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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 07:33

marie-nolle-thabut.jpgJe suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE - Isaïe 49 , 3...6

Parole du Serviteur de Dieu.
3 Le Seigneur m'a dit :
« Tu es mon serviteur, Israël,
en toi je me glorifierai. »
5 Maintenant, le Seigneur parle,
lui qui m'a formé dès le sein de ma mère
pour que je sois son serviteur,
que je lui ramène Jacob
et que je lui rassemble Israël.
Oui, j'ai du prix aux yeux du Seigneur,
c'est mon Dieu qui est ma force.
6 Il parle ainsi :
« C'est trop peu que tu sois mon serviteur
pour relever les tribus de Jacob
et ramener les rescapés d'Israël :
Je vais faire de toi la lumière des nations,
pour que mon salut
parvienne jusqu'aux extrémités de la terre. »

Dimanche dernier, pour la fête du Baptême du Christ, nous avons lu un texte dans lequel il était déjà question du « Serviteur de Dieu » (Is 42) ; dans le Livre d'Isaïe, après le texte d'aujourd'hui (Is 49), nous pouvons en lire encore deux autres (Is 50 et 52). Il s'agit d'un ensemble de quatre textes qui semblent bien former un groupe à part dans le deuxième livre d'Isaïe. On les appelle « les Chants du Serviteur », car ils brossent tous les quatre, mais en insistant sur des aspects différents, le portrait de celui que le prophète appelle le « Serviteur de Dieu ».

Dans le premier chant, celui de dimanche dernier, nous avions relevé trois points importants : premièrement, le Serviteur est choisi par Dieu pour une mission bien précise ; deuxièmement, cette mission est un acte de jugement, à comprendre au sens de salut, de relèvement des malheureux de toute sorte. Enfin, cette mission concernait l'humanité tout entière, symbolisée par la très belle expression, « les îles lointaines ». C'est ce que j'avais appelé « l'universalisme du projet de Dieu ».

Les derniers mots du passage que nous venons d'entendre vont tout à fait dans le même sens : « Pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre ». Une fois de plus, la Bible nous dit que le projet de Dieu est un projet de salut, de bonheur, et qu'il concerne l'humanité tout entière « jusqu'aux extrémités de la terre ».

Quant à savoir qui est ce sauveur qui apportera le salut jusqu'aux extrémités de la terre, nous avions remarqué une chose intéressante dans le premier chant, celui de dimanche dernier (Is 42), : le texte original en hébreu ne précisait pas qui était ce serviteur ; on pouvait se demander de qui il s'agissait. Mais, quelques siècles plus tard, la traduction grecque précisait bien qu'il s'agissait du peuple d'Israël. En revanche, le deuxième chant, celui d'aujourd'hui, au chapitre 49 d'Isaïe, est parfaitement clair dès l'original hébreu, puisqu'il dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je me glorifierai. »

Je m'arrête sur cette expression un peu surprenante* : « en toi je me glorifierai » ; ce qui veut dire « en toi, mon serviteur, je serai manifesté, reconnu, révélé ». La traduction oecuménique de la Bible (TOB) dit : « Par toi je manifesterai ma splendeur. » Or, la splendeur de Dieu (ou sa Gloire, si vous préférez), c'est son œuvre de salut ; Isaïe le dit très clairement dans un passage que nous avons lu, d'ailleurs, il y a peu de temps, pendant l'Avent (Is 35, 2) ; il commençait par dire : « On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu » et ensuite il annonçait le retour de l'Exil. Effectivement, lorsque le peuple sera sauvé, libéré, il sera la preuve vivante que Dieu est sauveur ! C'est de cette manière que des sauvés peuvent devenir des sauveurs ; non pas par eux-mêmes seulement, parce que Dieu seul est sauveur, mais par le fait même d'être sauvé et d'en être les témoins à la face du monde !

Le titre de serviteur décerné au peuple d'Israël en exil signifie donc deux choses : il est d'abord une assurance du soutien de Dieu, mais il est en même temps une lettre de mission. Israël doit continuer à croire au salut et à en témoigner à la face du monde ; car en reconnaissant à travers lui l'œuvre de Dieu, les autres reconnaîtront que Dieu est sauveur, et, à leur tour, l'accueilleront comme leur sauveur. Ainsi Dieu sera enfin connu et reconnu par tous ceux qui l'auront vu à l'œuvre pour sauver son peuple. C'est en ce sens-là qu'Israël aura manifesté la présence de Dieu. C'est le sens de l'expression : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je me glorifierai ».

Une autre chose est étonnante dans ce texte d'aujourd'hui et que nous avions déjà relevée dans le premier chant, dimanche dernier : être lumière pour les nations, être l'instrument de Dieu « pour que son salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre », c'était exactement la vocation du Messie, telle qu'on l'entrevoyait depuis toujours ; seulement il ne s'agit pas ici d'un Messie-Roi mais d'un Messie-Serviteur, ce qui ne nous apparaît pas forcément comme synonyme. Avec les quatre chants du Serviteur du livre d'Isaïe, l'attente messianique prend donc désormais un autre visage.

Reste une question difficile : au début du texte, c'est le Seigneur qui parle pour dire « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je me glorifierai ». Nous comprenons donc que le Serviteur est un personnage collectif, c'est le peuple d'Israël qui est investi d'une mission au service du monde. Le projet de Dieu est universel, mais pour accomplir son projet, il a choisi un peuple particulier, Israël. « Le Seigneur m'a dit : Tu es mon serviteur, Israël, par toi je manifesterai ma splendeur. »

Le problème commence lorsque, quelques lignes plus bas le Serviteur lui-même prend la parole : « Le Seigneur m'a formé dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob et que je lui rassemble Israël ». Si le Serviteur est Israël, comment peut-on dire qu'il rassemblera Israël ?
Là on pense généralement qu'il s'agit du petit noyau des fidèles, le Petit Reste, comme on disait, ceux dont la foi n'a pas chancelé, malgré les années d'exil et de captivité. C'est à eux que Dieu confie la mission de soutenir leurs frères, pour les rassembler et les ramener dans leur pays : comme dit Isaïe : « relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d'Israël »... Mais ce rétablissement du peuple s'inscrit dans le projet de Dieu comme le prélude au salut de toute l'humanité... Car c'est précisément cette oeuvre inespérée de relèvement du peuple par quelques-uns qui sera aux yeux du monde entier un témoignage rendu au Dieu d'Israël.** Alors on comprend mieux la phrase : « Je vais faire de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre ».

****
Compléments
- * C'est précisément parce que les paroles du prophète sont particulièrement audacieuses qu'il insiste pour dire qu'elles sont la Parole même du Seigneur : « Le Seigneur m'a dit... Maintenant, le Seigneur parle... Il parle ainsi »
- ** « Mes témoins à moi, c'est vous - oracle du Seigneur - mon serviteur, c'est vous que j'ai choisis afin que vous puissiez comprendre, avoir foi en moi et discerner que je suis bien tel : avant moi ne fut formé aucun dieu et après moi il n'en existera pas. C'est moi, c'est moi qui suis le Seigneur, en dehors de moi pas de Sauveur. C'est moi qui ai annoncé et donné le salut, moi qui l'ai laissé entendre, et non pas chez vous, un dieu étranger. Ainsi vous êtes mes témoins - oracle du Seigneur - et moi je suis Dieu. » (Is 43, 10 -12).

PSAUME 39 ( 40 )

2 D'un grand espoir, j'espérais le Seigneur,
Il s'est penché vers moi
4 Dans ma bouche il a mis un chant nouveau
une louange à notre Dieu.

7 Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime
8 alors j'ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre est écrit pour moi
9 ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j'aime :
ta loi me tient aux entrailles.

10 Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
11 J'ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

« Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu ne demandais ni holocauste ni victime... » : curieuse phrase dans un psaume quand on sait que les psaumes étaient faits pour être chantés au temple de Jérusalem au moment même où on offrait des sacrifices ! En fait on voulait dire par là : je sais, Seigneur, que ce qui compte le plus à tes yeux, ce n'est pas le sacrifice en lui-même, c'est l'attitude du coeur qu'il représente. « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime alors j'ai dit : « Voici, je viens. »

Toute la Bible est l'histoire d'un long apprentissage et, avec ce psaume 39, nous sommes à la phase finale de ce qu'on peut appeler la pédagogie des prophètes. Je reprends rapidement cette histoire des sacrifices en Israël : elle se développe en même temps que se développe la connaissance de Dieu. C'est logique : « sacrifier », (« sacrum facere » en latin) signifie « faire du sacré », entrer en contact ou mieux en communion avec Dieu. Tout dépend évidemment de l'idée qu'on se fait de Dieu. Donc au fur et à mesure qu'on découvre le vrai visage de Dieu, la pratique sacrificielle va changer.
Je commence par le début : Première chose à retenir : ce n'est pas Israël qui a inventé la démarche du Sacrifice ou de l'offrande : (il y en a chez les autres peuples du Moyen Orient bien avant que le peuple hébreu ne mérite le nom de peuple).

Deuxième constatation lorsqu'on s'intéresse à la pratique sacrificielle d'Israël : il y a toujours eu des offrandes et des sacrifices en Israël tout au long de l'histoire biblique. Il y a une très grande variété de sacrifices mais tous sont un moyen de communiquer avec Dieu.

Troisième point : les sacrifices pratiqués par le peuple élu ressemblent à ceux de leurs voisins... oui, mais à une exception près et une exception qui est colossale : la spécificité des sacrifices en Israël, c'est que les sacrifices humains sont strictement interdits. C'est une constante dans la Bible : les sacrifices humains sont de tout temps considérés comme une horreur ; Jérémie dit de la part de Dieu : « cela je ne l'ai jamais demandé et je n'ai jamais eu l'idée de faire commettre une telle horreur... » (Jr 7, 31 ; 19, 6 ; 32, 35). Et dans le fameux récit du sacrifice d'Abraham, celui-ci a découvert que « sacrifier » (« faire sacré ») ne veut pas dire « tuer » ! Abraham a offert son fils, il ne l'a pas tué.

Si on y réfléchit, c'est tout ce qu'il y a de plus logique ! Dieu est le Dieu de la vie : impensable que pour nous rapprocher de Lui, il faille donner la mort ! Cette interdiction des sacrifices humains sera la première insistance de la religion de l'Alliance. On continuera à pratiquer seulement des sacrifices d'animaux. Mais peu à peu, on va assister au long des siècles à une véritable transformation, on pourrait dire une conversion du sacrifice. Cette conversion va porter sur deux points : sur le sens des sacrifices d'abord, sur la matière des sacrifices ensuite

- 1 ) sur le sens des sacrifices : dans la Bible, au fur et à mesure que l'on découvre Dieu, les sacrifices vont évoluer. En fait, on pourrait dire : « dis-moi tes sacrifices, je te dirai quel est ton Dieu ». Notre Dieu est-il un Dieu qu'il faut apprivoiser ? Dont il faut obtenir les bonnes grâces ? Auprès duquel il faut acquérir des mérites ? Un Dieu courroucé qu'il faut apaiser ? Un Dieu qui exige des morts ? Alors nos sacrifices seront faits dans cet esprit là, ce seront des rites magiques pour acheter Dieu en quelque sorte.
Ou bien notre Dieu est-il un Dieu qui nous aime le premier... un Dieu dont le dessein n'est que bienveillant... dont la grâce est acquise d'avance, parce qu'il n'est que Grâce... le Dieu de l'Amour et de la Vie. Et alors nos sacrifices seront tout autres. Ils seront des gestes d'amour et de reconnaissance. Les rites ne seront plus des gestes magiques mais des signes de l'Alliance conclue avec Dieu.
Toute la Bible est l'histoire de ce lent apprentissage pour passer de la première image de Dieu à la seconde. C'est nous qui avons besoin d'être apprivoisés, qui avons besoin de découvrir que tout est « cadeau », qui avons besoin d'apprendre à dire simplement « MERCI » (Ce que la Bible appelle le « sacrifice des lèvres »). Toute la pédagogie biblique vise à nous faire quitter la logique du « donnant-donnant », du calcul, des mérites, pour entrer dans la logique de la grâce, du don gratuit. Et notre apprentissage n'est jamais fini.

- 2 ) la conversion va aussi porter sur la matière des sacrifices : les prophètes ont joué un grand rôle dans ce lent apprentissage du peuple élu. Ils lui ont fait découvrir peu à peu le véritable sacrifice que Dieu attend : un peu comme si les prophètes nous disaient : « tu veux entrer en relation avec Dieu...? Fort bien ! ... à condition de ne pas te tromper de Dieu ! »
C'est peut-être une phrase du prophète Osée (au 8ème siècle) qui résume le plus parfaitement cette prédication des prophètes. Osée 6, 6 : « c'est l'amour que je veux et non les sacrifices ». On découvre peu à peu que le véritable « sacrifice », « faire sacré » consiste non plus à tuer mais à faire vivre. Dieu est le Dieu des vivants : donner la mort ne peut pas être la meilleure façon de nous rapprocher de Lui ! Faire vivre nos frères, voilà la seule manière de nous rapprocher de Lui.

Et l'ultime étape de cette pédagogie des prophètes nous présentera l'idéal du sacrifice : c'est le service de nos frères. Nous trouvons cela dans les 4 Chants du Serviteur qui sont inclus dans le 2ème livre d'Isaïe. L'idéal du Serviteur qui est l'idéal du sacrifice, c'est « une vie donnée pour faire vivre ».

Le psaume 39 résume donc admirablement la découverte biblique sur le Sacrifice : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice ... Tu as ouvert mes oreilles » : depuis l'aube de l'humanité, Dieu « ouvre l'oreille » de l'homme pour entamer avec lui le dialogue de l'amour ; le psaume 39 reflète le long apprentissage du peuple élu pour entrer dans ce dialogue : dans l'Alliance du Sinaï, les sacrifices d'animaux symbolisaient la volonté du peuple d'appartenir à Dieu ; dans l'Alliance Nouvelle, l'appartenance est totale : le dialogue est réalisé ; offrandes et sacrifices sont « spirituels » comme dira Saint Paul ; « Tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j'ai dit voici, je viens ».

DEUXIEME LECTURE - 1 Corinthiens 1 , 1 - 3

1 Moi, Paul,
appelé par la volonté de Dieu pour être Apôtre du Christ Jésus :
avec Sosthène notre frère, je m'adresse à vous
2 qui êtes, à Corinthe, l'Eglise de Dieu,
vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus,
vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint,
avec ceux qui, en tout lieu,
invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ,
leur Seigneur et le nôtre.
3 Que la grâce et la paix soient avec vous,
de la part de Dieu notre Père
et de Jésus Christ le Seigneur.

Voilà un texte magnifique pour dire notre dignité de baptisés ! Il est heureux qu'il ait été choisi pour ce dimanche qui marque notre retour au temps qu'on appelle « ordinaire » dans la liturgie. Cela nous donne l'occasion de retrouver le sens de ce mot : « ordinaire » en liturgie ne veut pas dire « sans importance », cela veut dire tout simplement « dans l'ordre de l'année ». Car évidemment, ce que nous célébrons chaque dimanche n'a rien d'ordinaire au sens courant de ce mot ! Saint Paul vient ici à point nommé nous dire la grandeur de notre titre de chrétiens.

Pour reprendre les termes de Paul, nous sommes ceux qui, en tout lieu, invoquons « le nom de notre Seigneur Jésus Christ ». « Invoquer le nom », cela veut dire « reconnaître comme Dieu ». Mais d'ailleurs, quand Paul emploie pour Jésus le mot « Seigneur », cela veut dire la même chose, car, à l'époque, le mot « Seigneur » ne s'appliquait qu'à Dieu.

Le point commun de tous les chrétiens, c'est que Jésus-Christ est vraiment pour nous le Seigneur, c'est-à-dire le maître de nos vies, le centre du monde et de l'histoire. C'est pour cela, d'ailleurs, que Paul nous appelle « le peuple saint ». Saint ne veut pas dire « parfait », cela veut dire « qui appartient à Dieu » : nous appartenons à Dieu, par le baptême, nous avons été consacrés à Dieu : c'est pour cela que l'assemblée mérite elle aussi d'être encensée au cours de la messe.

A l'inverse, je crois que si Jésus-Christ n'est pas vraiment pour nous le Seigneur, s'il n'est pas pour nous, dans nos conversations et nos agissements, le centre du monde et de l'histoire, il faut nous interroger sur le contenu de notre foi. Vous avez remarqué, d'ailleurs, que, dans ces quelques lignes, Paul cite plusieurs fois le nom du Christ : « Moi, Paul, appelé par la volonté de Dieu, pour être Apôtre du Christ Jésus... je m'adresse à vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus ... vous qui êtes le peuple saint, avec ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ... que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ le Seigneur ».

Autre point commun à tous les Chrétiens du monde, de quelque race, nationalité ou confession : nous sommes des « appelés » ! Je cite : « Appelé par la volonté de Dieu, je m'adresse à vous qui êtes, à Corinthe, l'Eglise de Dieu ». Paul est « apôtre du Christ Jésus », non par choix personnel mais parce qu'il a été appelé à cette mission par une volonté explicite de Dieu. On sait à quel point c'est vrai ! Paul n'a pas choisi cette mission d'apôtre du Christ, c'est Jésus lui-même qui l'a choisi sur le chemin de Damas. L'autorité de Paul lui vient de là : il a été appelé, il est en service commandé.

Et il s'adresse à « L'Eglise qui est à Corinthe ». Le mot « Eglise » à lui tout seul est aussi une référence à l'appel de Dieu : en grec, le mot « ecclesia » est de la même famille que le verbe « appeler » (Kaleo). Et comme si le mot « ecclesia » n'était pas assez clair, Paul précise « vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint ». L'expression « L'Eglise de Dieu qui est à Corinthe » (par exemple), ou à Jérusalem ou à Paris, est devenue traditionnelle. Où que nous soyons, nous sommes les « appelés » de Dieu. Nous aussi, nous sommes en service commandé ! Nous sommes appelés à être des « serviteurs » au sens que le prophète Isaïe donne à ce mot dans la première lecture de ce dimanche « pour que le salut de Dieu parvienne jusqu'aux extrémités de la terre » (Is 49, 6).

En même temps, Paul rappelle bien le lien qui unit la communauté de Corinthe aux autres communautés chrétiennes : « Je m'adresse à vous qui êtes, à Corinthe, l'Eglise de Dieu... vous qui êtes le peuple saint avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, leur Seigneur et le nôtre ». Il est intéressant de noter que Paul emploie le mot Eglise tout aussi bien pour désigner une communauté locale que l'Eglise dans son ensemble. Chaque communauté particulière est, par appel de Dieu, pleinement témoin de l'amour universel du Père : une Eglise locale ne se réduit donc pas à sa réalité géographique ou sociologique, elle a toujours vocation à l'universel. Voilà qui devrait élargir nos prières dites « universelles ».

L'étendue de la mission ne doit pas nous décourager pour autant : ce qui nous est demandé est à notre portée. Le Seigneur ne nous demande pas des gestes extraordinaires : il suffit d'être tout simplement disponible à la volonté du Père. Vous vous rappelez les termes du psaume de ce dimanche : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j'ai dit : « Voici, je viens. » Nous pouvons donc faire sereinement au jour le jour notre petit possible et avoir le cœur en paix. C'est ce que nous souhaite Paul : « Que la grâce et la paix soient avec vous ». C'est vraiment le plus beau souhait que l'on puisse s'adresser les uns aux autres en cette période de vœux de début d'année !

Je remarque, au passage, qu'à plusieurs reprises, la liturgie eucharistique fait écho à cette phrase de Paul, en gestes et en paroles. Le plus marquant est évidemment le geste de paix, avec la parole qui l'accompagne : nous reprenons la phrase de Paul chaque fois que nous transmettons à notre voisin « la paix du Christ ». Et chaque fois que le prêtre nous dit « Le Seigneur soit avec vous », c'est bien dans la grâce et la paix du Christ qu'il nous invite à nous laisser immerger.

EVANGILE Jean 1 , 29 - 34

29 Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit :
« Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ;
30 c'est de lui que j'ai dit :
derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi,
car avant moi il était.
31 Je ne le connaissais pas ;
mais, si je suis venu baptiser dans l'eau,
c'est pour qu'il soit manifesté au peuple d'Israël. »
32 Alors Jean rendit ce témoignage :
« J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe
et demeurer sur lui.
33 Je ne le connaissais pas,
mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit :
L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer,
c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint.
34 Oui, j'ai vu et je rends ce témoignage :
c'est lui le Fils de Dieu. »

La dernière formule est très solennelle : « Oui, j'ai vu et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu. » A l'époque de Jean-Baptiste, il ne s'agissait pas encore de l'affirmation théologique au sens où nous disons aujourd'hui que Jésus est le Fils de Dieu, ou au sens de Saint Jean dans son Prologue, quand il dit « le Fils Unique, plein de grâce et de vérité » ; cette expression était synonyme de Messie ; pour Jean-Baptiste, c'était donc une manière de dire que Jésus était bien le Messie qu'on attendait, celui qui devait apporter le bonheur parfait sur la terre. Jean-Baptiste ne pouvait pas encore tout percevoir du mystère de Jésus, (la suite a prouvé qu'il s'est posé bien des questions), mais appliquer ce titre de Messie à son cousin, le fils de Marie, c'était déjà considérable !

Pourquoi ce titre de « messie » et de fils de Dieu étaient-ils équivalents ? Parce que chaque roi, lorsqu'il prenait possession du trône de Jérusalem, recevait ces deux titres. Le rite de l'onction d'huile faisait de lui un consacré, un « messie » (le mot veut dire « frotté d'huile », tout simplement) et d'autre part, il recevait le titre de fils de Dieu, du seul fait qu'il était le roi et que, désormais, il pouvait être assuré que Dieu l'inspirait et le soutenait à tout instant.

Voilà donc Jésus désigné par Jean-Baptiste comme le Messie qu'on attendait déjà depuis quelques siècles. Evidemment, on se demande ce qui permet à Jean-Baptiste d'affirmer avec assurance que Jésus est bien le Messie d'Israël : c'est qu'il a vu de ses yeux l'Esprit Saint demeurer sur lui. Et, là encore, la formule est très solennelle : « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint. » Le mot « demeurer » ici est important : chaque roi, le jour de son sacre, recevait l'onction d'huile, signe de l'Esprit qui l'accompagnait dans toute sa mission. De David, par exemple, on disait que l'Esprit de Dieu avait fondu sur lui à ce moment-là ; seulement voilà, les uns après les autres, les rois d'Israël avaient fait la preuve qu'ils pouvaient fort bien ne pas suivre les inspirations de l'Esprit. De Jésus au contraire, Jean-Baptiste nous dit qu'il est celui sur qui l'Esprit demeure, manière de nous dire que toute son action sera aussi celle de l'Esprit.

Le Messie, on le savait donc, serait habité, guidé en permanence par l'Esprit de Dieu et c'est lui qui devait apporter l'Esprit saint à toute l'humanité. Le prophète Joël avait annoncé de la part de Dieu : « En ces jours-là, je répandrai mon Esprit sur toute chair ». Donc, quand Jean-Baptiste dit « Jésus est le fils de Dieu » ou « j'ai vu l'Esprit descendre et demeurer sur lui », ce sont deux manières absolument équivalentes de dire : le Messie est enfin parmi nous.
Ce mystère de Jésus, Jean-Baptiste le décrit encore d'une troisième manière, mais cette fois, totalement inattendue, ou presque : il dit « Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». La majorité du peuple d'Israël attendait un Messie-roi : il régnerait à Jérusalem (ce qui supposait que les Romains ne seraient plus les maîtres), le pays serait libéré de la tutelle étrangère (l'occupation romaine), on connaîtrait enfin la sécurité, la paix, le bonheur. Mais un Messie-agneau, bien peu de gens en parlaient ! Il semble donc que Jean-Baptiste a bien deviné que Jésus serait bien le Messie qu'on attendait, mais pas du tout comme on l'attendait !

L'agneau, cela fait penser d'abord à l'agneau pascal : le rite de la Pâque chaque année, rappelait au peuple que Dieu l'avait libéré ; la nuit de la libération d'Egypte, Moïse avait fait pratiquer par le peuple le rite traditionnel, mais il avait insisté « désormais, chaque année, ce rite vous rappellera que Dieu est passé parmi vous pour vous libérer. Le sang de l'agneau signe votre libération ».

L'Agneau, cela fait penser aussi au Serviteur de Dieu dont parle le deuxième livre d'Isaïe (53) : il était comparé à un agneau innocent qui portait les péchés de la multitude.

Enfin « l'Agneau de Dieu » signifie l'Agneau donné par Dieu : là je pense à l'offrande d'Abraham : quand Isaac avait posé à son père la question « mais où est donc l'agneau pour l'holocauste ? », Abraham avait répondu : « C'est Dieu qui pourvoiera à l'agneau pour l'holocauste, mon fils ».

Quand Jean-Baptiste dit que Jésus est l'agneau de Dieu, il le présente donc comme le libérateur de l'humanité (c'est l'agneau pascal) ; cet agneau est envoyé par Dieu, choisi par Dieu comme dans le récit d'Abraham ; mais en faisant référence au serviteur d'Isaïe, il laisse entendre que cette œuvre de libération de l'humanité sera accomplie par un innocent qui donne sa vie pour sauver ses frères.

Il reste que le péché n'a pas encore disparu, que je sache ! Alors, en quoi pouvons-nous dire que Jésus est réellement le messie, le libérateur de l'humanité ? La vérité, c'est que le péché n'est plus une fatalité : le Christ nous apporte la possibilité de nous libérer de son engrenage. Si nous restons greffés résolument sur lui dans toutes les circonstances de notre vie, si nous nous laissons en permanence guider par l'Esprit Saint dans lequel nous sommes plongés depuis notre baptême, nous pouvons découvrir en nous cette liberté nouvelle. Nous pouvons vivre comme lui l'amour, la gratuité, le pardon.

Par ailleurs, la référence au serviteur d'Isaïe nous donne la clé du mystère : Isaïe avait deviné que l'œuvre du salut de l'humanité ne serait pas l'œuvre d'un homme solitaire mais d'un peuple ; les chrétiens du monde entier forment ce peuple que saint Paul appelle le « Corps du Christ » qui grandit d'heure en heure si nous laissons l'Esprit de Dieu agir en nous.

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