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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 09:28

marie-nolle-thabut.jpg Je suis, chaque dimanche, impressionné par la qualité des commentaires de Marie-Noëlle Thabut sur les textes que nous propose la liturgie du jour.

 

Ces commentaires, trouvés sur le site "Eglise catholique en France", permettent à toute personne de bonne volonté, chrétienne ou non, de mieux comprendre la Bible, le livre le plus diffusé au monde. Notamment, en

  • donnant des explications historiques ;

  • décodant le langage imagé utilisé par l'auteur.

Je souhaite arriver à mettre ici, chaque dimanche, les commentaires de Marie-Noëlle Thabut. Ma seule contribution consiste à surligner les passages que je trouve les plus enrichissants et à écrire en rouge ceux qui parlent d'un thème qui m'est cher : la liberté (trois autres pages de mon blog sont consacrées à ces passages des Evangiles, du reste du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament qui parlent de la liberté, directement ou indirectement)

 

Version audio (le lien sera inopérant dans un premier temps), trouvée sur le site de Radio-Notre-Dame

 

PREMIERE LECTURE - Deutéronome 11, 18. 26-28. 32

Moïse disait au peuple d'Israël :
18 Les commandements que je vous donne,
mettez-les dans votre coeur, dans votre âme.
Attachez-les à votre poignet comme un signe,
fixez-les comme une marque sur votre front.
26 Aujourd'hui je vous donne le choix
entre la bénédiction et la malédiction :
27 bénédiction si vous écoutez
les commandements du Seigneur votre Dieu,
que je vous donne aujourd'hui ;
28 malédiction si vous n'écoutez pas
les commandements du Seigneur votre Dieu,
si vous abandonnez le chemin que je vous prescris aujourd'hui
pour suivre d'autres dieux que vous ne connaissez pas.
32 Veillez à mettre en pratique les décrets et les commandements
que je vous présente aujourd'hui.
Tout le livre du Deutéronome se présente comme la dernière prédication de Moïse (sauf le dernier chapitre qui raconte sa mort) ; tout se passe comme si, juste avant de mourir, Moïse rappelait à son peuple le chemin parcouru, et lui donnait ses dernières recommandations ; ce serait un peu son testament, en somme. En réalité, il s'agit d'une œuvre beaucoup plus tardive d'un auteur anonyme qui a pris le pseudonyme de Moïse pour donner plus de poids à sa prédication. Car l'enjeu est de taille. Au huitième siècle, le royaume du nord a été balayé par l'empire assyrien en 721 ; c'est cette catastrophe qui est sans cesse méditée par notre prédicateur ; il y voit la conséquence directe de l'oubli des commandements de Dieu et de la retombée dans l'idolâtrie. Si seulement on avait obéi aux commandements de Moïse, on n'en serait pas arrivés là.

A l'heure, où, à son tour, le royaume du sud est menacé, par l'empire de Babylone cette fois, notre prédicateur issu du nord tire la sonnette d'alarme. Il cherche à mettre en garde le royaume du Sud, s'il en est encore temps : il faut de toute urgence retrouver la ferveur première, rompre avec toute forme d'idolâtrie, revenir à la pratique fidèle des commandements.
Une bonne manière de faire respecter les commandements est d'inciter les fidèles à se les rappeler sans cesse : « Les commandements que je vous donne, mettez-les dans votre coeur, dans votre âme. » Un peu plus haut, cette nécessité est affirmée plus fortement encore ; voici un passage du chapitre 6 : « Les paroles que je te donne aujourd'hui seront présentes à ton coeur : tu les répéteras à tes fils ; tu les leur diras quand tu resteras chez toi et quand tu marcheras sur la route... Quand tu seras couché et quand tu seras debout... » Belle manière de dire que c'est à tout instant, au coeur de chacune de ses occupations que le croyant doit resté attaché de tout son être à ces commandements qui lui ont été donnés pour son bonheur.

Très concrètement, c'est pour cela qu'on a inventé les « tephilin » (en grec, on disait les « phylactères »). Ce sont deux petits cubes de cuir noir que les Juifs pieux, encore aujourd'hui, attachent par des lanières sur leur tête au-dessus du front et sur leur bras gauche (au niveau du cœur) au moment de la prière : dans ces petites boîtes sont roulés des morceaux de parchemin portant des paroles de la Loi, dont plusieurs passages du livre du Deutéronome, justement. Dans le texte d'aujourd'hui, nous avons lu : « Attachez-les à votre poignet comme un signe, fixez-les comme une marque sur votre front. »
C'est dans le même esprit que l'on suspend au chambranle de la porte de chaque appartement un petit étui (qu'on appelle une « mezouza ») et qui renferme les mêmes textes. On en trouve également accrochées aux portes de la vieille ville de Jérusalem, et quand on atterrit à Tel Aviv, on est accueillis dans l'aéroport par une grande mezouzah ; car un autre commandement du Deutéronome dit : « Tu les inscriras sur les montants de porte de ta maison, tu les inscriras à l'entrée de ta ville. »

J'ai dit un peu plus haut que ces commandements ont été donnés à Israël pour son bonheur. Cela aussi c'est une grande insistance du livre du Deutéronome ; l'auteur y revient sans cesse : « Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ces commandements et ces ordres, que je te prescris aujourd'hui, et tu auras longue vie. Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t'apportera bonheur et fécondité, dans un pays où ruissellent le lait et le miel, comme te l'a promis le Seigneur, le Dieu de tes pères. » (Dt 6, 2-3). Et chaque père en Israël doit inculquer cette conviction à ses fils en leur disant : « Le SEIGNEUR nous a ordonné de mettre en pratique toutes ces lois... pour que nous soyons heureux tous les jours, et qu'il nous garde vivants comme nous le sommes aujourd'hui. » (6, 24). On peut en déduire que la désobéissance aux commandements fera notre malheur.

Dans notre texte d'aujourd'hui, cela est dit d'une autre manière : « Aujourd'hui je vous donne le choix entre la bénédiction et la malédiction : bénédiction si vous écoutez les commandements du Seigneur votre Dieu, que je vous donne aujourd'hui ; malédiction si vous n'écoutez pas les commandements du Seigneur votre Dieu, si vous abandonnez le chemin que je vous prescris aujourd'hui pour suivre d'autres dieux que vous ne connaissez pas. » On peut ici remplacer le mot « bénédiction » par bonheur et le mot « malédiction » par malheur.

Cette formule nous surprend peut-être, mais elle est calquée sur les traités d'alliance qui étaient en usage dans le Proche Orient Ancien : lorsque le suzerain accordait sa protection à son vassal, le traité qu'ils signaient entre eux se présentait sous cette forme : bénédiction et protection du suzerain si le vassal se conforme aux clauses de l'alliance, malédiction si le vassal se rebelle et refuse de payer le tribut par exemple. Spontanément, on a repris ce mode de langage pour parler de l'Alliance entre Dieu et son peuple. On voulait dire par là que Dieu doit être le seul maître en Israël.

Dans les relations entre un suzerain de la terre et son vassal, on est et on reste sur ce registre du donnant-donnant ; le suzerain ne manquera pas de retirer sa protection si le vassal manque à ses engagements. Dans notre relation à Dieu, dès l'Ancien Testament, on a compris peu à peu que Dieu ne nous retire jamais sa protection ; mais on a compris aussi que Dieu ne veut que le bonheur de son peuple, et que les commandements n'ont pas d'autre but que de nous apprendre à vivre en harmonie les uns avec les autres. De manière imagée, on dit que choisir le chemin de Dieu, c'est marcher sur le chemin du bonheur, et choisir un autre chemin (au sens de comportement), revient à semer du malheur entre les hommes.

C'est dans le même esprit que Jésus a prononcé le discours des Béatitudes.

PSAUME 30 ( 31 ), 3bc-4, 17. 20cd, 24ab. 25

3 Seigneur, sois le rocher qui m'abrite,
la maison fortifiée qui me sauve.
4 Ma forteresse et mon roc, c'est toi ;
pour l'honneur de ton nom, tu me guides et me conduis.
17 Sur ton serviteur, que s'illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour !
20 Tu combles à la face du monde,
ceux qui ont en toi leur refuge.
24 Aimez le Seigneur, vous, ses fidèles,
le Seigneur veille sur les siens.
25 Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez dans le Seigneur !


3 Seigneur, sois le rocher qui m'abrite,
la maison fortifiée qui me sauve.
4 Ma forteresse et mon roc, c'est toi ;
pour l'honneur de ton nom, tu me guides et me conduis.
17 Sur ton serviteur, que s'illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour !
20 Tu combles à la face du monde,
ceux qui ont en toi leur refuge.
24 Aimez le Seigneur, vous, ses fidèles,
le Seigneur veille sur les siens.
25 Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez dans le Seigneur !

« Père, en tes mains, je remets mon esprit », c'est la dernière phrase de Jésus sur la croix (dans l'évangile de Luc) ; elle est extraite de ce psaume 30 ; et au fond, elle le résume assez bien. Car, d'un bout à l'autre de ses 25 versets, il est une prière de supplication tout empreinte de confiance. Ce qui est bien la grande caractéristique d'Israël.

Depuis l'Exode, le peuple sait qu'il peut mettre sa confiance en Dieu. Le SEIGNEUR du buisson ardent a promis d'être à tout instant auprès de ses enfants et il a tenu promesse. A Massa et Meriba, par exemple, au moment même où l'on doutait de lui, parce que la soif se faisait cruellement sentir, il a fait jaillir l'eau du rocher ; et, depuis ce jour on dit volontiers que Dieu est notre rocher ; on l'a entendu ici : « Seigneur, sois le rocher qui m'abrite, la maison fortifiée qui me sauve. Ma forteresse et mon roc, c'est toi. » (Peut-être Jésus pensait-il à ce psaume lorsqu'il proposait à ses disciples la parabole de la maison bâtie sur le roc).
La suite du psaume est également une allusion à l'Exode : « Pour l'honneur de ton nom, tu me guides et me conduis. » Ici, Dieu est plutôt comparé à un berger, ce qui est également un thème cher aux psalmistes en général ; on se souvient du psaume 94 (95) : « Il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu'il conduit, le troupeau guidé par sa main. » D'ailleurs ce psaume 94, lui aussi, appelait Dieu notre rocher : « Venez, crions de joie pour le SEIGNEUR, acclamons notre rocher, notre salut ! »

Ceci dit, lorsque viennent les épreuves, garder confiance peut être difficile ; on sent ici qu'il y faut parfois un effort de volonté, une véritable résolution : le psalmiste multiplie les assurances de fidélité : il emploie les mots de « serviteur », « fidèles », les expressions comme « les siens »... « ceux qui ont en toi leur refuge ». Je vous le redis : « Sur ton serviteur, que s'illumine ta face... Tu combles à la face du monde, ceux qui ont en toi leur refuge... Aimez le Seigneur, vous, ses fidèles, le Seigneur veille sur les siens. » Et « aimer » Dieu en langage biblique veut dire « lui faire confiance » et donc, très concrètement, obéir à ses commandements.
Le livre du Deutéronome, que nous lisons pour ce dimanche en première lecture, dit bien que cette fidélité aux commandements de Dieu est le secret du bonheur : « Aujourd'hui je vous donne le choix entre la bénédiction et la malédiction : bénédiction si vous écoutez les commandements du Seigneur votre Dieu, que je vous donne aujourd'hui ; malédiction si vous n'écoutez pas les commandements du Seigneur votre Dieu, si vous abandonnez le chemin que je vous prescris aujourd'hui pour suivre d'autres dieux que vous ne connaissez pas. » C'était ce que l'on appelle « le thème des deux voies » ; c'est-à-dire que, sans cesse, deux chemins s'ouvrent devant nous et que nous avons un choix à faire. Notre psaume reprend ce thème des deux voies de manière indirecte mais très claire ; il dit : « j'ai fait mon choix, j'ai décidé de ne m'appuyer que sur le Seigneur, j'ai fait de lui le rocher sur lequel je construis ma maison ».

Enfin la phrase « Sur ton serviteur, que s'illumine ta face » est une demande de bénédiction : elle évoque la célèbre formule de bénédiction du livre des Nombres : « Que le Seigneur vous bénisse et vous garde, qu'il fasse sur vous rayonner son visage, que le Seigneur vous découvre sa face... » (Nb 6, 24-26). A vrai dire, on sait bien que Dieu nous bénit sans cesse ; mais le lui demander, c'est préparer notre coeur à accueillir cette bénédiction.
Enfin, une remarque sur le dernier verset : « Soyez forts, prenez courage, vous tous qui espérez dans le Seigneur ! » ; espérer, ici, veut dire « attendre ». C'est encore une des grandes caractéristiques du peuple de la Bible ; il est le peuple de l'attente. Qu'attend-il ? L'accomplissement du grand projet de Dieu, la venue du Jour « J », si j'ose dire, ce jour où Dieu, enfin, établira définitivement son royaume d'amour sur l'humanité tout entière. Le psaume 26 (27) que nous chantons souvent se termine presque de la même manière : « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur ». Le peuple juif sait que, lorsque, grâce au Messie, le Jour de Dieu se lèvera, la paix s'imposera entre les hommes, les peuples et toutes les créatures de l'univers. Même si ce jour tarde, on sait qu'il ne peut manquer d'arriver.

On connaît la réponse de saint Pierre à des chrétiens qui trouvaient bien longue cette attente : « Il y a une chose en tout cas, mes amis, que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Non, le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu'il a du retard, mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent mais que tous parviennent à la conversion... Nous attendons selon sa promesse des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habitera. » (2 P 3, 8. 13).
Enfin, je terminerai par la profession de foi de Maïmonide (rabbin, médecin à Tolède, au 12ème siècle) : « Je crois d'une foi parfaite en la venue du Messie, et même s'il tarde à venir, en dépit de tout cela, je l'attendrai jusqu'au jour où il viendra. »

 

DEUXIEME LECTURE - Romains 3, 21 - 25a. 28

Frères,
tous les hommes sont dominés par le péché ;
la loi de Moïse, elle, servait seulement à faire connaître le péché.
21 Mais aujourd'hui, indépendamment de la Loi,
Dieu a manifesté sa justice qui nous sauve :
la Loi et les prophètes en sont déjà témoins.
22 Et cette justice de Dieu,
donnée par la foi en Jésus Christ,
elle est pour tous ceux qui croient.
En effet, il n'y a pas de différence :
23 tous les hommes sont pécheurs,
ils sont tous privés de la gloire de Dieu,
24 lui qui leur donne d'être des justes par sa seule grâce,
en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus.
25 Car Dieu a exposé le Christ sur la croix
afin que, par l'offrande de son sang,
il soit le pardon pour ceux qui croient en lui.
28 En effet, nous estimons que l'homme devient juste par la foi,
indépendamment des actes prescrits par la loi de Moïse.

Dans ces quelques lignes, Saint Paul résume deux articles majeurs de sa prédication. Premièrement, tous les hommes, qu'ils soient juifs ou non, ont besoin d'être sauvés. Deuxièmement, tous, qu'ils soient juifs ou non, le sont par Jésus-Christ.

Premièrement, tous les hommes, qu'ils soient juifs ou non, ont besoin d'être sauvés. Car, à ses yeux tous sont pécheurs. Autrement dit, chez tous les hommes, il y a une incapacité congénitale à faire le bien, à vivre en harmonie les uns avec les autres, à pratiquer la justice et le partage des biens. Sans parler des désordres auxquels certains se livrent, semant la souffrance ou la guerre autour d'eux.
Paul a consacré les deux premiers chapitres de cette lettre aux Romains à décrire cette situation qu'il qualifie de « péché » ; chez les païens d'abord, la méconnaissance du Créateur qui les a conduits sur des chemins sans issue ; celui de l'idolâtrie : « ils ont troqué la gloire du Dieu incorruptible contre des images représentant l'homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, des reptiles... ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, (ils ont) adoré et servi la créature au lieu du Créateur. » (1, 23... 25) ; celui du désordre moral, échangeant « les rapports naturels pour des rapports contre nature » (1, 28). « Remplis de toute sorte d'injustice, de perversité, de cupidité, de méchanceté, pleins d'envie, de meurtres, de querelles, de ruse, de dépravation... ils ne se bornent pas à les accomplir, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent. » (1, 29... 32).

Les juifs, eux, avaient reçu la Loi de Moïse et les meilleurs tentaient de l'appliquer ; elle était pour eux un guide sur le chemin du bien ; mais tous les juifs ne réussissaient pas à la pratiquer ; à ceux-là, Paul dit : « Toi qui portes le nom de Juif, qui te reposes sur la Loi et qui mets ton orgueil en Dieu... Toi qui enseignes autrui, tu ne t'enseignes pas toi-même... Tu déshonores Dieu en transgressant la Loi ! » (2, 17... 23).

C'est pourquoi Paul conclut : « Il n'y a pas de différence : tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de Dieu ». C'est-à-dire ils ne parviennent pas à vivre en communion avec Dieu.
Et voici, maintenant, le deuxième article de la prédication de Paul : tous les hommes, qu'ils soient juifs ou non, sont sauvés par Jésus-Christ. Car, depuis la venue du Christ, depuis sa mort et sa résurrection, tout a changé ; désormais, nous pouvons ne plus être esclaves de tous ces comportements mauvais dont nous n'arrivons pas à nous débarrasser par nous-mêmes. Le péché n'est plus une fatalité : c'est cela que nous appelons être libérés du péché. Nous ne pouvions pas être des justes, par nos seules forces, mais nous le devenons si nous vivons de la vie même de Jésus. Pour cela, une seule condition, accueillir simplement, humblement, cette vie nouvelle qu'il nous insuffle. C'est cet accueil que Paul appelle la foi : « l'homme devient juste par la foi », dit-il.

Paul insiste sur la gratuité de cette oeuvre de Dieu et du Christ : « Dieu donne aux hommes d'être des justes par sa seule grâce... (Il) a manifesté sa justice qui nous sauve. » Si l'oeuvre de Dieu est gratuite, comme Paul le dit, cela signifie que nous n'avons aucun mérite à faire valoir pour cela. Nous en avons un bon exemple en la personne du bon larron : d'après l'évangile de Luc, cet homme crucifié en même temps que Jésus, n'avait, lui non plus, lui surtout peut-être, aucun mérite à faire valoir. Son dialogue avec l'autre condamné est éloquent : il reconnaît : « Nous recevons ce que nos actes ont mérité ». Et il lui a suffi de cet instant de vérité et de sa confiance en Jésus pour s'entendre dire : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis. » (Lc 23, 43).

Mais, dit-on parfois, ceci est trop facile : si Dieu ne nous punit jamais, nous allons faire n'importe quoi ! Paul est bien la preuve du contraire ! C'est à partir du jour où il a cessé de vouloir gagner son salut à force de pratiques religieuses admirables et où il a compris que Dieu lui avait tout pardonné sans conditions qu'il est devenu un apôtre infatigable de Jésus-Christ. Certes, s'il suffit de croire en Jésus pour être sauvé, cela peut sembler facile ; mais cela deviendra vite exigeant, car, évidemment, si nous voulons être cohérents, c'est toute notre vie qui va être transformée, modelée sur celle de Jésus. Il suffit, là encore, de regarder comment saint Paul a changé de vie après l'événement de Damas. Quand Paul affirme : « l'homme devient juste par la foi, indépendamment des actes prescrits par la loi de Moïse », il dit bien que Dieu nous sauve simplement par pure grâce, mais il suffit de lire ses lettres pour reconnaître qu'il ne nous invite pas au laxisme !

Reste une question : que veut dire Paul quand il parle de « la rédemption accomplie dans le Christ Jésus » et il continue : « Car Dieu a exposé le Christ sur la croix* afin que, par l'offrande de son sang, il soit le pardon pour ceux qui croient en lui. » Tout d'abord, sang versé veut dire « vie donnée ». En acceptant d'aller jusqu'au bout de son témoignage, et donc de donner sa vie sur la croix, Jésus a réellement témoigné jusqu'où va l'amour de Dieu ; il l'avait dit à Pilate : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » Il avait dit aussi « Qui m'a vu a vu le Père ». Maintenant que nous savons qui est Dieu, grâce à la vie donnée de Jésus, nous pouvons oser la confiance et nous laisser renouveler par lui.

***
*La traduction littérale dit : « Dieu l'a placé propitiatoire », mot difficile, peut-être, mais plus suggestif ; on se rappelle qu'il désignait un objet bien précis du Temple de Jérusalem : dans le Saint des Saints, le couvercle d'or posé sur l'arche d'Alliance et surmonté des chérubins aux ailes déployées ; l'ensemble était considéré comme le trône de Dieu.
Le jour de la fête de l'expiation (Yom Kippour), fête du grand pardon de tous les péchés du peuple d'Israël, le grand prêtre aspergeait le propitiatoire du sang des victimes immolées. Alors le peuple savait que Dieu effaçait (« couvrait » : Kippour et propitiatoire sont de cette racine) les péchés. (Il ne faut pas l'oublier : dans la Bible, le sujet du verbe que nous traduisons par « expier » est toujours Dieu ! On pourrait traduire « Dieu couvre »). Parce que nous avons besoin de signes, Dieu accepte que le sang versé (c'est-à-dire la vie offerte) sur le propitiatoire devienne pour nous signe du pardon accordé. Ainsi est renouée l'alliance vitale entre Dieu et son peuple par l'intermédiaire du sang, symbole de vie. Eh bien, Dieu, dans sa bonté, a accepté que la vie offerte de son fils soit signe de son pardon : « il l'a fait pardon pour nous ».

EVANGILE - Matthieu 7, 21-27

Comme les disciples s'étaient rassemblés
autour de Jésus sur la montagne,
il leur disait :
21 « Il ne suffit pas de me dire : Seigneur, Seigneur !
pour entrer dans le Royaume des cieux ;
mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux.
22 En ce jour-là, beaucoup me diront :
Seigneur, Seigneur,
n'est-ce pas en ton nom que nous avons été prophètes,
en ton nom que nous avons chassé les démons,
en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?
23 Alors je leur déclarerai :
Je ne vous ai jamais connus.
Ecartez-vous de moi, vous qui faites le mal !
24 Tout homme qui écoute ce que je vous dis là
et le met en pratique
est comparable à un homme prévoyant
qui a bâti sa maison sur le roc.
25 La pluie est tombée, les torrents ont dévalé,
la tempête a soufflé et s'est abattue sur cette maison ;
la maison ne s'est pas écroulée,
car elle était fondée sur le roc.
26 Et tout homme qui écoute ce que je vous dis là
sans le mettre en pratique
est comparable à un homme insensé
qui a bâti sa maison sur le sable.
27 La pluie est tombée, les torrents ont dévalé,
la tempête a soufflé, elle a secoué cette maison ;
la maison s'est écroulée,
et son écroulement a été complet. »
Nous sommes à la fin du discours de Jésus sur la montagne, tel que nous le rapporte Saint Matthieu (chap 5, 6, 7). Les versets que nous avons ici en constituent l'exhortation finale : « Tout ce que je vous dis là », il faut maintenant le vivre, et le vivre vraiment : il ne suffira pas de m'avoir avoir écouté, de dire de belles paroles, de faire des choses merveilleuses en mon nom : il faut apprendre à vivre en fils de Dieu.

Dieu est notre Père, vous êtes ses fils, voilà vraiment le thème général, le leitmotiv du discours. Le noyau central en est le Notre Père (6, 9-13), comme un foyer incandescent qui éclaire tout le reste. Si, en effet, au lieu d'en faire une lecture continue, on prend assez de recul pour voir le discours sur la montagne dans son ensemble, on voit qu'il est composé de manière très structurée, autour de la prière du Seigneur.

En partant de là, qu'on lise tout ce qui avait été dit depuis le début du chapitre 5, ou que l'on poursuive jusqu'à la fin du chapitre 7, la logique du discours se déroule de proche en proche comme des cercles concentriques : des convictions s'imposent alors, qui éclairent tous nos comportements, tout le sens de notre vie avec Dieu et avec nos frères. Puisque Dieu est notre Père, nous pouvons être certains qu'il fait continuellement attention à nous, à nos besoins, qu'il est présent au coeur de toute notre vie : « Votre Père sait bien ce dont vous avez besoin, avant même que vous le lui demandiez... (6, 8). « Ton Père est là, dans le secret... « (6, 3).

Si Dieu est notre Père et si nous sommes tous ses enfants, notre amour pour lui ne peut se traduire que par celui que nous avons les uns pour les autres : « Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes... » (6, 14-15). Ne jugez pas... (7, 1) Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, les païens n'en font-ils pas autant...? » (6, 46-47).

On comprend mieux alors les exigences exprimées en cette fin de discours : « Il ne suffit pas de me dire : Seigneur, Seigneur ! pour entrer dans le Royaume des cieux, il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » On lit ici (entre les lignes) la plainte exprimée par Isaïe : « Ce peuple ne s'approche de moi qu'en paroles, ses lèvres seules me rendent gloire, mais son coeur est loin de moi. » (Is 29, 13).

Et il ne suffit même pas de joindre l'action à la prière, il faut entrer vraiment dans la volonté de Dieu telle qu'elle est apparue dans le discours, sa volonté de ne laisser aucun de ses enfants loin de son amour : « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes. » Et la conclusion que Jésus en tire : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre père est parfait. »

On peut très bien accomplir de grandes choses et n'être pourtant pas en communion avec lui ! Ce qui importe au messager du Christ, ce n'est pas son action, si belle soit-elle aux yeux des hommes, c'est d'être en intimité d'amour avec son Maître ; et à croire Jésus, cela se traduit très concrètement dans le comportement quotidien avec les frères : « Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés... vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. » (Jn 15, 12... 14). Dans le même sens, Paul écrira aux Corinthiens : « Quand je parlerais toutes les langues... quand j'aurais le don de prohétie.... la foi qui transporte les montagnes... quand je distribuerais tous mes biens aux pauvres... quand je livrerais mon corps aux flammes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien. » (1 Co 13, 1... 3).

Nous avons entendu dans la première lecture de ce dimanche, au livre du Deutéronome, les paroles de Moïse : il disait bien que l'écoute de la parole de Dieu est inséparable de la pratique : « Les commandements que je vous donne, mettez-les dans votre coeur » ; plus loin, dans le même livre, il précise : « Si tu écoutes vraiment la voix du Seigneur ton Dieu, en veillant à mettre en pratique tous ces commandements que je te donne aujourd'hui... voici toutes les bénédictions qui viendront sur toi et qui t'atteindront, puisque tu auras écouté la voix du Seigneur ton Dieu. » (Dt 28, 1-2).Il est donc important d'écouter, mais cela ne suffit pas : il faut encore mettre en pratique. C'est bien ce que rappelle sous forme d'antithèse la parabole des deux maisons. La maison palestinienne n'avait pas de fondations, sa solidité dépendait de la qualité du sol sur lequel elle était construite : un bâtisseur avisé choisissait le roc. De la même manière, Jésus déclare « avisé », le serviteur fidèle que le maître trouve à son travail (Mt 24, 46), « avisées » également les jeunes filles qui ont encore de l'huile dans leur lampe à l'arrivée de l'époux (Mt 25, 10). A bon entendeur... Salut !

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