre rédemption approche.

34 Tenez-vous sur vos gardes,
de crainte que votre coeur ne s'alourdisse
dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie,
et que ce jour-là ne tombe sur vous à l'improviste.
35 Comme un filet, il s'abattra sur tous les hommes de la terre.
36 Restez éveillés et priez en tout temps :
ainsi vous serez jugés dignes
d'échapper à tout ce qui doit arriver,
et de paraître debout devant le Fils de l'homme. »




Si on prend ces lignes au pied de la lettre, il y a de quoi frémir ! Mais nous avons déjà rencontré des textes de ce genre : on dit qu'ils sont de style « apocalyptique » et nous savons bien qu'il ne faut pas les prendre au premier degré ! Le malheur, c'est que, aujourd'hui, le mot « apocalypse » a très mauvaise presse ! Pour nous, il est synonyme d'horreur... alors que c'est tout le contraire ! Commençons donc par redonner au mot « apocalyptique » son vrai sens : on se rappelle que « apocaluptô », en grec, signifie « lever le voile », c'est le même mot que « re-velare » (en latin) - révéler en français ! Il faut traduire « texte apocalyptique » par « texte de révélation ».

Le genre apocalyptique a au moins quatre caractéristiques tout-à-fait particulières :
Premièrement, ce sont des livres pour temps de détresse, généralement de guerre et d'occupation étrangère doublée de persécution ; c'est particulièrement vrai pour le livre de Daniel et pour l'Apocalypse de Jean : dans ce cas, ils évoquent les persécuteurs sous les traits de monstres affreux ; et c'est pour cela que le mot « apocalypse » a pu devenir synonyme de personnages et d'événements terrifiants.

Deuxièmement, parce qu'ils sont écrits en temps de détresse, ce sont des livres de consolation : pour conforter les croyants dans leur fidélité et leur donner, face au martyre, des motifs de courage et d'espérance. Et ils invitent les croyants justement à tenir bon.

Troisièmement, ils « dévoilent », c'est-à-dire « lèvent le voile », « révèlent », la face cachée de l'histoire. Ils annoncent la victoire finale de Dieu : de ce fait, ils sont toujours tournés vers l'avenir ; malgré les apparences, ils ne parlent pas d'une « fin du monde », mais de la transformation du monde, de l'installation d'un monde nouveau, du « renouvellement » du monde. Quand ils décrivent un chamboulement cosmique, ce n'est qu'une image symbolique du renversement complet de la situation. En un mot, leur message c'est « Dieu aura le dernier mot ». Ce message de victoire, nous l'avions entendu dimanche dernier dans le livre de Daniel. Il annonçait que le Fils de l'homme qui n'est autre que le peuple des Saints du Très-Haut verrait un jour ses ennemis vaincus et recevrait la royauté universelle.

Quatrièmement, dans l'attente de ce renouvellement promis par Dieu, ils invitent les croyants à adopter une attitude non pas d'attente passive, mais de vigilance active : le quotidien doit être vécu à la lumière de cette
espérance.

Ces quatre caractéristiques des livres apocalyptiques se retrouvent dans notre évangile d'aujourd'hui. Parole pour temps de détresse, elle décrit des signes effrayants, langage codé pour annoncer que le monde présent passe : « il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles... le fracas de la mer et de la tempête... les puissances des cieux seront ébranlées ». Parole de consolation, elle invite les croyants à tenir bon : «
Votre rédemption (traduisez votre libération) approche ». Parole qui « lève le voile », « révèle », la face cachée de l'histoire, elle annonce la venue du Fils de l'homme. Jésus reprend ici cette promesse par deux fois, et visiblement il s'attribue à lui-même ce titre de « Fils de l'homme », manière de dire qu'il prend la tête du peuple des Saints du Très-Haut*, c'est-à-dire des croyants : « Alors on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée avec une grande puissance et une grande gloire. » ... « vous serez jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l'homme. » Enfin, dans l'attente de ce renouvellement promis par Dieu, notre texte invite les croyants à adopter une attitude non pas d'attente passive, mais de vigilance active : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête. »... « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s'alourdisse... restez éveillés et priez en tout temps... » « Relever la tête », c'est bien un geste de défi, comme Jérémie nous y invitait dans la première lecture, le défi des croyants.

Le mot « croyants » n'est pas employé une seule fois ici, mais pourtant il est clair que Luc oppose d'un bout à l'autre deux attitudes : celle des croyants et celle des non-croyants qu'il appelle les nations ou les autres hommes ; « sur terre, les nations seront affolées... les hommes mourront de peur... mais vous, redressez-vous et relevez la tête » sous-entendu car vous, vous êtes prévenus et vous savez le sens dernier de l'histoire humaine : l'heure de votre libération a sonné, le mal va être définitivement vaincu.
Il reste une chose paradoxale dans ces lignes : le Jour de Dieu semble tomber à l'improviste sur le monde et pourtant les croyants sont invités à reconnaître le commencement des événements ; en fait, et cela aussi fait partie du langage codé des Apocalypses, ce jour ne semble venir soudainement que pour ceux qui ne se tiennent pas prêts :
rappelons-nous les paroles de Paul aux Thessaloniciens : « le Jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : quelle paix, quelle sécurité !, c'est alors que la ruine fondra sur eux comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper. Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que (de sorte que) ce jour vous surprenne comme un voleur. Tous, en effet, vous êtes fils de la lumière, fils du jour... » (1 Th 5, 2 - 5). Paul, comme Luc, type bien deux attitudes différentes.

Comme dans toutes les autres lectures de ce dimanche, les Chrétiens sont donc invités ici à une attitude de témoignage : le témoignage de la foi auquel nous invitait Jérémie dans une situation apparemment sans issue, à vues humaines ; le témoignage de l'amour dans la lettre aux Thessaloniciens : « Que le Seigneur vous donne à l'égard de tous les hommes un amour de plus en plus intense et débordant » ; le témoignage de l'espérance alors que tout semble s'écrouler dans cet évangile : « Redressez-vous et relevez la tête... Vous serez dignes... de paraître debout devant le Fils de l'homme ». « Les hommes mourront de peur », mais vous, vous serez debout parce que vous savez que « rien, ni la vie, ni la mort... ne peut nous séparer de l'amour de Dieu révélé dans le Christ » (Rm 8, 39). Ce triple témoignage, voilà bien le défi chrétien. Beau programme pour cet Avent qui commence !

***
* On sait que dans le livre de Daniel, le Fils d'homme est en réalité un personnage collectif, le « peuple des saints du Très-Haut ».

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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 23:56

Depuis la semaine dernière, on ne parle presque plus que de ça: la main de Thierry Henry ayant permis à l'équipe de France de football de se qualifier pour la prochaine coupe de monde au détriment de l'Irlande.

 Je reste stupéfait devant la plupart des réactions : pour beaucoup, l'attitude de Thierry Henry est scandaleuse, immorale, il devrait être exclu de l'équipe de France et le match contre l'Irlande aurait du être rejoué!

 Seule les réactions de Roger Federer (« Tout s'est passé en une seconde. On ne peut pas lui en vouloir pour avoir continué à jouer si l'arbitre n'a rien vu. C'est la faute du système et de l'arbitre. Ça arrive tellement souvent. Il y a tellement de buts qui ne sont pas des buts. C'est seulement un de plus » et, dans une moindre mesure, de Raymond Domenech ("Je ne comprends pas le procès fait à Thierry Henry, un joueur irréprochable. En France, on a une fâcheuse tendance à s'auto-flageller. Ce sont des accusations sur un joueur, alors que le vrai débat repose sur l'arbitrage." me semblent faire preuve d'un peu de bon sens.

 En effet, je crois que le problème posé est beaucoup plus celui de l'arbitrage et, plus généralement, de ce que Federer appelle « le système », que celui des tricheries de tel ou tel joueur. Il faut signaler que la deuxième main de Thierry Henry est précédée d'une première, probablement involontaire, elle même précédée d'une main d'un autre joueur français, elle même précédée d'une situation de hors-jeu de 2 Français, dont Thierry Henry !

 Depuis de nombreuses années, chaque match de football n'est qu'un enchaînement de tricheries, avec la bienveillance du corps arbitral, qui reçoit ses consignes des instances dirigeantes du football. Il ne se passe pas une minute, sans qu'il y ait, au minimum, un tirage de maillot, un accrochage par le bras, un appui sur l'épaule adverse, un coup de coude ou une simulation.

Amateur de football et partisan d’une société de liberté et de responsabilité, qui suppose :

  • le respect de contrats librement conclus,

  • que chaque individu supporte les conséquences de ses actes, au lieu de les faire supporter par les autres,

je m’insurge contre

  • le non-respect généralisé des règles du football, pourtant librement acceptées par les joueurs, dirigeants et arbitres,

  • l’injustice et l’irresponsabilité qui découlent de la non-réparation presque systématique, par leurs auteurs, des irrégularités commises, avec la bienveillance coupable des arbitres et des instances du football (voir Loi 12, punissant d’un avertissement tout comportement antisportif, presque jamais appliquée),

  • l'immorale incitation à la tricherie et à la dissimulation que constituent, aux yeux des spectateurs des matchs de football, enfants ou adultes, les constats précités.

Pour ne parler que de la finale de la coupe du monde 2006 (France-Italie), je n’ai pas apprécié de voir, entre autres :

  • Materazzi marquer le but italien en s’appuyant sur l’épaule de Vieira (la vidéo le montre sans ambiguïté, pourquoi refuser d’y avoir recours ?),

  • Malouda stoppé irrégulièrement en pleine surface de réparation (la vidéo est formelle), une fois par un croc-en-jambe, une autre par un tirage de maillot alors qu’il tentait de s’élever pour reprendre un centre de la tête, chaque fois sans réaction de l’arbitre,

  • Zidane blessé à l’épaule après une agression non sanctionnée (voyez le ralenti !),

  • Malouda stoppé par le sifflet de l’arbitre pour un hors-jeu imaginaire, alors qu’il se présentait seul devant le goal italien (la vidéo l’atteste),

  • Materazzi ceinturer Zidane et le retenir par le maillot, puis le provoquer verbalement, puis Zidane lui donner un coup de tête dans la poitrine, puis Materazzi simuler une blessure, sans que Materazzi n’écope de la moindre sanction.

A-t-on, à l'époque, fait à Materazzi des critiques similaires à celles adressées à Thierry Henry, au motif qu'il avait triché pour marquer son but? Pas un seul commentateur ne l'a évoqué! Lui a-t-on reproché d'avoir ceinturé Zidane? Pas le moins du monde! Lui a-t-on reproché d'avoir provoqué Zidane en insultant la mère et/ou la soeur de celui-ci? A peine! Lui a-t-on reproché d'avoir simulé une blessure pour attirer l'attention des arbitres? Même pas! Le seul pelé, le seul galeux, c'était Zidane hier, et c'est Thierry Henry aujourd'hui.

Certains grands esprits auraient voulu que Thierry Henry aille se confesser auprès de l'arbitre, après avoir accompli son forfait! Il n'est pas compliqué de comprendre que Thierry Henry ne jouerait plus au football s'il n'avait pas adhéré au « système » qui veut que tout le monde triche (hormis le gardien de but, pour lequel ce n'est pas indispensable). Tout le monde accepte sans broncher que les joueurs trichent, avec la bénédiction des arbitres, mais dans le cas de la main de Thierry Henry, on n'accepte pas qu'il ait triché et qu'en plus ça lui ait profité! Si les joueurs trichent c'est bien avec l'espoir que leur tricherie va bénéficier à leur équipe (en permettant de marquer un but, en évitant que l'adversaire en marque un, en provoquant l'expulsion d'un joueur adverse, ...), n'est-ce pas? Alors pourquoi imaginer qu'un joueur ayant triché va renoncer à l'avantage procuré par sa tricherie?

 

En conclusion, il me semble qu'il y a urgence, pour rétablir un peu de moralité dans le football professionnel, à :

  • modifier les règles pour que les fautes et les tricheries soient suivies de sanctions dissuasives, c'est à dire faisant plus que compenser l'avantage tiré de la faute par l'équipe du coupable (comme c'est le cas au rugby, où il peut même y avoir essai de pénalité);

  • faire appliquer les règles qui sont en vigueur (ce n'est pas le cas de la loi 12, actuellement);

  • utiliser la vidéo pour limiter les risques d'erreur d'arbitrage, pendant le match (avec x « challenges » possibles, comme au tennis?) et après le match (pour sanctionner les tricheries qui n'auraient pas été repérées par l'arbitre, comme c'est le cas au rugby).

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 18:37

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.
Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en


  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le sens caché, le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consistera à surligner les passages qui me semblent les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). A ce sujet, je dois attirer l'attention des lecteurs sur le fait que le commentaire sur l'Evangile du jour, lorsqu'il parle de Vérité, parle aussi de liberté (Jésus disait : "La Vérité vous rendra libres").


PREMIERE LECTURE - Daniel 7, 13-14

Moi, Daniel,
13 je regardais, au cours des visions de la nuit,
et je voyais venir, avec les nuées du ciel,
comme un Fils d'homme ;
il parvint jusqu'au Vieillard,
et on le fit avancer devant lui.
14 Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ;
tous les peuples, toutes les nations et toutes les langues
le servirent.
Sa domination est une domination éternelle,
qui ne passera pas,
et sa royauté,
une royauté qui ne sera pas détruite.

Dès les premiers mots, nous sommes prévenus : le prophète Daniel nous décrit une vision. « Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais ». Et que voit-il ? Il voit « les nuées du ciel », d'abord ; cela veut dire qu'il assiste à ce qui se passe là-haut, dans le monde de Dieu. Daniel, ici, n'emploie pas le mot Dieu, mais, quelques versets plus haut, il parle d'un Vieillard assis sur un trône. Et tout le monde comprend qu'il s'agit bien de Dieu lui-même. Et voici que quelqu'un s'avance vers le Vieillard : Daniel l'appelle un « fils d'homme », ce qui, en hébreu, veut dire « homme » tout simplement.

Je reprends ces premiers versets : « Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d'homme ; il parvint jusqu'au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. » Et il s'avance pour être consacré roi. C'est le jour de son couronnement en quelque sorte ! « Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et toutes les langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » C'est donc une royauté universelle et éternelle. Je note qu'il ne s'en empare pas, il ne la conquiert pas par la force : Daniel dit d'une part, qu'on le fait avancer vers le trône de Dieu (il ne s'en approche pas de sa propre initiative), et, d'autre part, « il lui fut donné » domination, gloire et royauté.

Notre lecture de ce dimanche s'arrête ici ; mais pour bien la comprendre, il faut aller un peu plus loin. Car Daniel poursuit le récit de sa vision. Voici donc la suite, elle va peut-être nous surprendre, car nous allons découvrir que ce fils d'homme n'est pas, comme nous le pensions spontanément, un individu particulier, c'est un peuple : « Mon esprit à moi, Daniel, fut angoissé... les visions de mon esprit me tourmentaient. Je m'approchai d'un de ceux qui se tenaient là, et je demandai ce qu'il y avait de certain au sujet de tout cela. Il me le dit et me fit connaître l'interprétation des choses : les Saints du Très-Haut recevront la royauté et ils posséderont la royauté pour toujours et à tout jamais. » Et le même interprète céleste redit quelques versets plus loin : « La royauté, la souveraineté et la grandeur de tous les royaumes qu'il y a sous tous les cieux ont été données au peuple des Saints du Très-Haut : sa royauté est une royauté éternelle ; toutes les souverainetés le serviront et lui obéiront. » Cela veut dire que le fils d'homme est en réalité le peuple des Saints du Très-Haut. « Peuple des Saints du Très-Haut », en langage biblique, cela veut dire Israël ou au moins, en temps de persécution, le petit noyau, le Reste fidèle.

N'oublions pas que Daniel a eu cette vision à un moment de l'histoire d'Israël particulièrement douloureux : pendant l'occupation grecque, sous le règne d'Antiochus Epiphane vers 165 av.J.C. Et il s'adresse à ceux qui restent fidèles à la foi juive au cœur même de la persécution. Il leur dit « Vous êtes ce peuple des Saints du Très-Haut qui va recevoir bientôt la royauté ». Cette vision arrive donc comme un message de réconfort : en clair, mes frères, pour l'instant, vous êtes écrasés, mais votre libération approche et elle sera définitive.

Cette prédication du prophète Daniel a incontestablement encouragé ses frères à tenir bon, à garder l'espérance, tout comme la prédication sur la Résurrection des morts que nous lisions dimanche dernier. Et l'on sait que, peu de temps après, les Juifs se sont révoltés contre Antiochus Epiphane et ils ont réussi à lui faire plier bagages. Et la paix est revenue. Mais on a continué à lire Daniel et à le lire, cette fois, comme une prophétie pour l'avenir. Et certains, parmi les Juifs, ont commencé à penser que le Messie, le roi idéal attendu pour la fin des temps ne serait pas un individu particulier, mais un peuple. A tel point que, à l'époque de la naissance de Jésus, si tout le monde en Israël attendait impatiemment le Messie, tout le monde ne l'imaginait pas de la même manière : certains attendaient un homme, d'autres attendaient un Messie collectif, qu'ils appelaient le petit Reste d'Israël (une expression qui remonte au prophète Amos), ou le fils d'homme, précisément, en référence à cette parole du prophète Daniel.
Or voici que Jésus de Nazareth employait très volontiers l'expression « Fils de l'Homme » ! Mais cela posait immédiatement plusieurs questions.

Premièrement, dans les évangiles, Jésus emploie fréquemment l'expression « Fils de l'homme » (on la trouve plus de quatre-vingts fois), et, très visiblement, c'est pour se désigner lui-même ; mais il est le seul ! Personne d'autre ne lui attribue ce titre, et ce n'est pas par ignorance car le livre de Daniel était bien connu. Mais justement, s'il était bien connu, on ne pouvait sûrement pas reconnaître ce titre à Jésus : d'abord, parce que ce Fils de l'homme qui vient sur les nuées du ciel désignait le Messie. Donc quand Jésus utilisait cette expression en parlant de lui-même, il prétendait du même coup être le Messie ! Or il ne pouvait pas l'être : ses contemporains n'étaient certainement pas tentés d'identifier Jésus de Nazareth, le charpentier, avec « le peuple des Saints du Très-Haut » !

Deuxièmement, Jésus a apporté une modification de fond à la représentation classique du Fils de l'homme. Il reprend bien les termes du livre de Daniel : « On verra le Fils de l'homme venir, entouré de nuées, dans la plénitude de la puissance et de la gloire. » (Mc 13, 26), mais il y ajoute tout un aspect de souffrance : (toujours chez Marc) « Il enseignait ses disciples et leur disait : Le Fils de l'homme va être livré aux mains des hommes ; ils le tueront ... » (Mc 9, 31).
Après sa résurrection, tout est devenu lumineux pour ses disciples : d'une part, il mérite bien ce titre de Fils de l'homme sur les nuées du ciel, lui qui est à la fois homme et Dieu ; d'autre part, Jésus est le premier-né de l'humanité nouvelle, la Tête, et il fait de nous un seul Corps : à la fin de l'histoire, nous serons tellement unis que nous serons avec lui comme « un seul homme » !... Avec lui, greffés sur lui, nous serons « le peuple des Saints du Très-Haut ».

Troisièmement, enfin, Jésus introduit une légère modification grammaticale : il parle du « Fils de l'homme » alors que Daniel disait un « Fils d'homme » ; fils d'homme voulait dire « un homme », mais quand on dit « l'homme », on pense « l'Humanité » et du coup « Fils de l'Homme » veut dire l'Humanité ; en s'appliquant ce titre à lui-même, Jésus se révèle comme le porteur du destin de l'humanité tout entière.*
Alors nous découvrons la merveille à laquelle nous osons à peine croire : le « dessein bienveillant » de Dieu est de faire de nous un peuple de rois ...! C'est cela son projet, depuis toujours, en créant l'humanité. Le livre de la Genèse le disait déjà : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu Il le créa ; mâle et femelle Il les créa. Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la . » (Gn 1, 27-28)
***

* Dans le même sens, Paul dira de lui qu'il est le nouvel Adam ; comme Jean citera cette extraordinaire phrase de Pilate au cours de la Passion : « voici l'Homme » (ecce homo). Et Jean en citant cette parole de Pilate semble nous dire : « Pilate ne croyait pas si bien dire ! »

PSAUME 92 (93)

1 - Le Seigneur est roi ;
il s'est vêtu de magnificence,
le Seigneur a revêtu sa force.

2 - Et la terre tient bon, inébranlable,
dès l'origine, ton trône tient bon,
depuis toujours tu es.

5 - Tes volontés sont vraiment immuables :
la sainteté emplit ta maison,
Seigneur, pour la suite des temps.

les versets non lus ce dimanche :
3 - Les flots s'élèvent, Seigneur,
les flots élèvent leur voix,
les flots élèvent leur fracas.

4 - Plus que la voix des eaux profondes,
des vagues superbes de la mer,
superbe est le Seigneur dans les hauteurs

L'histoire universelle fourmille d'exemples de chefs de guerre qui se sont fait acclamer comme rois après une victoire ! Et on reconnaît qu'un chef a bien mérité de se faire acclamer comme roi quand il a pris la tête de son peuple pour le libérer et le protéger, quand il parvient à faire régner le droit et la justice parmi ses sujets et à leur assurer la sécurité à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières.

Si la liturgie chrétienne célèbre la Fête du Christ-Roi, c'est parce qu'elle le considère comme le grand vainqueur : par sa résurrection, il a vaincu la mort, par le pardon accordé à ses bourreaux, il a vaincu la haine ; en même temps, nous, Chrétiens, sommes bien conscients du caractère paradoxal, presque provocant d'une telle fête : nous osons dire que le Christ est déjà roi, mais nous rencontrons tous les jours l'apparence du contraire ! La mort engloutit tous les jours des millions d'hommes et la haine sévit sur des quantités de champs de bataille, petits ou grands. Mais, justement, en célébrant la fête du Christ-Roi, nous affirmons opiniâtrement notre foi et nous réchauffons notre espérance pour y puiser la force de hâter la réalisation de ce règne.
Le psaume 92 se situe exactement dans cette optique : de la même manière que la liturgie chrétienne célèbre la Fête du Christ-Roi, la liturgie juive célèbre Dieu-Roi ; la même foi, la même espérance animent les Juifs et la même impatience de voir poindre le « Jour » de Dieu. Eux, bien sûr, ne peuvent pas s'appuyer sur l'expérience de la Résurrection du Christ pour proclamer la victoire de Dieu sur les forces du Mal, mais leur foi est tout aussi convaincue. Leur point d'appui, c'est d'abord l'expérience de l'Exode : Dieu s'est révélé à eux comme le Dieu libérateur, Dieu leur a proposé son Alliance. Voilà ses titres de gloire.

Pour cette acclamation de la royauté de Dieu, le compositeur du psaume a pris comme modèle ce qui se passait le jour du sacre d'un nouveau roi. La scène se déroule dans la salle du trône : le roi est revêtu du manteau royal, il siège désormais sur le trône : il a signé la charte d'intronisation, il est entré en possession du palais royal. Alors s'élève une clameur immense, jaillie de la poitrine de milliers d'assistants... quelque chose comme « Vive le Roi ! ». En hébreu, on appelle cette acclamation la « térouah » ; c'est une acclamation guerrière à l'origine, l'acclamation de la victoire sur l'ennemi.

Ici le roi que l'on acclame c'est Dieu lui-même. Plus que tout autre, il mérite la terouah, l'acclamation, les ovations : Lui qui est victorieux de toutes les forces du mal, du chaos, de la séparation. C'est pourquoi le psaume commence par l'acclamation : « Le Seigneur est roi » ; lui aussi est revêtu de vêtements royaux : « il s'est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force ». En fait, ce sont les vêtements du Créateur : « magnificence et force ». En hébreu, l'expression est très imagée : « il a revêtu sa force », cela évoque littéralement le geste de nouer un vêtement sur ses reins comme le potier noue son tablier pour travailler l'argile.

Son trône, c'est le cosmos tout entier ! Un trône qui tient bon ! « Et la terre tient bon, inébranlable, dès l'origine, ton trône tient bon, depuis toujours tu es. » Il y a dans ce verset apparemment anodin au moins deux petites pointes : l'une contre les idoles dont les statues sont à la merci de n'importe qui ; l'autre contre les rois de la terre : en Israël, de tout temps, l'histoire de la royauté a été troublée, dramatique... Le trône de Dieu, au contraire, est « inébranlable ». Et il est établi dans la durée ! Combien de rois d'Israël n'ont régné que très peu d'années, voire de jours !...

Et c'est la Création tout entière qui clame qu'il est roi, parce qu'il en est le maître incontesté : même les forces de la mer lui sont soumises ; Israël, qui a une fenêtre sur la Méditerranée, sait bien que la mer peut se montrer indomptable ; indomptable pour l'homme, peut-être, mais pas pour Dieu ! Notre psaume le dit magnifiquement : les flots ont beau se soulever dans un mugissement terrible, ils sont sous la domination de Dieu ; là il faut lire les deux versets centraux de ce psaume qui ne font pas partie de la lecture de ce dimanche : « Les flots s'élèvent, Seigneur, les flots élèvent leur voix, les flots élèvent leur fracas... Plus que la voix des eaux profondes, des vagues superbes de la mer, superbe est le Seigneur dans les hauteurs. »
Ces flots maîtrisés, ce sont également ceux de la Mer Rouge à qui Dieu a imposé de laisser le passage à son peuple. Et depuis ce jour, le Dieu fidèle a toujours accompagné son peuple : c'est le sens de la phrase « Tes volontés sont vraiment immuables » ; le mot traduit ici par « immuables » est de la même racine que le mot « AMEN » ; il évoque fidélité, stabilité, vérité, immuabilité, fermeté... Cette fidélité de Dieu toujours présent au milieu de son peuple est concrétisée par le Temple magnifique de Jérusalem : signe de la présence de Dieu, il est un reflet de sa sainteté : « la sainteté emplit ta maison » ; on peut probablement relever ici une nouvelle petite pointe d'ironie : les rois d'Israël ont été rarement des saints ! On peut entendre en sourdine « la sainteté emplit ta maison » (sous-entendu « et elle seule ») ! Mais surtout, après l'Exil à Babylone, cette phrase reflète la joie d'avoir reconstruit le Temple dignement : la ville de Jérusalem abrite de nouveau la sainte maison de Dieu.

Quand ce psaume est chanté au Temple de Jérusalem, après l'Exil, donc, à une époque où il n'y a plus de roi en Israël, il célèbre la royauté de Dieu, mais aussi, il célèbre d'avance le futur roi-Messie qu'on attend et qui sera, lui, la fidèle image de Dieu. Et on sait déjà, qu'à travers ce Messie, c'est le peuple élu et, en définitive, l'humanité tout entière qui partagera la Royauté. Au cours de la Fête des Tentes (à l'automne) où ce psaume était repris chaque année, on célébrait par avance l'accomplissement de toute l'histoire, l'Alliance définitive, les Noces de Dieu et de l'Humanité.

DEUXIEME LECTURE - Apocalypse 1, 5 - 8

Que la grâce et la paix vous soient données,
5 de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle,
le premier-né d'entre les morts,
le souverain des rois de la terre.
A lui qui nous aime,
qui nous a délivrés de nos péchés par son sang,
6 qui a fait de nous
le royaume et les prêtres de Dieu son Père,
à lui gloire et puissance
pour les siècles des siècles. Amen.
7 Voici qu'il vient parmi les nuées,
et tous les hommes le verront,
même ceux qui l'ont transpercé ;
et en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront.
Oui, vraiment ! Amen !
8 Je suis l'alpha et l'oméga,
dit le Seigneur Dieu,
je suis celui qui est, qui était et qui vient,
le Tout-Puissant.

« Que la grâce et la paix vous soient données... » voilà le grand souhait de Jean pour les Eglises d'Asie Mineure auxquelles il s'adresse ; c'est tout simplement celui de voir se réaliser enfin le projet de Dieu, ce que la lettre aux Ephésiens appelle son dessein bienveillant : « Paix sur la terre aux hommes parce que Dieu les aime » chantaient les voix célestes de la nuit de Noël. Suit l'affirmation que le dessein de Dieu pour l'humanité est accompli en Jésus-Christ : « Que la grâce et la paix vous soient données, de la part de Jésus-Christ... »

La difficulté de ce texte vient de l'extrême densité de ses phrases : elles évoquent tout le mystère du Christ : « Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le souverain des rois de la terre. » Chaque mot, chaque expression en dit un aspect : « Jésus », c'est le nom d'un simple homme de Nazareth, mais il veut déjà dire « Dieu sauve » ; « Christ », c'est-à-dire Messie, rempli de l'Esprit de Dieu ; « le témoin fidèle » fait écho à la déclaration de Jésus à Pilate (que nous entendons ce dimanche) : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » ; »le premier-né d'entre les morts » : toute la foi des premiers Chrétiens est là ; cet homme, mortel comme les autres, Dieu l'a ressuscité et désormais il entraîne derrière lui tous ses frères, lui qui est le premier-né d'une longue lignée ; »le souverain des rois de la terre », nouvelle affirmation qu'il est le Messie (et qu'il a mis tous ses ennemis sous ses pieds comme dit le psaume 109). Au passage, on l'a remarqué, l'énumération comporte trois qualificatifs, « témoin fidèle, premier-né d'entre les morts, souverain des rois de la terre » : dans l'Apocalypse, les nombres sont toujours symboliques ; les expressions ternaires étant réservées à Dieu, les utiliser pour Jésus, c'est dire qu'il est l'égal de Dieu, qu'il est Dieu.

La deuxième phrase reprend et amplifie la première « A lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père, à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen. » Là encore nous retrouvons les énoncés traditionnels de la foi : l'amour du Christ pour l'humanité, sa vie donnée (c'est le sens de l'expression « sang versé ») pour nous libérer du mal ; « Il a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père » : enfin en Jésus-Christ s'est réalisée la lointaine promesse du livre de l'Exode : « Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte » (Ex 19, 6).
Ces deux paragraphes sont en forme de souhait : au début « Que la grâce et la paix vous soient données... » et à la fin « à lui gloire et puissance » : pour nous la grâce et la paix, pour lui la gloire et la puissance. On peut évidemment se demander pourquoi ces propositions sont au subjonctif ? Pour la deuxième, c'est évident : Saint Jean nous invite à rendre gloire à Dieu, mais encore faut-il que nous le fassions. Mais pour la première, c'est plus surprenant : « Que la grâce et la paix vous soient données... » Dieu pourrait-il ne pas nous donner grâce et paix ? Nous rencontrons souvent de tels subjonctifs dans la liturgie : par exemple « Que Dieu vous bénisse » ; ils veulent toujours dire la même chose : comme dans tout subjonctif, il y a un souhait, quelque chose comme « pourvu que » ; mais ici le souhait ne concerne pas l'oeuvre de Dieu, car elle, elle est certaine. Dieu nous donne sans cesse sa grâce, sa paix, sa bénédiction ; le souhait nous concerne, nous : pourvu que nous soyons perméables à ce rayonnement permanent de la grâce... « Que la grâce et la paix vous soient données... », cela veut dire que grâce et paix nous sont offertes, il ne nous reste qu'à accepter le cadeau qui nous est fait !
« Voici qu'il vient parmi les nuées » : on reconnaît ici le Fils d'homme dont parlait Daniel dans notre première lecture de ce dimanche ; ce Fils d'homme s'avance vers le trône de Dieu pour y recevoir la royauté universelle. Voilà la première facette de la royauté du Christ, la facette-triomphe, si l'on peut dire. Et voici la deuxième, la facette-souffrance : « Tous les hommes le verront, même ceux qui l'ont transpercé ; et en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront. » C'est une allusion à la croix du Christ et au coup de lance du soldat.

Saint Jean, ici, fait référence à une parole du prophète Zacharie, la voici : « Ce jour-là, je répandrai sur la maison de David et sur l'habitant de Jérusalem un esprit de bonne volonté et de supplication. Alors ils regarderont vers moi, celui qu'ils ont transpercé. Ils célébreront le deuil pour lui, comme pour le fils unique. Ils le pleureront amèrement comme on pleure un premier-né... Ce jour-là, une source jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem, en remède au péché et à la souillure. » (Za 12, 10 ; 13, 1). En parlant d'un « esprit de bonne volonté et de supplication », Zacharie pense à une transformation du coeur de l'homme : en levant les yeux vers celui qu'ils ont transpercé, les hommes verront un innocent exécuté injustement, sous un fallacieux prétexte, uniquement parce qu'il dérangeait les autorités religieuses du moment !... Et en le voyant, tout d'un coup, leurs yeux et leurs coeurs s'ouvriront.
La royauté du Christ sera définitive quand enfin le coeur de tous les hommes sera transformé : Seule cette ouverture de notre coeur nous fera entrer dans la grâce et la paix prévues pour nous par Dieu de toute éternité. « Venez les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. » (Mt 25, 44).

***
Compléments
Ezéchiel aussi prévoyait cette transformation du coeur de l'homme quand il annonçait le remplacement des coeurs de pierre par des coeurs de chair. Le coeur de pierre, c'est celui qui s'entête à rester dur ; le coeur de chair, c'est le coeur compatissant, celui qui « se lamente » (comme dit notre texte) devant les ravages de la haine qui pousse à torturer et tuer un innocent, en croyant le faire au nom de Dieu.
Jésus avait annoncé le don de sa vie « pour la multitude ». L'Apocalypse insiste très fort, semble-t-il, sur cet aspect : « Voici qu'il vient parmi les nuées, et tous les hommes le verront, même ceux qui l'ont transpercé ; et en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront. Oui, vraiment ! Amen ! »
- "Tous les hommes le verront" (v. 7) : on retrouve ici la symbolique du regard si présente dans toute la Bible.
- L'expression "Celui qui est, qui était et qui vient" (v. 8) est l'une des traductions du NOM de Dieu (YHWH, Ex 3, 14) dans les commentaires juifs (Targum de Jérusalem).

EVANGILE - Jean 18, 33b - 37

Lorsque Jésus comparut devant Pilate,
celui-ci l'interrogea :
33 « Es-tu le roi des Juifs ? »
34 Jésus lui demanda :
« Dis-tu cela de toi-même,
ou bien parce que d'autres te l'ont dit ? »
35 Pilate répondit :
« Est-ce que je suis Juif, moi ?
Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi :
qu'as-tu donc fait ? »
36 Jésus déclara :
« Ma royauté ne vient pas de ce monde ;
si ma royauté venait de ce monde,
j'aurais des gardes
qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs
.

Non, ma royauté ne vient pas d'ici. »
37 Pilate lui dit :
« Alors, tu es roi ? »
Jésus répondit :
« C'est toi qui dis que je suis roi.
Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci :
rendre témoignage à la vérité.
Tout homme qui appartient à la vérité
écoute ma voix. »

Voilà un texte bien surprenant pour la Fête du Christ-ROI ! Dans les évangiles on trouve très peu d'affirmations de la royauté du Christ ! Il faut aller chercher dans le récit de la Passion de Jésus la claire affirmation par lui-même de sa royauté. On peut se demander pourquoi Jésus n'a pas dit plus tôt qu'il était roi. Cela aurait peut-être tout changé. Qui sait ? Chaque fois qu'on a voulu le faire roi, il s'est dérobé. Chaque fois qu'on a voulu lui faire de la publicité, après des miracles particulièrement impressionnants, il donnait des consignes très strictes de silence. Même chose après la Transfiguration. Et maintenant, alors qu'il est enchaîné, pauvre, condamné, il se reconnaît roi ! C'est-à-dire au moment précis où il n'en a vraiment pas les apparences... au moins à vues humaines.

Cela veut peut-être dire... Cela veut sûrement dire qu'il faut que nous révisions nos conceptions de la royauté : rappelons-nous ce qu'il disait à ses disciples : « Ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n'en sera pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur. Et si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous. Car le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mc 10, 42 - 45).

Ce que veut nous dire Jean, quand il nous rapporte l'interrogatoire de Jésus par Pilate, c'est que Jésus est le roi de l'humanité au moment même où il donne sa vie pour elle. Ce roi-là n'a pas d'autre ambition que le service. En fait d'interrogatoire, d'ailleurs, ce face à face entre le représentant de l'immense Empire Romain et un condamné à mort comme il y en avait des centaines devient un « dialogue » ; car c'est vraiment le monde à l'envers : tout au long de la Passion, Jean souligne comme à plaisir le renversement de la situation ; ici, c'est le pouvoir romain qui va reconnaître que le véritable roi c'est Jésus-Christ : quand Pilate dit à Jésus « Alors, tu es roi ? », Jésus répond « C'est toi qui dis que je suis roi » (« su legeis ») dans le sens « tu as tout compris, tu le dis toi-même ».
Mais ce royaume n'a rien à voir avec nos royaumes de la terre, défendus par des gardes : « si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs ». Son royaume, c'est celui de la vérité : pas d'autre défense que la vérité. « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » Dans la deuxième lecture de ce dimanche, tirée de l'Apocalypse, nous avons entendu Jean dire que Jésus est le « témoin fidèle ». Il est le « Fils unique plein de grâce et de vérité » que nous annonçait déjà le prologue de son évangile.

Pilate qui vit dans le monde gréco-romain ne peut que poser la question « Qu'est-ce que la vérité ? » Les Juifs, eux, savent depuis le début de leur Alliance avec Dieu, que la vérité c'est Dieu lui-même. Le mot « vérité » au sens biblique veut dire « fidélité solide » de Dieu ; en hébreu, il est de la même racine que le mot « AMEN » qui signifie ferme, stable, fidèle, vrai (nous l'avons vu dans le psaume 92 - 93 de cette fête). Précisément parce que la Vérité est une Personne, Dieu lui-même, personne ne peut prétendre détenir la vérité ! On appartient à la vérité, elle ne nous appartient pas ; que de querelles inutiles, et même de guerres meurtrières nous aurions pu et pourrions encore éviter si nous n'avions jamais perdu de vue que nous ne possédons pas la vérité !... La seule chose importante est d'écouter et de se laisser instruire par elle.

« Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » affirme Jésus à Pilate, tout comme il avait dit plus tôt aux Juifs : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; et c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu que vous ne m'écoutez pas. » (Jn 8, 47). Seul Dieu peut nous dire « Ecoute ». Chaque jour Jésus et ses disciples répétaient la profession de foi juive enseignée par la Torah : « Shema Israël » (« écoute Israël ! »...) ; ce mot dans la bouche de Jésus, c'est donc une autre manière de se révéler comme Dieu. (Au Baptême et à la Transfiguration, la voix du ciel disant à propos de Jésus « Ecoutez-le » dit aussi qu'il est Dieu). Pilate n'aura pas senti toutes ces résonances, mais quand Jean rapporte tout cela aux premiers Chrétiens, ceux-ci savent lire entre les lignes. Pilate est resté avec sa question et, visiblement, il a manqué sa chance de découvrir Dieu : il raisonne sur la vérité au lieu de s'abandonner à elle et de croire tout simplement. Tout l'évangile de Jean décrit le dilemme qui se pose à tout homme « croire ou ne pas croire ». Marthe de Béthanie a fait le bon choix, celui de l'humilité et de la confiance : « Je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, Celui qui devait venir en ce monde ». Pourquoi Marthe, la femme obscure de Palestine, a-t-elle accès à cette vérité, elle ? Et pourquoi pas Pilate ? Pourtant il n'en est pas loin : puisque Jésus lui fait remarquer qu'il y est presque : « tu reconnais toi-même que je suis roi » (v.37). Que lui manque-t-il donc à Pilate ?

Peut-être d'accepter de ne pas chercher à détenir la vérité, mais d'être pris par elle, de lui appartenir. Apparemment, c'est la seule chose qui nous est demandée pour participer à la royauté du Christ : « Heureux les pauvres de coeur, le royaume des cieux est à eux ! » Autrement dit, ce sont les pauvres de cœur qui sont les vrais rois, à commencer par Jésus lui-même.

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 09:00
Je suis, de dimanche en dimanche, de plus en plus impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.
Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en
  • donnant des explications historiques ;
  • donnant le sens passé de certains mots ou expressions dont la signification a changé depuis ou peut être mal comprise (aujourd'hui, "enlever les péchés", "il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui ...", "assis à la droite de Dieu", "sacrifice", "apocalypse"; j'envisage de consacrer une page de mon blog à recenser tous ces mots ou expressions) ;
  • décodant le sens caché, le langage imagé utilisé par l'auteur.
Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consistera à surligner les passages qui me semblent les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté.

Enfin, j'ai créé une nouvelle catégorie d'articles ("Commentaires de Marie-Noëlle Thabut"). Les abonnés de mon blog ne seront qu'occasionnellement informés de la publication d'un article de cette catégorie.

PREMIERE LECTURE - Daniel 12, 1-3

Moi, Daniel, j'ai entendu cette parole de la part du Seigneur :
1 « En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges,
celui qui veille sur ton peuple.
Car ce sera un temps de détresse
comme il n'y en a jamais eu
depuis que les nations existent.
Mais en ce temps-là viendra le salut de ton peuple,
de tous ceux dont le nom se trouvera dans le livre de Dieu.
2 Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre
s'éveilleront :
les uns pour la vie éternelle,
les autres pour la honte et la déchéance éternelles.
3 Les sages brilleront comme la splendeur du firmament,
et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude
resplendiront comme les étoiles dans les siècles des siècles. »

Il y a au moins deux affirmations très importantes du prophète Daniel dans ces quelques lignes : premièrement, une parole de réconfort à l'adresse de ses contemporains qui traversent une période effroyable ; deuxièmement, et c'est une très grande nouveauté, une proclamation de la foi en la Résurrection des morts. D'abord, premièrement, une parole de réconfort à l'adresse de ses contemporains qui traversent une période terrible... Quand Daniel dit « ce sera un temps de détresse, comme il n'y en a jamais eu », il parle au futur, mais ce n'est qu'une apparence : parce qu'on est en période d'occupation et de persécution, on ne peut pas faire circuler des livres d'opposition non déguisée ; alors on fait semblant de parler du passé ou du futur, jamais du présent. Mais les lecteurs ne s'y trompent pas. Ils savent bien, eux, que le livre de Daniel qu'ils ont entre les mains les concerne, eux, dans l'immédiat. Et c'est d'abord de cela qu'ils ont besoin.

Ce « temps de détresse, comme il n'y en a jamais eu », c'est ce qu'ils vivent en ce moment et qui dépasse en horreur tout ce qu'on avait déjà vécu. Depuis les grandes conquêtes d'Alexandre le Grand, on est sous occupation grecque ; Alexandre et ses premiers successeurs se montraient libéraux à l'égard des populations des pays occupés, mais le temps a passé depuis Alexandre ; et son lointain successeur au pouvoir en Palestine, à l'époque du livre de Daniel, c'est-à-dire vers 170 av.J.C., est un certain Antiochus Epiphane tristement célèbre dans la mémoire juive.

Son nom était d'ailleurs tout un programme : il s'appelait Antiochus IV et il se faisait appeler « Epiphane », ce qui, en toute modestie, signifie « Dieu manifesté » ; mais il était tellement détesté qu'à Antioche, sa capitale, on l'appelait « Epimane », ce qui veut dire le « cinglé » (le mégalomane).

Antiochus se livre à une effroyable persécution : il interdit toute pratique de la religion juive et exige qu'on lui rende à lui les honneurs qu'on rendait jusqu'ici à Dieu ; c'est lui, désormais, qui est le centre du Temple et de la vie religieuse ; pour les Juifs, le choix est clair : il faut se soumettre ou bien rester fidèle à sa foi, et, dans ce cas, affronter la torture et la mort. Et en férocité, Antiochus s'y connaît. Comme toujours dans ces cas-là, on verra les deux attitudes : certains plieront, l'épreuve est trop dure ; mais de nombreux Juifs ont choisi la fidélité et l'ont payé de leur vie. Pour rester fidèles à la foi de leurs pères, à l'Alliance de Dieu tout simplement. La parole de réconfort s'adresse donc à tous ceux qui sont affrontés à l'horrible cas de conscience ;

Daniel leur dit en substance : Michel, le chef des Anges, veille sur vous... apparemment, sur terre, ce que vous voyez, mes amis, ce que vous vivez, c'est l'échec, la mort des meilleurs, l'horreur... la victoire de ceux qui sèment le mal et la terreur. Mais, en finale, vous êtes les grands vainqueurs ! Le combat se déroule à la fois sur terre et au ciel : vous, vous ne voyez que ce qui se passe sur la terre, mais au ciel, dites-vous bien, les armées célestes ont déjà gagné la victoire pour vous.
« En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui veille sur ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n'y en a jamais eu depuis que les nations existent. Mais en ce temps-là viendra le salut de ton peuple, de tous ceux dont le nom se trouvera dans le livre de Dieu. » Il faut bien entendre le mot « car » ; une fois de plus, le prophète est celui qui rappelle au peuple que Dieu est tout proche de ceux qui sont dans la détresse. C'est une caractéristique du livre de Daniel de représenter l'histoire humaine et ici du peuple de l'Alliance, comme un gigantesque combat : un combat dont on connaît déjà le vainqueur.

Voilà donc le message de réconfort de Daniel pour les vivants. Mais il y a tous ceux qui sont morts dans cette tourmente : ils ont fait le sacrifice de leur vie pour ne pas trahir le Dieu vivant... Paradoxe !... Alors, pour Daniel, cela devient une évidence : Dieu ne peut pas abandonner éternellement ceux qui ont accepté de mourir pour lui. Ils sont morts, c'est vrai, mais ils ressusciteront. Et voilà une nouvelle conquête de la révélation : il revient à Daniel l'honneur d'avoir le premier percé cette lumière extraordinaire de la foi. Après deux mille ans de Christianisme, le mot « Résurrection » fait partie de notre vocabulaire habituel. Mais il n'en avait jamais été question jusque-là. Comme toujours, il faut nous replacer dans la longue histoire de la pédagogie biblique et du développement progressif de la foi d'Israël. Pendant des siècles, la question de la résurrection individuelle ne s'est même pas posée : on s'intéressait au peuple et non à l'individu, au présent et à l'avenir du peuple, mais pas au lendemain de l'individu. D'où l'importance qu'un homme attachait à sa descendance : le seul avenir imaginable était dans les enfants.

Pour croire à la résurrection individuelle, il faut combiner deux éléments : premièrement, s'intéresser au sort de l'individu pour lui-même (et pas seulement du peuple) ; deuxièmement, croire en un Dieu fidèle qui ne vous abandonne pas à la mort. Sur le premier point, l'intérêt pour le sort de l'individu n'est apparu que progressivement dans l'histoire d'Israël ; cela a été une conquête, un progrès très tardif. Vous savez bien que la notion de responsabilité individuelle date seulement de l'Exil. Sur le deuxième point, la foi dans la fidélité de Dieu ne pouvait venir que de l'expérience, et donc progressivement elle aussi. La certitude que Dieu s'intéresse à l'homme, et ne lui veut que du bien, et que donc il ne l'abandonne jamais, s'est développée au rythme des événements concrets de l'histoire du peuple élu. C'est l'expérience historique de l'Alliance qui a nourri la foi d'Israël. Un jour, on a fini par comprendre que le Dieu qui veut l'homme libre de toute servitude ne peut le laisser dans les chaînes de la mort. Peu à peu cette évidence est apparue au grand jour : et elle a éclaté précisément le jour où des croyants ont été à ce point fidèles au Dieu vivant qu'ils ont sacrifié leur vie pour lui. Si bien que, paradoxalement, c'est leur mort qui a été pour leurs frères la source de la foi dans la vie éternelle. « Les sages brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude resplendiront comme les étoiles dans les siècles des siècles. »

Pour les martyrs, donc, c'est clair, ils ressusciteront pour la vie éternelle ; mais pour les autres ? L'une des phrases de Daniel résonne un peu comme une sorte de verdict sans appel : « Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s'éveilleront : les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles. » Très probablement, l'auteur du livre de Daniel n'envisage la résurrection que pour les justes ; les autres connaîtront la mort éternelle ; mais il y aura d'autres étapes dans la découverte du projet de Dieu. On sait aujourd'hui que la résurrection est promise à toute chair ; car l'humanité n'est pas coupée en deux : les bons et les méchants ; personne n'est entièrement bon, personne n'est entièrement mauvais. C'est en chacun de nous que le tri s'opérera. Tout ce qui est de l'ordre de l'amour vient de Dieu et donc vivra éternellement.

PSAUME 15 (16), 5.8, 9-10, 1b.11

5 Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
8 Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite, je suis inébranlable.

9 Mon coeur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
10 tu ne peux m'abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.

1 Mon Dieu, j'ai fait de toi mon refuge.
11 Tu m'apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
A ta droite, éternité de délices !

Dans les versets qui nous sont proposés aujourd'hui, tout a l'air si simple ! Dieu, c'est toi et toi seul, mon Dieu, je n'aime que Toi... le « mariage » parfait ...! (en quelque sorte). Et vous connaissez le negro spiritual qui s'en est inspiré : « Tu es, Seigneur, le lot de mon coeur, Tu es mon héritage, En Toi, Seigneur, j'ai mis mon bonheur, Toi, mon seul partage. » En réalité, ce psaume traduit un combat terrible, celui de la fidélité à la vraie foi : exactement ce dont il était question dans la première lecture, quand Daniel exhortait ses frères à ne pas renier leur foi malgré la persécution du roi grec Antiochus Epiphane.

Ce combat de la fidélité a été le lot d'Israël depuis le début. Si Moïse, dès la période de l'Exode, s'est montré si ferme là-dessus, c'est parce que le danger de l'idolâtrie était bien réel : rappelez-vous l'épisode du veau d'or (Ex 32). Sous prétexte que Moïse tardait un peu trop à redescendre de la montagne, le peuple s'est empressé d'oublier toutes ses belles promesses ; on avait promis : « Tout ce que Dieu a dit, nous le ferons... » Et Dieu a bien dit de ne pas se fabriquer de statues, c'est trop dangereux... Pourquoi est-ce dangereux de tomber dans l'idolâtrie ? Parce qu'on finirait par croire vraiment qu'il existe d'autres dieux à qui l'on peut faire confiance. Oui, mais, c'est trop inconfortable, ce Dieu insaisissable, lointain ; on ne sait rien de lui, on n'a pas prise sur lui. Alors, puisque Moïse tardait, on a eu vite fait de convaincre Aaron et on a fabriqué une belle statue, un veau tout en or.

Et puis, de nouveau, quand on est entré en Canaan, le danger d'idolâtrie a été permanent : quand tout ne va pas comme on voudrait, quand survient la guerre, la famine, l'épidémie... ne croyez-vous pas que deux sûretés valent mieux qu'une ? Et puis, qui nous dit que notre Dieu à nous, celui qui nous a accompagnés dans le Sinaï, a du pouvoir ici, en Canaan ? Ne serait-ce pas plutôt Baal, le dieu qui règne ici ?

Alors, quand on ne sait plus à quel saint se vouer, comme on dit aujourd'hui, on est bien tenté de prier tous les dieux possibles et imaginables. Et vous savez bien qu'on l'a fait : que le roi Achaz, encore au huitième siècle, a sacrifié son fils aux idoles, parce qu'il avait peur de la guerre et que sa foi au Dieu d'Israël ne lui suffisait pas... et que son petit-fils Manassé en a fait autant cinquante ans plus tard.

C'est pour cela que les prophètes ont mené une lutte acharnée contre l'idolâtrie tout au long de l'histoire biblique. Parce que Dieu nous veut libres et que l'idolâtrie est le pire des esclavages : la preuve, elle mène à des actes atroces qui n'ont plus rien d'humain (comme les sacrifices d'enfants). Ce psaume traduit donc sous forme de prière la prédication des prophètes : il résonne un peu comme une résolution, le oui des croyants à cette prédication, et en même temps la supplication adressée à Dieu de nous aider à tenir bon :

(voici quelques versets que nous n'avons pas lus aujourd'hui) « Garde-moi, mon Dieu, j'ai fait de toi mon refuge. J'ai dit au Seigneur : Tu es mon Dieu ! Je n'ai pas d'autre bonheur que toi. Toutes les idoles du pays, ces dieux que j'aimais, ne cessent d'étendre leurs ravages, et l'on se rue à leur suite. (Non) Je n'irai pas leur offrir le sang des sacrifices ; leur nom ne viendra pas sur mes lèvres ! » (v. 1 - 4).

« Toutes les idoles du pays, ces dieux que j'aimais, ne cessent d'étendre leurs ravages, et l'on se rue à leur suite » : cela veut bien dire que le danger est réel ; même les meilleurs succombent apparemment. « Je n'irai pas leur offrir le sang des sacrifices ; leur nom ne viendra pas sur mes lèvres ! » : il s'agit d'abord des sacrifices humains, bien sûr, mais pas seulement : en Israël tout geste, toute pratique religieuse doivent être adressés exclusivement au Dieu de l'Alliance et à lui seul, tout simplement parce qu'il est le seul Dieu vivant, celui qui est seul capable de mener son peuple sur le difficile chemin de la liberté.

Au long des siècles, on a mieux compris que Dieu est le Dieu unique, non pas seulement pour Israël, mais pour l'humanité tout entière. Et il est devenu évident que l'exigence d'exclusivité de Dieu à l'égard de son peuple est la contrepartie de l'Alliance, de l'élection d'Israël : Dieu a gratuitement choisi ce peuple et s'est révélé à lui comme le seul vrai Dieu ; si Israël répond dignement à cette vocation en s'attachant exclusivement à son Dieu, alors seulement il pourra remplir sa mission de témoin du Dieu unique devant les autres nations. Mais s'il se laisse aller à rendre un culte à d'autres dieux, quel témoignage pourra-t-il porter ? D'où cette grande exigence des prophètes.

Dans ce psaume, Israël illustre son statut très particulier de peuple choisi en se comparant à un lévite : « Seigneur, mon partage et ma coupe : de toi dépend mon sort. La part qui me revient fait mes délices ; j'ai même le plus bel héritage. » Ces expressions « partage, lot, héritage ... » sont des allusions à la situation particulière des lévites : au moment du partage de la Palestine entre les tribus des descendants de Jacob, les membres de la tribu de Lévi n'avaient pas reçu de part du territoire : leur part c'était la Maison de Dieu (le Temple), le service de Dieu... Vous vous souvenez que leur vie tout entière était consacrée au service du culte ; leur subsistance était assurée par les dîmes (aujourd'hui, on dirait le denier de l'Eglise) et par une partie des récoltes et des viandes offertes en sacrifice. A la réflexion, la position d'Israël comme peuple consacré à Dieu au milieu de l'humanité est analogue au statut très particulier des lévites en Israël. Cette fidélité (du lévite et tout autant du peuple d'Israël), cette consécration au service du Seigneur, est source de grande joie : « Mon Dieu j'ai fait de toi mon refuge, tu m'apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! A ta droite, éternité de délices ! »

Je m'arrête sur cette dernière phrase : « A ta droite, éternité de délices ! » Après la première lecture de ce dimanche (Dn 12) qui annonçait la résurrection des corps, on pourrait croire qu'il s'agit de la même chose ici ; mais, en fait, l'éternité dont il est question ici n'est pas une affirmation de la résurrection individuelle ; n'oublions pas que le véritable sujet de tous les psaumes n'est jamais un individu particulier mais toujours le peuple d'Israël tout entier. Le peuple est assuré de survivre éternellement puisqu'il est l'élu du Dieu vivant. Et vous savez bien que quand on a composé ce psaume, bien longtemps avant le livre de Daniel, personne n'imaginait encore la possibilité d'une Résurrection individuelle.

De la même manière le verset « Tu ne peux m'abandonner à la mort, ni laisser ton ami voir la corruption » n'est pas une proclamation de foi en la Résurrection individuelle, mais un plaidoyer pour la survie du peuple ; bien sûr, par la suite, quand, avec le prophète Daniel (première lecture), on a commencé à croire en la résurrection des morts, on a relu ce verset dans ce sens. Plus tard encore, on a appliqué ce verset à Jésus : désormais, avec Jésus-Christ, nous pouvons dire en toute confiance : « Mon coeur exulte, mon âme est en fête... Tu ne peux m'abandonner à la mort... A ta droite, (j'attends une) éternité de délices ».

DEUXIEME LECTURE - Hébreux 10, 11-14. 18

Dans l'Ancienne Alliance,
11 les prêtres étaient debout dans le Temple
pour célébrer une liturgie quotidienne,
et pour offrir à plusieurs reprises les mêmes sacrifices,
qui n'ont jamais pu enlever les péchés.
12 Jésus Christ, au contraire,
après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice,
s'est assis pour toujours à la droite de Dieu.
13 Il attend désormais que :
« Ses ennemis soient mis sous ses pieds. »
14 Par son sacrifice unique,
il a mené pour toujours à leur perfection
ceux qui reçoivent de lui la sainteté.
18 Quand le pardon est accordé,
on n'offre plus le sacrifice pour le péché.

L'un des grands objectifs de la lettre aux Hébreux, comme de tous les textes du Nouveau Testament, c'est de nous faire comprendre que Jésus est bien le Messie qu'on attendait ; or certains des lecteurs de cette lettre aux Hébreux attendaient visiblement un Messie qui serait un Prêtre. Donc, il s'agit de montrer comment Jésus est bien ce Messie-prêtre qu'on attendait ; par conséquent, le sacerdoce juif est dépassé : les prêtres de l'Ancienne Alliance ont accompli leur rôle ; désormais, on est dans un régime nouveau, celui de la « Nouvelle Alliance » où il n'y a plus qu'un seul prêtre, Jésus-Christ.

C'est pour cela que notre auteur développe longuement toutes les caractéristiques des prêtres de son époque et il les compare à Jésus-Christ. La comparaison, aujourd'hui, porte sur deux points : premièrement, la liturgie des prêtres de l'Ancien Testament était quotidienne et ils offraient indéfiniment les mêmes sacrifices ; Jésus, lui, a offert un sacrifice unique ; deuxièmement, le culte des prêtres juifs était inefficace, puisque leurs sacrifices n'ont jamais pu enlever les péchés. Tandis que par son unique sacrifice, par sa vie donnée, Jésus a enlevé une fois pour toutes le péché du monde.

Soyons francs, ce genre de raisonnement nous est assez étranger ; mais pour le milieu juif et chrétien de l'époque, toutes ces considérations étaient très importantes.

Je commence par l'expression « enlever les péchés » parce que c'est peut-être celle qui nous étonne le plus dans ce texte : et pourtant l'auteur y tient certainement parce que le mot péché revient plusieurs fois dans ces quelques phrases. Evidemment, ni vous ni moi ni personne ne peut prétendre que plus aucun péché n'a été commis depuis la mort et la résurrection du Christ. Mais dire que Jésus a enlevé le péché du monde, c'est dire que le péché n'est plus une fatalité parce que l'Esprit Saint nous a été donné.
C'est le sens de la phrase : « il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté. » Entendons-nous bien : le mot « perfection », ici, n'a pas un sens moral ; il veut dire plutôt « accomplissement, achèvement ». Nous avons été menés par le Christ à notre accomplissement, cela veut dire que nous sommes redevenus grâce à lui des hommes et des femmes libres : libres de ne pas retomber dans la haine, la violence, la jalousie ; libres de vivre en fils et filles de Dieu et en frères et soeurs entre nous.


C'est pour cela que, à chaque Eucharistie, nous continuons à dire « Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». C'est une véritable révolution en quelque sorte ! C'est bien celle qu'avaient annoncée les prophètes : Jérémie, par exemple, quand il parlait de la Nouvelle Alliance : « Voici venir des jours, oracle du Seigneur, où je conclurai avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda une Alliance Nouvelle.. Je déposerai mes directives au fond de leur coeur... » (Jr 31, 31-34). Et Ezéchiel : « J'enlèverai de votre corps le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair. Je mettrai en vous mon propre esprit et je vous ferai marcher selon mes lois. » (Ez 36, 26-27).
Le bonheur immense des premiers chrétiens, c'était bien cette certitude que Jésus avait accompli cette grande promesse de Dieu. Désormais, nous pouvons laisser l'Esprit Saint mener nos vies. Evidemment, cela suppose que nous restions sans cesse étroitement greffés sur Jésus-Christ, comme le rameau sur la vigne.

Autre formule étonnante dans ce texte : « Jésus-Christ s'est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. » En fait, elle s'adresse à une autre catégorie de lecteurs de la lettre aux Hébreux, ceux qui attendaient un Messie-roi.

Je m'explique : l'expression « assis à la droite de Dieu » était depuis des siècles en Israël un titre royal : pourquoi ? Parce que, très concrètement, si vous vous placiez derrière le Temple de Jérusalem et le palais royal (à l'époque où tous les deux étaient encore debout), et que vous regardiez vers l'Est, le palais royal était réellement à droite du Temple, en contrebas : ce qui veut dire que le trône du roi était à droite de ce qu'on pourrait appeler le trône de Dieu. Littéralement, le jour de son sacre, lorsqu'il prenait possession de son trône, le nouveau roi s'asseyait à la droite de Dieu. Du coup on voit ce que veut dire : « Jésus-Christ s'est assis pour toujours à la droite de Dieu. » C'est affirmer tout simplement que Jésus est bien le roi-Messie qu'on attendait.
La phrase suivante dit exactement la même chose : « Il attend désormais que tous ses ennemis soient mis sous ses pieds. » Là encore, il faut se replacer dans le contexte : sur les marches des trônes des rois à l'époque, on gravait ou on sculptait des silhouettes d'hommes enchaînés ; ils représentaient les ennemis du royaume ; en gravissant les marches de son trône, le roi écrasait ces silhouettes, il piétinait symboliquement ses ennemis. A chaque nouveau roi, le jour de son sacre, le prophète disait de la part de Dieu : « Siège à ma droite, que je fasse de tes ennemis l'escabeau de tes pieds. »


On ne voit évidemment plus le trône des rois de Jérusalem, mais les trônes de Tout-Ankh-Ammon au Musée du Caire portent exactement ces mêmes sculptures. En Israël, la seule trace qu'on en ait gardée est la phrase que le prophète disait au jeune roi et qui est citée dans le psaume 109 (110) : « Siège à ma droite, que je fasse de tes ennemis l'escabeau de tes pieds. »
Pour l'auteur de la lettre aux Hébreux, c'est une manière imagée de nous dire que Jésus-Christ est bien le Messie, celui qu'on attendait, le roi éternel, descendant de David. Et si Jésus est bien le Messie, alors, désormais l'ancien monde est révolu.


***

Reste une question : pourquoi parlons-nous du sacrifice de la Messe ? L'auteur de la Lettre aux Hébreux, lui-même, nous dit : « Quand le pardon est accordé, on n'offre plus de sacrifice pour le péché. » En fait, nous avons gardé le mot « sacrifice » mais, avec Jésus-Christ, son sens a complètement changé : pour lui, « sacrifier » (sacrum facere, accomplir un acte sacré) ne signifie pas tuer un ou mille animaux, mais vivre dans l'amour et faire vivre ses frères. Le prophète Osée le disait déjà (au 8ème siècle av.J.C.) de la part de Dieu : « C'est l'amour que je veux et non les sacrifices, la connaissance de Dieu et non les holocaustes. »

EVANGILE Marc 13, 24-32

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
24 « En ces temps-là,
après une terrible détresse,
le soleil s'obscurcira
et la lune perdra son éclat.
25 Les étoiles tomberont du ciel
et les puissances célestes seront ébranlées.
26 Alors on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées
avec grande puissance et grande gloire.
27 Il enverra les anges
pour rassembler les élus des quatre coins du monde,
de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel.
28 Que la comparaison du figuier vous instruise :
dès que ses branches deviennent tendres
et que sortent les feuilles,
vous savez que l'été est proche.
29 De même, vous aussi,
lorsque vous verrez arriver cela,
sachez que le Fils de l'homme est proche, à votre porte.
30 Amen, je vous le dis :
cette génération ne passera pas
avant que tout cela n'arrive.
31 Le ciel et la terre passeront,
mes paroles ne passeront pas.
32 Quant au jour et à l'heure,
nul ne les connaît,
pas même les anges dans le ciel,
pas même le Fils,
mais seulement le Père. »

Marc ne nous avait guère habitués à ce genre de discours ! Tout d'un coup son style se met à ressembler à toute une littérature très florissante à son époque, mais bien étrangère à nos mentalités actuelles. Il faut se rappeler que les derniers siècles avant l'ère chrétienne ont été le théâtre d'une grande effervescence intellectuelle, pas seulement en Palestine, mais en Egypte, en Grèce, en Mésopotamie. La littérature de divination faisait fortune ; dans toutes les civilisations, dans toutes les religions, les questions sont partout et toujours les mêmes : qui aura le dernier mot ? L'humanité va-t-elle irrémédiablement à sa perte ? Ou alors le Bien triomphera-t-il ? Que sera la fin du monde ?

Peu à peu un style était né dans tout le Proche-Orient pour aborder ces sujets : partout on retrouve les mêmes images : des bouleversements cosmiques, éclipses de soleil ou de lune, des personnages célestes, anges ou démons ; ce qui est intéressant pour nous, c'est de voir comment des croyants, juifs puis chrétiens ont emprunté les formes de ce style de leur temps mais en y coulant leur propre message, la révélation divine. C'est pour cela que, dans la Bible, ce style littéraire est appelé « apocalyptique » parce qu'il apporte une « révélation » de la part de Dieu (littéralement le verbe grec « apocaluptô » veut dire « lever un coin du voile », « révéler »). Au sens de « lever le voile qui recouvre la fin de l'histoire ».

Cette sorte de langage nous est assez étrangère aujourd'hui, mais au temps de Jésus, c'était transparent pour tout le monde. C'était du langage codé : en surface, il est question du soleil, des étoiles, de la lune et tout cela va être bouleversé. Mais en réalité il s'agit de tout autre chose ! Il s'agit de la victoire de Dieu et de ses enfants dans le grand combat qu'ils livrent contre le mal depuis l'origine du monde. Elle est là la spécificité de la foi judéo-chrétienne. C'est donc un contresens d'employer le mot « Apocalypse » à propos d'événements terrifiants : dans le langage croyant, juif ou chrétien, c'est juste le contraire. La révélation du mystère de Dieu ne vise jamais à terrifier les hommes, mais au contraire à leur permettre d'aborder tous les bouleversements de l'histoire en soulevant le coin du voile pour garder l'espérance.

Chaque fois que les prophètes de l'Ancien Testament veulent annoncer le Grand jour de Dieu, sa victoire définitive contre toutes les forces du mal, on retrouve ce même langage, ces mêmes images. Par exemple, le prophète Joël : « La terre frémit, le ciel est ébranlé ; le soleil et la lune s'obscurcissent et les étoiles retirent leur clarté, tandis que le Seigneur donne de la voix à la tête de son armée. Ses bataillons sont très nombreux : puissant est l'exécuteur de sa parole. Grand est le jour du Seigneur, redoutable à l'extrême : qui peut le supporter ? » (Jl 2, 10-11). Ou encore : « Je répandrai mon esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, vos jeunes gens auront des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes, en ce temps-là, je répandrai mon Esprit. Je placerai des prodiges dans le ciel et sur la terre, du sang, du feu, des colonnes de fumée. Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang à l'avènement du jour du Seigneur, grandiose et redoutable. Alors, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » (Jl 3, 1 - 5). Et au chapitre 4 : « Le soleil et la lune s'obscurcissent, les étoiles retirent leur clarté... Le Seigneur rugit de Sion, de Jérusalem il donne de la voix : alors les cieux et la terre sont ébranlés mais le Seigneur est un abri pour son peuple, un refuge pour les Israélites. » (Jl 4, 15 - 16).


Tous ces textes ont un point commun : ils ne sont pas faits pour inquiéter, au contraire, puisqu'ils annoncent la victoire du Dieu d'amour. Le chamboulement cosmique qu'ils décrivent complaisamment n'est qu'une image du renversement complet de la situation ; le message, c'est « Dieu aura le dernier mot ». Le mal sera définitivement détruit ; par exemple Isaïe emploie les mêmes images pour annoncer le jugement de Dieu : « les étoiles du ciel et leurs constellations ne feront plus briller leur lumière. Dès son lever, le soleil sera obscur et la lune ne donnera plus sa clarté. Je punirai le monde pour sa méchanceté, les impies pour leurs crimes. » (Is 13, 10) ; c'est le même Isaïe qui, quelques versets plus haut, annonçait le salut des fils de Dieu : « Tu diras ce jour-là : Voici mon Dieu sauveur, j'ai confiance et je ne tremble plus, car ma force et mon chant, c'est le Seigneur ! Il a été pour moi le salut. » (12, 1-2). Et vous avez entendu Joël : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé... le Seigneur est un abri pour son peuple ». Dans le style apocalyptique, tout-à-fait conventionnel, donc, l'annonce de la foi, c'est Dieu est le maître de l'histoire et le jour vient où le mal disparaîtra. Il ne faut pas parler de « fin du monde » mais de « transformation du monde », de « renouvellement du monde ».

Quand on arrive au Nouveau Testament, qui utilise, lui aussi parfois le style apocalyptique, par exemple dans l'évangile de Marc de ce dimanche, le message de la foi reste fondamentalement le même, avec cette précision toutefois : le dernier mot, la victoire définitive de Dieu contre le Mal, c'est pour tout de suite, en Jésus-Christ. Il n'est donc pas étonnant qu'à quelques jours de sa dernière Pâque à Jérusalem, Jésus recoure à ce langage, à ces images : le combat entre les forces du mal et le Christ est à son paroxysme et dans ce texte, si nous savons lire entre les lignes, nous avons un message équivalent à la phrase de Jésus dans l'évangile de Jean : « Courage, j'ai vaincu le monde » (Jn 16, 33).

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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 11:30

Je participe, demain, samedi 14 novembre 2009, à la 10e édition des DicOzoir. Cette sorte de « dictée de Pivot » est organisée par l'association Paroles d'Ozoir et mise au point par mon amie Christiane Bachelier, ancien vainqueur (dico d'Or) de l'épreuve de Bernard Pivot, en 1999.

L'épreuve a lieu à 14 heures, au lycée Lino Ventura (rond-point W.A. Mozart), à Ozoir-la-Ferrière. L'ouverture des portes se fera à 13 heures 30. Il est possible de s'inscrire sur place jusqu'au dernier moment.


J'invite mes lecteurs à participer à cette épreuve et, pour s'échauffer, à faire la dictée de 2008, dont le fichier audio figure ici.

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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 10:08

Voici le témoignage reçu hier d'un candidat à la vaccination H1N1. Il s'agit d'une personne âgée de 85 ans et atteinte d'insuffisance rénale.


« Nous avons un curieux Ministère de la Santé. Il dépense beaucoup d’argent pour alerter les citoyens sur les risques de l’obésité mais semble ignorer certains facteurs qui en sont la cause. Il en est de même pour les maladies rénales. Autre sujet, la vaccination contre la grippe H1N1.

Je ne vous raconterai pas en détail mes démarches pour essayer de me faire vacciner contre cette grippe H1N1. J’ai commencé ma galère vendredi dernier en alertant mon Professeur qui, le 8/10, lors de la dernière consultation, m’avait dit que c’était indispensable. Muni de son certificat, reçu ce matin, et de tous les autres certificats : ADL, perte totale de mon système immunitaire, etc., les différents interlocuteurs des administrations auxquelles je me suis adressées depuis l’aube ce matin, tous anonymes : CPAM, SS, Agence de Santé, DGS, Santéfanpe (?), etc.. sur qui j’ai été renvoyés m’ont, tous, dit qu’il me fallait une convocation, et ont mis en cause, pour sa non-réception, l’informatique ou le dysfonctionnement du service sur lequel chacun me renvoyait.

Mon centre de vaccination, qui aurait du normalement ouvrir ce matin, ayant ouvert à 14 heures, je m’y suis rendu à 16heures 20.

Là, il y avait deux personnes à l’accueil, plusieurs médecins et infirmières, deux officiers supérieurs (assimilés) du SDIS, qui, tous, discutaient en attendant les patients.

Le lieutenant-colonel, assimilé, du SDIS, charmant comme les personnels de l’accueil, qui m’avaient renvoyé sur lui, responsable du centre semble-t-il, a été impeccable.

Après m’avoir indiqué qu’à 16 heures 20 il y avait eu une seule personne à se faire vacciner depuis 14 heures il a ajouté que j’étais la 2e personne à ne pouvoir pas me faire vacciner pour cause de non-convocation.

Il a téléphoné à la Préfecture pour essayer de me dépanner, car c’est elle, grâce à la cellule de crise, COD, mise en place ce matin, rassemblant sous l’autorité d’un représentant du Préfet les représentants des différents services concernés, qui pouvait me dire si oui, et quand, si non, une convocation me serait envoyée.

La cellule de crise en ayant été incapable sous prétexte… d’informatique, il m’a dit qu’il allait poursuivre son action de dépannage et m’a demandé mon n° de téléphone. Qu’en attendant j’aille à la COD pour l’informer et m’informer.

A la Préfecture, la Police Nationale chargée de l’accueil ne connaissait pas ce que c’était la COD. Un huissier venu à la rescousse, l’ignorant également, en se renseignant a pu la trouver.

Malgré son insistance, le représentant du Préfet, lui a indiqué que la COD ne pouvait recevoir personne. En désespoir de cause il m’a passé ce représentant du Préfet. Anonyme, handicapé d’écoute, ne voulant prendre aucune décision, il a appelé la représentante de l’assurance maladie à la COD, tout aussi anonyme et handicapée d’écoute, et ne voulant prendre aucune décision, qui a répété en boucle « allez voir demain la cellule de crise à la CPAM, qui y a été mise en place cet après-midi ».

Madame Bachelot depuis trois jours occupe les médias, pour inciter les Français à se faire vacciner. Elle a indiqué que dès ce matin elle irait se faire vacciner et qu’il fallait que les Français le fassent. Que c’était un devoir citoyen.

Madame Bachelot a-t-elle reçu une convocation ?

Est-elle prioritaire ?

Que va t-elle faire vis-à-vis des citoyens qui veulent se faire vacciner et ne le peuvent pas en raison des dysfonctionnements des administrations qui dépendent-elles ?

Notre France est bien malade. La gouvernance passe son temps à faire du pipeau. Les dirigeants de l’administration civile sont handicapés au niveau de la conscience professionnelle, du sens de la responsabilité et de l’esprit de service, de la communication. »

 

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