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4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 16:43
  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Évangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté). D'après Marie-Noëlle Thabut, "... si nous ne trouvons pas dans les textes une parole libérante, c'est que nous ne les avons pas compris."

 

Version audio, trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame.

Ces commentaires, trouvés sur le site "Église catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde, en

PREMIÈRE LECTURE – Premier Livre des Rois 19, 9a. 11-13a

 

Lorsque le prophète Elie fut arrivé à l’Horeb,
la montagne de Dieu,
9 il entra dans une caverne et y passa la nuit.
11 La parole du SEIGNEUR lui fut adressée :
« Sors dans la montagne et tiens-toi devant le SEIGNEUR,
car il va passer. »
A l’approche du SEIGNEUR,
il y eut un ouragan, si fort et si violent
qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers,
mais le SEIGNEUR n’était pas dans l’ouragan ;
et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre,
mais le SEIGNEUR n’était pas dans le tremblement de terre ;
12 et après le tremblement de terre, un feu,
mais le SEIGNEUR n’était pas dans ce feu,
et, après ce feu, le murmure d’une brise légère.
13 Aussitôt qu’il l’entendit,
Elie se couvrit le visage avec son manteau,
il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.


Ce récit est celui de la grande découverte d’Elie, le jour où il a compris qu’il s’était lourdement trompé sur Dieu. Je m’explique : Tout avait commencé par l’idolâtrie de la reine Jézabel : nous sommes à Samarie (capitale du royaume du Nord) au 9e siècle av.J.C. Le roi Achab (qui a régné à Samarie de 875 à 853) avait épousé une princesse païenne, Jézabel, fille du roi de Sidon. Celle-ci, comme tout son peuple, pratiquait le culte des Baals : en entrant à la cour de Samarie, elle aurait dû abandonner sa religion, car le roi d’Israël se devait de proscrire de son royaume toute idolâtrie ; car l’Alliance avec le Dieu UN, était exclusive de toute autre ; c’était le sens du tout premier commandement donné par Dieu au Sinaï : « Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi. » (Ex 20, 2).

Mais, bien au contraire, Jézabel avait introduit à la cour de Samarie de nombreux prêtres de Baal : quatre cents prêtres de ce culte idolâtre paradaient au palais et prétendaient désormais que Baal est le vrai Dieu de la fertilité, de la pluie, de la foudre et du vent. Quant au roi Achab, trop faible, il laissait faire ! C’était la honte pour le prophète et les fidèles du Seigneur.

Alors Elie s’était dressé pour défendre l’honneur de son Dieu, face à la paganisation croissante. Dressé avec tant de vigueur que le livre de Ben Sirac a pu dire de lui : « Alors se leva le prophète Elie, brûlant comme une torche. » (Si 48, 1-11). Il s’était fait le champion de l’Alliance : d’emblée, il s’était situé comme le représentant du Dieu d’Israël combien plus puissant que Baal. Inexorablement, les relations entre le prophète et la reine étaient devenues un concours de puissance entre le Dieu d’Israël et le Baal de Jézabel : « Mon Dieu à moi est le plus fort » était leur refrain commun.

Elie s’était placé sur le terrain même de l’idole des Cananéens : d’après lui, seul, le Dieu d’Israël pouvait annoncer la sécheresse et la famine. Qui donc a le pouvoir de donner ou de retenir la pluie ? On va voir ce qu’on va voir. On connaît la suite : une longue période de sécheresse annoncée par Elie jusqu’au jour où Dieu lui demanda de prévenir le roi qu’il allait envoyer la pluie. Or Elie fit du zèle, pourrait-on dire, ce jour-là : au lieu de se contenter de faire ce que Dieu lui avait demandé, c’est-à-dire de porter au roi la bonne nouvelle, il décida d’en profiter pour faire un grand coup d’éclat en l’honneur de son Dieu. Pour que l’on sache bien que le Dieu d’Israël seul maîtrise les éléments, il organisa une sorte de joute entre les prophètes de Baal d’un côté et lui tout seul de l’autre.

C’est le fameux épisode du sacrifice du mont Carmel : on construisit deux autels, un pour Baal, l’autre pour le Dieu d’Israël. Sur chacun des deux autels, on prépara un taureau pour le sacrifice. Et l’on convint que le dieu qui répondrait aux prières par le feu du ciel serait bien évidemment le vrai Dieu.

Alors les prêtres de Baal se mirent en prière les premiers. Mais ils eurent beau implorer toute une journée leur dieu d’envoyer son feu sur leur bûcher, il ne se passa rien. Elie ne leur épargna pas les moqueries et les conseils de crier plus fort, mais rien n’y fit.

Le soir venu, Elie se mit à prier à son tour et Dieu, aussitôt, embrasa le bûcher et le sacrifice préparé par son prophète. Celui-ci avait donc gagné la première manche devant le peuple d’Israël tout entier, médusé ; et sur sa lancée, Elie avait massacré tous les prêtres de Baal ; cela, Dieu ne le lui avait pas demandé !

La reine Jézabel n’était pas présente à l’événement, mais lorsque le roi lui raconta l’histoire, elle entra dans une grande fureur et jura de tuer Elie. Il s’enfuit donc, descendit dans le royaume du Sud, puis dans le désert du Sinaï. Dans sa fuite, il en arrivait à désirer la mort : « Je n’en peux plus ! Maintenant, SEIGNEUR, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères. » (1 R 19, 4).

Cette phrase « je ne vaux pas mieux que mes pères » était le début de sa conversion : il était en train de prendre conscience que, lui aussi, comme ses pères avait exigé que Dieu opère des prodiges. Il lui restait à découvrir que la puissance de Dieu est faite de douceur, celle qui « ne crie pas, n’élève pas le ton, ne fait pas entendre dans la rue sa clameur, ne brise pas le roseau ployé, n’éteint pas la mèche qui s’étiole… » comme dit le prophète Isaïe (Is 42, 2-3). Au bout d’une marche de quarante jours et quarante nuits, au mont Horeb (autre nom du mont Sinaï), Dieu l’attendait1 : il aura fallu tout ce long chemin à Elie pour s’apercevoir qu’il n’avait pas choisi le bon terrain et que peut-être lui-même se trompait de Dieu : comme ses adversaires, il imaginait un Dieu de puissance.

Mais Dieu ne l’a pas abandonné pour autant, au contraire, il l’a accompagné dans sa longue marche et, peu à peu l’a converti jusqu’à se révéler à lui dans la vision émouvante du mont Horeb (1 R 19, 12) ; dernière préparation à la rencontre, la question du Seigneur à Elie réfugié dans une caverne : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? » Elie répondit : « Je suis passionné pour le SEIGNEUR, le Dieu des puissances ; les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul et l’on cherche à m’enlever la vie. »

Puis vient cette étonnante manifestation de Dieu : il n’est ni dans l’ouragan, ni dans le feu ni dans le tremblement de terre, mais dans le murmure d’une brise légère. Et encore, notre traduction est-elle trop forte si j’ose dire. En hébreu, c’est, littéralement « le son d’un silence en poussière » : un silence, c’est l’absence de son, précisément ! Et que dire d’une poussière de silence ? C’est dire que nous sommes en présence d’un Dieu de douceur, bien loin du vacarme auquel Elie s’attendait peut-être. Mais non, Dieu n’est ni dans l’ouragan, ni dans le feu ni dans le tremblement de terre, mais dans le son du silence.

On est bien loin de la démonstration de puissance qui avait accompagné une autre manifestation de Dieu, quelques siècles plus tôt, sur cette même montagne (Ex 19)2. Au temps de Moïse, le peuple n’était pas encore prêt à mettre sa confiance en un Dieu qui n’aurait pas déployé les forces des éléments déchaînés. A l’époque d’Elie, l’heure est venue pour une nouvelle étape de la Révélation.

C’est l’honneur et la gloire du peuple élu d’avoir livré au monde cette révélation dont ils ont été les premiers bénéficiaires, avec Elie. C’est dire aussi à quelle douceur nous devons tendre si nous voulons être à l’image de notre Père du ciel !
———————
Notes
1 – D’après notre traduction liturgique « Elie entra dans une caverne et y passa la nuit ». Mais le texte hébreu précise : « Il arriva là, à la caverne et y passa la nuit ». Il s’agit d’une certaine caverne déjà connue, celle où Moïse, bien avant lui, avait eu la révélation du « SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté. » (Ex 34, 6).
2 – « Il y eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la montagne et la voix d’un cor très puissant… Le mont Sinaï n’était que fumée, parce que le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; sa fumée monta, comme la fumée d’une fournaise et toute la montagne trembla violemment. La voix du cor s’amplifia : Moïse parlait et Dieu lui répondait par la voix du tonnerre. » (Ex 19, 16… 19).

Complément
On ne peut pas ignorer qu’Elie n’est pas devenu un doux pour autant ! Il suffit de relire le premier chapitre du deuxième livre des Rois. Même un très grand prophète ne se convertit pas en un jour !


PSAUME – 84 ( 85 ), 9-10, 11-12, 13-14

 

9 J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple.
10 Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

11 Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
12 la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

13 Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
14 La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.


Le psaume 84 (85) a été écrit après le retour d’Exil du peuple d’Israël : ce retour tant attendu, tant espéré. Ce devait être un merveilleux recommencement : c’était le retour au pays, d’abord, mais aussi le début d’une nouvelle vie… Dieu effaçait le passé, on repartait à neuf… La réalité est moins rose. D’abord, on a beau prendre de « bonnes résolutions », rêver de repartir à zéro (nous en savons tous quelque chose !), on se retrouve toujours à peu près pareils… et c’est très décevant. Les manquements à la Loi, les infidélités à l’Alliance ont recommencé, inévitablement.

Ensuite, il faut dire que l’Exil à Babylone a duré, à peu de chose près, cinquante ans (de 587 à 538 av.J.) ; ce sont des hommes et des femmes valides, d’âge mûr pour la plupart, qui ont été déportés et qui ont survécu à la marche forcée à travers le désert qui sépare Israël de Babylone… Cela veut dire que cinquante ans après, au moment du retour, beaucoup d’entre eux sont morts ; ceux qui rentrent au pays sont, soit des jeunes partis en 587, mais dont la mémoire du pays est lointaine, évidemment, ou bien des jeunes nés pendant l’Exil. C’est donc une nouvelle génération, pour une bonne part, qui prend le chemin du retour. Cela ne veut pas dire qu’ils ne seraient ni très fervents, ni très croyants, ni très catéchisés… Leurs parents ont eu à cœur de leur transmettre la foi des ancêtres ; ils sont impatients de rentrer au pays tant aimé de leurs parents, ils sont impatients de reconstruire le Temple et de recommencer une nouvelle vie. Mais au pays, justement, ils sont, pour la plupart des inconnus, et, évidemment, ils ne reçoivent pas l’accueil dont ils avaient rêvé ; par exemple, la reconstruction du Temple se heurtera sur place à de farouches oppositions.

Dans le début de notre psaume d’aujourd’hui, on ressent bien ce mélange de sentiments ; voici des versets qui ne font pas partie de la liturgie de ce dimanche, mais qui expliquent bien le contexte : le retour d’Exil est une chose acquise : « Tu as aimé, Seigneur, cette terre, tu as fait revenir les déportés de Jacob ; tu as ôté le péché de ton peuple, tu as couvert toute sa faute ; tu as mis fin à toutes tes colères, tu es revenu de ta grande fureur. » (v. 2-4). Mais, pour autant, puisque les choses vont mal encore, on se demande si Dieu ne serait pas encore en colère : « Seras-tu toujours irrité contre nous, maintiendras-tu ta colère d’âge en âge ? » (v. 6). Alors on supplie : « Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, que nous soit donné ton salut. » (v.8).

Et on demande la grâce de la conversion définitive : « Fais-nous revenir, Dieu notre salut » (v.5) ; toute la première partie du psaume joue sur le verbe « revenir » : « revenir » au sens de rentrer au pays après l’exil, c’est chose faite ; « revenir » au sens de « revenir à Dieu », « se convertir »; c’est plus difficile encore ! Et on sait bien que la force, l’élan de la conversion est une grâce, un don de Dieu. Une conversion qui exige un engagement du croyant : « J’écoute… que dira le Seigneur Dieu ? » « Écouter », en langage biblique, c’est précisément l’attitude résolue du croyant, tourné vers son Dieu, prêt à obéir aux commandements, parce qu’il y reconnaît le seul chemin de bonheur tracé pour lui par son Dieu. « Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles » ; mais le compositeur de ce psaume est réaliste ! Il ajoute « Qu’ils (les fidèles) ne reviennent jamais à leur folie ! » (9c).

La fin de ce psaume est un chant de confiance superbe, en quelque sorte « le chant de la confiance revenue », la certitude que le projet de Dieu, le projet de paix pour tous les peuples avance irrésistiblement vers son accomplissement. « La gloire (c’est-à-dire le rayonnement de la Présence de Dieu) habitera notre terre (10)… La justice marchera devant lui et ses pas traceront le chemin. (14)… Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent (11). Le psalmiste, ici, est-il bien réaliste ? Il parle comme si l’harmonie régnait déjà sur la terre ; pourtant, il n’est pas dupe, il n’est pas dans le rêve ! Il anticipe seulement ! Il entrevoit le Jour qui vient, celui où, après tant de combats et de douleurs inutiles, et de haines imbéciles, enfin, les hommes seront frères !

Pour les Chrétiens, ce Jour est là, il s’est levé lorsque Jésus-Christ s’est relevé d’entre les morts, et, à leur tour, les Chrétiens ont chanté ce psaume, et pour eux, désormais, à la lumière du Christ, il a trouvé tout son sens. Le psaume disait : « Son salut est proche de ceux qui l’aiment » (10) et justement le nom de Jésus veut dire « Dieu-salut » ou « Dieu sauve » ; le psaume disait : « La vérité germera de la terre » ; Jésus lui-même a dit « Je suis la Vérité » et le mot « germe », ne l’oublions pas, était l’un des noms du Messie dans l’Ancien Testament ; le psaume disait « La gloire habitera notre terre », et saint Jean, dans son Évangile dit « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire qu’il tient du Père » (Jn 1, 14) ; le psaume disait : « J’écoute, que dira le Seigneur Dieu ? » ; Jean appelle Jésus la Parole, le Verbe de Dieu ; le psaume disait : « Ce que Dieu dit, c’est la paix pour son peuple » ; lors de ses rencontres avec ses disciples, après sa Résurrection, la première phrase de Jésus pour eux sera « La paix soit avec vous » ; décidément, toute la Bible nous le dit, la paix, cette conquête apparemment impossible pour l’humanité, est pourtant notre avenir, à condition de ne pas oublier qu’elle est don de Dieu.
———————-
Complément
Lorsque nous accomplissons à la Messe le geste de paix, nous proclamons qu’elle est l’œuvre de Jésus-Christ et nous nous engageons à y collaborer.


DEUXIÈME LECTURE – Romains 9, 1-5

 

Frères,
1 j’affirme ceci dans le Christ,
car c’est la vérité, je ne mens pas,
et ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit Saint :
2 J’ai dans le cœur une grande tristesse,
une douleur incessante.
3 Pour les Juifs, mes frères de race,
je souhaiterais même être maudit, séparé du Christ :
4 ils sont en effet les fils d’Israël,
ayant pour eux l’adoption, la gloire, les alliances,
la Loi, le culte, les promesses de Dieu ;
5 ils ont les patriarches,
et c’est de leur race que le Christ est né,
lui qui est au-dessus de tout,
Dieu béni éternellement. Amen.


Les huit premiers chapitres de la lettre aux Romains ont décrit, pas à pas, la démarche de la grâce, le déroulement du dessein d’amour de Dieu, depuis Adam et Abraham, jusqu’au Christ ressuscité des morts qui donne l’Esprit. Devant tout cela, Paul a dit son émerveillement, mais une grave question le préoccupe douloureusement : qu’en est-il désormais de la destinée du peuple Juif ?

Nous savons ce qui est lui arrivé à lui, Saül, ce juif fidèle à l’extrême, lorsque, sur la route de Damas, il a vu s’écrouler toutes ses certitudes… Il a compris, ce jour-là, que croire au Christ n’est pas un reniement de sa foi juive, bien au contraire, puisque Jésus accomplit en sa personne, par sa vie, sa mort et sa résurrection, le projet de Dieu annoncé dans les Écritures. Désormais ce sera l’essentiel de sa prédication : « Je vous rappelle, écrit-il aux Chrétiens de Corinthe, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés et par lequel vous serez sauvés… Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’ai reçu moi-même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures (selon les promesses de Dieu contenues dans les Écritures). Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures. Il est apparu à Céphas et aux douze… En tout dernier lieu il m’est aussi apparu, à moi, l’avorton. Ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu » (1 Co, 15, 1… 9).

Et lorsqu’il aura à répondre au tribunal de son activité d’apôtre, après son arrestation par les autorités juives à Jérusalem, Paul déclarera : « Fort de la protection de Dieu, je continue à rendre témoignage devant petits et grands : les prophètes et Moïse ont prédit ce qui devait arriver, et je ne dis rien de plus . » (Ac 26, 22).

Mais ses frères juifs, dans leur grande majorité, non seulement ne l’ont pas suivi, mais, pour beaucoup d’entre eux sont devenus ses pires persécuteurs. A la date à laquelle Paul rédige sa lettre aux Romains, on n’en est pas encore à la séparation officielle entre juifs et chrétiens, quand ceux-ci seront chassés des synagogues et qualifiés d’apostats dans la prière juive ; mais Paul souffre profondément de l’hostilité qu’il rencontre dans toutes les communautés juives où il tente d’annoncer la Bonne Nouvelle. Alors, il se pose la question : que devient la partie du peuple élu qui ne reconnaît pas Jésus comme le Messie ? Est-elle exclue de l’Alliance ? Si c’était le cas, cela voudrait dire que l’Alliance pouvait être rompue… Dieu aurait-il repris sa liberté ? Dieu n’était donc pas tenu par ses promesses ?

Mais si Dieu n’est pas tenu par ses promesses, les Chrétiens non plus ne peuvent pas compter sur la fidélité de Dieu ?

La réponse à cette question, Paul va la chercher logiquement dans l’Écriture et dans l’histoire d’Israël ; il énumère tous les privilèges du peuple choisi par Dieu, et qui sont les piliers de la foi d’Israël : « Ils ont pour eux l’adoption, la gloire, les alliances, la Loi, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né. »

Pour Paul, juif imprégné des Écritures, cette liste à elle seule évoque toute l’histoire du peuple choisi : on peut essayer d’imaginer à quels passages de l’Écriture Paul faisait référence.

Je reprends un à un chacun de ces éléments. En ce qui concerne l’adoption, Dieu lui-même avait recommandé à Moïse : « Tu diras au Pharaon : ainsi parle le SEIGNEUR : Mon fils premier-né, c’est Israël. » (Ex 4, 22). Et Osée, méditant la longue aventure de l’Exode, disait en écho : « Quand Israël était jeune, je l’ai aimé et d’Égypte, j’ai appelé mon fils. » (Os 11, 1). Paul pensait peut-être également au Deutéronome : « Vous êtes des fils pour le SEIGNEUR votre Dieu » (Dt 14, 1).

La gloire de Dieu, c’est le rayonnement de sa Présence : or Israël a bénéficié de plusieurs manifestations de Dieu. Ce fut le cas dans la grande manifestation (dans l’orage et le feu ; Ex 19) au mont Sinaï que j’ai rappelée à propos de la première lecture. Ce fut le cas également lorsque la Présence de Dieu se manifesta au-dessus de la Tente de la Rencontre qui venait d’être dressée pour abriter l’Arche d’Alliance : « La nuée couvrit la tente de la rencontre et la gloire du SEIGNEUR remplit la demeure. » (Ex 40, 34). Dieu gratifia encore Salomon d’une manifestation semblable au moment de la dédicace du temple qui venait d’être construit (1 R 8, 10-11). Et, dans le psaume de ce dimanche, nous avons chanté : « Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre. » (Ps 85/84, 10).

Autre privilège dont Israël pouvait être fier, cette Alliance reconduite d’âge en âge : tout avait commencé avec Abraham, puis Isaac, puis Jacob. Et au Sinaï, Dieu avait promis à son peuple : « Vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples. » (Ex 19, 5). Et c’est bien envers le peuple et non pas seulement envers Moïse qu’il s’était engagé.

La loi donnée à ce moment-là par Dieu était comprise comme une preuve de sa sollicitude pour son peuple, de sa volonté de le faire grandir dans la paix et la liberté. Au pied du Sinaï, le peuple avait promis « Tout ce que le SEIGNEUR a dit, nous le mettrons en pratique. » (Ex 19, 8). Et si l’on pratiquait si volontiers le culte, c’est parce que toute célébration était vécue comme une rencontre entre Dieu et son peuple pour le renouvellement de cette Alliance. En attendant le jour béni où toutes les promesses de bonheur faites par Dieu seraient enfin accomplies avec la venue du Messie.

Et voilà que le Messie était venu… et que son peuple, dans sa grande majorité, l’avait méconnu, pire, éliminé. On comprend à quel point la question pouvait être douloureuse pour Paul, lui qui avait eu aussi sa période de refus. Mais c’est dans sa foi, et dans l’Écriture qu’il a trouvé la réponse. La longue énumération que nous venons de faire avec lui dicte la solution.

Non, il est impossible que Dieu oublie son peuple, lui-même l’a promis : « La femme oublie-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas. » (Is 49, 15) ; « Quand les montagnes feraient un écart et que les collines seraient branlantes, mon amitié loin de toi jamais ne s’écartera et mon alliance de paix jamais ne sera branlante, dit celui qui te manifeste sa tendresse, le Seigneur. » (Is 54, 10).

Oui, c’est sûr, d’une manière mystérieuse pour nous, mais de manière certaine, Israël reste aujourd’hui encore, le peuple élu : l’argument décisif, Paul l’a écrit à Timothée, « Dieu reste fidèle car il ne peut se renier lui-même. » (2 Tm 2, 13).


ÉVANGILE – Matthieu 14, 22-33

 

Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert,
22 Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque
et à le précéder sur l’autre rive,
pendant qu’il renverrait les foules.
23 Quand il les eut renvoyées,
il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier.
Le soir venu, il était là, seul.
24 La barque était déjà à une bonne distance de la terre,
elle était battue par les vagues,
car le vent était contraire.
25 Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux
en marchant sur la mer.
26 En le voyant marcher sur la mer,
les disciples furent bouleversés.
Ils disaient : « C’est un fantôme »,
et la peur leur fit pousser des cris.
27 Mais aussitôt Jésus leur parla :
« Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! »
28 Pierre prit alors la parole :
« Seigneur, si c’est bien toi,
ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. »
29 Jésus lui dit : « Viens ! »
Pierre descendit de la barque,
et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus.
30 Mais, voyant qu’il y avait du vent, il eut peur ;
et, comme il commençait à enfoncer, il cria :
« Seigneur, sauve-moi! »
31 Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit,
et lui dit :
« Homme de peu de foi,
pourquoi as-tu douté ? »
32 Et quand ils furent montés dans la barque,
le vent tomba.
33 Alors ceux qui étaient dans la barque
se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent :
« Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »


Ceci se passe tout de suite après la multiplication des pains. Les disciples ont eu tout juste le temps de ramasser les douze corbeilles de ce qui restait, après que toute la foule ait été rassasiée. Et Jésus, nous dit Matthieu, les oblige aussitôt à quitter les lieux. On peut se demander pourquoi ; il y a peut-être deux raisons à cela : première raison, l’urgence de la mission. On se souvient d’une phrase rapportée par Marc : c’était après une longue journée à Capharnaüm et de nombreuses guérisons. Pierre et ses compagnons auraient bien retenu Jésus, mais il leur avait répondu : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, pour que j’y proclame aussi l’Évangile : car c’est pour cela que je suis sorti. » (Mc 1, 39). En d’autres termes, il n’y a pas de temps à perdre.

Il y a plus grave, peut-être. Matthieu, dans l’épisode des tentations (Mt 4, 1-11), nous dit bien que Jésus a dû résister à la tentation du succès. Quand le Tentateur lui avait suggéré de changer des pierres en pain pour assouvir sa propre faim, Jésus avait refusé. Ici, il venait de multiplier les pains, pour servir son peuple. Mais la deuxième tentation se profilait peut-être à l’horizon : « Jette-toi du haut du Temple » pour faire un grand coup d’éclat, avait suggéré le Tentateur (Mt 4). Et, là encore, Jésus avait su résister. Mais ici, au bord du lac, après l’impressionnant miracle des pains pour une foule nombreuse, peut-être Jésus a-t-il craint pour lui-même ou pour ses disciples le risque de céder au spectaculaire.

Si c’est le cas, on comprend d’autant mieux le désir de Jésus de se ressourcer dans la prière. « Quand il eut renvoyé les foules, nous dit Matthieu, il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. » Je crois que Jésus était en dialogue permanent avec son Père, mais, peut-être parfois ressentait-il le besoin de silence pour être plus disponible à l’Esprit qui lui soufflait la direction à prendre.

Regardons ce qui se passe dans la barque, maintenant : « Elle était battue par les vagues, paraît-il, car le vent était contraire ». Pierre et ses compagnons étaient des habitués du lac de Tibériade, il ne semble pas qu’ils aient été pris de panique devant le gros temps. Les choses ont changé quand ils ont vu quelqu’un s’approcher de la barque en marchant sur les vagues. Cette fois, ils ont eu peur, le prenant pour un fantôme, et ils se sont mis à crier. Alors a retenti cette voix bien connue, inimitable, comme toute voix amie, et elle disait « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! » Des mots déjà entendus, des mots d’apaisement. Toute peur cessante, Pierre s’est lancé : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. » Le même, qui avait peur, l’instant d’avant, est prêt à tout, parce qu’il a entendu la voix.

On connaît la suite : Jésus, répondant à l’élan de son disciple, a simplement dit « Viens » ; et Pierre, aussi incroyable que cela puisse paraître, Pierre a su marcher sur l’eau ! Pourquoi a-t-il regardé ailleurs ? Il a vu le vent et a pris peur. Alors, il a commencé à couler. Matthieu ne peut pas mieux décrire la condition de tout disciple : faite d’élans sincères et de fragilités. « L’esprit est ardent mais la chair est faible » disait Jésus (Mt 26, 41). Pourtant, si Jésus a dit « Viens ! », c’est parce que cela était possible, avec son aide, bien sûr. Mais il ne fallait pas regarder ailleurs et s’inquiéter de la puissance du vent. Les disciples avaient déjà vécu l’épisode de la tempête apaisée, pourtant (Mt 8, 23-27). Belle leçon, là encore : nous ne sommes jamais à l’abri d’une nouvelle reculade. Celui qui se croit le mieux assuré peut encore perdre pied, comme Pierre, ici.
Comme Pierre encore, quelques années plus tard, lors de la Passion : c’est lui qui aura le plus bel élan : « Même s’il faut que je meure avec toi, non, je ne te renierai pas. » (Mt 26, 35). Et c’est le même, qui, cette nuit-là, précisément, reniera son Maître, par trois fois.

Revenons sur le lac : Pierre, donc, prend peur et s’enfonce. Son seul tort est d’avoir regardé ailleurs, le vent trop fort. S’il n’avait pas détaché les yeux de Jésus, il aurait pu se maintenir. Retenons la leçon, ne regardons pas ailleurs. Mais il a eu alors le seul bon réflexe, dans ces cas-là, il a appelé Jésus au secours : « Seigneur, sauve-moi ! » Nos fragilités ont ceci de bon qu’elles nous inspirent la prière à laquelle le Seigneur ne résiste jamais, l’appel au secours.

« Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit » : voilà Pierre en sûreté. Mais Jésus continue : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Pourquoi attendre de sentir la main de Jésus sur lui pour faire confiance ? Jésus n’était-il pas déjà avec eux ? N’avait-il pas dit lui-même « Viens » ? Pourquoi douter qu’il nous donnera les moyens d’y arriver ?

Alors Jésus et Pierre sont montés à bord et le vent est tombé. La paix revenue, tous se prosternent : dans la voix de Jésus, dans ses gestes, ils viennent de reconnaître celui qui apporte la paix au monde. « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »

Il y aura encore dans la vie des disciples, dans la nôtre, d’autres élans, d’autres reniements, mais il suffira alors de dire humblement « Seigneur, sauve-moi ! » pour que nous rencontrions sa main tendue.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut, année liturgique A, 19e dimanche du temps ordinaire (10 août 2014)

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commentaires

M
Bonjour<br /> Je suis à la recherche d'une camarade de jeunesse qui comme moi habiter ROUEN à l'époque nos allions à l'institution rey dans les années 195.......<br /> CORDIALEMENT
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T
Chère Madame,<br /> Je voudrais bien vous aider, mais il me faudrait quelques informations supplémentaires : nom de la personne recherchée, lien avec le blog ou son auteur, etc.<br /> Bien cordialement,<br /> Thierry Jallas